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Observation (CEACR) - adopted 1997, published 86th ILC session (1998)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Indonesia (Ratification: 1950)

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La commission prend note des observations sur l'application de la convention formulées en octobre 1997 par la Confédération mondiale du travail, parmi lesquelles figurait un rapport de 1997 rédigé par Anti-Slavery International sous le titre "Enslaved Peoples in the 1990s" (Peuples asservis dans les années quatre-vingt-dix), qui contient, au chapitre 3, des informations sur l'asservissement par dette et sur le travail forcé dans le cadre de projets "de développement de village", de villageois indigènes Dayaks dans la région de l'East Kalimantan (Bornéo). La commission note également que ces observations ont été transmises, en novembre 1997, au gouvernement pour tels commentaires qu'il jugera utile de faire.

La commission prend note des allégations du syndicat selon lesquelles de nombreuses communautés indigènes et nomades des forêts d'Indonésie sont soumises à l'asservissement par dette et au travail forcé à la suite de la dévastation des ressources forestières du pays, provoquée par les opérations d'exploitation forestière du secteur privé et les politiques "de développement" poursuivies par le gouvernement indonésien et par l'un de ses principaux investisseurs, la Banque mondiale.

Les allégations du syndicat portent sur des événements survenus récemment dans l'East Kalimantan, sur l'île de Bornéo, pour illustrer clairement de quelle manière sont pratiquées sous couvert de "développement" des formes modernes de confinement, de dépossession et d'appauvrissement.

D'après ces allégations, des groupes indigènes appelés Dayaks habitaient traditionnellement les régions forestières du Kalimantan. Après la seconde guerre mondiale, lorsque l'Indonésie a obtenu l'indépendance du gouvernement colonial néerlandais, un nombre croissant d'officiers de police, militaires, enseignants et autres fonctionnaires indonésiens (essentiellement Javanais) ont migré vers les régions intérieures du Kalimantan. Au début des années soixante-dix, des colonies entières de travailleurs des sites d'exploitation forestière et minière ainsi que des migrants javanais parrainés par le gouvernement sont allés s'installer dans les terres indigènes. Face à la menace représentée par le personnel des sociétés, encadré par les forces armées, les populations tribales n'avaient guère le choix que de se déplacer vers les parties restantes de leurs terres ancestrales et de leurs terres de chasse.

Il ressort des allégations que, du milieu à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, le déboisement s'est intensifié et les violations des droits de l'homme se sont multipliées dans l'East Kalimantan. Non seulement l'exploitation forestière commerciale a atteint des proportions sans précédent, mais les mesures gouvernementales visant soi-disant à améliorer le sort des communautés vivant en forêt et à garantir la conservation des forêts se sont en fait traduites par une destruction et une dépossession accrues. D'après les allégations du syndicat, on observerait dans toute la région ce qu'il est convenu d'appeler les formes modernes de l'esclavage.

En 1990, à la suite de l'impact négatif des concessions d'exploitation forestière sur les communautés locales, le gouvernement indonésien a exigé de toutes les concessions qu'elles s'engagent à développer une communauté avoisinante dans le cadre d'un programme connu sous le nom de programme HPH Bina Desa. Si une concession d'exploitation forestière n'était pas capable de mener à bien un projet de développement de villages, sa licence pouvait lui être retirée par les pouvoirs publics. Cependant, d'après les allégations, ce qui arrivait le plus souvent c'est que les sociétés obligeaient, sous la menace, les villageois à constituer des groupes de travail ou des groupes d'exploitants agricoles. Ces groupes recevaient ensuite l'ordre d'exécuter des travaux non rétribués, dans le cadre d'un projet de développement "participatif" -- pour employer un euphémisme --, que la compagnie forestière élaborait sans se soucier des besoins ou des désirs de la communauté en "développement". La plupart de ces projets Bina Desa se sont soldés par de véritables fiascos, entraînant de nouvelles destructions environnementales et des conflits sociaux. Néanmoins, en ce qui concerne les compagnies, ces projets servent leurs intérêts en leur permettant d'obtenir le renouvellement de leur licence d'exploitation.

Il ressort des allégations que, par ailleurs, le ministère des Forêts et le ministère de la Migration ont élaboré conjointement une loi par décret, exigeant que toutes les concessions d'exploitation forestière créent des plantations forestières industrielles, connues sous le nom de Hutan Tanaman Industri (ou HTI). Selon les syndicats, une HTI serait constituée davantage par défrichement que par exploitation.

Les populations indigènes Dayaks touchées par la destruction de leurs terres et de leurs moyens de subsistance seraient obligées de proposer leurs services en tant que travailleurs temporaires sans contrat auprès des plantations forestières industrielles (HTI), les auteurs mêmes de la destruction de leurs terres ancestrales. Dans ces plantations, les salaires sont généralement très inférieurs au coût de la vie. Avec la destruction de leurs systèmes agroforestiers et de leurs rizières, les Dayaks sont aussi astreints à acheter des produits alimentaires au lieu de les cultiver eux-mêmes. Profitant de la situation, de nombreuses HTI et concessions d'exploitation forestière ont ouvert des magasins à proximité de leurs camps de base. On peut y faire ses achats par un système de bons géré par la direction de la compagnie. Ce système consiste à faire crédit aux Dayaks sur la base de leurs futurs salaires; ainsi, en plus d'être dépossédés de leurs terres, ils se retrouvent souvent couverts de dettes vis-à-vis des mêmes sociétés qui se sont appropriées leurs terres et leurs forêts.

D'après les allégations, après que la Banque mondiale eut suspendu le financement du programme indonésien de "transmigration" suite au tollé général provoqué sur le plan international par les destructions environnementales et les violations des droits de l'homme perpétrées dans le cadre de ce programme, le ministère indonésien de la Transmigration a demandé au secteur financier de financer ces programmes. C'est ainsi que, dans le cadre de l'aménagement de HTI, on a vu des migrants (généralement des fermiers javanais réduits à la misère) débarquer sur des terres indigènes déboisées et laissées en friche après le passage des bulldozers, et qu'ils ont été affectés aux plantations.

D'après les allégations, l'incapacité des régions "défrichées" à supporter les activités agricoles et sylvicoles et l'inadaptation des techniques d'exploitation agricole utilisées par les migrants sur les sols pauvres du Kalimantan se sont traduites par un taux d'échec important de ces programmes de transmigration. A cet égard, il n'y a pas que les communautés indigènes Dayaks qui soient touchées. Les programmes de transmigration pour les plantations forestières industrielles piègent les ouvriers migrants et les acculent à une situation désespérée. Dans le cadre de ce programme de transmigration, les fermiers les plus démunis reçoivent un billet de bateau valable de Java au port de Kalimantan. Ils sont ensuite conduits loin à l'intérieur des territoires indigènes, où il n'y a guère de routes en dehors des pistes difficiles utilisées pour l'exploitation forestière. Après l'échec de leurs cultures vivrières, les migrants éprouvent les plus grandes difficultés à quitter la région où ils ont été placés. Ils n'ont souvent d'autre choix que de se faire recruter sur les plantations pour un salaire inférieur au coût de la vie. Hormis la main-d'oeuvre des plantations, les migrants de sexe masculin forment souvent des groupes de travail sous la direction d'un entrepreneur qui vend leurs bras aux exploitations forestières. Ces groupes s'enfoncent dans la forêt où ils restent des mois d'affilée à reconnaître le bois. Ils ratissent les forêts à la recherche de produits précieux tels que le rotin, les nids de martinets ou le bois de senteur gaharu. "Grâce à des prix gonflés sur ces produits, combinés avec une sous-évaluation des produits forestiers ramenés par les groupes de travail, ces travailleurs sont assurés de rester piégés dans un cycle d'endettement; ils doivent continuellement retourner dans la forêt cueillir des produits précieux pour être capables de payer les dettes qu'ils contractent à chaque voyage."

D'après les allégations, on peut se faire une idée du problème en regardant de près les activités de l'exploitation forestière de PT.K, dans l'East Kalimantan, entre 1990 et 1994. La compagnie PT.K est une branche de l'un des conglomérats forestiers les plus grands et les plus connus d'Indonésie, qui passe pour être le leader de cette industrie. Les activités de cette compagnie représentative de l'ensemble des exploitations forestières indonésiennes ont entraîné la destruction du fonds de ressources naturelles et de vastes violations des droits de l'homme, notamment le travail forcé.

Il ressort aussi des allégations que "pour obtenir le renouvellement de sa licence d'exploitation, la compagnie PT.K a été obligée par la loi de mettre en oeuvre un projet de développement de villages à proximité de sa zone de concessions, dans le cadre du programme HPH Bina Desa. Les villageois locaux ont reçu l'ordre de constituer des groupes de travail de coopération ou des groupes d'exploitants agricoles pour travailler à des projets de développement conçus par la compagnie. Lorsque les exploitants agricoles refusaient, les chefs du village étaient soudoyés, puis contraints d'aider la compagnie et la police locale à convaincre les villageois de constituer un groupe de travail."

Les allégations fournissent l'exemple de l'ouverture d'un magasin dans une plantation de caoutchouc PT.G (qui était autrefois une zone pour la production du rotin). Ce magasin a été ouvert là où les ouvriers ne peuvent acheter qu'à des prix exorbitants par un système de bons. Spoliés de leurs terres et donc de la possibilité de cultiver eux-mêmes leurs produits alimentaires, les travailleurs indigènes utilisent désormais des bons représentant leurs futurs salaires pour y faire leurs achats. Ce faisant, ils ne sont pas informés du montant total de leurs dettes. Les dettes accumulées sont ensuite déduites de leurs futurs salaires, en sorte que des fermiers qui étaient autrefois indépendants et vivaient relativement bien sont convertis par ce système en ouvriers appauvris, asservis pour dettes et piégés dans un cycle d'endettement qui ne cesse de s'aggraver.

Il ressort également des allégations que l'information sur l'asservissement pour dette et sur le travail forcé des populations indigènes et des migrants n'est pas largement diffusée.

D'après le "Rapport sur la situation des droits de l'homme en Indonésie pour 1996" publié par le US Department of State, les contrôleurs pour les droits de l'homme se sont déclarés préoccupés par les pratiques de certaines exploitations forestières recrutant des populations indigènes. Le rapport indique que, d'après Human Rights Watch/Asia, ce type d'activité à Irian Jaya a éloigné les populations indigènes de leur économie traditionnelle. Dans de nombreux cas, les nouvelles recrues dans les projets de développement sont mal préparées au monde moderne et se retrouvent dans l'obligation de s'endetter et de demeurer dans une situation de servitude pour dettes.

La commission espère que le gouvernement fournira des informations complètes au sujet de ces allégations.

D'après le rapport susmentionné du US Department of State, il existe des rapports crédibles selon lesquels des adolescents sont contraints de travailler dans des conditions extrêmement dangereuses sur des plates-formes de pêche au large des côtes du nord-est de Sumatra. Ces plates-formes se trouvent à des milles au large, et leur accès est commandé par les employeurs. Dans de nombreux cas, les enfants sont virtuellement prisonniers de ces plates-formes et obligés de travailler pendant des périodes pouvant durer trois mois pour un salaire bien inférieur au salaire minimum. Il ressort de ce rapport que, selon des sources autorisées, des centaines d'enfants pourraient être concernés.

La commission demande au gouvernement de fournir des informations complètes sur cette question.

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