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La commission prend note du rapport du gouvernement, des commentaires sur l’application de la convention présentés par le Conseil national des travailleurs organisés (CONATO) et le Conseil national de l’entreprise privée du Panama (CONEP), ainsi que des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1931 qui porte sur une plainte présentée par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) (voir le 318e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 493 à 507) et du rapport sur l’application de la convention no 87 de la mission d’assistance technique qui a séjourné au Panama du 6 au 9 février 2006. La commission se félicite que le gouvernement ait accepté d’étendre le mandat de la mission aux questions relatives à l’application de la convention. La commission prend note des commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), en date du 10 août 2006, qui ont principalement trait à des questions en cours d’examen.
1. La commission indique dans la présente section les questions qu’elle avait soulevées dans son observation précédente sur l’application de la convention et les vues du gouvernement et des partenaires sociaux qui figurent en annexe du rapport de la mission d’assistance technique:
Problèmes signalés par le CONATO
a) Déni du droit de négociation collective dans les entreprises créées il y a moins de deux ans (art. 12 de la loi no 8 de 1981).
CONEP: il est raisonnable de donner aux entreprises créées il y a moins de deux ans de l’oxygène pour qu’elles puissent stabiliser leur situation. Cette interdiction de la négociation collective et, indirectement, de la grève, est donc raisonnable.
CONATO: l’article 12 de la loi no 8 de 1981 ne rend pas obligatoire la négociation de la convention collective pour les entreprises qui ont moins de deux ans. La conséquence dans la pratique de cette disposition est le refus des cahiers de revendications qui portent, entre autres, sur la négociation de la négociation collective.
Gouvernement: en cas de consensus entre les partenaires sociaux sur ce point, le gouvernement ne voit pas d’inconvénient à autoriser la négociation collective dans les entreprises créées il y a moins de deux ans.
La commission réitère ses commentaires précédents et estime que cette restriction à la négociation collective est incompatible avec les exigences de la convention.
b) Restrictions à la négociation collective dans le secteur maritime.
CONEP: une action judiciaire en inconstitutionnalité a été intentée, et une nouvelle législation sur le travail maritime est en cours d’élaboration.
CONATO: étant donné que l’article 75 du décret-loi no 8 de 1998, contrairement au Code du travail, ne prévoit pas l’obligation de conclure des conventions collectives mais dispose que les entreprises peuvent en conclure, cette disposition s’est traduite dans la pratique par le refus des cahiers de revendications qui portent notamment sur ce point, et donc par l’impossibilité dans les faits de déclarer une grève visant à rendre obligatoire la conclusion d’une convention collective.
Gouvernement: une action en inconstitutionnalité du décret-loi no 8 de 1998 est en cours. Il attend l’issue du projet de convention du travail maritime (consolidée) de l’OIT. Un projet de nouveau Code maritime sera soumis prochainement à l’Assemblée législative.
La commission demande au gouvernement de communiquer la sentence qu’émettra la Cour suprême de justice, ainsi que le projet de nouveau Code maritime.
c) Négociation collective avec des groupes de travailleurs non syndiqués du secteur privé (art. 431 du Code du travail), y compris quand un syndicat est en place, dans le cas d’actes d’ingérence de l’employeur; en particulier, le rejet des cahiers de revendications dans certains cas, par exemple lorsque le syndicat envisage un conflit collectif et que des accords ont déjà été conclu par les représentants des travailleurs non syndiqués.
CONEP: il faut respecter le critère, même s’il n’a pas été encore codifié, de la Cour suprême selon lequel l’entreprise peut négocier directement avec les travailleurs si le syndicat ne peut pas négocier.
CONATO: dans la pratique, en infraction de la loi, on permet que des groupes non syndiqués du secteur privé excluent un syndicat de la négociation collective, au motif que des accords préparés par l’entreprise ont été conclus, pratique que l’on présente comme étant ouvertement syndicale, alors que les travailleurs non syndiqués n’ont pas véritablement d’activités revendicatives. A cause des pratiques syndicales susmentionnées (qui sont manifestes), les accords en question empêchent, pendant une période qui peut attendre quatre ans, les syndicats de demander la négociation collective ou de présenter des cahiers de revendications.
Gouvernement: le problème des conventions collectives avec des travailleurs non syndiqués n’existe plus; il a été mis un terme à ces pratiques en septembre 2004; le ministère du Travail n’accepte pas d’accords directs si le syndicat a présenté un cahier de revendications; s’il existe deux cahiers de revendications (l’un présenté par le syndicat et l’autre non), le Code du travail prévoit une procédure de concours de cahiers de revendications (art. 402 et 416).
Etant donné la divergence des points de vue du CONATO, du CONEP et du gouvernement, la commission demande à ce dernier d’entamer un dialogue tripartite sur cette question afin de veiller au respect du principe selon lequel la négociation collective avec des groupes de travailleurs non syndiqués ne devrait être possible que s’il n’y a pas de syndicat.
d) Déni du droit de négociation collective aux fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat (art. 135 de la loi sur la carrière administrative).
CONEP: il préfère ne pas se prononcer sur la question du droit de grève des fonctionnaires car cette question est du ressort du gouvernement.
CONATO: étant donné que les fonctionnaires sont exclus du champ d’application du Code du travail en vertu de l’article 2 du code, ils ne jouissent pas du droit de conclure des conventions collectives, droit qui n’est pas prévu dans la loi sur la carrière administrative. Même si l’article 135 de cette loi reconnaît aux associations le droit de négocier collectivement les différends, cette disposition n’est pas spécifiquement reliée à d’autres de façon à ce qu’elle soit opérationnelle, pas plus que n’est reconnu le droit de conclure des conventions collectives.
La commission note, à la lecture du rapport de la mission et des informations fournies par le gouvernement, qu’un projet de réforme de la loi sur la carrière administrative est en cours d’examen et espère que la future loi reconnaîtra et réglementera, d’une façon totalement conforme à la convention le droit de négociation collective des fonctionnaires qui relèvent du champ d’application de la convention.
Problèmes signalés par le CONEP
La commission avait noté que, dans ses commentaires, le CONEP indique que le gouvernement n’a pas réalisé les réformes que demande, depuis 2000, la commission d’experts de la Commission de la Conférence. En outre, dans le cadre de l’examen du cas no 1931, le Comité de la liberté syndicale a noté que la législation du Panama n’est pas suffisamment claire dans certains domaines, en particulier en ce qui concerne la réglementation trop détaillée des relations professionnelles, ce qui donne lieu à des ingérences graves, et qu’elle contient des dispositions contraires aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Plus concrètement, le CONEP avait insisté sur plusieurs points que la commission a aussi soulevés.
a) Nécessité de modifier la législation afin que le paiement des salaires correspondant aux jours de grève ne soit pas imposé par la législation lorsque la grève est imputable aux patrons (art. 514 du Code du travail) mais fasse l’objet d’une négociation collective entre les parties intéressées. A ce sujet, la commission note à la lecture du rapport de la mission que les vues du gouvernement et des partenaires sociaux sont les suivantes:
CONEP: il convient avec l’OIT que le paiement des salaires correspondant aux jours de grève devrait faire l’objet d’une négociation entre les parties.
CONATO: cette disposition ne doit pas être modifiée.
Gouvernement: il est disposé à se rallier au consensus auquel parviendront les parties sur ce point.
La commission rappelle que les dispositions qui restreignent le champ des questions négociables par les parties en ce qui concerne les relations professionnelles sont incompatibles avec la convention.
b) La nécessité, dans le cadre des normes et procédures en vigueur sur les conflits de droits ou d’interprétation, d’instituer une procédure, à laquelle participeront les organisations de travailleurs et d’employeurs, claire et rapide pour vérifier l’inobservation des dispositions législative et des clauses des conventions collectives, procédure qui permettra d’éviter les conflits collectifs pour ces motifs.
CONEP: il faut ajouter une disposition qui établira une procédure de résolution des conflits de droits.
Gouvernement: il ne souhaite pas se prononcer sur cette question mais il est disposé à se rallier au consensus auquel les parties aboutiront; il fait mention de la loi no 53 de 1975 qui permet de résoudre les conflits collectifs relatifs aux conventions collectives.
La commission note que la loi no 53 établit que le ministère du Travail et de la Protection sociale est le seul compétent pour connaître et trancher les demandes relatives à l’interprétation en droit ou à la validité des clauses conclues dans une convention collective, un pacte ou un accord collectif. La loi prévoit une procédure, à laquelle participent les parties, qui garantit leur droit de défense. La commission estime qu’il n’est pas utile de poursuivre l’examen de cette question, à moins que le CONEP n’apporte de nouvelles données.
c) Obligation que le nombre de délégués des syndicats, des employeurs et des organisations d’employeurs soit compris entre deux et cinq (art. 427 du Code du travail).
CONEP: il convient avec l’OIT qu’il doit incomber aux parties de fixer le nombre des délégués et des conseillers dans la négociation.
CONATO: cette disposition (art. 427, 3)) ne doit pas être modifiée; dans la pratique, elle ne pose pas de problème et les entreprises dépassent souvent le nombre de représentants prévus par la loi.
Gouvernement: il est ouvert à une éventuelle modification si les partenaires sociaux en conviennent.
La commission estime que les parties à la négociation collective devraient être en mesure de négocier le nombre des délégués qui doivent participer aux négociations.
2. La commission prend note que le gouvernement déclare que: 1) à plusieurs reprises, il s’est dit disposé à harmoniser la législation et la pratique nationales avec ces conventions mais, pour cela, il faut réformer le Code du travail, et le gouvernement ne pourrait promouvoir ces réformes que s’il y a un consensus entre les organisations d’employeurs et de travailleurs; 2) le rapport final de la mission d’assistance technique n’a pas encore été reçu, mais le gouvernement indique que, pendant les réunions que la mission a tenues avec les partenaires sociaux, les divergences entre eux étaient notoires.
La commission note que le CONATO et le CONEP divergent sur la question de la réforme de la législation en ce qui concerne les points susmentionnés, et en ce qui concerne la possibilité d’un arbitrage obligatoire à la demande de l’une des parties (l’organisation syndicale) en vertu de l’article 452 du Code du travail, article qui a une incidence sur l’application de la convention et restreint le principe de la négociation libre et volontaire; pour sa part, le gouvernement est disposé à entamer des réformes s’il existe un consensus. La commission souhaite souligner l’une des conclusions de la mission d’assistance technique:
La mission a rappelé au gouvernement que, pour parvenir à des consensus tripartites, il doit prendre l’initiative et s’engager à appliquer les mesures nécessaires pour réaliser cet objectif. C’est dans ce contexte que le ministre du Travail a annoncé sa décision de tenir des réunions avec les organisations syndicales et d’autres réunions avec les organisations patronales dans le cadre de séminaires ou d’ateliers de discussion sur les conventions de la liberté syndicale et sur la législation nationale. A cette fin, par l’intermédiaire de la mission, le ministre a demandé l’aide du BIT. Au vu de ses constatations, la mission juge utile de fournir cette aide et un appui technique et opérationnel au gouvernement et aux partenaires sociaux panaméens.
La commission constate avec regret que les divergences entre la législation et la pratique nationales, d’une part, et la convention, d’autre part, existent depuis de nombreuses années. Elle constate aussi que certaines de ces divergences sont graves et qu’elles subsistent. La commission demande au gouvernement, comme il s’y est engagé devant la mission d’assistance technique, de tenir des réunions avec les partenaires sociaux sous la forme de séminaires ou d’ateliers, avec l’aide du BIT, et de promouvoir activement le dialogue tripartite sur l’ensemble des questions en suspens. La commission espère pouvoir constater prochainement des améliorations dans la législation. Elle demande au gouvernement de la tenir informée à ce sujet et de veiller, comme il s’y est engagé devant la mission d’assistance technique, que les projets de réforme de la législation sur les syndicats ne servent pas à réglementer ou à inclure d’autres points.