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Observation (CEACR) - adopted 2008, published 98th ILC session (2009)

Indigenous and Tribal Peoples Convention, 1989 (No. 169) - Colombia (Ratification: 1991)

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Dans son observation de 2007, la commission prenait note d’une communication de l’Union syndicale ouvrière de l’industrie pétrolière (USO), reçue le 31 août 2007, qui concernait l’application de la convention aux communautés de descendants d’Africains de Curvaradó et de Jiguamandó, dans la région du Pacifique, question examinée par la convention. Cette communication avait été élaborée avec les conseils communautaires de Curvaradó et de Jiguamandó, la Commission interecclésiale de justice et paix, la Commission colombienne de juristes et le collectif d’avocats «José Alvear Restrepo». Le 28 août 2008, le Bureau a reçu une nouvelle communication de l’USO, transmise au gouvernement le 9 septembre. La commission note que le gouvernement n’a pas encore fourni de commentaires sur cette communication. La commission note avec regret que, dans son rapport reçu le 2 octobre 2008, le gouvernement ne donne pas de réponse aux graves questions traitées par la commission dans son observation de 2007 et ne formule aucun commentaire sur la communication de l’USO de 2007.

Observation de 2007: Jiguamandó et Curvaradó

Dans son observation de 2007, la commission s’était contentée d’examiner les questions soulevées par l’USO, qu’elle considérait comme graves et urgentes, et qui pouvaient avoir des conséquences irréversibles; elle avait prié le gouvernement de transmettre les observations qu’il souhaitait faire sur la communication pour l’examiner complètement. La commission s’était dite gravement préoccupée par les allégations de menaces et d’atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique des habitants des communautés. La commission avait mentionné en particulier les allégations suivantes contenues dans la communication: 1) présence de groupes paramilitaires sur le territoire collectif, entre autres les groupes «Aguilas negras» et «Convivir», lesquels bénéficieraient de la tolérance de la force publique, et notamment des brigades XV et XVII de l’armée de terre. Les paramilitaires se seraient installés en 2007 sur des terres communautaires et auraient proféré des menaces à l’encontre des habitants des communautés qu’ils accusent d’appartenir à la guérilla, situation qui, étant donné la situation du pays, met gravement leur vie en péril. La communication indique que ces intimidations visent à défendre la culture de la palme africaine, et que les groupes paramilitaires ont menacé de «liquider» tous ceux qui font obstacle à la culture de la palme à huile à Curvaradó et à Jiguamandó; 2) impunité des violations des droits fondamentaux des membres des communautés, par exemple la disparition et l’assassinat en 2005 d’Orlando Valencia, dirigeant descendant d’Africains de Jiguamandó; 3) «persécution judiciaire» à l’encontre des victimes de violations des droits de l’homme et des membres des organisations qui les accompagnent. La communication indiquait aussi que, même si la guérilla n’est présente que sporadiquement dans la région, on se saurait oublier que les communautés constituent une population civile et qu’elles ont décidé de créer des zones humanitaires qui ont été reconnues par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. En 2007, la commission avait instamment prié le gouvernement de prendre des mesures et de transmettre des informations. La commission fait à nouveau part de sa préoccupation profonde et croissante à propos des allégations de l’USO et de l’absence de réponse du gouvernement à propos des allégations relatives au droit à la vie des peuples indigènes. Elle prie à nouveau instamment le gouvernement d’adopter sans tarder toutes les mesures nécessaires pour garantir la vie et l’intégrité physique et morale des membres des communautés, afin que cessent toutes persécutions, menaces ou intimidations, et pour garantir l’application des droits consacrés par la convention dans des conditions de sécurité. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées à ce sujet et de répondre aux commentaires qu’elle a formulés dans sa dernière observation. La commission demande au gouvernement, lorsqu’il formulera ses observations sur la communication de l’USO de 2007, de fournir des informations détaillées sur la façon dont est appliqué l’article 14 de la convention aux terres des communautés de Jiguamandó et Curvaradó.

Communication de l’USO de 2008

Dans sa communication, l’USO indique que le gouvernement ne respecte pas les dispositions de la convention en ce qui concerne les peuples Emberá Katío et Dobida, qui vivent dans les réserves de Pescadito et Chidima dans la municipalité d’Acandí, et qui font partie de l’Association des conseils municipaux indigènes Kunas, Emberás et Katíos du Nord du Chocó (ACIKEK). La communication indique que le peuple Emberá fait partie de la grande famille indigène Chocó, et précise les régions où il vit. Le peuple Emberá comprend, entre autres, les familles Katío et Dobida. Le peuple Emberá Dobida vit au bord des fleuves et son activité principale est la pêche. Les Emberá Katío vivent dans les forêts de la montagne.

Homicides et déplacements forcés d’indigènes. Il est question en particulier d’actes violents allant des menaces aux assassinats, de déplacements forcés, de violation des droits fonciers, d’absence de consultation, de prospection de ressources naturelles sans consultation ni participation. De manière générale, la communication souligne l’augmentation des déplacements forcés de peuples indigènes et indique que, d’après les documents du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, entre 1996 et 2002, 997 indigènes ont été victimes d’homicides et 16 362 de déplacements forcés. Entre 2004 et 2007, 519 indigènes ont été assassinés et 30 000 auraient été victimes de déplacements forcés. S’agissant des réserves Chidima et Pescadito, il est fait mention de déplacements d’indigènes qui ont cherché à rentrer au Panama où vivent des indigènes du même peuple. Certains n’y sont pas parvenus, d’autres ont obtenu le statut de réfugiés.

Terres. Réserves Chidima et Pescadito. Il est indiqué qu’en 2001, par les résolutions nos 005 et 006 de l’Institut colombien de la réforme agraire (INCORA), la réserve Chidima a été créée pour les indigènes Katío, et la réserve Pescadito pour les indigènes Dobida. La communication indique que la réserve des Dobidas est tellement petite que, d’après les témoignages d’indigènes, elle est comparable à une prison. D’après la communication, la réserve Chidima comprend trois parcelles qui ne sont pas d’un seul tenant, ce qui a facilité l’invasion de la troisième parcelle par des colons. Les colons seraient venus avec des dragues, des tronçonneuses, auraient brûlé les pâturages et proféré des menaces de mort. Les indigènes Katío ont demandé que, en raison de l’occupation traditionnelle de l’ensemble du territoire, y compris de la zone se trouvant entre les réserves, les trois parcelles soient réunies en une réserve unique. Dans un premier temps, le gouvernement leur avait assuré qu’il serait accédé à leur demande, mais cela n’a pas été suivi d’effets. Une carte de l’Institut colombien de développement rural (INCODER) est jointe, d’après laquelle aucun budget n’était prévu pour l’assainissement en 2006. D’après la communication, lorsque les indigènes ont demandé une protection contre les invasions, l’INCODER a répondu que, une fois le titre de la réserve établi, il appartenait aux communautés indigènes d’empêcher l’invasion du territoire. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 14, paragraphe 2, le gouvernement a l’obligation de garantir la protection effective des droits de propriété et de possession des peuples intéressés, et qu’aux termes de l’article 18 de la convention les gouvernements doivent prendre des mesures pour empêcher toute entrée non autorisée sur les terres des peuples intéressés, ou toute utilisation non autorisée de ces terres. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures sans tarder pour mettre fin à toute violation des terres des peuples Katío et Dobida, en particulier de la parcelle 3 de Chidima qui, d’après la communication, ferait actuellement l’objet de violations, et de fournir des informations sur les mesures adoptées. Elle prie également le gouvernement d’adopter des mesures pour réunir ces trois parcelles, dans la mesure où il semble y avoir eu une occupation traditionnelle, afin que la réserve soit viable, et de fournir des informations à ce sujet.

Ressources naturelles et projets de développement. La communication indique notamment que de nouvelles routes ont été construites et qu’elles traverseront les réserves de Chidima et de Pescadito, que des études sur place sont déjà en cours de réalisation relativement à la création d’un réseau électrique binational, qu’une concession minière a été octroyée dans la municipalité d’Acandí, et qu’elle porte sur une surface de 40 000 hectares; l’ensemble de ces activités ont eu lieu sans participation ni consultation. De même, la communication indique que, d’après le gouvernement, le décret no 1320 sur la consultation prévoit uniquement une consultation préalable à l’exploitation, mais permet la prospection sans consultation. La commission rappelle qu’aux termes de l’article 7 de la convention les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel, et les terres qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière, et qu’ils doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement. S’agissant des ressources naturelles et des projets de développement, la consultation est une condition prévue par la convention, qui doit s’inscrire dans le processus participatif plus large de l’article 7 de la convention. Si les ressources naturelles sont propriété de l’Etat, la consultation a lieu en vertu de l’article 15, paragraphe 2, pour les terres définies à l’article 13, paragraphe 2, de la convention (totalité de l’environnement que les peuples occupent ou qu’ils utilisent d’une autre manière), et pas uniquement pour les réserves. La commission rappelle que, en vertu de l’article 14, les gouvernements ont l’obligation d’identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement, et de garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession. En conséquence, s’agissant des réserves qui ne recouvrent pas la totalité de l’environnement, mais seulement une partie délimitée sur laquelle les peuples indigènes ont un titre, il faudrait garantir, conformément à l’article 14, les droits de propriété et de possession et tous les droits qui en découlent, et pas uniquement les droits de consultation et de participation. En conséquence, la commission prie le gouvernement de garantir pleinement la protection effective des droits de propriété et de possession des peuples mentionnés, conformément à l’article 14, paragraphe 2 de la convention, de protéger les autres terres occupées traditionnellement afin que la propriété et la possession de ces terres soient reconnues, et de suspendre les activités liées aux concessions octroyées pour la prospection et/ou aux projets d’infrastructures, qui sont contraires aux articles 6, 7 et 15 de la convention, et de fournir des informations sur les mesures prises.

Décret no 1320. La commission rappelle qu’à sa 282e session (novembre 2001) le Conseil d’administration a conclu que le processus de consultation préalable prévu par le décret no 1320 de 1998 n’était pas conforme aux articles 2, 6, 7 et 15 de la convention, et a prié le gouvernement de modifier le décret pour le rendre conforme à la convention, avec la consultation et la participation active des représentants des peuples indigènes de Colombie, conformément aux dispositions de la convention (document GB.282/14/3, paragr. 79 et 94). La commission regrette qu’en 2008 le gouvernement n’ait toujours pas appliqué la recommandation du Conseil d’administration et le prie instamment de donner effet à cette recommandation et de fournir des informations sur les mesures adoptées pour ce faire.

La commission réitère sa demande d’informations, formulée en 2007, sur l’application des recommandations du Conseil d’administration de novembre 2001; ces recommandations figurent dans deux rapports adoptés qui concernent des réclamations faisant état de l’inobservation de la convention par le gouvernement colombien (documents GB.282/14/3 et GB.282/14/4).

La commission envoie une demande directement au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]

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