National Legislation on Labour and Social Rights
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Article 7 de la convention. Dérogations permanentes – travail du dimanche. La commission note les informations détaillées communiquées par le gouvernement en réponse à ses précédents commentaires et les nombreuses annexes jointes à son rapport, ainsi que les observations formulées par la Confédération générale du Travail-Force Ouvrière (CGT-FO), reçues le 26 août 2010, et la réponse du gouvernement à ces observations, reçue le 15 novembre 2010. Dans ses observations, la CGT-FO rappelle les critiques qu’elle avait formulées en 2009 à l’égard de la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008, qui a instauré une dérogation à la règle du repos dominical pour les commerces de détail dans le secteur de l’ameublement, et de la loi no 2009-974 du 10 août 2009, considérant que ces extensions de dérogations au principe du repos dominical ouvrent la voie, à terme, à une banalisation du travail le dimanche dans la mesure où les nombreuses dérogations aujourd’hui accordées n’ont plus de raison objective et impérative du point de vue de l’intérêt général. La CGT-FO souligne aussi les dangers induits par cette banalisation du travail dominical, en ce qui concerne tout d’abord la vie familiale et sociale du travailleur, mais aussi la précarité fréquente des emplois concernés par le travail du dimanche.
I. La perception du travail dominical par les travailleurs concernés
Dans sa précédente observation, la commission avait prié le gouvernement et les partenaires sociaux de fournir des informations complémentaires sur un certain nombre de points. Elle a ainsi exprimé le souhait de connaître les résultats de toute enquête d’opinion conduite auprès des travailleurs concernés. La commission note que le gouvernement a joint à son rapport les résultats de plusieurs sondages publiés en 2008 et 2009 ainsi qu’un tableau récapitulatif de ces résultats. Elle note ainsi que, selon les résultats du sondage CSA d’octobre 2008 intitulé «L’opinion des Français à l’égard du travail le dimanche», 50 pour cent des salariés interrogés se déclaraient prêts à travailler le dimanche s’ils étaient payés double, contre 49 pour cent d’avis négatifs. La commission note aussi les résultats de l’enquête «Travailler le dimanche: qu’en pensent ceux qui travaillent le dimanche?», publiée en décembre 2008, selon lesquels, pour 82 pour cent des salariés interrogés dans le cadre de cette étude, le fait de travailler le dimanche relève en premier lieu d’une contrainte liée à la nature de leur activité ou à leur poste. Par ailleurs, les salariés interrogés se sont déclarés personnellement majoritairement favorables à un assouplissement de la loi afin que plus de magasins puissent ouvrir le dimanche (55 pour cent) et au projet de loi visant à autoriser le travail du dimanche sur une base volontaire (66 pour cent). Dans ses observations, la CGT-FO s’interroge sur la pertinence de la prise en compte d’enquêtes d’opinions pour apprécier la conformité d’une mesure législative à une convention de l’OIT. La commission tient à souligner à ce propos que ces informations ne sont pas destinées à évaluer la conformité de la législation nationale à la convention en tant que telle, mais plutôt à disposer de plus amples informations sur l’ensemble du contexte dans lequel s’inscrit la loi de 2009. La CGT-FO rappelle également la difficulté de tirer des résultats probants de sondages d’opinions et se réfère à une étude menée en 2008 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) et non mentionnée par le gouvernement dans son rapport, selon laquelle si 52 pour cent des sondés étaient favorables à une ouverture dominicale des magasins, 61 pour cent d’entre eux étaient opposés à travailler le dimanche. La commission constate que les sondages publiés sur la question du travail dominical n’offrent pas de conclusions définitives sur l’opinion des salariés concernés. Il semble en effet y avoir une dichotomie entre les réponses apportées par les personnes interrogées en tant que salariés concernés par le travail du dimanche et en tant que consommateurs potentiels le dimanche.
II. Le caractère volontaire du travail dominical
La commission avait également demandé des informations sur les mesures prises pour garantir le caractère volontaire du travail dominical et sur les contreparties offertes aux travailleurs concernés. Elle note à ce propos les indications du gouvernement selon lesquelles l’effectivité du volontariat est assurée par plusieurs exigences et garanties, à la fois individuelles et collectives, qui sont prévues par les dispositions législatives applicables. La commission note aussi que, selon le rapport du gouvernement, aucune garantie de ce type n’existait dans le Code du travail avant l’adoption du la loi du 10 août 2009. La commission note également les indications du gouvernement selon lesquelles, dans les communes et zones touristiques, les garanties et contreparties ouvertes aux salariés sont issues de dispositions d’accords de branche et/ou d’accords d’entreprise. Elle note que l’article 2 de la loi no 2009-974 prescrit l’ouverture de négociations en vue de la conclusion d’un accord sur les contreparties au travail dominical dans les branches couvrant des commerces ou services de détail et dans ces commerces ou services lorsqu’un accord n’est pas déjà en vigueur. La commission note les informations communiquées par le gouvernement au sujet des dispositions relatives aux contreparties pour le travail du dimanche figurant dans les conventions collectives conclues dans les secteurs occupant traditionnellement des salariés le dimanche, et de la conclusion d’accords d’entreprise qui ont uniformisé le régime des contreparties applicables aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin et le régime de dérogation (commune ou zone touristique, périmètre d’usage de consommation exceptionnel (PUCE), dérogations préfectorales), les stipulations conventionnelles prévoyant le plus souvent un doublement de la rémunération et l’attribution d’un repos compensateur. Enfin, la commission note la conclusion de l’accord interbranches du 27 novembre 2009 sur l’ouverture des commerces le dimanche dans la zone Plan de campagne, qui est la plus grande zone commerciale de France et autour de laquelle une vive polémique existait avant l’adoption de la loi de 2009 du fait que les magasins de détail y étaient ouverts en dépit de l’interdiction légale alors applicable. Elle note que cet accord prévoit deux jours de repos hebdomadaire, dont un fixé avec l’accord du salarié, mais qui peut néanmoins être travaillé, et une majoration salariale équivalent au minimum à 100 pour cent du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
La commission note que, dans ses observations, la CGT-FO souligne que le Code du travail, tel qu’il a été amendé par la loi n° 2009-974, prévoit une différence de traitement difficilement justifiable pour les travailleurs employés dans un établissement de vente au détail, selon qu’ils exercent leur activité dans une commune d’intérêt touristique ou dans un PUCE, le caractère volontaire du travail dominical n’étant requis que dans ce dernier cas de figure. La CGT-FO estime également que le caractère réellement volontaire du travail du dimanche est difficile à assurer, particulièrement en période de chômage important et du fait de la dépendance économique des salariés vis-à-vis de leur employeur. En ce qui concerne les mesures compensatoires pour les salariés privés de leur repos dominical, la CGT-FO estime que, sur ce point également, la loi institue une inégalité de traitement entre les salariés. En effet, si les salariés occupés dans des établissements de vente au détail établis dans un PUCE bénéficient d’une rémunération au moins égale au double de leur salaire normal et d’un repos compensateur équivalent en temps, il n’en va pas de même pour les travailleurs employés dans un établissement situé dans une zone touristique. La CGT-FO fait ainsi valoir que, en raison de ces différences, les acteurs concernés sont tentés de demander le classement de leurs localités en zones touristiques, pour faire bénéficier les commerces de détail de la dérogation dominicale avec un minimum de contraintes. Elle relève que tous les salariés qui ne bénéficient pas de ces minimums légaux en termes de mesures compensatoires ne peuvent se prévaloir que des dispositions des conventions collectives sectorielles ou des accords d’entreprise, ce qui constitue aussi une grande source d’inégalité de traitement entre les salariés. En outre, la CGT-FO affirme qu’un accord d’entreprise peut déroger aux dispositions d’une convention collective de branche, y compris dans un sens défavorable au salarié. Enfin, selon cette organisation, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2009, la plupart des dispositions prises au sein des entreprises pour déterminer les mesures compensatoires au travail dominical résultent en réalité de décisions unilatérales de l’employeur, entérinées par référendum des salariés, ce qui n’offre pas de garanties suffisantes de concertation et se détourne des canaux classiques de la négociation collective.
Dans sa réponse aux observations de la CGT-FO, le gouvernement souligne que le principe du volontariat s’applique à tous les salariés travaillant le dimanche sur la base de dérogations préfectorales individuelles et temporaires. Il indique que le principe du volontariat n’a pas été étendu aux cas de dérogations de droit au repos dominical, dans la mesure où, dans ces hypothèses, le travail du dimanche est une composante structurelle des emplois concernés, connue au moment de l’embauche. Le gouvernement rappelle aussi les garanties apportées par la loi quant au respect du volontariat du salarié et relève que les services de l’inspection du travail n’ont à ce jour pas constaté de difficultés quant à la mise en œuvre des prescriptions légales sur ce point. En ce qui concerne les contreparties, le gouvernement fait valoir dans sa réponse que la loi du 10 août 2009 a étendu le champ des dérogations pour lesquelles des contreparties au travail du dimanche sont obligatoires. Celles-ci concernent non seulement les dérogations au sein des PUCE, mais également les dérogations au titre de l’article L. 3132-20 du Code du travail. Dans ces deux hypothèses, les salariés bénéficient soit des contreparties fixées par accord collectif, soit des contreparties légales (doublement de la rémunération et repos compensateur) en l’absence d’accord.
III. La situation actuelle concernant les zones touristiques et les PUCE
Dans son observation de 2009, la commission avait également demandé des informations sur l’évolution de la situation concernant la délimitation des zones touristiques et des PUCE. Elle note que, selon le rapport du gouvernement, 570 collectivités territoriales sont inscrites comme communes d’intérêt touristique et 36 parmi elles comportent une ou plusieurs zones d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, la ville de Paris en comptant sept. Elle note également que cinq de ces communes et zones ont été inscrites comme telles depuis l’entrée en vigueur de la loi no 2009-974, et qu’une dizaine de demandes étaient en cours d’examen. La commission note que, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), environ 50 000 commerces de détail représentant environ 250 000 salariés seraient potentiellement concernés par le travail du dimanche dans les communes et zones touristiques. Par ailleurs, elle note que, selon le rapport du gouvernement, en juin 2010, 15 PUCE avaient été créés à la suite de l’adoption de la loi du 10 août 2009, le nombre d’établissements concernés étant estimé à 500 et le nombre de salariés potentiellement concernés étant évalué entre 4 000 et 5 000.
Dans ses observations, la CGT-FO indique que les contours des zones touristiques sont assez difficiles à appréhender, ce qui est inacceptable parce que cela laisse la porte ouverte pour des demandes infondées de classement en zones touristiques. Elle considère que la délimitation des PUCE pose également problème, puisque les éléments caractéristiques d’un PUCE ne répondent en rien à une exigence de satisfaction à des besoins de première nécessité, mais plus à la satisfaction d’un but lucratif. En outre, les critères retenus par la loi, d’habitude de consommation dominicale et d’importance de la clientèle, semblent répondre, selon la CGT-FO, à une volonté de légaliser des pratiques antérieurement illégales. Elle estime enfin que, un an après l’entrée en vigueur de la loi, les PUCE fleurissent partout en France.
En réponse aux observations formulées par la CGT-FO, le gouvernement indique qu’aucune accélération notable des demandes de classement en zones touristiques n’a été observée depuis la promulgation de la loi, les onze classements étant intervenus à travers une stricte application des dispositions du Code du travail. S’agissant des PUCE, le gouvernement indique que, à ce jour, 24 PUCE ont été délimités, alors que 13 autres demandes, qui n’entraient pas dans le cadre des dispositions légales, ont été refusées. Le gouvernement ajoute que le nombre de salariés potentiellement concernés par les dérogations au titre des PUCE est inférieur à 15 000 et que l’allégation de généralisation du travail du dimanche est donc infondée.
La commission prend bonne note des nombreuses informations ainsi communiquées par le gouvernement et par la CGT-FO. Elle rappelle les trois principes fondamentaux autour desquels s’articule la convention et auxquels elle s’était référée dans sa précédente observation: la continuité (un repos hebdomadaire d’au moins 24 heures consécutives), la régularité (le repos devant être accordé au cours de chaque période de sept jours) et l’uniformité (le repos hebdomadaire doit être, autant que possible, accordé en même temps à l’ensemble des personnes intéressées d’un même établissement et coïncider, autant que possible, avec le jour traditionnel de repos). Elle rappelle également que l’article 7 de la convention ne permet l’application de régimes spéciaux de repos hebdomadaire que si la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l’application du régime normal de repos hebdomadaire.
Tout en relevant que le Code du travail institue effectivement un repos hebdomadaire d’au moins 24 heures consécutives, comme le prescrit la convention, et dispose expressément que, «dans l’intérêt des salariés», le repos hebdomadaire est donné le dimanche, et en notant que la loi du 10 août 2009 réaffirme dans son titre même le principe du repos dominical, la commission ne peut que constater l’élargissement progressif des dérogations autorisées par la législation à ce principe. Elle relève ainsi que, selon une étude publiée par la DARES en octobre 2009, le travail du dimanche concernait près de 6,5 millions de salariés, soit 28 pour cent d’entre eux, en 2008 et, parmi eux, 2,8 millions (soit 12 pour cent) travaillaient de manière habituelle le dimanche, et que ces données statistiques sont loin d’être négligeables.
En toute hypothèse, indépendamment de la question du nombre d’établissements commerciaux et de travailleurs concernés par ces nouvelles dérogations, ce qui reste à démontrer est l’impossibilité d’appliquer le régime normal de repos hebdomadaire qui rendrait nécessaire le recours au travail dominical. En prenant l’exemple de l’élargissement aux établissements de commerce de détail d’ameublement des dérogations autorisées par l’article L. 3132-12 du Code du travail, la commission note que cette dérogation a été introduite par la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Or cet intitulé démontre clairement qu’elle répond à des préoccupations économiques, liées à la concurrence, et aux souhaits des consommateurs. Les considérations sociales, quant à elles, à savoir l’impact de cette dérogation sur les travailleurs concernés et leurs familles, ne paraissent pas avoir été prises en compte ou en tout cas pas au même titre que les considérations économiques. Par ailleurs, si l’ouverture des magasins d’ameublement peut correspondre à un souhait des consommateurs, elle ne paraît pas répondre à une nécessité telle que l’application du régime normal de repos hebdomadaire se révèle impossible.
Les mesures légales aménagées en faveur des zones touristiques et des PUCE appellent des observations analogues de la part de la commission. Antérieurement à l’amendement introduit par la loi du 10 août 2009, la dérogation en faveur des zones touristiques était limitée dans le temps à la période d’activité touristique et dans son objet aux établissements de vente au détail mettant à la disposition du public des biens et des services pour faciliter son accueil ainsi que le déroulement des activités de détente et de loisirs. Ces conditions qui semblaient de nature à confiner la dérogation dans les limites de l’objectif qui lui est assigné ont été écartées par l’amendement du 10 août 2009 précité. De son côté, l’institution de PUCE répond ouvertement à des préoccupations d’ordre économique qui correspondent néanmoins aux préférences de nombreux consommateurs. Elle a cependant pour effet d’englober dans la dérogation tous les établissements installés dans l’enceinte des grands centres commerciaux sans tenir compte de leur taille ni de l’activité qu’ils exercent, dépassant de ce fait le champ des régimes spéciaux que la convention définit à partir de critères afférents à l’impossibilité de s’en tenir au régime normal qu’elle instaure, en raison de la nature du travail, de la nature des services fournis par l’établissement, de l’importance de la population à desservir ou du nombre de personnes employées (article 7, paragraphe 1).
La commission comprend bien que, dans le contexte de la concurrence ouverte telle qu’elle est exacerbée par la crise, les Etats Membres de l’OIT sont portés à imprégner aux normes du travail une certaine flexibilité pour aider les entreprises à y faire face. Elle observe néanmoins que, aux termes de la convention, il doit être tenu compte, pour déroger au régime général du repos hebdomadaire, de toute considération pertinente de nature autant économique que sociale. Par conséquent, la commission demande au gouvernement de poursuivre l’examen, avec les partenaires sociaux, de l’impact des mesures introduites par la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008 et la loi no 2009-974 du 10 août 2009 sur le plan pratique en tenant compte des considérations tant sociales qu’économiques. La commission prie le gouvernement de tenir le Bureau informé des résultats de cette évaluation, ainsi que de toute initiative qu’il pourrait prendre à cet égard.
En outre, la commission est préoccupée par les informations concernant la différence de traitement entre les salariés employés dans des commerces situés en zones touristiques et ceux qui travaillent (parfois pour la même enseigne) dans un établissement situé à l’intérieur d’un PUCE en ce qui concerne les garanties relatives au caractère volontaire du travail dominical et les contreparties minimales fixées par la loi. Elle estime souhaitable d’assurer une protection équivalente aux salariés employés dans ces deux catégories d’établissements, d’autant plus que le nombre de commerces bénéficiant des dérogations dans les zones touristiques s’est accru depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2009, et prie le gouvernement de fournir de plus amples informations sur les mesures qu’il pourrait envisager d’adopter à cette fin, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées. La commission prend note des exemples de conventions collectives sectorielles auxquelles le gouvernement a fait référence dans son rapport, mais retient également les indications de la CGT-FO selon lesquelles des accords d’entreprise peuvent déroger à ces conventions, y compris dans un sens défavorable aux travailleurs. Elle prie le gouvernement de fournir des précisions sur ce point et, si tel est effectivement le cas, de spécifier de quelle manière est assurée l’existence d’un minimum de garanties pour les travailleurs employés le dimanche en termes de volontariat et de contreparties. Enfin, la commission prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport copie du rapport du comité parlementaire de suivi de la loi du 10 août 2009.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.