National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note du premier rapport du gouvernement. Elle note aussi la communication du 7 septembre 2005 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui porte sur l’application de la convention no 29, et la réponse à ce sujet du gouvernement en date de novembre 2005. Enfin, elle prend note de la discussion approfondie qui a eu lieu en juin 2005, à la 93e session de la Conférence internationale du Travail, à la Commission de l’application des normes. Se référant à ses commentaires au sujet de l’application de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, étant donné que l’article 3 a) de la convention no 182 indique que l’expression «les pires formes de travail des enfants» comprend «toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire», la commission estime que la question du travail forcé des enfants peut être examinée plus précisément au titre de cette convention. La commission demande au gouvernement de fournir un complément d’information sur les points suivants.
Article 3. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Esclavage ou pratiques analogues. 1. Enlèvements et exaction de travail forcé. Dans ses commentaires précédents au titre de la convention no 29, la commission avait pris note des allégations de la CISL selon lesquelles le rapport présenté en juillet 2004 par Amnesty International sur la situation au Darfour faisait état d’enlèvements de femmes et d’enfants par la milice Janjaweed, y compris de cas d’esclavage sexuel. Les enlèvements s’étaient poursuivis en 2003 et 2004. La CISL indiquait également que, selon la Commission des chefs Dinka et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, environ 14 000 personnes avaient été enlevées. La commission avait aussi pris note de l’information du gouvernement selon laquelle, de mars à mai 2004, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes avait été en mesure de libérer, avec le soutien financier du gouvernement, plus de 1 000 personnes enlevées qui avaient rejoint leurs familles, notamment dans les zones contrôlées par l’armée de libération du peuple du Soudan.
La commission prend note de l’indication du gouvernement pendant la discussion de la Commission de la Conférence de juin 2005, à savoir que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est occupé de 11 000 des 14 000 cas d’enlèvement, et qu’environ 5 700 personnes ont été sauvées en 2004‑05 contre 3 500 de 1999 à 2004.
La commission prend aussi note des informations contenues dans la communication du 7 septembre 2005 de la CISL selon lesquelles la conclusion, en janvier 2005, d’un accord général de paix, l’entrée en fonction du nouveau gouvernement le 9 juillet 2005 et l’adoption de la Constitution de transition constituent une chance historique pour le nouveau gouvernement du Soudan de résoudre le problème des enlèvements, mais ne conduiront pas automatiquement à mettre un terme aux enlèvements et à l’exaction de travail forcé. A propos de la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2005 selon laquelle le cas est réglé et qu’il n’y a plus d’enlèvement, la CISL indique qu’elle a été informée de cas d’enlèvement qui ont débouché sur l’exaction de travail forcé et sur des cas répétés de viol qui constituent de l’esclavage sexuel et de la prostitution forcée. La commission prend aussi note de la réponse du gouvernement de novembre 2005, à savoir que 108 enfants qui avaient été enlevés ont été sauvés grâce à l’action du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.
La commission note qu’en vertu de l’article 30, alinéa 1, de la Constitution de transition de 2005 de la République du Soudan l’esclavage et la traite d’esclaves sous toutes ses formes sont interdits ainsi que le travail forcé (sauf s’il s’agit d’une sanction prononcée par le tribunal). La commission note l’information du gouvernement selon laquelle l’article 32 de la loi de 2004 sur l’enfance interdit spécifiquement l’emploi d’enfants – travail forcé, exploitation sexuelle ou pornographique, traite, conflits armés. La commission note aussi que plusieurs dispositions du Code pénal sanctionnent le travail forcé (art. 311), y compris les enlèvements à cette fin (art. 312).
La commission note la convergence d’allégations et l’ample consensus des organismes des Nations Unies, des organisations représentatives de travailleurs et des organisations non gouvernementales à propos de la persistance et de l’étendue des cas d’enlèvement et des cas d’enfants forcés à travailler. La commission note que, s’il est vrai que des mesures positives et concrètes ont été prises pour lutter contre le travail forcé d’enfants, notamment la conclusion de l’accord général de paix de 2004 et les résultats obtenus par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, aucun élément ne montre que le travail forcé des enfants a été éliminé. Par conséquent, bien que la législation nationale semble interdire les enlèvements et l’exaction de travail forcé, ces problèmes restent préoccupants dans la pratique. A cet égard, la commission rappelle au gouvernement que, en vertu de l’article 3 a) de la convention, le travail forcé est considéré comme l’une des pires formes de travail des enfants et que, conformément à son article 1, les Membres doivent prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants et ce, de toute urgence. La commission se dit profondément préoccupée par la situation des enfants de moins de 18 ans qui continuent d’être enlevés et soumis au travail forcé. La commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour améliorer la situation et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que des enfants de moins de 18 ans soient victimes d’enlèvements et d’exaction de travail forcé. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures efficaces prises dans un délai déterminé pour soustraire les enfants aux situations d’enlèvement et de travail forcé, et de veiller à leur réadaptation et à leur intégration sociale.
2. Recrutement forcé des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. La commission note que, selon le rapport périodique du gouvernement soumis au Comité des droits de l’enfant le 6 décembre 2001 (CRC/C/65/Add.17, paragr. 39), la loi de 1992 sur la conscription nationale dispose que tout Soudanais âgé de 18 à 33 ans peut être appelé sous les drapeaux. L’article 10, paragraphe 4, de la loi de 1986 sur les forces armées populaires dispose que quiconque est capable de porter des armes est considéré comme force de réserve et peut être appelé à servir dans les forces armées si besoin est. L’article 10, paragraphe 5, indique en outre que, sans préjudice des dispositions du paragraphe 4, le Président de la République peut exiger de toute personne capable de porter des armes de suivre un entraînement militaire et de se tenir ainsi prête en tant que force de réserve, conformément aux conditions précisées par toute loi ou tout décret en vigueur. En outre, les forces de défense populaire, qui dépendent du gouvernement et ont été établies en tant que forces paramilitaires en vertu de la loi de 1989 sur la défense populaire, peuvent recruter des personnes âgées de 16 ans.
La commission note que, selon les informations dont le Bureau dispose, les forces armées gouvernementales, dont les forces de défense populaire paramilitaires, les milices soutenues par le gouvernement, l’armée de libération, et d’autres groupes armés, notamment des groupes tribaux qui ne sont pas alliés au gouvernement ou des groupes armés d’opposition, recrutent de force des enfants soldats dans le nord et le sud du Soudan. Le recrutement a eu lieu principalement dans le haut Nil occidental et le sud du haut Nil, l’Equatoria oriental et les montagnes Nuba. En 2004, environ 17 000 enfants se trouvaient encore dans les forces gouvernementales, l’armée de libération et les milices. Parfois, ces enfants ont été obligés d’attaquer leurs communautés ou des communautés avoisinantes. La commission note également qu’en avril 2003 le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est dit préoccupé par le recrutement persistant et l’utilisation d’enfants au Soudan, en violation du droit international. La commission note aussi que, dans ses observations finales du 9 octobre 2002 (CRC/C/15/Add.190, 2002, paragr. 59 et 60), le Comité des droits de l’enfant s’est dit profondément préoccupé par le fait que des enfants sont utilisés comme soldats par les forces gouvernementales et les forces d’opposition et a recommandé au gouvernement de mettre un terme au recrutement et à l’utilisation d’enfants dans les forces armées, conformément aux normes internationales applicables, d’achever la démobilisation des enfants qui servent actuellement dans les forces armées et de se conformer à la résolution de 2001 de la Commission des droits de l’homme.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 9, paragraphe 24, du sixième Protocole de l’accord général de paix demande la démobilisation de tous les enfants soldats dans un délai de six mois à compter de la date de la signature de l’accord. L’article 9, paragraphe 1 (10), du Protocole considère que la conscription d’enfants porte atteinte aux dispositions de l’accord. En cas de conscription d’enfants, le comité militaire conjoint décidera des mesures disciplinaires appropriées à prendre, entre autres: faire connaître les parties qui interviennent dans le conflit, dénoncer le coupable ou décider l’imposition d’une sanction sévère si le coupable est impliqué dans de graves violations, ou recommander que le coupable ou les parties en cause soient déférés devant un tribunal civil, pénal ou militaire, selon le cas. La commission prend note aussi de l’indication du gouvernement selon laquelle un comité a été créé à la suite de l’accord de paix. Il est chargé en particulier des questions de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Le comité a élaboré un projet de politique-cadre pour la démobilisation et la réinsertion des enfants liés aux groupes des forces armées.
La commission prend note de l’adoption, en janvier 2005, de l’accord général de paix. Toutefois, elle estime que l’interdiction de recruter de force des enfants ne devrait pas se limiter au champ d’application de cet accord. Par conséquent, la commission note que, conformément à la législation en vigueur, les enfants de moins de 18 ans peuvent être recrutés dans les «forces de réserve» et en tant que membres des forces de défense populaire (à partir de 16 ans). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, et ce de toute urgence, pour que la législation nationale interdise le recrutement obligatoire d’enfants de moins de 18 ans, y compris dans les «forces de réserve», dans toute force militaire, gouvernementale ou non, et de prendre les sanctions appropriées en cas d’infraction à cette interdiction. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises dans un délai déterminé pour démobiliser l’ensemble des enfants soldats, et d’indiquer notamment le nombre d’enfants de moins de 18 ans qui ont été réadaptés puis réintégrés dans leurs communautés.
Article 7. Sanctions. Travail forcé. Dans ses commentaires précédents formulés sous la convention no 29, la commission avait noté que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes estimait que les actions en justice représentaient le meilleur moyen d’éliminer les enlèvements, alors que les tribus, et notamment la Commission des chefs Dinka, avaient demandé au comité de ne saisir la justice que si les efforts de conciliation des tribus avaient échoué.
La commission prend note de l’allégation de la CISL selon laquelle l’impunité dont ont bénéficié les responsables d’enlèvements et d’exaction de travail forcé – ce que démontre l’absence depuis seize ans de poursuites pour enlèvement – explique que ces pratiques se soient poursuivies tout au long de la guerre civile et, plus récemment, au Darfour. La commission prend note de la réponse du gouvernement de novembre 2005, à savoir que les principales raisons pour lesquelles l’ensemble des tribus intéressées, y compris la Commission des chefs Dinka, ont demandé au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de ne pas saisir la justice, à moins que les efforts de conciliation des tribus n’aient échoué, sont les suivantes: les actions en justice sont très longues et coûteuses; elles peuvent avoir pour effet de mettre en péril la vie des jeunes qui ont été enlevés; et elles ne contribueront pas à construire la paix entre les tribus intéressées.
La commission note que le Code pénal de 2003 contient plusieurs dispositions qui prévoient des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives (peines d’emprisonnement et amendes) en cas d’imposition de travail forcé. La commission note aussi que, selon le gouvernement, l’article 67(d) de la loi de 2004 sur l’enfance indique que quiconque enfreint l’article 32 qui interdit le travail forcé est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximum de quinze ans et d’une amende dont le montant est fixé par le tribunal.
La commission note que, dans ses observations finales du 9 octobre 2002 (CRC/C/15/Add.190, paragr. 62), le Comité des droits de l’enfant a recommandé au gouvernement de poursuivre en justice les individus qui se livrent à l’enlèvement, à la vente, à l’achat ou au recrutement forcé illégal d’enfants. La commission considère que, s’il est vrai que la non-application des dispositions pénales qui interdisent le travail forcé des enfants de moins de 18 ans permet parfois de sauver des victimes, elle a aussi pour effet de laisser impunis les coupables. La commission rappelle au gouvernement que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’établissement et l’application de sanctions pénales. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les personnes qui se livrent à l’enlèvement et à l’exaction de travail forcé d’enfants âgés de moins de 18 ans soient poursuivies et à ce que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées. Elle prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’infractions signalées, les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les sanctions appliquées.
La commission adresse aussi une demande directe au gouvernement sur d’autres points.