National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note du rapport du gouvernement.
1. Restrictions légales à la cessation de la relation d'emploi.
Dans les commentaires qu'elle formule depuis un certain nombre d'années, la commission avait noté qu'en vertu de la loi no LIII de 1952 (art. 3 et art. 5 1) b), note explicative no 2, et art. 7 1)) sur le maintien des services essentiels toute personne ayant un emploi (de quelque nature que ce soit) auprès du gouvernement central et mettant fin à son emploi sans le consentement de l'employeur, nonobstant toute condition expresse ou implicite de son contrat prévoyant la démission avec préavis est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an. Selon l'article 3 de cette loi, ces dispositions peuvent être étendues à d'autres catégories d'emploi. Des dispositions analogues se retrouvent dans la deuxième ordonnance no XVI de 1958 (art. 3, 4 a) et b) et 5)). La commission avait prié le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de la convention.
Dans son rapport, le gouvernement déclare à nouveau qu'il existe suffisamment de mesures protectrices dans la loi sur les établissements industriels, la loi sur le paiement du salaire, la loi sur les ateliers et autres établissements et la loi no LIII de 1952 sur le maintien des services essentiels. Il se réfère en particulier au préavis à donner et au salaire à verser en lieu et place du préavis par l'employeur mettant fin à la relation d'emploi d'un travailleur sous contrat à durée indéterminée. La commission prend dûment note de cette réglementation. Toutefois, comme elle l'a souligné précédemment, cette réglementation tend à protéger les travailleurs en cas de licenciement, alors que la convention vise une situation différente, celle dans laquelle le travailleur désire, de lui-même, quitter son emploi.
La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle des restrictions temporaires à la cessation de la relation d'emploi conçues pour assurer le maintien de services publics ne doivent pas être considérées comme un travail forcé ou obligatoire, mais comme autorisées par l'article 9 de la convention.
A cet égard, la commission fait observer qu'en vertu de l'article 1, paragraphe 1, de la convention, tout Membre de l'Organisation internationale du Travail qui ratifie cet instrument s'engage à supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible; que l'article 9 fait partie d'un ensemble de dispositions fixant les conditions et garanties sous lesquelles, à titre exceptionnel et en vue de sa suppression totale, du travail forcé pouvait être utilisé pendant une période transitoire (article 1, paragraphe 2, de la convention). Puisque la convention, adoptée en 1930, demande la suppression du travail forcé dans le plus bref délai possible, invoquer aujourd'hui (67 ans après l'adoption de la convention) qu'une certaine forme de travail forcé ou obligatoire est conforme à l'une des exigences de cet ensemble de dispositions revient à méconnaître la fonction transitoire de ces dispositions et n'est pas conforme à l'esprit de la convention.
La commission estime que le recours à une forme de travail forcé ou obligatoire relevant aux termes de l'article 2 du champ d'application de la convention ne saurait être justifié en invoquant le respect des articles 1, paragraphe 2, et 4 à 24, bien que les interdictions absolues figurant dans les dispositions lient toujours les Etats ayant ratifié la convention.
La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la législation sera réexaminée pour donner suite à ces observations. Elle exprime l'espoir que le gouvernement prendra sans délai les mesures nécessaires pour rendre la loi no LIII de 1952 sur le maintien des services essentiels et la deuxième ordonnance no XLI de 1958 sur les services essentiels conformes à la convention.
2. Enfants employés comme domestiques.
Dans ses précédents commentaires, la commission se référait aux informations portées devant le Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, alléguant l'exploitation d'enfants des classes défavorisées, notamment comme domestiques chez des particuliers ou dans les fabriques de "bidi" et de tabac, ainsi que la non-application des dispositions législatives et constitutionnelles protectrices.
La commission avait exprimé l'espoir que le gouvernement fournirait des informations sur les mesures prises ou envisagées pour faire suite au Séminaire régional asien sur les enfants en servitude (Pakistan, 23-26 novembre 1992) à l'occasion duquel avait été adopté le Programme d'action contre la servitude des enfants, en ce qui concerne, par exemple, la situation des enfants travaillant "sans que cela ne se voie", comme domestiques. Se référant à l'article 25 de la convention, en vertu duquel des mesures doivent être prises pour garantir que les sanctions prévues par la loi soient réellement efficaces et strictement appliquées, la commission avait également exprimé l'espoir que le gouvernement fournirait des informations détaillées sur les inspections réalisées, les infractions constatées, les condamnations prononcées et les peines infligées aux exploiteurs d'enfants.
La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu'il n'y a pas de travail en servitude au Bangladesh mais que, toutefois, pour faire disparaître l'emploi -- en nombre insignifiant -- d'enfants dans l'industrie du vêtement, il a signé un Memorandum of Understanding (MOU) avec le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) de l'OIT en octobre 1994. Il ajoute que, dans ce cadre, 24 projets ont été mis en oeuvre depuis 1995 et 24 autres ont été entrepris dans différents domaines en 1996. Il souligne que l'Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA) a signé avec l'UNICEF et l'OIT un MOU qui est axé sur la réinsertion des enfants ayant travaillé dans le secteur du vêtement. Il précise enfin que divers programmes décidés en application de ce MOU sont actuellement en cours sous la supervision de l'OIT/IPEC, de l'UNICEF et de lui-même.
La commission a pris note des observations finales du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies sur le rapport présenté par le Bangladesh (UN doc. CRC/C/66 du 6 juin 1997). Cette commission se déclare préoccupée (paragr. 147) par "le nombre considérable d'enfants qui travaillent, y compris dans les zones rurales, comme domestiques ou à d'autres titres dans le secteur informel, et en outre par le fait qu'un grand nombre de ces enfants travaillent dans des conditions insalubres et dangereuses et sont souvent exposés à des sévices et exploitations sexuels".
La commission a également pris note d'une communication datée du 29 octobre 1997 par laquelle la Confédération mondiale du travail (CMT) formule des commentaires sur l'application de la convention et à laquelle cet organisme joint un certain nombre de documents, dont celui intitulé "Child domestic workers: Is servitude the only option? (Enfants employés comme domestiques: la servitude est-elle l'unique option?)", publié par Shoishab Bangladesh. Il a été communiqué copie de cette communication au gouvernement le 13 novembre 1997, afin que celui-ci puisse faire les commentaires qu'il jugera appropriés.
Selon cette communication, le fait que des enfants soient employés comme domestiques au Bangladesh révèle une situation complexe qui procède, d'une part, de l'existence de certaines pratiques sociales restées incontestées et, d'autre part, des dures réalités économiques et sociales que vit le pays. L'âge des enfants placés comme domestiques va de 8 à 16 ans. Toutefois, lorsque la mère est elle-même domestique, souvent ses enfants sont incorporés très jeunes dans la domesticité, avant de connaître toute autre forme d'existence. Les enfants employés comme domestiques sont essentiellement des fillettes. Les tâches, qui sont attendues ou exigées d'eux, n'ont pas de limites ou, au mieux, sont mal définies. Le même flou entoure la question des horaires de travail, et la question de la rémunération n'est souvent pas abordée clairement ni ouvertement. Les caractéristiques de la relation entre les enfants domestiques et leurs employeurs peuvent présenter d'un cas à l'autre des différences considérables. Il n'en reste pas moins que, dans tous les cas, l'employeur exerce un pouvoir total sur tous les aspects de leur existence.
Selon cette communication, le phénomène des enfants domestiques au Bangladesh doit être replacé dans le contexte de la situation des gens de maison en général. Dans le sous-continent indien, on établit une distinction entre diverses catégories de travailleurs: les bandha, les chhuta, domestiques qualifiés, et les pichchis. Les bandha, qui sont des domestiques, vivent sur le lieu du travail de manière permanente. Le terme, qui signifie littéralement "lié", désigne des domestiques employés exclusivement dans un seul et même foyer et exerçant des activités très diverses, sans qu'il n'y ait pratiquement aucune limitation de la durée du travail en ce qui les concerne. Ils sont logés souvent au domicile de l'employeur. La qualité de ce logement dépend de la situation économique et des conceptions sociales de l'employeur. Rentrent dans cette catégorie aussi bien les adultes, hommes et femmes, que les enfants, filles et garçons. Le travail demandé peut varier en fonction du sexe et de l'âge, encore qu'aucune tâche, à l'intérieur ou à l'extérieur, ne soit exclue. La catégorie des chhuta, littéralement "non obligés", recouvre les domestiques qui travaillent à temps partiel, exercent diverses activités spécifiques et généralement bien définies et ont leur propre foyer, comme les domestiques qualifiés. Les pichchis, ou littéralement "petits", ont avec l'employeur des rapports relativement indépendants. Ils se chargent de courses diverses pour tous les membres de la famille et n'ont pas d'autre responsabilité spécifique ou définie. Pour eux, le principal problème tient à ce que leur travail est perçu comme inconsistant, alors qu'ils doivent constamment répondre, toute la journée, à des exigences parfois conflictuelles de la part des différents membres de la famille. Les pichchis sont plus souvent des garçons que des filles, ils vivent au domicile de l'employeur et sont nourris, mais ne perçoivent généralement pas une paie régulière en espèces. Tous les enfants domestiques rentrent en réalité dans les catégories des bandha et des pichchis.
Selon cette communication, les enfants domestiques exercent des activités très diverses qui sont difficiles à classer en catégories. On arrive néanmoins en simplifiant à classer ces activités en deux sortes: les tâches à forte intensité de main-d'oeuvre et les menus services. Les premières peuvent occuper toutes les heures diurnes et incluent le balayage, le lavage et l'entretien des sols, la cuisine et ses tâches annexes, la préparation des épices, la lessive, etc. Les menus services, quant à eux, sont assurés par des enfants domestiques toujours à disposition de chacun des membres de la famille pour s'acquitter de n'importe quelle tâche. Les tâches en question sont souvent pénibles et les enfants domestiques sont censés être constamment disponibles, jamais fatigués et toujours dans les meilleures dispositions. Comme il s'agit d'activités légères et isolées, elles ne sont jamais perçues comme un véritable travail.
Le travail des enfants domestiques ne se conçoit pas comme étant limité par un quelconque horaire. Il est expliqué dans cette communication que les domestiques, même lorsqu'ils se sont acquittés de leur tâche, comme la lessive, le nettoyage de la maison, la vaisselle, la cuisine, la préparation des épices, restent redevables du temps qui leur reste à leur employeur et n'ont donc pas de temps "libre" à employer comme ils l'entendent puisqu'ils doivent rester à disposition pour tous types de services, menus ou importants, comme ne serait-ce que d'aller chercher un verre d'eau. Ils peuvent d'ailleurs être appelés à toute heure du jour ou de la nuit. Même les fillettes peuvent être éveillées au milieu de la nuit pour n'importe quelle tâche, comme apporter des aliments à des visiteurs impromptus ou aider à s'occuper d'un bébé malade pendant toute la nuit. Toujours selon cette communication, les enfants domestiques n'ont ni congé ni vacances. Nul ne reconnaît le besoin ou le droit d'un enfant domestique d'avoir le temps ou les moyens de se divertir. Lorsque la famille qui les emploie part en vacances, les domestiques suivent et accomplissent leur rôle habituel.
Selon cette communication, quelle que soit la situation économique et sociale de la famille qui les emploie, leur âge ou la dureté des tâches, les domestiques font chaque jour la même chose. Ils sont les premiers de la maisonnée à se lever et les derniers à se coucher. Lorsque la famille qui les emploie est en visite, elle les met à disposition de la famille qui les reçoit, pratique qui se conçoit comme une courtoisie d'usage. La société voit dans les enfants la propriété de l'employeur, 24 heures sur 24, 365 jours par an, le statut du domestique reste immuable. La communication fait ressortir que, dès leur jeune âge, les domestiques vivent au sein d'une famille, dans le reniement absolu de tous leurs droits, avec leur isolement pour tout réconfort. Telle est leur condition. En échange de cette vie de labeur, ils sont nourris, abrités et vêtus par la famille qui les emploie, en fonction de la situation économique et sociale, des croyances et des conceptions de celle-ci. Ils sont souvent la cible de toutes sortes d'agressions verbales et parfois physiques. Ils sont souvent menacés d'être congédiés, c'est-à-dire d'être jetés à la rue et réduits à une vie de vagabondage.
Selon cette communication, l'employeur exerce un pouvoir et un contrôle total sur la vie des enfants domestiques, et ceux-ci conçoivent leur existence en servitude comme étant leur destin.
La commission demande au gouvernement de fournir des informations détaillées en réponse à ces allégations. Elle le prie instamment d'adopter des mesures efficaces pour éradiquer le travail forcé des enfants et de communiquer les informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
3. Traite d'êtres humains.
La commission a pris note du rapport présenté par le gouvernement du Bangladesh à la Commission pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations Unies (CEDAW/C/BGD/3-4; 1er avril 1997), dans lequel ce gouvernement déclare que "le phénomène de la traite d'êtres humains semble s'aggraver" (paragr. 2.5) et "dans la plupart des cas, la finalité ou l'aboutissement de cette traite est la prostitution". S'appuyant sur une source non gouvernementale, le gouvernement indique qu'"environ 200 000 femmes et enfants ont été victimes de la traite d'êtres humains à destination du Moyen-Orient au cours des vingt dernières années. Des personnes et des organismes s'occupant des droits de l'homme chiffrent entre 200 et 400 le nombre de jeunes femmes et d'enfants transférés clandestinement chaque mois, pour la plupart du Bangladesh au Pakistan." Le gouvernement reconnaît que cette traite "est le fait de bandes régionales bien organisées, ayant partie liée avec diverses instances judiciaires, raison pour laquelle ces trafiquants sont si peu nombreux à être pris et les victimes si rarement retrouvées".
Le gouvernement déclare qu'"il est conscient du problème et a pris des mesures pour l'enrayer. L'une de ces mesures est le renforcement des postes frontières ... Une autre consiste à renforcer la législation et alourdir les peines contre les coupables". Il ajoute qu'il "serait nécessaire d'agir plus énergiquement à l'encontre de certains membres des instances judiciaires impliquées dans ce trafic" (CEDAW/C/BGD/3-4; 1er avril 1997, paragr. 2.5.1). Le comité note que, selon le rapport du gouvernement, l'article 8 de la loi de 1995 (dispositions spéciales) sur la répression de la traite des femmes et des enfants punit ce crime et les délits associés de peines allant de l'amende jusqu'à l'emprisonnement à vie.
La commission note, à la lecture du rapport trimestriel de l'IPEC (mai 1997) que le ministère de la Femme et de l'Enfance est convenu, au début de 1997, de mettre en oeuvre, avec le concours de l'IPEC/OIT et de l'UNICEF, un programme national sur la traite des enfants. Elle note en outre que le gouvernement a participé récemment à un certain nombre de séminaires, ateliers et conférences, au niveau national comme au niveau local, notamment à un atelier sur la traite des enfants qui s'est tenu en février 1997.
La commission a pris note des observations finales de la Commission sur les droits de l'enfant des Nations Unies à propos du rapport présenté par le Bangladesh (CRC/C/66 du 6 juin 1997). Dans ses conclusions, cette instance se déclare "profondément préoccupée par la traite et la vente d'enfants". Elle considère que "le mépris du droit et la non-application de la législation en vigueur à tous les niveaux, des organes d'exécution jusqu'au judiciaire, constituent un problème qu'il conviendrait d'aborder".
Se référant à l'article 25 de la convention, aux termes duquel le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant cet instrument a l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées, la commission prie le gouvernement de donner des informations sur les sanctions prises, en communiquant copie des décisions de justice, et sur les résultats des diverses initiatives qu'il a prises pour assurer, en droit comme en pratique, le respect de la convention.
4. Allégations concernant la situation dans l'industrie du vêtement.
La commission prend également note des allégations formulées par la Confédération mondiale du travail (CMT) dans la communication précitée, à propos de la situation dans l'industrie du vêtement. Selon cette organisation, "l'industrie du vêtement du Bangladesh emploie plus d'un million de travailleurs, qui sont essentiellement des femmes et des enfants ... Il est rare que le salaire minimum légal soit payé; les heures supplémentaires sous la contrainte sont monnaie courante et sont rémunérées en-deçà du taux légal. Les travailleurs du Bangladesh ont légalement droit au vendredi comme jour de congé, mais les employeurs ne respectent pas ce droit et licencient souvent les travailleurs qui le revendiquent; il arrive que des mois entiers s'écoulent sans que le travailleur ne perçoive aucune rémunération".
La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées en réponse à ces allégations.