National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend note des débats qui ont eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2005, où il a été décidé d’effectuer une visite tripartite de haut niveau en réponse à une invitation du gouvernement colombien adressée au président du Comité de la liberté syndicale et aux vice-présidents employeur et travailleur de la Commission de l’application des normes. La commission prend note du rapport établi après la visite tripartite et des rapports du Comité de la liberté syndicale sur les différents cas en instance qui concernent la Colombie; le comité a adopté ces rapports lors des réunions de mars, de juin et de novembre 2005.
La commission prend note des commentaires sur l’application de la convention formulés par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confédération générale des travailleurs démocrates (CGTD), la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et la Confédération des travailleurs retraités de Colombie (CPC) qui ont transmis des communications datées des 7 et 14 juin et des 2 et 7 septembre 2005. La CTC a également fait parvenir une communication datée du 31 août 2005. Le Syndicat des électriciens de Colombie (SINTRAELECOL) a transmis ses commentaires par une communication datée du 20 septembre 2005, et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé une communication datée du 31 août 2005. La Confédération mondiale du travail (CMT) et la CISL ont présenté ensemble des commentaires dans une communication du 30 août 2005.
La commission relève que les organisations mentionnent des actes de violence visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes (assassinats, séquestrations, tentatives d’assassinat, disparitions) et commis en toute impunité. Les organisations indiquent que divers types de contrats sont utilisés (contrats de coopératives de travail associé, contrats de prestations de services, contrats civils ou commerciaux) pour accomplir les tâches courantes de l’entité, et que ces contrats empêchent les travailleurs de constituer des syndicats ou de s’y affilier. Elles indiquent aussi que certaines entités publiques sont restructurées puis supprimées et recréées afin d’éliminer les syndicats. Enfin, elles font état d’un refus arbitraire d’inscrire de nouvelles organisations syndicales, ou d’enregistrer les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale, et indiquent que l’employeur peut intenter des recours pour empêcher l’inscription de nouveaux syndicats, et que l’exercice du droit de grève est interdit dans certains services qui ne sont pas uniquement des services essentiels.
S’agissant des actes de violence qui visent les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle d’importants moyens financiers, structurels et humains ont été mobilisés pour faire face aux groupes armés illégaux, rétablir la sécurité démocratique et territoriale et restaurer les institutions sociales de l’Etat. Par ailleurs, la loi no 975 sur la justice et la paix a été approuvée le 25 juillet 2005; elle contient des dispositions censées faciliter la réinsertion des membres de groupes armés illégaux dans la société. Le gouvernement ajoute qu’en application du décret no 21.870 du 7 juillet 2004 un Fonds national pour la sécurité et la coexistence citoyenne a été créé; cela montre que le gouvernement accorde priorité à la sécurité. Le ministère de l’Intérieur et de la Justice applique un programme de protection des témoins et des personnes menacés; dans le cadre de ce programme, le Comité pour la réglementation et l’évaluation des risques (CRER) a assuré en 2004 la protection de 163 organisations syndicales et de 1 615 syndicalistes. Cette protection a pris la forme de diverses mesures de sécurité (blindage de bâtiments, mise à disposition de véhicules blindés, affectation d’escortes, utilisation d’armes et de gilets pare-balles, fourniture de téléphones portables et de billets d’avion). Le gouvernement souligne que 54,9 pour cent des fonds alloués à la protection devraient bénéficier aux syndicats.
S’agissant des assassinats de syndicalistes, le gouvernement indique qu’une unité d’investigation a été créée au ministère public pour enquêter sur les violations des droits de l’homme dont sont victimes les syndicalistes. D’après les tableaux comparatifs fournis par le gouvernement, le nombre de cas a diminué en 2005; le gouvernement signale que le ministère public poursuit ses enquêtes mais que certaines d’entre elles n’aboutissent pas en raison de l’action des groupes armés illégaux. Il ajoute que le secteur de l’enseignement est le plus touché par les assassinats de syndicalistes. Le gouvernement communique des statistiques par secteur sur les assassinats de syndicalistes commis entre 2000 et 2005 et des statistiques sur les enquêtes en cours dans différentes sections du ministère public. S’agissant des assassinats de syndicalistes, le gouvernement indique que, entre janvier et juin 2005, six cas ont été enregistrés; en 2004, sur la même période, 27 cas avaient été enregistrés, ce qui représente une diminution de 78 pour cent. Ces chiffres n’incluent pas les enseignants syndicalisés; pour ces derniers, on a recensé 31 assassinats entre janvier et juin 2004 contre 18 en 2005, sur la même période, ce qui représente une diminution de 42 pour cent.
S’agissant des enquêtes en cours, les statistiques mentionnées montrent qu’il en existe 313; 267 en sont au stade liminaire, 32 font l’objet d’une instruction et 14 donneront bientôt lieu à un jugement. Le gouvernement passe en revue les enquêtes réalisées entre 2002 et 2004: pour 36 d’entre elles, des mesures de détention préventive ont été prises; 21 enquêtes ont donné lieu à une accusation, quatre à une condamnation. Pour 131 enquêtes, une recherche de preuves a été nécessaire. Cinq enquêtes ont été interrompues pour voir si elles étaient justifiées (s’il fallait prononcer une accusation ou clore l’affaire), pour 99, il n’y a pas eu d’entrée en matière, pour 19, il y a eu suspension, et pour deux l’affaire a été close. Le gouvernement énumère les causes qui entraînent le classement provisoire de l’enquête par le biais d’un refus d’entrée en matière ou d’une suspension: difficulté à protéger les témoins ou décision de ces derniers de ne pas déposer, manque de collaboration de la part des citoyens, difficulté, pour les enquêteurs, de se rendre sur les lieux où les faits ont été commis, difficulté à identifier les membres de groupes armés illégaux tels que les paramilitaires et les guérilleros, absence de témoins. Le gouvernement indique qu’un nouveau système pénal accusatoire a été mis en place en janvier 2005 et que, dans le cadre de ce système, le ministère n’exercera plus que des fonctions d’investigation et cessera d’exercer des fonctions juridictionnelles. De plus, toutes les procédures seront orales. Selon le gouvernement, l’ensemble de ces mesures doivent permettre de décongestionner le système judiciaire et d’accélérer le fonctionnement de la justice.
Compte tenu du rapport du gouvernement et des conclusions formulées par les participants à la visite tripartite de haut niveau, la commission note avec intérêt que le gouvernement prend des initiatives pour mettre fin au grave conflit armé qui dure depuis plusieurs décennies et auquel participent divers acteurs armés illégaux; elle le prie de continuer à faire son possible pour prendre les mesures voulues en veillant au respect des droits de l’homme fondamentaux et à la primauté du droit pour éliminer l’impunité.
S’agissant des actes de violence qui visent les dirigeants syndicaux et les membres de syndicats, la commission prend note des efforts destinés à accroître la sécurité des citoyens en général et des dirigeants syndicaux et des syndicalistes en particulier. Des mesures spécifiques ont été prises telles que la création d’un Comité pour la réglementation et l’évaluation des risques et d’un Fonds national pour la sécurité et la coexistence citoyenne. La commission relève que 54,9 pour cent des fonds alloués à la protection doivent bénéficier aux syndicats. Elle prend note des déclarations selon lesquelles tout est mis en œuvre pour faire cesser les assassinats, notamment les assassinats de responsables syndicaux. Toutefois, la commission note avec regret que, si le nombre d’assassinats a diminué, la situation de violence à laquelle fait face le mouvement syndical colombien reste grave; les dirigeants syndicaux et les syndicalistes continuent à être victimes d’assassinats et leur sécurité est menacée en permanence; en témoigne le niveau de protection dont bénéficient les syndicalistes, qui est bien plus élevé que celui des autres secteurs. La commission rappelle l’interdépendance entre les libertés publiques et les droits syndicaux et souligne qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 26). C’est seulement dans un climat exempt de violence que les organisations de travailleurs et d’employeurs peuvent exercer librement et véritablement leurs activités. Une fois de plus, la commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre les mesures voulues pour garantir le droit à la vie et à la sécurité afin de permettre l’exercice des droits protégés par la convention.
S’agissant de l’impunité, notamment celle qui entoure les enquêtes relatives aux actes de violence (assassinats, séquestrations, disparitions, tentatives d’assassinat et menaces visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes), la commission prend note des efforts consentis par le gouvernement en général et par le ministère public en particulier pour faire reculer l’impunité. Elle note aussi qu’un nouveau système pénal accusatoire a été mis en place qui, d’après le gouvernement, doit permettre de décongestionner le système judiciaire et d’accélérer le fonctionnement de la justice. Elle note avec intérêt qu’une unité d’investigation a été créée il y a peu au sein du ministère public pour enquêter sur les violations des droits de l’homme dont sont victimes les syndicalistes. Pourtant, la commission relève à nouveau que l’impunité règne toujours. En effet, même si le gouvernement se heurte à des obstacles pour rendre la justice comme il se doit, trouver les responsables et les sanctionner, la commission est amenée à relever que, entre 2002 et 2004, les enquêtes menées ont abouti à quatre condamnations seulement et que, pour la majorité des autres enquêtes, il n’y a pas eu d’entrée en matière. Dans ces conditions, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour faire la lumière sur les actes de violence visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, sur les circonstances entourant les actes et sur leurs auteurs afin qu’ils soient dûment sanctionnés et que prenne fin cette grave situation d’impunité.
La commission note en particulier que la loi no 975 sur la justice et la paix a été adoptée récemment et qu’elle contient des dispositions devant faciliter la réinsertion de membres de groupes armés illégaux dans la société. La commission relève que, d’après le rapport établi par les participants à la visite tripartite de haut niveau, cette loi a donné lieu à plusieurs recours devant la Cour constitutionnelle, qui ne s’est pas encore prononcée. La commission note que le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Colombie a critiqué plusieurs aspects de la loi, censée instaurer un système judiciaire provisoire en vue d’assurer une paix durable; cela doit inciter les groupes armés illégaux à démobiliser et à cesser les hostilités tout en protégeant comme il se doit les droits des victimes de crimes atroces commis par ces groupes. La commission espère vivement que la loi sera appliquée en tenant compte des critères mis en évidence par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme afin d’assurer le bon fonctionnement de la justice et d’apporter aux victimes d’actes de violence une réparation juste pour mettre fin à l’impunité. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de l’issue des recours intentés devant la Cour constitutionnelle et de la manière dont la loi est appliquée, notamment pour les cas qui concernent les dirigeants syndicaux et des syndicalistes.
La commission relève que, d’après le rapport établi par les participants à la visite tripartite de haut niveau, les commentaires formulés par les organisations syndicales concernent aussi d’autres questions.
Article 2 de la covention
- Divers types de contrats tels que les contrats de coopératives de travail associé, les contrats de prestations de services et les contrats civils ou commerciaux visent de véritables relations de travail et sont utilisés pour accomplir les tâches courantes de l’entité; en vertu de ces contrats, les travailleurs ne peuvent pas constituer de syndicats ou s’y affilier. La commission relève que le rapport du gouvernement ne contient pas d’observations sur cette question et note que les participants à la visite tripartite de haut niveau ont pu obtenir des informations à ce sujet de la part d’organisations de travailleurs et d’employeurs et du gouvernement. Les employeurs et le gouvernement ont reconnu que ces contrats sont parfois utilisés abusivement. S’agissant notamment des coopératives, ils ont indiqué que le congrès était saisi d’un projet de loi destiné à contrôler leur utilisation; il interdit aux coopératives de jouer le rôle d’intermédiaires ou de prestataires de services temporaires. La commission rappelle que, aux termes de l’article 2 de la convention no 87, les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Elle estime que, lorsque les travailleurs des coopératives ou les personnes employées par le biais d’un contrat civil ou commercial doivent exécuter les tâches courantes d’une entité dans le cadre d’une relation hiérarchique, ils devraient être considérés comme employés dans le cadre d’une véritable relation de travail et jouir du droit de s’affilier à un syndicat. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’adopter les mesures voulues pour assurer la pleine application de l’article 2 de la convention afin que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent jouir du droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier.
- Les entités publiques sont restructurées, ce qui entraîne des licenciements massifs de travailleurs, notamment des dirigeants syndicaux. Dans certains cas, ces entités sont supprimées pour être recréées en tant qu’entités distinctes qui emploient les anciens travailleurs non syndiqués ou les travailleurs qui renoncent à l’être, et où il n’est plus possible de constituer un syndicat. La commission relève que le gouvernement mentionne certaines restructurations qui, selon lui, ont eu lieu pour des questions de rationalisation et non pour des raisons antisyndicales. La commission renvoie à nouveau au principe cité dans le présent paragraphe et prie le gouvernement d’adopter les mesures voulues pour que les travailleurs puissent exercer librement leurs droits syndicaux lors de tout processus de restructuration ainsi que dans les entités restructurées.
- Les personnes qui souhaitent enregistrer de nouvelles organisations syndicales, ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation, se heurtent à un refus arbitraire pour des motifs qui vont bien au-delà de ceux prévus expressément par la législation. La commission note que, d’après le gouvernement, la législation en vigueur a été appliquée strictement; le gouvernement fournit des statistiques sur le nombre d’organisations syndicales inscrites et le nombre de demandes rejetées. D’après ces statistiques, un nombre élevé de demandes d’inscription d’organisations nouvelles, de modification de statuts ou d’enregistrement de nouveaux comités directeurs sont rejetées. La commission rappelle que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations «sans autorisation préalable» des autorités publiques, et que les réglementations nationales concernant la constitution d’organisations ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec les dispositions de la convention, à condition qu’elles n’équivalent pas à une autorisation préalable et qu’elles ne constituent pas un obstacle aboutissant en fait à une interdiction pure et simple (voir l’étude d’ensemble, op. cit., paragr. 68 et 69). A cet égard, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’inscription au registre syndical ne soit refusée que dans les cas prévus expressément par la législation et que l’autorité chargée de l’enregistrement ne fasse pas usage de pouvoirs discrétionnaires pour rejeter la demande, conformément à ce qui est prévu à l’article 2 de la convention.
Article 3
- Aux termes de l’article 417 i) du Code du travail, les fédérations et confédérations n’ont pas le droit d’appeler à la grève. A cet égard, la commission rappelle que les organisations de niveau supérieur devraient pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. Elle prie le gouvernement d’adopter des mesures pour modifier cet article.
- La grève est interdite dans les services essentiels au sens strict du terme, mais également dans de très nombreux services qui ne sont pas essentiels (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décret nos 414 et 437 de 1952, no 1543 de 1955, no 1593 de 1959, no 1167 de 1963, nos 57 et 534 de 1967); de plus, il est possible de licencier des dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), même lorsque la grève est déclarée illégale sur la base de règles contraires aux principes de la liberté syndicale. La commission prie à nouveau le gouvernement d’adopter des mesures pour modifier les dispositions législatives en cause et de l’informer, dans son prochain rapport, de ces mesures.
- Le ministre du Travail peut soumettre un conflit à l’arbitrage lorsqu’une grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail). La commission estime que l’arbitrage obligatoire pour mettre un terme à une grève n’est acceptable que lorsque les deux parties concernées l’ont demandé ou dans les cas où la grève peut être limitée ou interdite, à savoir dans le cas d’un conflit dans la fonction publique qui concernerait des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, ou dans les services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l’interruption mettrait en péril, pour toute ou partie de la population, la vie ou la sécurité de la personne. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour supprimer cette disposition du Code du travail et de l’informer, dans son prochain rapport, des mesures prises en ce sens.
La commission adresse au gouvernement une demande directe portant sur d’autres points.