DISPLAYINEnglish - Spanish
Allégations: L’organisation plaignante allègue des violations des droits de
négociation collective et de grève des greffiers de l’administration de la
justice
- 328. La plainte figure dans des communications de l’Association de
réclamation pour la défense des droits professionnels des greffiers de l’administration
de la justice (RECLAMALAJ) des 29 mai et 4 juillet 2023.
- 329. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du
10 octobre 2023.
- 330. L’Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les
relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Allégations de l’organisations plaignante
A. Allégations de l’organisations plaignante- 331. Dans ses communications des 29 mai et 4 juillet 2023, l’organisation
plaignante allègue la violation des conventions nos 87, 98, 151 et 154 de l’OIT
concernant la négociation collective, le droit de grève et l’ajustement des salaires des
greffiers et greffières de l’administration de la justice. Pour replacer ses allégations
dans leur contexte, l’organisation indique que l’administration de la justice d’Espagne
est composée de fonctionnaires appartenant à différents corps: les juges et magistrats,
les procureurs, les avocats de l’État et les greffiers de l’administration de la justice
(ayant tous une formation juridique), ainsi que d’autres corps généraux, notamment les
administrateurs, les gestionnaires et les auxiliaires de justice (qui n’ont pas
nécessairement une formation juridique). L’organisation précise que, historiquement, la
fonction de greffier de l’administration de la justice («Letrado de la Administración de
Justicia», anciennement dénommé «secretario judicial») ne se distinguait pas clairement
des corps généraux; elle équivalait à celle d’un fonctionnaire du bureau judiciaire qui,
placé sous l’autorité du juge, était responsable de l’authenticité des actes publics,
des statistiques et du contrôle des comptes et registres publics, autant de fonctions
qui pouvaient être déléguées aux administrateurs dudit bureau. Dans ce contexte, les
greffiers et greffières de l’administration de la justice ont été intégrés aux corps
généraux aux fins de la négociation collective. L’organisation poursuit en indiquant
que, à la suite de plusieurs réformes, la législation espagnole a attribué aux greffiers
et greffières de l’administration de la justice des fonctions propres et non délégables,
exclusives et excluantes, ainsi qu’une procédure d’accès, des instances supérieures et
un régime disciplinaire propres. Elle fait valoir que, par ces réformes, une distinction
a été établie au sein du bureau judiciaire entre les greffiers et greffières de
l’administration de la justice et les corps généraux (administrateurs, gestionnaires et
auxiliaires de justice), en octroyant aux greffiers et greffières la direction générale
et la direction technique et procédurale desdits corps.
- 332. L’organisation plaignante allègue tout d’abord une violation du
droit de négociation collective des greffiers et greffières de l’administration de la
justice. Elle déclare, à cet égard, que les organisations de ce groupe ne parviennent
pas à avoir leur propre représentation syndicale en raison du nombre peu élevé de
fonctionnaires de cette catégorie et, partant, ils ne peuvent pas participer à la
négociation collective concernant les aspects qui leur sont propres et exclusifs.
- 333. L’organisation explique que, conformément aux articles 31 à 36 du
Statut de base du fonctionnaire , les organes représentatifs des fonctionnaires sont
les délégués du personnel (dans les unités électorales comptant moins de
50 fonctionnaires) et les comités du personnel (dans les unités comptant au moins
50 fonctionnaires). Faisant référence aux diverses dispositions légales qui régissent la
négociation collective au sein de l’administration de la justice, l’organisation
plaignante souligne que, aux termes de l’article 444.1 de la loi organique no 6/1985 sur
le pouvoir judiciaire , les fonctionnaires du corps des greffiers de l’administration
de la justice «ont les mêmes droits individuels et collectifs et devoirs que ceux visés
au Livre VI de [ladite] loi complétant les dispositions du Statut de base du
fonctionnaire et le reste de la réglementation nationale relative à la fonction
publique» et que l’article 496 e) de la même loi ajoute que «seront établis les cadres
adéquats permettant une participation plus grande et plus intense des représentants des
fonctionnaires au service de l’administration de la justice, au travers de groupes de
travail, de tables ou de toute autre enceinte de dialogue et de négociation».
L’organisation plaignante fait référence, à cet égard, aux critères de représentativité
fixés pour la négociation collective aux articles 30 et 31 de la loi no 7/1990 sur la
négociation collective et la participation à la détermination des conditions de travail
des agents publics , à l’article 36.1 du Statut de base du fonctionnaire et aux
articles 6 et 7 de la loi no 11/1985 sur la liberté syndicale . Elle souligne en
particulier que, en vertu de ces dispositions, ont le droit de participer aux tables de
négociation les organisations syndicales les plus représentatives au niveau national et
au niveau des communautés autonomes, ainsi que les syndicats qui ont obtenu au moins
10 pour cent des représentants aux élections des délégués et des comités du personnel
dans les unités électorales relevant du domaine spécifique de chaque table de
négociation.
- 334. L’organisation plaignante allègue que l’interprétation qui est faite
des critères de représentativité prive de facto le corps des greffiers et des greffières
du droit à la négociation collective.
- 335. L’organisation plaignante explique qu’à l’heure actuelle la
négociation collective sectorielle se déroule à la table de négociation sectorielle du
personnel de l’administration de la justice, qui englobe à la fois les greffiers et
greffières de l’administration de la justice (dont les effectifs sont réduits) et le
reste du personnel du bureau judiciaire (situé plus bas dans la hiérarchie et dont les
effectifs sont plus nombreux). À cet égard, elle précise que les greffiers et greffières
ne représentent que 7,08 pour cent de l’ensemble des fonctionnaires de l’administration
de la justice. Selon l’organisation plaignante, ce sont donc les syndicats généralistes,
dont les affiliés sont essentiellement des administrateurs, des gestionnaires et des
auxiliaires de justice, qui sont chargés de participer à la négociation collective et de
veiller aux intérêts professionnels des greffiers et greffières de l’administration de
la justice.
- 336. L’organisation allègue que cela met clairement les greffiers et
greffières de l’administration de la justice en situation de vulnérabilité étant donné
que, privés de leur propre représentation syndicale en raison de leur nombre peu élevé,
ce groupe ne peut participer à la négociation collective sur des aspects qui ne
concernent que lui. Elle allègue également qu’il existe un conflit d’intérêts dans la
mesure où, d’une part, les greffiers de l’administration de la justice sont les
directeurs du bureau judiciaire et donnent des instructions aux fonctionnaires qui en
dépendent et où, d’autre part, ce sont ces fonctionnaires, qui sont leurs subordonnés,
qui représentent les greffiers et greffières de l’administration de la justice en
négociant, pour leurs supérieurs hiérarchiques, des améliorations pour un travail qu’ils
ne connaissent pas, ne contrôlent pas ou qui ne les intéresse pas. L’organisation
plaignante ajoute que «les syndicats généralistes n’ont absolument rien négocié en
matière de conditions de travail et d’exercice des fonctions des greffiers de
l’administration de la justice, y compris les rares améliorations salariales que ces
derniers ont obtenues, sous le prétexte officiel qu’ils ne se sont pas soumis à la
fiction de la table de négociation sectorielle». L’organisation déclare qu’il «n’est pas
possible de maintenir la situation actuelle dans laquelle le personnel que dirigent [les
greffiers et greffières de l’administration de la justice], à savoir les
administrateurs, gestionnaires et auxiliaires de justice organisés en syndicats
généralistes, soit chargé de cette fonction [de négociation des conditions de travail].
Ces syndicats ne s’intéressent absolument pas au sort des greffiers, bien au contraire.
Ils contestent et torpillent toute amélioration du travail, aussi minime soit-elle,
obtenue pour eux ces trente dernières années».
- 337. L’organisation plaignante fait référence aux conditions de
participation aux «tables de négociation générales» (pour négocier toutes les questions
et conditions de travail communes aux fonctionnaires et au personnel statutaire et
ordinaire de chaque administration publique). Elle indique que, conformément à
l’article 36.3 du Statut de base du fonctionnaire, pour avoir le droit de faire partie
de l’unité de négociation, il faut obtenir 10 pour cent des suffrages lors des élections
pour la représentation des fonctionnaires et des travailleurs ordinaires. L’organisation
allègue que l’interprétation que la jurisprudence donne à cet article, qui exige
d’atteindre une représentativité de 10 pour cent séparément pour les fonctionnaires et
les travailleurs ordinaires, plutôt que 10 pour cent pour l’ensemble du personnel, porte
atteinte au droit de négociation collective, les fonctionnaires étant
sous-représentés.
- 338. L’organisation indique en outre qu’il existe une différence au
niveau de la dépendance hiérarchique entre les greffiers et greffières de
l’administration de la justice et les corps généraux. Alors que les greffiers et
greffières sont des corps spéciaux relevant de l’administration de l’État (ministère de
la Justice), les corps généraux des administrateurs, gestionnaires et auxiliaires de
justice dépendent des différentes administrations autonomes dans les communautés
autonomes auxquelles la gestion des compétences de l’administration de la justice a été
transférée en ce qui concerne les ressources humaines et matérielles. L’organisation
plaignante renvoie à cet égard à des décisions de justice et à des procédures arbitrales
dans lesquelles il a été décidé d’exclure le corps des greffiers et greffières de
l’administration de la justice du recensement en vue des élections syndicales de
plusieurs communautés autonomes, au motif qu’il a été estimé qu’ils ne pouvaient pas
être correctement représentés parce qu’ils n’ont pas de lien organique avec
l’administration de la justice, mais bien avec le ministère de la Justice.
- 339. Compte tenu de ce qui précède, l’organisation plaignante allègue une
violation des conventions nos 98, 151 et 154. À cet égard, elle demande la
reconnaissance d’un cadre de négociation collective propre, exclusif et excluant pour
les greffiers et greffières de l’administration de la justice.
- 340. L’organisation plaignante indique que, le 24 janvier 2023, une grève
à durée indéterminée a été entamée par les greffiers et greffières de l’administration
de la justice afin d’obtenir leur propre convention collective.
- 341. L’organisation plaignante dresse ensuite l’historique des événements
liés à l’organisation de grèves par les greffiers et greffières de l’administration de
la justice. Il ressort de ces informations que ce groupe a entamé une grève au début de
2022, à la suite de laquelle le ministère de la Justice a publié, en avril 2022, un
communiqué dans lequel il s’engageait à lier, de façon proportionnelle, la rémunération
des greffiers à celles des professions judiciaires (juges et magistrats). L’organisation
plaignante indique que, le 24 janvier 2023, une grève à durée indéterminée a été entamée
en raison du non-respect par le ministère de la Justice des engagements convenus avec le
corps des greffiers en avril 2022 et en vue d’obtenir leur propre convention
collective.
- 342. L’organisation plaignante indique que, en réponse à cette grève, le
Secrétaire général de l’administration de la justice a adopté l’instruction no 1/2023
selon laquelle: 1) tous les congés et vacances restant à prendre au cours de l’exercice
2023 par les greffiers et greffières de l’administration de la justice, et à partir de
l’entrée en vigueur de la grève, ne pourront être pris que les jours où il n’y a pas de
signalements (à savoir les actes qui doivent être authentifiés par un greffier, tels que
l’assistance aux entrées et registre ou la levée de corps), ce qui empêche les
fonctionnaires de disposer de semaines de repos complètes; et 2) un collègue de la
circonscription judiciaire qui n’est pas en grève doit être désigné pour couvrir les
vacances, ce que l’organisation plaignante qualifie d’atteinte directe au libre exercice
du droit de grève, étant donné que l’employé n’est soumis à aucune obligation
individuelle d’indiquer au préalable les jours où il va exercer son droit de grève, dès
lors que le comité de grève a déposé un préavis et organisé la grève légalement.
L’organisation indique qu’un recours contentieux administratif a été formé contre
l’instruction précitée pour violation du droit fondamental de faire grève.
- 343. L’organisation plaignante demande que soit autorisée la grève à
durée indéterminée des greffiers et greffières de l’administration de la justice et que
soit garantie la jouissance des congés, suppléances et vacances de sorte qu’elle soit
compatible avec l’exercice du droit de grève, et que celle-ci ne peut être ni comblée ni
couverte étant donné que cela implique la violation du droit de grève.
- 344. L’organisation souligne dans ses informations supplémentaires que,
le 28 mars 2023, un accord a été conclu entre le comité de grève et l’administration de
l’État pour mettre fin à la grève des greffiers et greffières de l’administration de la
justice. À cet égard, l’organisation plaignante joint une note, datée du 20 juin 2023,
dans laquelle il est indiqué que le gouvernement n’a pas respecté le contenu de l’accord
en paralysant, sans raison objective, la procédure de réforme du système de rétribution
des greffiers et greffières de l’administration de la justice.
- 345. L’organisation plaignante allègue que, bien que diverses réformes
législatives aient, au fil du temps, confié aux greffiers et greffières de
l’administration de la justice un grand nombre de fonctions procédurales, celles-ci
n’ont pas été rétribuées. L’organisation fait référence à diverses dispositions
législatives adoptées en vue de modifier les régimes de rétribution des greffiers et
greffières de l’administration de la justice et de les aligner sur ceux du personnel
judiciaire. Elle fournit, en outre, le détail des niveaux de rémunération en fonction de
la catégorie de fonctionnaires, en indiquant qu’actuellement le salaire des greffiers et
greffières est de plus de 30 pour cent inférieur à celui des juges (les greffiers et
greffières et les juges faisant partie de la catégorie «A1»), tandis que le salaire des
administrateurs, placés sous l’autorité des greffiers et greffières et relevant de la
catégorie «A2» ne présente, dans le meilleur des cas, qu’un écart de moins de 5 pour
cent avec celui des greffiers et greffières de l’administration de la justice.
- 346. L’organisation plaignante demande la reconnaissance d’un ajustement
salarial légitime réclamé par les greffiers et greffières de l’administration de la
justice et le respect des engagements pris en avril 2022, à savoir l’établissement d’un
lien entre la rétribution des greffiers et greffières de l’administration de la justice
et celles du personnel judiciaire et du ministère public.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 347. Le gouvernement transmet ses observations dans sa communication du
10 octobre 2023. À titre d’observation liminaire, le gouvernement souligne que le
problème exposé par l’association plaignante correspond aux arguments défendus par les
principales associations de greffiers et greffières de l’administration de la justice au
début de la grève à durée indéterminée qu’elles ont lancée le 24 janvier 2023 et que la
plainte repose sur une analyse et des conclusions incorrectes.
- 348. Le gouvernement mentionne également la signature de l’accord du
28 mars 2023 conclu entre l’administration de la justice et le comité de grève des
greffiers et greffières de l’administration de la justice. Le gouvernement déclare à cet
égard que la plainte présentée doit donc être considérée comme rendue caduque par les
événements qui ont mis fin à la grève des greffiers et greffières de l’administration de
la justice à la suite de l’accord du 28 mars 2023.
- 349. Le gouvernement affirme que, conformément à ses articles 444.1 et
496 e), la loi organique no 6/1985 sur le pouvoir judiciaire, loin de porter atteinte au
droit de négociation collective des greffiers et greffières de l’administration de la
justice, se borne à le reconnaître de façon générale pour l’ensemble des fonctionnaires
des différents corps au service de l’administration de la justice.
- 350. Le gouvernement indique que, en l’absence de réglementation
spécifique, l’exercice du droit de négociation collective a lieu par l’intermédiaire des
organes et systèmes prévus dans le Statut de base du fonctionnaire et dans la loi
organique no 11/1985 sur la liberté syndicale. À cet égard, le gouvernement renvoie à
l’article 33.1 du Statut de base du fonctionnaire, selon lequel la négociation
collective des fonctionnaires publics «a lieu par le biais de la représentativité», et
il précise que cette capacité est confiée, en vertu de la même disposition, aux
«organisations syndicales les plus représentatives au niveau national, [aux]
organisations syndicales les plus représentatives au niveau des communautés autonomes,
ainsi qu[‘aux] syndicats ayant obtenu au moins 10 pour cent des représentants aux
élections des délégués et des comités du personnel, dans les unités électorales
comprises dans le domaine spécifique de leur constitution». À la lumière de ces
dispositions, le gouvernement affirme que la composition des tables de négociation tient
compte du résultat des élections des délégués et des comités du personnel.
- 351. Le gouvernement souligne donc que la représentation syndicale des
greffiers et greffières de l’administration de la justice aux fins de la négociation
collective est garantie par leur participation en tant qu’électeurs (et candidats
éligibles) aux élections syndicales, dont le résultat détermine la composition des
différentes tables de négociation et la représentation des organisations syndicales au
sein de celles-ci.
- 352. Le gouvernement précise, à cet égard, que le fait que le nombre de
fonctionnaires du corps des greffiers et greffières de l’administration de la justice
soit inférieur à celui d’autres corps n’ôte rien au fait que les greffiers et greffières
puissent être dûment représentés par les syndicats présents à la table de
négociation.
- 353. Le gouvernement déclare ne pas voir le conflit d’intérêts allégué
par l’organisation plaignante et estime que la direction technique et procédurale du
bureau judiciaire ne doit pas constituer un obstacle à la défense par les organisations
syndicales les plus représentatives des intérêts du corps des greffiers et greffières de
l’administration de la justice et à la négociation de leurs conditions de travail de la
même façon que pour les corps généraux. Le gouvernement indique également que la
situation décrite est une circonstance commune à tout autre groupe d’agents publics ne
disposant pas d’un cadre de négociation distinct pour le personnel qui exerce des
fonctions de direction.
- 354. Le gouvernement rappelle que, à la suite de la grève des greffiers
et greffières de l’administration de la justice, le 28 mars 2023, un accord a été trouvé
avec le comité de grève, ce qui prouve que les greffiers et greffières de
l’administration de la justice peuvent effectivement exercer leur droit de faire grève.
Le gouvernement souligne que les associations signataires dudit accord se sont retirées
du recours formé devant la juridiction du contentieux administratif contre l’instruction
no 1/2023 du Secrétaire général de l’administration de la justice, qui déterminait les
circonstances dans lesquelles devaient être accordés les vacances, autorisations et
congés en période de grève. Le gouvernement souligne que cette instruction a été rendue
caduque par la cessation de la grève.
- 355. S’agissant des engagements pris en avril 2022 qui ont été mentionnés
par l’organisation plaignante, le gouvernement précise que le ministère de la Justice
s’est uniquement engagé à promouvoir des modifications de la réglementation en matière
de rétributions, ce qu’il a fait dans le cadre de ses compétences, lesquelles ne
s’étendent pas à l’adoption de lois.
- 356. Le gouvernement souligne que l’accord du 28 mars 2023 comprend
l’engagement d’augmenter les rétributions des greffiers et greffières de
l’administration de la justice et qu’il y a donc lieu de considérer que les
revendications de fond ont été satisfaites.
- 357. À cet égard, le gouvernement renvoie à la publication du décret
royal no 774/2023, du 3 octobre, modifiant le décret royal no 1130/2003, du 5 septembre,
réglementant le régime de rétribution du corps des greffiers, et le décret royal
no 2033/2009, du 30 décembre , déterminant les postes types qui composent le corps des
greffiers aux fins du complément général de poste, de l’attribution initiale du
complément spécifique et des rétributions pour les suppléances qui impliquent l’exercice
simultané d’une autre fonction, en vue de donner effet à l’accord conclu entre
l’administration de l’État et le comité de grève des greffiers et greffières de
l’administration de la justice. Ce texte détermine les augmentations du complément
spécifique des rétributions des greffiers et greffières de l’administration de la
justice.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 358. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation
plaignante allègue une violation du droit à la négociation collective et du droit de
grève des greffiers et greffières de l’administration de la justice. Le comité note que
le gouvernement répond à ces questions et affirme que la présente plainte, fondée sur
les arguments défendus par les associations au début de la grève à durée indéterminée
entamée le 24 janvier 2023, doit être considérée comme rendue caduque par les événements
ayant conduit à la cessation de la grève des greffiers et greffières de l’administration
de la justice à la suite de l’accord du 28 mars 2023.
- 359. En ce qui concerne le droit à la négociation collective, le comité
prend note des allégations présentées par l’organisation plaignante selon lesquelles il
y aurait violation du droit à la négociation collective des greffiers et greffières de
l’administration de la justice, ceux-ci n’étant pas suffisamment nombreux pour être
représentés par leurs propres organisations dans les instances de négociation.
L’organisation allègue que, de ce fait, ils sont représentés par des syndicats
généralistes qui, lors de la négociation des conditions de travail ou des améliorations
du travail, se trouvent dans une situation de conflit d’intérêts, au motif qu’ils sont
majoritairement composés d’administrateurs, de gestionnaires et d’auxiliaires de
justice, qui se situent plus bas dans la hiérarchie que les greffiers et greffières de
l’administration de la justice. Elle ajoute que, dans la pratique, ces syndicats
auraient agi contre les intérêts des greffiers et greffières de l’administration de la
justice, en s’opposant aux augmentations salariales ou aux améliorations du travail que
ce groupe aurait obtenues. À cet égard, le comité note que le gouvernement: i) indique
que la représentation syndicale des greffiers et greffières de l’administration de la
justice aux fins de la négociation collective est garantie par leur participation aux
élections syndicales, dont le résultat détermine la composition des différentes tables
de négociation; ii) affirme que le fait que le nombre de fonctionnaires du corps des
greffiers et greffières de l’administration de la justice soit inférieur à celui
d’autres corps n’ôte rien au fait que les greffiers et greffières soient dûment
représentés par les syndicats participant aux tables de négociation; iii) déclare ne pas
voir de conflit d’intérêts, dans la mesure où la direction technique et procédurale du
bureau judiciaire assumée par les greffiers et greffières de l’administration de la
justice ne doit pas constituer un obstacle à la défense de leurs intérêts par les
organisations syndicales; et iv) fait valoir que la situation décrite est une
circonstance commune à tout autre groupe d’agents publics ne disposant pas d’un cadre de
négociation distinct pour le personnel qui exerce des fonctions de direction.
- 360. Le comité observe qu’il ressort des allégations de l’organisation
plaignante et de la réponse du gouvernement que: i) l’ordre juridique espagnol établit
un système de négociation collective par lequel sont constituées différentes tables de
négociation à différents niveaux de l’administration publique; ii) conformément aux
critères de représentation fixés par la législation, les organisations syndicales qui
participent à ces tables doivent être considérées comme étant les plus représentatives
au niveau national ou au niveau de la communauté autonome ou avoir obtenu au moins
10 pour cent des représentants aux élections des délégués et des comités du personnel;
iii) les tables de négociation relatives au personnel de l’administration de la justice
incluent dans la même unité de négociation le corps des greffiers et greffières et les
corps généraux de ladite administration, comme les corps des administrateurs, des
gestionnaires et des auxiliaires du bureau judiciaire; iv) à la suite de diverses
réformes législatives, le corps des greffiers et greffières de l’administration de la
justice a, au fil du temps, assumé de nouvelles fonctions au sein du bureau judiciaire,
notamment la direction technique et procédurale de celui-ci et de son personnel; et
iv) le corps des greffiers et greffières représente une petite partie de l’ensemble du
personnel de l’administration de la justice et, par conséquent, les organisations qui
représentent ce groupe peuvent difficilement remplir les critères de représentativité
requis pour participer directement aux tables de négociation collective.
- 361. Le comité rappelle que sont compatibles avec la convention no 98
tant le système du négociateur unique (l’organisation la plus représentative) que celui
d’une délégation composée de toutes les organisations ou seulement des plus
représentatives en fonction de critères clairs définis au préalable pour déterminer les
organisations habilitées à négocier. Il rappelle également que l’octroi de droits
exclusifs à l’organisation la plus représentative ne devrait pas cependant signifier que
l’existence d’autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés souhaiteraient
s’affilier soit interdite; en outre, les organisations minoritaires devraient être
autorisées à exercer leurs activités et à avoir au moins le droit de se faire les
porte-parole de leurs membres et de les représenter. [Voir Compilation des décisions
du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, paragr. 1360 et 1388.]
S’agissant des critères de représentativité, le comité rappelle qu’il a jugé
précédemment qu’un pourcentage de représentation de 10 pour cent requis pour qu’une
organisation syndicale puisse participer à une commission de négociation n’enfreint pas
les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. [Voir
Compilation, paragr. 1378.]
- 362. En ce qui concerne la question spécifique de la portée de l’unité de
négociation qui couvre les greffiers et greffières de l’administration de la justice et
leur revendication de disposer de leur propre table de négociation, le comité prend
bonne note que, conformément à la législation en vigueur, il existe des tables de
négociation de l’administration publique espagnole au niveau central, des communautés
autonomes, au niveau local et par administration. Le comité note également l’observation
du gouvernement selon laquelle la situation des greffiers est une circonstance commune à
tout autre groupe d’agents publics ne disposant pas d’un cadre de négociation distinct
pour le personnel qui exerce des fonctions de direction. Dans le même temps, le comité
note les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles, dans la pratique,
les intérêts de ses affiliés ne sont pas défendus par les syndicats généralistes de
l’administration de la justice. À cet égard, le comité observe que: i) cette situation a
donné lieu au mouvement de grève de janvier 2023; et ii) l’accord conclu entre le comité
de grève et l’administration de la justice le 28 mars 2023 prévoit, en son point
«Quatre», la création de groupes de travail conjoints en vue de traiter diverses
questions relatives au corps des greffiers et greffières de l’administration de la
justice, notamment des mécanismes destinés à garantir aux associations de greffiers et
greffières de l’administration de la justice qu’elles puissent faire entendre leur voix
sur toutes les questions liées aux rétributions, aux statuts, à l’organisation du bureau
judiciaire ou aux modifications législatives qui affectent le travail des greffiers et
greffières de l’administration de la justice. Le comité observe que la création de ces
groupes de travail offre une possibilité de dialogue supplémentaire et permet aux
associations de greffiers et greffières de l’administration de la justice de défendre
les intérêts de leurs membres. Dans ce contexte, le comité encourage le gouvernement à
maintenir un dialogue actif avec toutes les parties intéressées afin de s’assurer que,
tant par le biais de leurs associations que d’organisations syndicales à portée plus
générale, les greffiers et greffières de l’administration de la justice disposent d’une
possibilité effective de faire entendre leur voix et de défendre leurs intérêts dans les
instances qui les concernent.
- 363. En ce qui concerne l’exercice du droit de grève, le comité note que
l’organisation plaignante allègue une violation du droit de grève des greffiers et
greffières de l’administration de la justice en raison de l’adoption, dans le cadre de
la grève à durée indéterminée lancée en janvier 2023, de l’instruction no 1/2023 visant
à restreindre la demande de jours de congé et de vacances au cours de cette grève.
L’organisation plaignante souligne que la grève s’est achevée par un accord signé entre
le comité de grève et l’administration de l’État le 28 mars 2023. À cet égard, le comité
prend également note des observations du gouvernement selon lesquelles: i) l’instruction
no 1/2023 a été rendue caduque par la fin de la grève; ii) le point «Six» de l’accord du
28 mars 2023 reflète l’engagement des associations signataires de retirer le recours
contentieux administratif formé contre l’instruction no 1/2023; et iii) le décret royal
no 774/2023, du 3 octobre, fixant certaines augmentations dans le régime de rétribution
des greffiers et greffières de l’administration de la justice afin de mettre en œuvre
l’accord conclu entre le comité de grève et l’administration de l’État, a été
publié.
- 364. Le comité observe qu’il ressort de la plainte et de la réponse du
gouvernement que: i) les greffiers et greffières de l’administration de la justice ont
lancé une grève à durée indéterminée en janvier 2023; ii) dans le contexte de cette
grève, le Secrétaire général de l’administration de la justice a adopté l’instruction
no 1/2023 relative au régime de jouissance de congés durant les journées de grève du
corps des greffiers et greffières de l’administration de la justice, dont le texte fixe
certaines conditions à la jouissance des congés et vacances restant à prendre et contre
laquelle un recours contentieux administratif a été formé; et iii) la grève à durée
indéterminée a pris fin avec la signature d’un accord entre le comité de grève et
l’administration de la justice le 28 mars 2023. Le comité observe que ledit accord
contient, notamment, des dispositions relatives à l’augmentation des rémunérations des
greffiers et greffières de l’administration de la justice, ainsi qu’à la création de
groupes de travail conjoints pour traiter diverses questions relatives à ce groupe.
- 365. Le comité constate que les greffiers et greffières de
l’administration de la justice ont effectivement mené une grève à durée indéterminée, à
laquelle il a été mis fin par un accord entre le comité de grève et l’administration de
l’État, et que l’instruction no 1/2023 est devenue caduque. Sur la base de ce qui
précède, le comité ne poursuivra pas l’examen de cet aspect de la plainte.
- 366. Le comité note que l’organisation plaignante demande la
reconnaissance d’un ajustement salarial légitime en faveur des greffiers et greffières
de l’administration de la justice et le respect des engagements pris en avril 2022, en
liant les rétributions des greffiers et greffières de l’administration de la justice à
celles du personnel judiciaire et du ministère public. Le comité note également la
réponse du gouvernement selon laquelle: i) en 2022, le ministère de la Justice s’est
uniquement engagé à promouvoir les modifications de la réglementation en matière de
rétributions, ce qu’il a fait dans le cadre de ses compétences; et ii) conformément à
l’accord conclu avec le comité de grève le 28 mars 2023, les mesures destinées à
introduire des augmentations dans le régime de rétribution des greffiers et greffières
de l’administration de la justice ont été adoptées par le biais du décret royal
no 774/2023 du 3 octobre 2023. Rappelant que les accords doivent être obligatoires pour
les parties [voir Compilation, paragr. 1334], le comité veut croire que ledit
décret a pleinement respecté les accords conclus en mars 2023.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 367. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité
encourage le gouvernement à maintenir un dialogue actif avec toutes les parties
intéressées afin de s’assurer que, tant par le biais de leurs associations que
d’organisations syndicales à portée plus générale, les greffiers et greffières de
l’administration de la justice disposent d’une possibilité effective de faire
entendre leur voix et de défendre leurs intérêts dans les instances qui les
concernent.
- b) Le comité veut croire que le décret royal no 774/2023 du
3 octobre 2023 a pleinement respecté les accords conclus en mars 2023 en matière de
salaires.
- c) Le comité considère que le présent cas est clos et n’appelle
pas un examen plus approfondi.