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Definitive Report - REPORT_NO405, March 2024

CASE_NUMBER 3199 (Peru) - COMPLAINT_DATE: 21-DEZ-15 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des faits de discrimination antisyndicale (licenciements, transferts et modifications des heures de travail), ainsi que des obstacles à la négociation collective dans une entreprise du secteur de la sécurité privée. Elle allègue aussi que le gouvernement n’a pas renforcé les capacités des entités chargées de vérifier le respect des normes socioprofessionnelles

  1. 460. La plainte figure dans une communication datée du 21 décembre 2015 de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP).
  2. 461. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 22 décembre 2016, 13 janvier et 21 juillet 2017, ainsi que du 8 janvier 2024.
  3. 462. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisations plaignante

A. Allégations de l’organisations plaignante
  1. 463. Dans une communication envoyée le 21 décembre 2015, la CATP indique que l’entreprise «Risk Control SAC» (ci-après «l’entreprise»), qui fournit des services de sécurité privée depuis 1997, a été acquise en 2012 par l’entreprise «Grupo Securitas SAC» (ci-après «le groupe d’entreprises»), qui fait à son tour partie d’un groupe d’entreprises transnational, et allègue que, depuis lors et jusqu’au dépôt de la plainte, le groupe d’entreprises a mené des actes de harcèlement et de discrimination à l’encontre des travailleurs syndiqués de l’entreprise. Concrètement, l’organisation plaignante allègue que le groupe d’entreprises: i) a licencié une trentaine de travailleurs syndiqués qui avaient des emplois permanents au motif que leurs contrats à durée déterminée avaient expiré (10 travailleurs syndiqués ont été licenciés en 2011); 14 travailleurs ont été licenciés le 1er janvier 2013 et 6 autres travailleurs syndiqués ont été licenciés le 31 décembre 2014); ii) a renouvelé le contrat des travailleurs non syndiqués sans aucun inconvénient; iii) a transféré les travailleurs syndiqués dans des régions éloignées, modifié leurs horaires de travail et/ou les a déplacés vers d’autres postes de travail moins bien rémunérés, en imposant également des obstacles et des entraves aux congés syndicaux et en refusant les demandes de congés; et iv) a empêché la mise en place de la commission de négociation des cahiers de revendications, et, alors que le 10 janvier 2014 il a licencié les dirigeants syndicaux membres de ladite commission de négociation, ces derniers ont saisi la justice, et en vertu d’une mesure conservatoire, ont été réintégrés à leur poste de travail en juillet 2014.
  2. 464. L’organisation plaignante allègue que les hostilités se sont intensifiées lorsque le syndicat des travailleurs de l’entreprise a commencé à exiger la jouissance de leurs droits au travail et que, alors que le syndicat a proposé de discuter de ces questions dans le cadre de tables rondes, il n’a jamais reçu de réponse favorable. L’organisation plaignante ajoute que le syndicat des travailleurs de l’entreprise a déposé une plainte auprès de la Direction nationale de l’inspection du travail (SUNAFIL) et s’est adressé à l’Autorité administrative du travail (AAT) et que, bien que cette dernière ait sanctionné le groupe d’entreprises et rendu des sentences arbitrales en faveur des travailleurs, le groupe d’entreprises ne les a pas respectées, prétendant qu’il ne disposait pas des liquidités nécessaires pour s’y conformer. L’organisation plaignante indique que, alors que l’entreprise est rentable, elle a préféré cesser ses activités pour ne pas avoir à se soumettre à la négociation, et, début 2015, un processus de liquidation a commencé qui n’était rien d’autre qu’une opération fictive de l’entreprise visant à entrainer la disparition de l’organisation syndicale.
  3. 465. L’organisation plaignante allègue également que non seulement le gouvernement n’a pas renforcé les capacités des entités chargées de vérifier le respect des normes socioprofessionnelles, mais le système de l’inspection du travail a aussi été affaibli. L’organisation plaignante mentionne également la réticence du gouvernement à créer des surintendances de la SUNAFIL au niveau régional, et considère que cela conduit à ce que les violations des droits au travail des travailleurs dans les différentes régions ne soient pas constatées en temps utile, ou à ce que les inspections ne soient tout simplement pas effectuées, facilitant ainsi la tâche des employeurs qui organisent de prétendues faillites faisant craindre aux travailleurs la perte de leur emploi. L’organisation plaignante affirme que cette situation ne permet pas d’assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale, conformément à ce que prévoient les articles 1 et 3 de la convention n° 98.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 466. Dans ses communications du 22 décembre 2016, ainsi que des 13 janvier et 21 juillet 2017, le gouvernement transmet les observations de la SUNAFIL, de la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Piura et de l’entreprise. Cette dernière nie les faits allégués dans la plainte et souligne qu’elle a toujours respecté les droits au travail et les droits collectifs des travailleurs protégés par la liberté syndicale et la négociation collective. L’entreprise affirme que: i) tous les travailleurs ont été traités de manière égale et ont joui des mêmes droits indépendamment de leur appartenance ou non à un syndicat; ii) les changements d’équipes, de jours et d’heures de travail, ainsi que la rotation du personnel, d’un emploi à un autre, de la même catégorie, avec le même salaire et les mêmes conditions de travail, ont été effectués en tenant compte des besoins du centre de travail et des droits du travailleur, conformément au principe de raisonnabilité; iii) ces décisions ne résultent pas d’une discrimination antisyndicale et que, même si la décision de changer le mode de prestation de services a été déclarée irrecevable par l’AAT, l’entreprise a contesté cette décision et introduit un recours devant la juridiction du contentieux administratif; et iv) elle a respecté la réglementation en vigueur concernant l’octroi de congés annuels aux travailleurs affiliés au syndicat.
  2. 467. L’entreprise affirme qu’il n’y a pas eu de licenciements de travailleurs syndiqués et que la cessation de la relation de travail était due à l’expiration du contrat de travail soumis à conditions. L’entreprise souligne que l’organisation plaignante n’a pas fourni d’informations plus spécifiques à cet égard ni de preuves. En ce qui concerne le licenciement des dirigeants et des membres de la commission de négociation, l’entreprise indique que: i) la décision a été prise de manière autonome et indépendante par l’entreprise, et le groupe d’entreprises n’a joué aucun rôle dans la décision; et ii) les licenciements ont eu lieu en raison de faute grave (en lieu avec un manquement à ses devoirs et à la participation à une grève déclarée illégale par l’AAT en vertu de l’ordonnance n° 049 2013 de décembre 2013), et non en raison de l’appartenance des dirigeants au syndicat des travailleurs de l’entreprise ou à la commission de négociation.
  3. 468. En ce qui concerne la négociation des cahiers de revendications, l’entreprise indique qu’elle se trouvait dans une situation économique difficile et qu’elle a remis de manière transparente la documentation comptable et financière au syndicat pour vérification, après quoi l’assemblée générale des actionnaires a accepté de dissoudre et de liquider l’entreprise. L’entreprise indique qu’elle a voulu trouver des solutions aux revendications des travailleurs par le dialogue, mais qu’elle n’a pas rencontré la réciprocité attendue de la part des représentants syndicaux.
  4. 469. Pour sa part, la SUNAFIL indique qu’en 2015, la zone de promotion du travail et de l’emploi de Talara a effectué diverses inspections portant sur l’entreprise et a constaté que des actes de harcèlement et de détérioration des relations de travail en termes d’horaire de travail avaient été commis, qui ne touchaient que les travailleurs affiliés au syndicat des travailleurs de l’entreprise. La SUNAFIL indique qu’en conséquence, l’AAT a infligé une amende à l’entreprise pour les pratiques susmentionnées et que, après avoir vérifié que les infractions relatives à la durée journalière du travail se poursuivaient, elle a demandé à la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Piura de procéder à de nouvelles inspections. La Direction régionale du travail indique que: i) les plaintes déposées par le syndicat des travailleurs de l’entreprise ont été dûment traitées et les inspections du travail ont été menées conformément à la réglementation en vigueur; et ii) l’entreprise a été liquidée, à la suite de quoi le personnel a rejoint d’autres entreprises de sécurité.
  5. 470. Dans une communication envoyée le 8 janvier 2024, la SUNAFIL indique que les inspections d’enquête susmentionnées ont abouti à un procès-verbal d’infraction et, par conséquent, à des procédures de sanction administrative qui ont donné lieu à des décisions définitives. La SUNAFIL fournit également des informations sur les actions de prévention et de promotion menées ces dernières années qui ont contribué au renforcement des capacités de l’inspection du travail dans le domaine de la liberté syndicale et indique que: i) entre 2014 et 2023, des orientations ont été fournies à 27 754 personnes sur la liberté syndicale par le biais de 963 actions d’orientation dans le but de promouvoir le bon respect des dispositions de la réglementation; ii) entre 2020 et 2023, la SUNAFIL a fourni une assistance technique à 302 employeurs sur les droits fondamentaux et sur la liberté syndicale et a pu aider 24 employeurs par le biais de 22 interventions d’assistance; et iii) entre 2018 et 2023, cinq conférences informatives ont été organisées sur la liberté syndicale avec 378 personnes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 471. Le comité note que dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue qu’en 2012 un groupe d’entreprises a acquis une entreprise qui fournit des services de sécurité privée dans le pays et que, à partir de ce moment, il a mené des actes de discrimination à l’encontre des travailleurs affiliés au syndicat de l’entreprise, notamment le licenciement, en 2014, de dirigeants syndicaux et, entre 2011 et 2014, d’une trentaine de membres, des transferts et des changements dans les horaires de travail des membres du syndicat et une obstruction à la négociation des cahiers de revendications du syndicat. L’organisation plaignante allègue que ces actes ont été dénoncés et que, bien que la SUNAFIL et l’AAT aient sanctionné le groupe d’entreprises et rendu des sentences arbitrales en faveur des travailleurs, l’entreprise n’a pas respecté leurs dispositions et a continué à commettre des actes antisyndicaux. L’organisation plaignante allègue également que le gouvernement n’a pas renforcé les capacités des entités chargées de vérifier le respect des normes socioprofessionnelles en vue de protéger l’exercice des droits fondamentaux, en se référant en particulier à la SUNAFIL.
  2. 472. Le comité note que, d’après les communications envoyées par le gouvernement, l’entreprise: i) nie le caractère antisyndical du licenciement effectué entre 2011 et 2014 d’une trentaine de travailleurs affiliés au syndicat, en indiquant que la cessation de la relation de travail était due à l’expiration du contrat de travail soumis à conditions; ii) nie le caractère antisyndical des transferts et des modifications de l’horaire de travail, en faisant valoir qu’il s’agissait de décisions fondées sur les besoins du centre de travail et les droits des travailleurs; iii) affirme avoir respecté la réglementation en vigueur concernant l’octroi de congés annuels aux travailleurs affiliés au syndicat; iv) indique que la décision de licencier en janvier 2014 les dirigeants syndicaux et les membres de la commission de négociation des cahiers de revendications a été prise par l’entreprise, et non par le groupe d’entreprises, et qu’elle était due à des fautes graves des dirigeants (manquement à leurs devoirs et participation à une grève déclarée illégale par l’AAT en décembre 2013); et v) a contesté une décision de l’AAT déclarant que le changement de mode de prestation de services était injustifié et a déposé un recours devant la juridiction du contentieux administratif à cet égard.
  3. 473. Tout en prenant bonne note de ces éléments fournis par l’entreprise, le comité note que la SUNAFIL indique que plusieurs inspections de l’entreprise ont été réalisés, qui ont abouti à des procédures d’infraction et, par conséquent, à des procédures de sanctions administratives qui ont abouti à des décisions définitives. La SUNAFIL indique qu’il a été constaté que l’entreprise s’était livrée à des actes de harcèlement et de détérioration des relations de travail dans le domaine des horaires de travail qui n’ont affecté que les travailleurs affiliés au syndicat de l’entreprise et que, par conséquent, l’AAT a infligé une amende au groupe d’entreprises pour ces pratiques. Le comité observe que les documents fournis par le gouvernement indiquent qu’en 2015 l’entreprise a été condamnée à une amende pour modification unilatérale du contrat et non-paiement dans les délais de la rémunération et des avantages sociaux au secrétaire général du syndicat, Nelson Tinedo Olaya. Le comité note également que, selon les documents susmentionnés, un dossier d’inspection de la SUNAFIL ouvert en 2013 concernant le licenciement de 20 travailleurs syndiqués a été classé, les parties étant parvenues à un accord. En outre, observant que, bien que l’organisation plaignante ait indiqué que les dirigeants syndicaux licenciés en janvier 2014 avaient été réintégrés en juillet 2014 par le biais d’une mesure conservatoire, le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, il n’ait reçu aucune autre information sur l’issue finale de la procédure judiciaire. Le comité note enfin que l’entreprise affirme avoir été dans une situation économique difficile qui ne lui a pas permis de négocier les cahiers de revendications et note également que, selon la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Piura, l’entreprise a fait l’objet d’un processus de liquidation, à la suite de quoi le personnel a rejoint d’autres entreprises de sécurité.
  4. 474. Le comité prend bonne note de ces divers éléments. Rappelant que nul ne doit faire l’objet de mesures préjudiciables en raison de l’exercice d’activités syndicales légitimes et que les affaires de discrimination antisyndicale devraient être traitées de manière rapide et efficace par les institutions compétentes [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1077], et prenant note des diverses actions et décisions prises par la SUNAFIL en relation avec les faits allégués dans le présent cas, le comité s’attend à ce que le gouvernement continue à prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein respect de la liberté syndicale.
  5. 475. En ce qui concerne l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle le système d’inspection du travail a été affaibli au détriment de la protection que l’État devrait assurer contre la discrimination antisyndicale, le comité, tout en prenant dûment note des mesures préventives et promotionnelles que, selon le gouvernement, la SUNAFIL a mises en œuvre ces dernières années, réitère l’invitation faite récemment au gouvernement de fournir à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations des informations sur les mesures prises pour améliorer l’efficacité des activités d’inspection relatives aux droits syndicaux. [Voir 404e rapport, paragr. 584.]

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 476. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • Le comité s’attend à ce que le gouvernement continue à prendre les mesures nécessaires pour garantir le plein respect de la liberté syndicale.
    • Le comité invite à nouveau le gouvernement à fournir à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations des informations sur les mesures prises pour améliorer l’efficacité des activités d’inspection relatives aux droits syndicaux.
    • Le comité considère que le présent cas est clos et n’appelle pas un examen plus approfondi.
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