National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission rappelle que, lors de plusieurs sessions récentes, elle a examiné l’application de la convention à deux situations qui ont eu lieu pendant la seconde guerre mondiale, à savoir celle des «femmes de réconfort» et celle du travail forcé dans des industries. La commission note que, depuis son dernier examen de ces situations, le BIT a continué de recevoir une correspondance importante d’organisations de travailleurs demandant que la commission poursuive son examen de ces cas, ainsi que des réponses circonstanciées du gouvernement rappelant les raisons pour lesquelles il estime que ces questions sont closes.
2. Dans son rapport, le gouvernement déclare qu’il a indiqué dès le début que le Japon a déjà réglé avec les gouvernements intéressés les questions relatives aux réparations, aux biens et aux revendications ayant trait à la dernière guerre mondiale, et que les questions que la commission d’experts a soulevées relèvent de celles qui ont été réglées. Par conséquent, le gouvernement du Japon considère que l’OIT ne devrait plus les examiner. A cet égard, le gouvernement se réfère au Traité de paix de San Francisco, aux traités de paix bilatéraux et aux autres traités et accords conclus entre le Japon et l’Indonésie, la Chine, la République de Corée et les Etats-Unis qui, tous, comportent des dispositions en vertu desquelles sont exclues les actions individuelles en justice contre le Japon qui émanent de citoyens de ces pays. Le gouvernement indique également qu’il a exprimé formellement et à plusieurs reprises ses regrets et versé des sommes importantes à plusieurs des pays concernés à des fins d’aide au développement. Le gouvernement ajoute que, à l’évidence, … ces questions ne font pas partie des sujets d’actualité que l’OIT examine. Le gouvernement du Japon exprime donc fermement l’espoir que la commission d’experts se saisira de ces questions et en délibérera pour la dernière fois. Le gouvernement fait également mention des commentaires de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO), communiqués dans une lettre en date du 20 octobre 2000, qui indiquent que la Confédération soutient le rapport du gouvernement du Japon et insiste également avec force qu’il serait bon que la commission cesse de délibérer sur ces cas.
3. La commission reconnaît que, au regard du droit, le gouvernement a raison de déclarer que des questions relatives aux réparations ont été réglées par voie de traité. Toutefois, elle estime qu’il importe de continuer d’examiner les commentaires abondants des syndicats à ce sujet et l’évolution du traitement des demandes de réparation, et de fournir des informations sur la manière dont le gouvernement considère ces questions. Elle espère qu’il ne sera plus nécessaire, lors de ces prochaines sessions, de revenir sur ces questions.
4. La commission note que, outre les observations des organisations de travailleurs qu’elle examine plus loin, elle en a reçu du Conseil local de Tokyo des syndicats - Tokyo-Chihyo, dans une lettre du 1er novembre 2000. Cette communication a été adressée au gouvernement pour qu’il puisse, s’il le souhaite, s’exprimer à ce sujet, et elle sera examinée dès que le gouvernement aura présenté ses commentaires.
5. Dans ses observations précédentes, la commission avait pris note des violations flagrantes des droits de l’homme et des abus sexuels perpétrés à l’encontre des femmes détenues dans les garnisons militaires appelées «comfort stations», durant les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale et pendant celle-ci. Ces femmes avaient été forcées de fournir des services sexuels aux militaires. La commission avait considéré que cette situation violait les exigences de la convention et que des abus aussi intolérables devaient donner lieu à des réparations appropriées, même si elle n’était pas habilitée à prescrire des réparations. La commission avait déclaré que ces réparations ne pouvaient être allouées que par le gouvernement en tant qu’entité responsable aux termes de la convention et elle avait exprimé l’espoir que, compte tenu du temps qui s’était écoulé depuis ces événements, le gouvernement accorderait toute l’attention et la diligence voulue à cette question. La commission note que les délégués travailleurs de la Commission de l’application des normes de la Conférence ont déclaré en 1998 que, si le cas ne devait pas être examiné de manière approfondie par la Commission de la Conférence, ils espéraient que le gouvernement rencontrerait les syndicats et les organisations représentatives des femmes concernées, ainsi que d’autres gouvernements, afin de trouver une solution effective aux attentes de la majorité des victimes.
6. La commission avait également noté dans ses observations précédentes le point de vue du gouvernement selon lequel, alors qu’il n’était pas directement tenu de verser une réparation à ces femmes, il avait accordé son plus grand soutien au «Fonds des femmes asiennes» lequel a étéétabli en 1995 pour que le peuple japonais puisse faire amende et pour allouer des fonds aux femmes concernées. La commission avait également noté l’indication du gouvernement selon laquelle il avait apporté une assistance médicale et sociale considérable, financée sur fonds publics, aux pays où ces victimes vivent. Les organisations qui ont demandé que le Japon prenne d’autres mesures ont estimé que le Fonds des femmes asiennes n’est pas une réponse suffisante, que le gouvernement n’a pas versé directement de réparation aux victimes et qu’aucune excuse fondée sur la reconnaissance de sa responsabilité légale à l’égard des victimes n’a été présentée. Les organisations ont fait observer que la plupart des femmes concernées se sont abstenues d’avoir recours à l’aide du fonds, bien que le gouvernement ait fait mention de quelque 170 cas dans lesquels une aide de ce fonds a été acceptée.
7. D’autres commentaires émanant de plusieurs organisations de travailleurs ont été reçus à propos de cette question. La Fédération des syndicats de Corée et la Confédération des syndicats de Corée, dans une lettre du 8 septembre 2000, ont présenté des informations sur l’examen de la question de l’esclavage sexuel en temps de guerre par la Sous-commission de l’ONU de la promotion et de la protection des droits de l’homme, en particulier le rapport de Mme Gay McDougall, Rapporteur spécial sur le viol systématique, l’esclavage sexuel et les pratiques analogues à l’esclavage en période de conflit armé (doc. E/CN.4/Sub.2/2000/21), et la résolution sur le même sujet que la sous-commission a adoptée en 2000 (des références analogues ont été faites par d’autres organisations mais elles ne sont pas reproduites ici). Le gouvernement a fait observer que, s’il est vrai que le rapport porte en partie sur le Japon, la résolution ne fait pas mention du Japon mais de situations actuelles et plus récentes. La commission prend note toutefois de l’opinion qui a été exprimée dans la résolution concernant un rapport antérieur du Rapporteur spécial selon laquelle les droits et obligations des Etats et des particuliers dont il est fait mention dans la résolution ne peuvent pas, au regard du droit international, être abolis par voie de traité, d’accord de paix, d’amnistie ou de toute autre manière (doc. E/CN.4/Sub.2/RES/1999/16).
8. Les deux syndicats susmentionnés indiquent également que des tribunaux japonais sont en train d’examiner huit cas dans lesquels des «femmes de réconfort» en temps de guerre demandent réparation et des excuses formelles au gouvernement. Celui-ci a indiqué, comme l’a observé la commission dans son commentaire précédent, qu’en avril 1998 le Tribunal de première instance du district de Yamaguchi, département de Shimonoseki (le premier des trois niveaux de juridiction), a condamné le gouvernement à verser une réparation financière aux trois plaignants qui avaient intenté des poursuites judiciaires au Japon, et à une réparation de l’Etat pour n’avoir pas adopté la législation nécessaire, mais que cette décision a fait en mai 1998 l’objet d’un appel au Tribunal supérieur de Hiroshima et se trouve encore à l’examen. Le gouvernement indique que l’argumentation qui sous-tend la première décision a été rejetée par le Tribunal supérieur de Tokyo dans une autre affaire en août 1999. Dans trois des cas mentionnés par les deux syndicats qui sont en instance devant des tribunaux supérieurs, les tribunaux de première instance ont décidé en faveur de l’Etat; les cinq autres sont encore à l’examen devant les tribunaux de district. La commission prie le gouvernement de continuer à faire rapport sur les développements concernant ces actions en justice.
9. Dans une autre communication, la Fédération syndicale néerlandaise (FNV) a soumis, par lettre du 23 novembre 1999, une documentation qui lui avait été fournie par la «Fondation des dettes d’honneur japonaises». Le gouvernement a mis en doute la validité de cette communication du fait que l’information n’avait pas son origine auprès de l’organisation syndicale; mais la commission rappelle qu’elle a toujours estimé que l’information fournie par des syndicats dans ces circonstances rentre dans le cadre de sa pratique en traitant les commentaires des travailleurs et des employeurs. La communication de la FNV indique que le Japon n’a pas fourni de réparation aux femmes de nationalité néerlandaise qui ont été contraintes de devenir des «femmes de réconfort». Le gouvernement a indiqué dans sa réponse que, du fait que l’identification des «femmes de réconfort» du temps de guerre dans les Pays-Bas n’a pas été effectuée par les autorités néerlandaises, le gouvernement du Japon et le Fonds des femmes asiennes, «en consultation avec les personnes néerlandaises concernées», ont exploré des projets à mettre en œuvre aux Pays-Bas, qui comprendraient, par exemple, la fourniture de biens et de services dans les domaines médical et social. Le gouvernement se réfère également à des expressions d’appréciation de ces mesures formulées par le Premier ministre des Pays-Bas lors de la Conférence au sommet entre le Japon et les Pays-Bas, le 21 février 2000.
10. La commission note qu’un nombre considérable de plaintes et actions en justice sont encore en instance. Compte tenu du fait que nombreuses sont les plaignantes qui ne considèrent pas une réparation de la part du Fonds des femmes asiennes comme acceptable, la commission espère que le gouvernement trouvera une autre voie, en consultation avec les plaignants et les organisations qui les représentent, pour verser une réparation aux victimes avant qu’il ne soit trop tard, d’une manière qui répond à leurs attentes.
11. Dans ce cas également, la commission a précédemment conclu que la conscription forcée de milliers de personnes originaires d’autres pays asiatiques pour travailler dans des usines japonaises du temps de guerre était contraire à la convention. Le gouvernement indique dans sa réponse que toutes les revendications ont été réglées par les traités conclus après la seconde guerre mondiale et par le fait qu’il a exprimé des regrets formels et que, par conséquent, aucune autre revendication individuelle n’est recevable. Le gouvernement a des relations suivies avec plusieurs gouvernements à cet égard, entre autres ceux de la Chine, de l’Indonésie, de la République de Corée et des Etats-Unis. Le gouvernement indique que, dans ce cas également, des actions en justice sont en cours au Japon, et que sept plaintes déposées par des citoyens coréens et sept autres par des citoyens chinois sont en instance devant les tribunaux. Dans deux des cas concernant des citoyens coréens et deux soulevés par des citoyens chinois, les tribunaux inférieurs se sont prononcés en faveur du gouvernement et des appels sont en instance; les dix autres sont encore à l’examen des tribunaux de districts. Trois autres cas soulevés par des citoyens coréens ont été réglés à l’amiable sans que les entreprises concernées aient reconnu une responsabilité juridique relative à la conscription de ces personnes.
12. La commission croit comprendre toutefois que, pendant sa session, on est parvenu à un accord à propos d’une des plaintes qui étaient en instance; en vertu de cet accord l’entreprise Kajima a accepté de créer un fonds de 500 millions de yen (environ 4,5 millions de dollars) pour verser réparation aux survivants et membres des familles de travailleurs chinois conscrits qui sont décédés pendant la guerre dans la mine de cuivre de Hanaoka, fonds qui devra être administré par la Croix-Rouge chinoise. La commission prie le gouvernement de lui fournir un complément d’information à propos de ce cas et de ses incidences sur les actions en justice comparables intentées contre d’autres entreprises.
13. La commission note que les deux syndicats coréens qui ont soumis des commentaires ont comparé la réponse du gouvernement et des entreprises japonaises à celles des gouvernements et des entreprises d’Europe et d’Amérique du Nord à qui il avait été demandé d’indemniser des anciens travailleurs asservis pendant la guerre. Le gouvernement indique qu’il est difficile et inapproprié de simplement comparer et évaluer des mesures prises par des pays différents, étant donné que le contexte historique, social et économique est différent aussi. Il note par exemple que l’Allemagne n’a conclu aucun traité couvrant de manière exhaustive les questions d’indemnisation, de biens et de revendications puisqu’elle a été divisée en deux pays après la guerre.
14. Le Conseil régional de Kanto du Syndicat japonais des chantiers navals et de la construction mécanique a fait parvenir des commentaires dans une lettre du 1er octobre 1999 qui fait mention des mesures que l’Etat de Californie (Etats-Unis) a prises. Il indique que cet Etat a adopté en juin 1999 une loi qui a repoussé les délais dans lesquels des victimes de travail forcé pendant la seconde guerre mondiale peuvent déposer plainte pour ce motif. En réponse, le gouvernement indique que le Japon et les Etats-Unis conviennent pleinement qu’ils ont déjà réglé les questions en cause dans le Traité de paix de San Francisco. Le gouvernement fait observer que plusieurs anciens prisonniers de guerre originaires des Etats-Unis avaient intenté des actions en justice contre des entreprises japonaises et leurs filiales aux Etats-Unis mais que, le 21 septembre 2000, le Tribunal de district de la Division de San Francisco (district du Nord de la Californie) a rejeté ces plaintes au motif que, en vertu du traité de paix susmentionné, il ne pouvait être donné suite aux demandes d’indemnisation que les Etats-Unis ou ses citoyens formuleraient à l’encontre du Japon. D’autres procédures judiciaires sont en cours mais elles n’ont pas encore été tranchées. La commission a également été informée d’autres poursuites en cours aux Etats-Unis sur ce point mais elle n’a pas eu connaissance de leur issue. Le Syndicat de la construction mécanique a toutefois indiqué que certaines des plaintes intentées contre des entreprises au Japon qui ont bénéficié du travail forcé en temps de guerre (ou qui sont les successeurs de telles entreprises) ont débouché sur des règlements de la part des entreprises, sans qu’il y ait eu reconnaissance de responsabilité.
15. En ce qui concerne les plaintes émanant de survivants indonésiens qui avaient été soumis au travail forcé en Thaïlande et au Myanmar, le gouvernement réitère que cette question a été réglée en vertu d’un Traité global de paix avec le gouvernement de l’Indonésie. Il existe également des indications selon lesquelles plus de 8 000 enfants originaires de Taïwan ont été soumis au travail forcé dans des usines japonaises d’avions de chasse lorsque Taïwan était placé sous l’autorité du Japon. A ce sujet, le gouvernement indique que lui et les autorités de Taïwan étaient sur le point de traiter les questions relatives aux biens et aux plaintes mais qu’il lui a été impossible de le faire après la normalisation de ses relations avec la République populaire de Chine. Le gouvernement a indiqué que, en vertu d’une législation spécifique, il a versé des sommes de «condoléances» aux Taïwanais qui avaient été soldats ou travailleurs civils dans l’armée japonaise.
16. Au vu des informations susmentionnées, il est manifeste que de nombreux anciens prisonniers et autres personnes estiment encore qu’ils n’ont pas été indemnisés de manière appropriée en vertu des accords internationaux de paix et des autres arrangements existants, et que plusieurs cas sont en instance devant différentes juridictions. Etant donné l’âge des victimes et le fait que le temps passe vite, la commission exprime de nouveau l’espoir que le gouvernement sera en mesure de répondre aux plaintes de ces personnes d’une manière qui soit satisfaisante tant pour les victimes que pour lui.