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Observation (CEACR) - adopted 2017, published 107th ILC session (2018)

Workers' Representatives Convention, 1971 (No. 135) - Türkiye (Ratification: 1993)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et du rapport de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) qui les accompagne, reçues le 1er septembre 2017, concernant des questions examinées par la commission dans la présente observation, et de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) et de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 31 août 2017, ainsi que des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (Memur-Sen) et de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye Kamu-Sen), communiquées avec le rapport du gouvernement. La commission prend dûment note de la réponse détaillée du gouvernement aux observations de la KESK et de la TÜRK-İŞ de 2016 et des observations de la TÜRK-İŞ transmises avec le rapport du gouvernement.

Suite donnée aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 106e session, juin 2017)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu devant la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2017, à propos de l’application de la convention par la Turquie. Elle prend note en particulier des conclusions de la Commission de la Conférence dans lesquelles elle a prié le gouvernement de garantir que les représentants des travailleurs dans l’entreprise sont protégés contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement et l’arrestation, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur, notamment durant des situations d’urgence; de répondre aux allégations des syndicats faisant état de licenciements, arrestations et actes de discrimination contre des représentants des travailleurs après la proclamation de l’état d’urgence; et de fournir, en réponse à ces conclusions, des informations détaillées à la commission d’experts pour sa prochaine réunion en novembre 2017.
Article 1 de la convention. Licenciement massif de fonctionnaires. La commission note que, pendant les discussions de la Commission de la Conférence, les membres travailleurs ont fait état du licenciement et de l’interdiction d’exercer dans le service public de plus de 100 000 employés par voie de décrets d’urgence. Ils ont indiqué que des responsables syndicaux d’institutions publiques font systématiquement l’objet d’allégations entraînant leur suspension ou leur licenciement; que les motifs de licenciement sont toujours d’ordre général, mettant en avant l’appartenance, les liens ou la communication avec une organisation terroriste, sans que soient apportées des justifications individualisées ou des preuves ou que la personne concernée ait la moindre possibilité de se défendre. La commission prend note en outre des observations de la Türkiye Kamu-Sen indiquant que 48 représentants et 37 administrateurs de ses organisations affiliées ont été licenciés en application de décrets d’urgence.
La commission note que le gouvernement indique que l’état d’urgence a été proclamé par le Conseil des ministres et approuvé par le Parlement le 21 juillet 2016, après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet. Le gouvernement invoque le devoir de loyauté des fonctionnaires, et précise que le licenciement et la suspension de fonctionnaires, considérés être en rapport avec des organisations et structures, entités ou groupes terroristes œuvrant contre la sécurité nationale, se sont faits dans le respect de la loi et des décrets ayant force de loi. Le gouvernement souligne que, vu que la tentative de coup d’Etat présentait une menace grave et réelle pour l’ordre constitutionnel démocratique et pour la sécurité nationale, des mesures extraordinaires s’imposaient pour éliminer d’urgence cette menace. S’agissant des mécanismes de réexamen que les fonctionnaires licenciés ont à leur disposition, la commission note que le gouvernement indique que la Commission de révision des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence a été créée en application du décret no 685 du 2 janvier 2017 pour réexaminer les décisions prises dans le contexte de l’état d’urgence. Cette commission réexaminera les licenciements de fonctionnaires qui prétendent être victimes d’un licenciement abusif par un décret ayant force de loi. Ceux qui ont été licenciés avant le 17 juillet 2017 – date à laquelle la commission a commencé à recevoir des recours – pouvaient la saisir jusqu’au 14 septembre, et les fonctionnaires licenciés après le 17 juillet ont un délai de soixante jours après leur licenciement pour déposer un recours. Les décisions de la commission peuvent faire l’objet de recours en justice devant les juridictions administratives compétentes d’Ankara et, en dernier ressort, devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le gouvernement ajoute que les fonctionnaires qui ont été licenciés sur décision administrative d’organisations ou institutions publiques peuvent se pourvoir devant les juridictions administratives. La commission note que le gouvernement indique que 35 000 cas de licenciement et de suspension ont été révisés ou levés à la suite d’enquêtes, mais sans préciser quels mécanismes de réexamen ont été mis en œuvre. La commission prend également note des indications figurant dans les rapports de la DİSK et d’Amnesty International, transmis par la CSI, à propos de la capacité et des ressources de la Commission de révision des mesures d’urgence de l’Etat. Elle relève en particulier que la commission compte sept membres pour un mandat de deux ans et que, pour traiter tous les dossiers qui lui sont soumis dans le délai qui lui est imparti, elle devra prendre des centaines de décisions par jour.
La commission note que beaucoup de travailleurs du secteur public, y compris des représentants syndicaux dont le nombre n’est pas connu, ont été licenciés sur la base des décrets d’urgence publiés en juillet, août et septembre 2016. Alors que certains de ces fonctionnaires ont été licenciés ou suspendus par décisions administratives soumises à révision par la juridiction administrative, beaucoup d’autres ont été licenciés directement du fait de la publication de leurs noms dans des listes jointes aux décrets sur l’état d’urgence. Les licenciements de ce deuxième groupe n’étaient pas susceptibles de révision devant les tribunaux et aucun mécanisme n’existait dans leur cas, jusqu’à ce que soit mise en place une Commission de révision ad hoc qui a commencé à recevoir des demandes en juillet 2017. La commission rappelle que l’article 1 de la convention prévoit que les représentants des travailleurs doivent bénéficier d’une protection efficace contre les licenciements qui seraient motivés par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Elle rappelle en outre que le paragraphe 6 de la recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, énumère les mesures pouvant être prises pour assurer cette protection efficace, notamment une procédure spéciale de recours ouverte aux représentants des travailleurs qui estimeraient que leur licenciement était injustifié, et une réparation efficace pour les licenciements injustifiés. La commission rappelle qu’aucune disposition de la convention ne permet d’invoquer un état d’urgence pour justifier des dérogations aux obligations qui en découlent, et que des circonstances telles qu’une tentative de coup d’Etat ne justifient pas une violation du droit des représentants des travailleurs de bénéficier d’une protection efficace contre des actes qui leur sont préjudiciables, y compris le licenciement, sur la base de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ou de leur appartenance à un syndicat ou encore de leur participation à ses activités. Toutefois, dans des situations d’une extrême gravité, certaines garanties peuvent être temporairement suspendues à la condition que toutes mesures affectant l’application de la convention soient limitées, dans leur champ d’application comme dans leur durée, à ce qui est nécessaire pour remédier à la situation en question. Une fois l’urgence grave disparue, les mesures prises en application de l’état d’urgence doivent être immédiatement levées. La commission note que les fonctionnaires licenciés, y compris les représentants syndicaux, ont été définitivement exclus du service public, et que ceux qui ont été licenciés de par la mention de leurs noms dans les listes annexées aux décrets, n’ont eu accès, au départ, à aucun moyen de défense ni mécanisme de révision. Tout en notant que la situation en Turquie qui a suivi la tentative de coup d’Etat était une situation de crise nationale aiguë, la commission considère que, en l’absence de garantie minimale d’une procédure équitable pour les représentants des travailleurs sanctionnés et de la déchéance du droit d’accès dans la fonction publique, les décrets susvisés ne permettent manifestement pas d’assurer, comme le requiert la convention, que les licenciements des représentants des travailleurs n’ont pas été décidés en raison de leurs fonctions de représentants ou activités liés ou en raison de leur appartenance syndicale ou de la participation à des activités syndicales. La commission note que le gouvernement a créé une commission spéciale compétente pour examiner les licenciements directement fondés sur les décrets d’urgence qui devra traiter tous les cas en deux voire trois années, période pendant laquelle les syndicalistes renvoyés demeureront privés de leur emploi et du droit d’accès à la fonction publique. Bien que la commission note que le caractère sensible de certaines fonctions de l’administration publique, comme les services de renseignement et les forces armées, puisse justifier des mesures plus draconiennes à titre d’urgence, elle considère que, s’agissant d’autres branches de l’administration publique, des mesures doivent être prises pour assurer des garanties minimales de régularité de la procédure. Tout en notant dûment que la Turquie était en situation de crise nationale aiguë à la suite de la tentative de coup d’Etat, compte tenu de la reconduction de l’état d’urgence pour la cinquième fois le 16 octobre 2017, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que des représentants des travailleurs ne soient pas licenciés en raison de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ou de leur appartenance à un syndicat ou de leur participation à ses activités, pour autant qu’ils agissent conformément à la législation en vigueur. En cas de motifs permettant de croire qu’un représentant des travailleurs a pris part à des activités illégales, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que toutes les garanties de régularité de la procédure soient totalement appliquées. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de représentants syndicaux affectés par les licenciements ou suspensions fondés sur les décrets d’urgence.
En ce qui concerne la Commission de révision des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, la commission note avec préoccupation qu’elle devra traiter un nombre de cas très important en deux ans, ce qui constitue un laps de temps relativement court. Rappelant que le respect de l’article 1 de la convention implique que les représentants de travailleurs qui considèrent avoir fait l’objet d’un licenciement injustifié aient accès à des procédures de recours effectives, la commission prie le gouvernement d’assurer que la commission de révision est accessible à tous les représentants de travailleurs licenciés qui demandent un examen et qu’elle est dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener à bien le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. La commission prie en outre le gouvernement de veiller à ce que les représentants de travailleurs ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature discriminatoire, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils prouvent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de recours déposés par les représentants de travailleurs licenciés et traités par la commission de révision et les juridictions administratives, et d’indiquer les résultats de ces recours.
Arrestations de représentants syndicaux. La commission prend note des allégations d’arrestations de représentants syndicaux, avant comme après la tentative de coup d’Etat, faites par les membres des travailleurs dans leurs déclarations devant la Commission de la Conférence, ainsi que dans les dernières observations en date de la CSI. Elle observe que ces allégations relèvent davantage de l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et elle les examinera dans ses commentaires sur l’application de cette convention, en 2018.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2019.]
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