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Observation (CEACR) - adopted 2008, published 98th ILC session (2009)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Myanmar (Ratification: 1955)

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La commission prend note des conclusions et recommandations auxquelles le Comité de la liberté syndicale est parvenu dans les cas nos 2268 et 2591 (351e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 303e session, novembre 2008, paragr. 1016-1050; 349e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 301e session, paragr. 1062-1093). Elle prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 29 août 2008, qui portent sur des questions graves qui se sont posées dans le courant de 2007 ainsi que ses observations antérieures qui portaient sur des problèmes très graves qui se sont posés en 2005-06, et de la réponse du gouvernement sur certains de ces problèmes.

1. En réponse aux commentaires de la CSI relatifs à la répression violente organisée par le gouvernement en septembre 2007 à l’encontre des manifestations de protestation contre le gouvernement militaire du Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC), qui avaient été déclenchées par des moines bouddhistes, soutenus bientôt par des ouvriers, des étudiants et des militants des droits civiques, le gouvernement indique que ces désordres ont fait dix morts et 14 blessés et qu’au total 2 284 personnes ont été mises en cause dans ces troubles à Yangon et 643 à l’extérieur de Yangon. Sur ce total, 2 836 personnes (soit 2 235 à Yangon et 601 hors de Yangon) ont été relâchées et 91 (soit 49 à Yangon et 42 à l’extérieur de Yangon) ont été maintenues en état d’arrestation parce qu’il s’est avéré qu’elles étaient impliquées dans des actes de violence et de terrorisme justifiant que des mesures prévues par la loi soient prises à leur encontre. Le gouvernement ajoute que le SPDC fait tout ce qui est en son pouvoir pour parvenir à instaurer une société pacifique, moderne, disciplinée, florissante et démocratique, soutenant les trois grandes causes nationales. Il fait valoir que la grande majorité de la population a d’ores et déjà adopté la Constitution, la quatrième étape d’une «feuille de route» qui en compte sept sur la conformation du futur Etat. Le 23 septembre 2008, il a fait libérer des prisons 9 002 personnes en raison de leur bonne conduite et de leur discipline et pour des considérations sociales et familiales.

2. La commission note que la CSI dénonce l’arrestation, l’interrogatoire par la manière forte et la condamnation à de longues peines de prison de six travailleurs (Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win et Myo Min) qui avaient participé aux manifestations du 1er mai 2007 aux abords du Centre américain, à Yangon, et avaient tenté de faire passer vers le monde extérieur, à travers la frontière thaïlandaise, de l’information sur la situation dans le pays. Leurs avocats ont subi un tel harcèlement de la part des autorités qu’ils ont fini par renoncer à les défendre le 4 août. Les six travailleurs ont été condamnés le 7 septembre à vingt ans de prison pour sédition et sur d’autres chefs, et Thurein Aung, Wai Lin, Kyaw Win et Myo Min ont été condamnés à cinq ans de prison de plus pour liens avec la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB), sur la base de l’article 17(1) de la loi sur les associations illégales et trois ans de plus pour franchissement illégal de la frontière, ce qui porte leurs condamnations à vingt-huit ans de prison au total. Les six militants ont fait appel. Leur appel a été rejeté, ce qui les a conduits à former recours devant la Cour suprême, recours qui était encore pendant à la fin de l’année.

La commission note que, selon le gouvernement, la Cour suprême a tenu plusieurs audiences sur cette affaire toujours pendante. Le gouvernement regrette que le Comité de la liberté syndicale ait demandé dans le cas no 2591 (voir ci-après) la libération de ces six militants, cette demande constituant à ses yeux une ingérence dans les affaires internes du pays. Le gouvernement ajoute que: i) l’article 8 de la convention prescrit aux travailleurs et à leurs organisations de respecter la légalité; ii) les six personnes en question n’étaient pas des travailleurs de l’usine ou du lieu de travail considérés; iii) elles ont été arrêtées non pas pour avoir manifesté le jour du 1er mai mais pour avoir incité à la haine ou à l’outrage à l’égard du gouvernement (art. 124(A) du Code pénal), pour être membres d’une association illégale ou avoir eu des contacts avec elle (art. 17(1) de la loi de 1908 sur les associations illégales) et pour être sorties du pays et y être rentrées illégalement (art. 13(1) de la loi de 1947 disposant en matière d’immigration (urgence); iv) la FTUB ne représente aucune force de travail au Myanmar; elle est un groupe terroriste agissant sous le couvert d’une organisation de travailleurs; v) les autorités permettent que les détenus aient la visite de connaissances et de membres de leurs familles; elles ont également autorisé M. Thomás Ojea Quintana, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar à rencontrer Thurein Aung, Kyaw Kyaw et Su Su Ngwe le 5 août 2008. A la demande de Thurein Aung, le gouvernement a pris des dispositions pour que celui-ci bénéficie d’un traitement médico-dentaire; vi) le Rapporteur spécial a également rencontré le ministre du Travail et le Comité des droits de l’homme. S’agissant en particulier de la FTUB, le gouvernement ajoute que: i) après l’adoption de la Constitution, les organisations et associations du Myanmar devront être établies conformément à la législation en vigueur dans le pays et devraient avoir le droit d’agir en justice (locus standi); ii) la FTUB n’est pas représentée où que ce soit parmi les travailleurs du pays; elle a été illégalement constituée hors du pays par des personnes qui se dissimulent et qui fuient la justice; iii) des éléments de preuve solides montrent que la FTUB s’est livrée à des agissements terroristes qui ont été révélés en juin 2004; invoquant la Convention pour la répression du terrorisme et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, le gouvernement a officiellement déclaré, par effet de la déclaration no 172 006 du 12 avril 2007, que la FTUB était une organisation terroriste.

La commission prend note à cet égard des conclusions et recommandations auxquelles est parvenu le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2591 (349e rapport, paragr. 1062-1093; et 351e rapport, paragr. 144-150), aux termes desquelles «il est indéniable que les six personnes en question ont été punies pour avoir exercé leur droit fondamental à la liberté d’association et à la liberté d’expression». Elle observe que leur condamnation repose sur des faits tels que la tenue d’une conférence publique sur «les problèmes rencontrés par les travailleurs sur leurs lieux de travail respectifs, qui ont un effet perturbateur pour eux» ou encore tient au fait d’avoir préparé un discours sur «les salaires, les prix disproportionnés des biens et denrées, le droit aux congés et le droit à une pension, et l’absence de réponse du gouvernement sur ces questions», sujets qui ont été considérés par le gouvernement et les tribunaux comme une «diffamation du gouvernement». La commission note également que le Comité de la liberté syndicale a appelé le gouvernement à reconnaître la FTUB en tant qu’organisation syndicale légitime et à permettre le libre fonctionnement de toute forme d’organisation de la représentation collective des travailleurs, notamment la légalisation de la FTUB (349e rapport, paragr. 1083, 1089, 1092; 351e rapport, paragr. 1038). S’agissant du recours formé par ces travailleurs devant la Cour suprême, le Comité de la liberté syndicale se déclare profondément préoccupé par «les indications contenues dans le jugement [de première instance] selon lesquelles le tribunal a explicitement ordonné la destruction de presque tous les éléments de preuve qui lui ont été soumis (affaire no 82), rendant ainsi pratiquement impossible toute révision de l’affaire par une instance supérieure» (349e rapport, paragr. 1088). Par suite, le Comité de la liberté syndicale a demandé la libération immédiate des six activistes nommés – Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win et Myo Min.

3. La commission note que la CSI évoque la situation de Myo Aung Thant, membre du Syndicat de l’industrie pétrochimique de Birmanie, emprisonné aujourd’hui depuis plus de onze ans après avoir été condamné pour haute trahison (sur la base de l’article 122(1) du Code pénal) pour avoir entretenu des contacts avec la FTUB. La commission note que, d’après le gouvernement, Myo Aung Thant est toujours en prison pour avoir enfreint les lois de son pays, que sa remise en liberté est impossible et que la CSI ne devrait pas s’ingérer dans les affaires judiciaires internes d’un Etat Membre de l’OIT. La commission note à cet égard que, dans les conclusions et recommandations auxquelles il est parvenu dans le cas no 2268 (351e rapport, paragr. 1016-1050), le Comité de la liberté syndicale déplore le refus du gouvernement d’envisager la remise en liberté de Myo Aung Thant et appelle instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la libération immédiate de prison de l’intéressé.

4. La commission note que la CSI se réfère au meurtre de Saw Mya Than (membre de la FTUB et dirigeant du Syndicat des travailleurs de l’enseignement Kawthoolei (KEWU)) qui aurait été tué par l’armée en représailles d’un acte d’insurrection. La commission note que, selon le gouvernement, la mort de Saw Mya Than est le résultat d’un accident déclenché par le KNU, une organisation rebelle. La commission note que le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement, dans le cadre du cas no 2268, de diligenter une enquête indépendante sur la mort de Saw Mya Than, qui serait menée par un groupe d’experts apparaissant comme impartiaux pour toutes les parties concernées.

5. La commission note que la CSI se réfère à l’arrestation et la condamnation d’un dirigeant du Syndicat des chemins de fer qui a une longue carrière comme électricien au service de la Myanmar Railway Corporation. U Tin Hla a été arrêté avec toute sa famille le 20 novembre 2007 et, si les membres de sa famille ont été remis en liberté par suite, lui-même a été condamné sur le fondement de l’article 19(1) du Code pénal pour possession d’explosifs, lesquels n’étaient en fait que du fil électrique et des outils dans une boîte à outils. A l’issue d’un court procès, il a été condamné à sept ans de prison. En réalité, son crime résidait manifestement dans les efforts qu’il avait déployés pour syndiquer les travailleurs des chemins de fer et d’autres secteurs pour soutenir le mouvement de protestation populaire lancé par les moines bouddhistes et la population à la fin de mois de septembre 2007. Il avait 60 ans au moment de son arrestation et il y a lieu de craindre pour sa santé en prison. Ses demandes de voir un médecin ont été rejetées.

La commission note que, selon le gouvernement, la CSI se réfère toujours à un syndicat imaginaire lorsqu’elle formule des allégations à propos de personnes. U Tin Hla n’était pas membre d’un syndicat mais chef d’atelier dans les chemins de fer, où il n’y a pas de syndicat. Le 14 novembre 2007 à 21 h 30, la police de la Division de Yangon a procédé à un contrôle inopiné à son domicile et y a découvert 337 cartouches de carabine 30/30 et 13 cartouches de 9 millimètres. Le tribunal de la ville l’a condamné à sept ans de prison.

6. La commission note que la CSI fait état de l’arrestation, le 13 novembre à Yangon, de Su Su Nway, une militante qui avait saisi l’OIT d’une plainte pour travail forcé, démarche qui avait abouti à la condamnation de quatre personnalités locales reconnues coupables d’avoir soumis de la main-d’œuvre à un travail forcé. Cette militante a été arrêtée en raison de ses actes de soutien de la participation des travailleurs au soulèvement de septembre. A la fin de l’année, elle se trouvait en détention à la prison d’Insein, en attente d’être jugée sur le chef d’inculpation de sédition. La commission note que, selon le gouvernement, cette affaire n’a pas de lien avec les droits des travailleurs; que sur la plainte no 2469/07 Su Su Nway a été inculpée sur la base des articles 143 et 147 du Code pénal et que l’affaire est actuellement devant un tribunal spécial de la prison d’Insein (procédure criminelle ordinaire no 10/2008).

7. La commission note que la CSI fait état de:

–           la disparition, le 22 septembre 2007, de Lay Lay Mon, militante syndicale qui avait été prisonnière politique et qui a aidé les travailleurs à s’organiser pour soutenir les manifestations déclenchées par des moines et des citoyens lors des soulèvements de Yangon. On pense que l’intéressée serait incarcérée dans la prison d’Insein mais, à la fin de l’année, on ne savait pas si elle devait être jugée;

–           la disparition de la militante syndicale Myint Soe, la dernière semaine du mois de septembre 2007, après s’être engagée activement aux côtés de travailleurs pour renforcer leur implication dans le soulèvement du mois de septembre.

8. La commission note que la CSI fait état de l’arrestation, par les autorités militaires, les 8 et 9 août 2006, de sept membres de la famille du militant de la FTUB Thein Win à leur domicile, dans le quartier Kyun Tharyar de la ville de Pegu. En garde à vue, plusieurs membres de sexe masculin de cette famille ont été torturés au cours de leur interrogatoire. Les 3 et 4 septembre 2006, les autorités ont relâché quatre de ces personnes. D’après la dernière communication de la CSI, trois des enfants de Thein Win (Tin Oo, Kyi Thein et Chaw Su Hlaing) auraient été condamnés à dix-huit ans de prison, sur la base de l’article 17(1) et (2) de la loi sur les associations illégales. Tin Oo aurait subi au cours de sa détention de graves tortures à l’origine de troubles mentaux et l’on craindrait pour sa santé.

La commission note que, selon le gouvernement, Thein Win et six autres personnes ont été jugés dans le cadre de la procédure pénale no 1675/06 par le tribunal de Toungoo, Division de Pegu, le 20 septembre 2008. Les prévenus étaient liés à l’explosion d’une bombe à Paenwegone, aux soulèvements ainsi qu’à la participation d’activités terroristes. Le commandement militaire du Sud a procédé aux enquêtes nécessaires et le père, la mère, le frère, la sœur et la belle-sœur ont été relâchés en septembre 2006 et, après avoir regagné leur domicile, ils ont fui le Myanmar le 2 octobre 2006 pour se rendre à Maesauk, en Thaïlande.

9. La commission note que la CSI se réfère à l’arrestation en mars 2006 de cinq militants syndicaux ou militants pour la démocratie clandestins, recherchés pour diverses infractions liées aux efforts déployés par les intéressés pour fournir des informations à la FTUB et à d’autres organisations considérées comme illégales par le régime et aussi pour avoir organisé des manifestations pacifiques contre le SPDC. Ces cinq personnes ont été condamnées à de longues peines de prison et quatre d’entre elles purgent leur peine dans la prison d’Insein (U Aung Thein, 76 ans, condamné à vingt ans; Khin Maung Win, condamné à dix-sept ans; Ma Khin Mar Soe, condamné à dix-sept ans; Ma Thein Thein Aye, condamné à onze ans; U Aung Moe, âgé de 78 ans, condamné à vingt ans). D’après la communication la plus récente de la CSI, ces personnes sont toujours en prison.

10. La commission note que la CSI fait état d’actes d’intimidation commis par l’armée à l’égard de 934 ouvriers de l’établissement Hae Wae Garment, dans la localité d’Okkapala Sud, dans l’agglomération de Yangon, qui avaient déclenché une grève le 2 mai 2006 pour obtenir de meilleures conditions de travail. Les quarante-huit travailleurs admis à rencontrer les autorités ont été contraints de signer une déclaration écrite disant qu’il n’y avait aucun problème dans l’usine. Un détachement de 12 à 20 policiers a été régulièrement présent à l’usine depuis le retour des ouvriers au travail.

11. La commission note que la CSI fait état de:

–           l’arrestation et la condamnation à une peine de quatre ans de prison assortie de travaux forcés de Nwa Bey Bey, militante du Syndicat des travailleurs de la santé de l’Etat de Karen (KHWU), qui serait détenue à Toungoo;

–           l’arrestation, la torture et le meurtre par une unité du bataillon d’infanterie 83 de Saw Thoo Di, également connu sous le nom de Saw Ther Paw, membre du comité du Syndicat des travailleurs de l’agriculture de l’Etat de Karen (KAWU) de la localité de Kya-Inn, le 28 avril 2006.

12. La commission note que la CSI fait état du bombardement au mortier et à la grenade du village de Pha par le bataillon d’infanterie légère 308, dépêché par la Direction militaire du SPDC qui avait appris que la FTUB et la Fédération des syndicats Kawthoolei (FTUK) y étaient en train de préparer une manifestation pour la défense des droits des travailleurs le 30 avril 2006.

13. La commission note que la CSI se réfère à la découverte par le SPDC, début juin 2005, d’un réseau clandestin de dix militants de la FTUB dans le secteur de Pegu qui fournissaient soutien et éducation à des travailleurs et qui entretenaient un réseau de relais de l’information avec des structures de la FTUB à l’étranger. Sept hommes et trois femmes ont été arrêtés. Dans une conférence de presse organisée le 28 août 2005, les dirigeants du SPDC ont accusé ces personnes d’avoir utilisé des téléphones cellulaires pour transmettre des informations depuis le Myanmar à la FTUB, laquelle les a ensuite relayées à l’OIT et au Mouvement syndical international. Les membres de la FTUB arrêtés ont été amenés au Centre d’interrogatoire à Aug Tha Pay, dans le quartier de Mayangone, où ils ont été interrogés et torturés par un service spécial de la police et le Bureau des opérations spéciales (contre-espionnage militaire) pendant les mois de juin et juillet. Le 29 juillet 2005, ils ont été transférés à la prison d’Insein et leur affaire a été déférée à un tribunal spécial, qui tient ses audiences à l’intérieur de la prison. Au cours de ce procès secret, ils n’ont eu accès ni à des conseils ni à des témoins de l’extérieur, et la procédure n’était manifestement pas conforme aux normes internationales reconnues en la matière. Ils ont été jugés coupables et condamnés le 10 octobre 2005. Wai Lin et Win Myint, en tant que principaux dirigeants du réseau, ont été condamnés respectivement à vingt-cinq et dix-huit ans de prison; les autres – cinq hommes et deux femmes (Hla Myint Than, Major Win Myint, Ye Myint, Thein Lwin Oo, Aung Myint Thein, Aye Chan, Kin Kyi) – ont tous été condamnés à sept ans de prison; une employée de banque, Ma Aye Thin Khine, a été condamnée à trois ans de prison. Dans sa plus récente communication, la CSI ajoute qu’à la fin de 2007 tous ces membres de la FTUB se trouvaient encore incarcérés à la prison d’Insein.

La commission note avec un profond regret que la réponse du gouvernement ne reconnaît pas à l’égard de ces personnes l’un quelconque des droits fondamentaux et des libertés publiques fondamentales qui sont prévus par la convention. La commission regrette le ton récusatoire de la réponse du gouvernement aux observations de la CSI et le caractère laconique des informations qu’il communique en réponse, qui contraste résolument avec l’extrême gravité des questions soulevées par la CSI. Elle condamne fermement les affirmations du gouvernement selon lesquelles les observations formulées par des organisations de travailleurs en application de l’article 23 de la Constitution de l’OIT et les recommandations formulées par les organes de contrôle de l’OIT tendant à ce qu’il soit fait réparation des atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs constituent une ingérence dans ses affaires internes. Elle souligne à ce propos que son appartenance en tant qu’Etat à l’Organisation internationale du Travail emporte l’obligation de respecter, dans la législation nationale, les principes de la liberté syndicale ainsi que les conventions librement ratifiées par le pays, parmi lesquelles la convention no 87. La commission souligne que les droits établis par la convention ne peuvent s’exercer sans le respect du droit à la vie et des libertés publiques, et que les travailleurs comme les employeurs doivent être en mesure d’exercer librement leurs droits syndicaux dans un climat d’entière liberté et de sécurité, exempt de toute violence ou menace. De plus, s’agissant des actes de torture, de cruauté et de mauvais traitement signalés, la commission souligne que les syndicalistes, comme tous les autres individus, doivent bénéficier des garanties prévues par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et que les gouvernements doivent donner les instructions nécessaires pour qu’aucun détenu ne fasse l’objet de tels traitements (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 29-30). En outre, notant que plusieurs syndicalistes ont été jugés par des tribunaux spéciaux, siégeant à l’intérieur d’une prison, et qu’un tribunal a ordonné la destruction de preuves, rendant ainsi pratiquement impossible tout appel de son jugement, la commission exprime avec force qu’il doit être dans la politique de tout gouvernement d’assurer le respect des droits de l’homme et notamment celui de tout accusé (ou de tout détenu) de bénéficier d’une procédure équitable, présentant toutes les garanties d’une administration régulière de la justice.

La commission, notant qu’il n’existe aujourd’hui aucune base légale qui fonde le respect et la concrétisation de la liberté syndicale au Myanmar, rappelle une fois de plus que si, effectivement, les syndicats sont tenus, en vertu de l’article 8 de la convention, de respecter la légalité, ce même article prévoit que «la législation nationale ne devra pas porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention». Les autorités ne doivent pas invoquer des activités syndicales légitimes comme un prétexte pour arrêter ou placer en détention des syndicalistes et faire peser sur eux des accusations pénales en représailles de leur affiliation ou de leurs activités syndicales. A cet égard, la commission regrette profondément que des activités syndicales normales, telles que des allocutions sur des questions d’ordre économique et social d’intérêt direct pour les travailleurs, la participation à des cérémonies du 1er mai et la simple communication d’informations à la FTUB soient présentées par le gouvernement comme une activité criminelle et réprimées à ce titre par de lourdes peines de prison. La commission souligne que la tenue de meetings et la formulation de revendications de caractère économique et social à l’occasion du 1er mai sont des formes traditionnelles de l’action syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit d’organiser librement les assemblées qu’ils veulent pour commémorer le 1er mai. La liberté d’expression, qui devrait être garantie à tous les syndicalistes, devrait également leur être garantie lorsqu’ils entendent critiquer la politique économique et sociale du gouvernement. S’agissant de la condamnation de syndicalistes pour avoir franchi la frontière et des propos du gouvernement selon lesquels la FTUB serait une organisation «étrangère», la commission souligne que, en vertu du principe consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme, toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays, et que l’exil forcé de dirigeants ou de militants syndicaux constitue une atteinte grave aux droits de l’homme et aux droits syndicaux, puisqu’il affaiblit le mouvement syndical dans son entier en le privant de ses dirigeants. Quant à la référence faite par le gouvernement à d’autres conventions afin de justifier ses violations de cette convention fondamentale, la commission souligne qu’un Etat ne peut arguer que ses autres engagements ou accords justifient la non-application de conventions de l’OIT qu’il a ratifiées.

La commission déplore à nouveau vivement les graves faits de meurtres, d’arrestations, de placements en détention, de tortures et de condamnations à de longues peines de prison subis par des syndicalistes en raison de l’exercice d’activités syndicales ordinaires, et notamment pour le simple fait d’avoir communiqué des informations à la FTUB et d’avoir participé à des commémorations du 1er mai. La commission prie instamment, une fois de plus, le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises et sur les instructions données sans délai pour garantir le respect des libertés civiles fondamentales à l’égard des syndicalistes et dirigeants syndicaux, et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les personnes mises en prison en raison de l’exercice d’activités syndicales soient libérées immédiatement, et pour garantir qu’aucun travailleur ne soit sanctionné en raison de l’exercice de telles activités, en particulier pour avoir des contacts avec des organisations de travailleurs de son choix. Rappelant en outre que le droit des travailleurs et des employeurs de constituer librement des organisations de leur choix et celui de s’y affilier ne peut s’exercer que s’il existe une telle liberté et qu’elle est reconnue en droit et dans la pratique, la commission prie instamment le gouvernement d’indiquer toutes les mesures prises, y compris toutes les instructions émises, pour garantir le libre exercice de toute forme d’organisation de la représentation collective des travailleurs, librement choisie par ceux-ci pour la défense et le progrès de leurs intérêts économiques et sociaux, y compris à travers des organisations qui fonctionnent aujourd’hui en exil.

En ce qui concerne le cadre législatif (articles 2, 3, 5 et 6 de la convention), la commission prend note des observations de la CSI portant sur des problèmes que la commission soulève depuis des années: interdiction des syndicats et absence de toute base légale de la liberté d’association au Myanmar (législation antisyndicale et répressive, cadre législatif obscur, existence d’ordonnances et de décrets militaires restreignant de manière supplémentaire la liberté syndicale, pérennisation du système du syndicat unique instauré avec la loi de 1964 et cadre constitutionnel flou); le fait que la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) est contrainte d’opérer clandestinement et est accusée de terrorisme; la création de «comités ouvriers» par les autorités; la répression qui frappe les gens de mer, y compris à l’étranger, et le refus de reconnaître leur droit d’être représentés par le syndicat des gens de mer de Birmanie (SUB), affilié à la FTUB et à la Fédération internationale des travailleurs des transports (FIT).

La commission note que d’après le gouvernement:

–      le référendum portant sur la Constitution a remporté un succès, sanctionné par un «oui» à 92,4 pour cent selon l’annonce no 10/2008 du 15 mai 2008 de la commission d’organisation du référendum du gouvernement de l’Union du Myanmar. Le chapitre VIII de la Constitution, relatif à la citoyenneté, aux droits fondamentaux et aux devoirs des citoyens, dispose, sous son paragraphe 354, que: «est reconnue la liberté d’exercer les droits suivants, sous réserve des lois adoptées pour la sécurité de l’Etat, la primauté de la loi et de l’ordre, la paix et la tranquillité de la société, l’ordre public et la moralité: a) le droit des citoyens d’exprimer librement leurs convictions et leurs opinions; b) le droit des citoyens de s’assembler pacifiquement, sans arme; c) le droit des citoyens de constituer des associations et des syndicats.»;

–      par effet de ces dispositions, un cadre législatif a été mis en place et les premières démarches ont été entreprises en vue de la création de syndicats de base, visant à des organisations de travailleurs libres et indépendantes. Des syndicats de base ont d’ores et déjà été constitués dans onze zones industrielles;

–      en outre, les diverses commissions compétentes ont déjà commencé à modifier, revoir et réviser les dispositions des diverses lois du travail adoptées sur la base de la loi de 1964 définissant les droits fondamentaux et responsabilités des travailleurs. Les questions soulevées par la commission à propos de la loi de 1929 sur les conflits du travail et de la loi de 1926 sur syndicats sont abordées dans la nouvelle Constitution de l’Etat sous son chapitre IV, relatif à la législation, son chapitre VIII, relatif à la citoyenneté, aux droits fondamentaux et aux devoirs des citoyens, et sous son chapitre XV, portant dispositions générales. Quant aux ordonnances nos 2/88 et 6/88, le gouvernement indique que, au cours de cette période transitoire, il sera nécessaire d’instaurer des mesures de protection contre les personnes qui tenteront de susciter la haine, le défi ou la provocation à l’égard du gouvernement établi par la loi de l’Union du Myanmar ou à l’égard de l’une quelconque de ses entités constitutives. Néanmoins, par effet de la nouvelle Constitution de l’Etat, l’ordonnance no 6/88 sera abordée à l’avenir à travers la rédaction de la nouvelle loi sur les syndicats, et les procédures d’enregistrement des organisations de travailleurs seront incorporées dans cette nouvelle loi;

–      enfin, concernant les gens de mer, le gouvernement indique que le Département de l’administration maritime, qui relève du ministère des Transports, a autorisé les marins du Myanmar qui travaillent à bord de navires à informer et saisir de toute plainte la Division du contrôle de l’emploi des gens de mer (SECD) et aussi à informer et saisir de toute plainte la FIT ou toute autre association valide, du préjudice subi quant à leurs intérêts et à leurs droits.

La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle observe qu’il existe des dispositions de législation qui contiennent d’importantes restrictions à la liberté syndicale ou des dispositions qui, bien que n’étant pas directement dirigées contre la liberté syndicale, peuvent être appliquées d’une manière qui en altère gravement l’exercice. Plus spécifiquement: 1) l’ordonnance no 6/88 du 30 septembre 1988, qui dispose que «les organisations demanderont la permission de se constituer au Ministre de l’intérieur et des affaires religieuses» (art. 3 a)), et précise que toute personne reconnue coupable d’appartenir, d’aider ou d’inciter des organisations non autorisées, ou d’agir sous le couvert de telles organisations, sera punie d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de trois ans (art. 7); 2) l’ordonnance no 2/88, qui interdit de se réunir ou de marcher en cortège, par groupe de cinq ou plus, sans considération de ce que cet acte soit motivé ou non par l’intention de créer des perturbations ou de commettre un crime; 3) la loi de 1908 sur les associations illégales, qui dispose que quiconque est membre d’une association illégale, participe aux réunions d’une telle association, contribue, reçoit ou sollicite des contributions pour les finalités d’une telle association, ou encore assiste de quelque manière que ce soit le fonctionnement d’une telle association, sera puni d’une peine de deux ans de prison au moins et de trois ans au plus et sera passible d’une amende (art. 17.1); 4) la loi de 1926 sur les syndicats qui impose que 50 pour cent des travailleurs du site considéré doivent appartenir au syndicat pour que celui-ci soit légalement reconnu; 5) la loi de 1964 définissant les droits fondamentaux et les responsabilités des travailleurs, qui instaure un système obligatoire d’organisation et de représentation des travailleurs et impose le régime du syndicat unique; et 6) la loi de 1929 sur les conflits du travail, qui pose de nombreuses restrictions au droit de grève et habilite le président à déférer les conflits du travail à des cours d’investigation ou à des tribunaux du travail.

Tout en prenant note des indications du gouvernement concernant l’adoption de la Constitution et les réformes législatives à venir, la commission est amenée à relever qu’il n’existe actuellement aucune base légale pour le respect et la concrétisation de la liberté syndicale au Myanmar et que la clause dérogatoire de caractère très général inscrite à l’article 354 de la Constitution subordonne l’exercice de ce droit «aux lois adoptées pour la sécurité de l’Etat, la primauté du droit et de l’ordre, la paix et la tranquillité de la société ou l’ordre public et la moralité». La commission note avec un profond regret que le libellé de cet article 354 de la Constitution risque de perpétuer les violations continuelles de la liberté d’association en droit et dans la pratique. Rappelant les questions particulièrement graves et urgentes qu’elle soulève depuis maintenant près de vingt ans, la commission déplore cette carence persistante à prendre quelque mesure que ce soit pour remédier à cette situation législative qui constitue un manquement grave et persistant du gouvernement aux obligations que fait peser à son égard la ratification volontaire de cette convention. De plus, la commission regrette profondément l’exclusion des partenaires sociaux et de la société civile dans son ensemble de toute consultation digne de ce nom, consultation qui serait pourtant le fondement indispensable à la mise en place d’un cadre législatif répondant aux questions particulièrement graves et urgentes soulevées à propos de l’application de la convention. Elle est également amenée à exprimer de sérieux doutes quant à l’idée selon laquelle les «syndicats» dont parle le gouvernement seraient le fruit du libre choix et des intérêts des travailleurs dans le contexte actuel, qui se caractérise par une absence totale d’instruments législatifs d’exécution et par des violations récurrentes de la liberté syndicale dans la pratique.

En conséquence, la commission prie instamment une fois de plus le gouvernement de communiquer sans délai un rapport détaillé sur les mesures concrètes prises pour adopter une législation garantissant à tous les travailleurs et employeurs le droit de constituer des organisations de leur choix et celui de s’affilier à ces organisations, ainsi que le droit de ces organisations d’exercer leur activités et de formuler leurs programmes d’action, de même que de s’affilier à des fédérations, confédérations et organisations internationales de leur choix, sans intervention de la part des autorités publiques. En outre, elle demande dans les termes les plus fermes que le gouvernement abroge immédiatement les ordonnances nos 2/88 et 6/88, ainsi que la loi sur les associations illégales, afin que ces instruments ne puissent être appliqués d’une manière qui porte atteinte aux droits des organisations de travailleurs et d’employeurs. La commission prie le gouvernement de faire état de toutes mesures prises en vue de l’adoption de tous projets de lois, ordonnances ou instructions qui garantissent la liberté syndicale, afin qu’elle puisse en examiner la conformité par rapport aux dispositions de la convention.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 98e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]

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