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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Esclavage et pratiques analogues. Dans ses précédents commentaires, la commission a examiné la question de l’esclavage au Niger qui se manifeste dans certaines communautés au sein desquelles le statut d’esclave continue à être transmis par la naissance aux personnes issues de certains groupes ethniques. Les relations entre maîtres et esclaves sont basées sur l’exploitation directe: les esclaves étant tenus de travailler pour leur maître sans percevoir de salaire, essentiellement en tant que bergers, travailleurs agricoles ou employés domestiques. La commission a noté que le gouvernement avait précédemment indiqué qu’il ne niait pas les survivances de pratiques esclavagistes dans certaines parties du territoire et qu’il avait pris des initiatives en conséquence. Parmi les mesures prises par le gouvernement, la commission a noté:
– L’adoption de la loi no 2003-025 du 13 juin 2003 qui a inséré dans le Code pénal les articles 270-1 à 270-5. Ces dispositions définissent l’esclavage, décrivent les éléments constitutifs du crime d’esclavage et des différents délits d’esclavage et prévoient les sanctions applicables. Elles autorisent également les associations ayant comme objet de combattre l’esclavage ou les pratiques analogues à se porter partie civile.
– L’adoption de circulaires demandant au ministre de l’Intérieur de convoquer les responsables administratifs, les chefs religieux et traditionnels pour attirer leur attention sur l’impérieuse nécessité de se conformer à la loi et de faire cesser toute pratique esclavagiste sous toutes ses formes.
– La création en aout 2006 de la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination ayant notamment pour missions d’élaborer un plan d’action national de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination résultant d’une étude diagnostique approfondie. Ce plan a été finalisé en octobre 2007 et devait être soumis au gouvernement pour adoption.
La commission note avec regret que, dans son dernier rapport reçu en décembre 2009, le gouvernement ne fournit aucune information sur les mesures prises pour lutter contre l’esclavage et ses séquelles ni sur l’adoption du plan national d’action ou l’état d’avancement de l’étude sur les survivances du travail forcé. Le gouvernement précise uniquement que les seules actions intentées devant les juridictions ont pour origine les enquêtes menées par les familles des futurs époux avant les fiançailles ou le refus d’un maître de laisser se marier son serviteur. Toutes ces actions ont été considérées comme relevant de la diffamation. En outre, le gouvernement indique que les difficultés d’application des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal proviennent du fait que «les prétendus esclaves ou descendants d’esclaves ne se plaignent aucunement de leur situation ou de leur sort. Au contraire, ils s’y plaisent car le prétendu maître ou noble assure à 100 pour cent leur prise en charge et leur sécurité en contrepartie des services rendus.»
La commission exprime sa profonde préoccupation par l’absence d’informations concrètes de la part du gouvernement. Elle note que, pendant la période couverte par le rapport, elle a pris connaissance de la publication, en juillet 2008, d’une étude menée par la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CNDHLF) sur la problématique du travail forcé, du travail des enfants et de toutes autres formes de pratiques esclavagistes. Selon cette étude, «l’esclavage tel que défini par les instruments internationaux n’existe pas au Niger mais la survivance de certaines pratiques culturelles avilissantes font que certains individus ne parviennent pas à s’affirmer pleinement». De même, l’étude conclut qu’il apparaît que le travail forcé tel que défini par la convention no 29 n’existe pas sur l’ensemble du territoire national et que des séances d’information et de communication sont nécessaires pour une compréhension de la définition, des caractéristiques et des textes qui répriment le travail forcé.
La commission relève pourtant que le 27 octobre 2008 la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a reconnu, dans une affaire concernant la vente par un chef de tribu d’une jeune fille âgée de 12 ans pour servir de domestique et de concubine (pratique de la «wahiya», cinquième épouse), que cette jeune fille «a été victime d’esclavage et que la République du Niger en est responsable par l’inaction de ses autorités administratives et judiciaires». La cour a relevé que la République du Niger n’a pas suffisamment protégé les droits de la requérante contre la pratique de l’esclavage et a ordonné le paiement d’une indemnité forfaitaire à la victime. La commission note également que, dans ses observations finales, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies est vivement préoccupé par le fait que le Niger ne donne pas dans son rapport d’informations sur les pratiques esclavagistes fondées sur le système des castes, alors que ces pratiques existent dans l’ensemble du pays, et par le fait que les auteurs de ces pratiques ne sont ni poursuivis ni sanctionnés. Le comité est tout particulièrement préoccupé par l’absence de services œuvrant à la libération des enfants et des adultes victimes de pratiques esclavagistes traditionnelles et par le peu d’efforts déployés en général pour informer le public des pratiques esclavagistes préjudiciables (document CRC/C/NER/CO/2 du 18 juin 2009).
Enfin, la commission note l’accord entre l’Institut national de la statistique et le Bureau international du Travail, avec la collaboration de la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination, pour la préparation d’une étude qui rende compte des formes de travail forcé rencontrées au Niger et donne une estimation statistique au niveau national. Les résultats de cette étude devraient être validés fin 2010.
Compte tenu des éléments qui précèdent, la commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure d’indiquer les mesures prises en vue de l’adoption d’un plan d’action national de lutte contre toutes les formes de travail forcé, et en particulier l’esclavage. La commission espère que le plan d’action national prévoira des mesures destinées à assurer la publicité des dispositions du Code pénal incriminant l’esclavage, ainsi que des actions de sensibilisation de la population et des acteurs amenés à participer à la lutte contre l’esclavage, notamment les chefs religieux et traditionnels, les officiers de police judiciaire et les magistrats. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les actions menées par la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination. Enfin, la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur les conclusions auxquelles a abouti l’étude statistique menée par l’Institut national de la statistique et le Bureau, et sur les décisions prises en conséquence.
Enfin, la commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle souligne qu’il est indispensable que les victimes soient effectivement en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires pour faire valoir leurs droits afin que les auteurs du crime ou des délits d’esclavage, tels que prévus par le Code pénal, soient traduits en justice et, le cas échéant, condamnés. A cet égard, la commission prie le gouvernement d’indiquer si des décisions de justice ont été prononcées sur la base des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal et d’en communiquer copie.