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Observation (CEACR) - adopted 2019, published 109th ILC session (2021)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Thailand (Ratification: 1969)

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Article 1 a) de la convention. Sanctions pénales comportant l’obligation de travailler imposées pour punir l’expression de certaines opinions politiques. Depuis un certain nombre d’années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que l’article 112 du Code pénal punit d’une peine de trois à quinze ans d’emprisonnement quiconque diffame, insulte ou menace le Roi, la Reine, le Prince héritier ou le Régent, et que les articles 14 et 15 de la loi de 2007 sur les délits informatiques punissent de peines pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement l’utilisation d’un ordinateur pour la commission d’une infraction concernant la sécurité nationale au sens des dispositions du Code pénal (notamment de son article 112). La commission avait noté que la loi pénitentiaire B.E. 2479 (1936) prévoit que les peines d’emprisonnement comportent l’obligation de travailler en prison. Elle avait observé que, dans ses observations finales de 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies se déclarait préoccupé par le fait que la critique ou la dissension à l’égard de la famille royale sont passibles d’une peine de trois à quinze ans d’emprisonnement, par la forte augmentation du nombre de personnes arrêtées et poursuivies pour crime de lèse-majesté depuis le coup d’Etat militaire et par le caractère extrême des pratiques suivies en matière de détermination de la peine, qui se traduisent dans certains cas par des peines de plusieurs dizaines d’années d’emprisonnement (CCPR/C/THA/CO/2, paragr. 37). Le Comité des droits de l’homme se déclarait en outre préoccupé par les poursuites pénales, en particulier les restrictions graves et arbitraires au droit à la liberté d’opinion et d’expression dans la législation de la Thaïlande, notamment dans le Code pénal et la loi sur les délits informatiques. Le Comité s’était également déclaré préoccupé par les procédures pénales dont des défenseurs des droits de l’homme, des militants, des journalistes et d’autres personnes font l’objet sur la base de cette législation, notamment sous des charges pénales de diffamation, de même que par l’étouffement du débat et de toute campagne pendant la période ayant précédé le référendum constitutionnel de 2016, et par des poursuites pénales engagées contre certaines personnes. La commission avait noté en outre avec une profonde préoccupation que, bien que des amendements aient été apportés en 2017 à la loi pénitentiaire de 1936, les peines d’emprisonnement comportant une obligation de travailler en prison conformément à cette loi avaient été conservées. La commission avait donc prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, en droit et dans la pratique, afin qu’aucune sanction comportant l’obligation de travailler ne puisse être imposée pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou manifesté une opposition à l’ordre établi.
La commission prend note de l’explication donnée par le gouvernement dans son rapport selon laquelle l’infraction de lèse-majesté, qui concerne la sécurité du Royaume en vertu de l’article 112 du Code pénal, vise à protéger le Roi, la Reine, le Prince héritier et le Régent de la diffamation, des insultes ou menaces comme le font les lois de diffamation entre citoyens. Ces dispositions maintiennent la stabilité et l’ordre sans aucune intention d’entraver la liberté d’expression. La commission prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle les dispositions de l’article 112 du Code pénal et des articles 14 et 15 de la loi sur les délits informatiques ne sont considérées comme une infraction pénale que si les éléments suivants constitutifs sont présents, à savoir: i) la personne a commis un acte diffamatoire, insultant ou menaçant; ii) l’acte est commis contre le Roi, la Reine, le Prince héritier ou le Régent; et iii) l’acte est intentionnel. Le gouvernement renvoie en outre aux modifications apportées en 2017 aux articles 14 et 15 de la loi de 2007 sur les délits informatiques. Selon ces amendements, l’article 14 criminalise le fait de transmettre de façon malhonnête ou frauduleuse, par le biais du système informatique, des données déformées ou mensongères susceptibles de causer un préjudice à la population ou à la sécurité nationale, la sûreté publique, la sécurité économique nationale ou aux infrastructures, ou toute infraction liée au terrorisme, ou encore toutes données comportant des éléments obscènes auxquelles le grand public peut avoir accès. Cette infraction est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans au maximum ou d’une amende. Selon l’article 15, tout prestataire de services qui coopère ou consent aux infractions commises en vertu de l’article 14 est passible de la même peine. Le gouvernement indique que si le prestataire de services se conforme à l’avis émis par le ministre prescrivant la suspension de la diffusion de ces données et la suppression de ces données du système informatique, il ne sera passible d’aucune sanction.
Enfin, la commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles la loi pénitentiaire BE 2560 (2017), qui abroge la loi pénitentiaire de 1936, ne contient aucune disposition imposant le travail obligatoire en cas de peines de prison. D’après le rapport du gouvernement, le Département de l’administration pénitentiaire a pris des mesures pour faire en sorte que les détenus puissent choisir de travailler de leur propre gré. Toutefois, la commission note que, en vertu de l’article 48 de la loi pénitentiaire de 2017, les détenus doivent se conformer aux ordres des autorités pénitentiaires concernant l’exécution de certaines fonctions pénitentiaires en rapport avec leur aptitude physique et mentale, leur genre et leur statut, en vue d’améliorer le comportement des détenus, leur sécurité et les caractéristiques propres à une prison.
La commission rappelle que les restrictions aux libertés et droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, ont une incidence sur l’application de la convention, si de telles restrictions sont sanctionnées par des peines comportant une obligation de travailler en détention. Elle appelle l’attention du gouvernement sur le fait que les garanties juridiques qui entourent l’exercice de ces droits et libertés constituent une protection importante contre l’imposition de travail forcé ou obligatoire en tant que sanction de l’expression de certaines opinions politiques ou idéologiques, ou en tant que mesure de coercition ou d’éducation politique (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 302). La commission prie donc de nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates, en droit comme dans la pratique, pour qu’aucune sanction comportant l’obligation de travailler ne puisse être imposée pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou manifesté une opposition à l’ordre établi. A cet égard, la commission prie le gouvernement de s’assurer que l’article 112 du Code pénal est modifié, en restreignant explicitement le champ d’application de cette disposition aux situations dans lesquelles on aura recouru ou incité à recourir à la violence, ou en abrogeant ou remplaçant les peines comportant l’obligation de travailler par d’autres types de sanction (par exemple des amendes) afin qu’aucune forme de travail obligatoire (y compris le travail pénitentiaire obligatoire) ne puisse être imposée aux personnes qui, sans recourir ni inciter à la violence, expriment des opinions politiques ou manifestent une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée en la matière. Elle le prie également de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 14 et 15 de la loi de 2017 sur les délits informatiques, y compris les décisions de justice rendues en vertu de ces articles, en indiquant en particulier les faits à l’origine de ces condamnations et les sanctions infligées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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