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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO405, March 2024

CASE_NUMBER 3027 (Colombia) - COMPLAINT_DATE: 28-FEB-13 - Follow-up

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que la liquidation d’une l’entreprise de production d’aliments avait pour finalité de faire disparaître l’organisation syndicale SINTRAPRICOL et d’éliminer la présence syndicale dans l’usine de production de Facatativá, propriété du groupe d’entreprises Polar

  1. 276. Le comité a examiné le présent cas à sa réunion d’octobre 2015. [Voir 376e rapport, paragr. 276 à 300  .]
  2. 277. Les organisations plaignantes ont fourni des informations supplémentaires dans des communications datées de juin et octobre 2016, de février 2018, des 12 juin 2019 et 5 septembre 2023.
  3. 278. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées de décembre 2017, des 16 novembre 2017, 28 février 2019, 26 mai 2023 et 4 janvier 2024.
  4. 279. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 280. À sa réunion de mars 2015, le comité a formulé les recommandations intérimaires suivantes concernant les allégations présentées par les organisations plaignantes [voir 376e rapport, paragr. 300]:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, à l’avenir, les procédures de liquidation d’entreprises donnent lieu à des consultations et des négociations avec les organisations syndicales pertinentes.
    • b) Le comité prie le gouvernement de: i) diligenter dans les plus brefs délais une enquête exhaustive sur l’éventuelle nature antisyndicale du licenciement des travailleurs syndiqués de l’entreprise, dans le cadre de sa liquidation; et ii) informer dans les plus brefs délais des résultats de cette enquête et, au cas où les actes de discrimination antisyndicale seraient avérés, de veiller à ce qu’ils soient sanctionnés de manière effective et à ce que les travailleurs obtiennent une réparation appropriée.
    • c) Le comité prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’avancement des procédures judiciaires liées au présent cas.

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
  1. 281. Dans leurs diverses communications, les organisations plaignantes se réfèrent à l’application des recommandations formulées par le comité lors de son premier examen du présent cas. S’agissant de la recommandation a) sur les mesures à prendre pour veiller à ce que, à l’avenir, les procédures de liquidation d’entreprises donnent lieu à des consultations et des négociations avec les organisations syndicales pertinentes, les organisations plaignantes allèguent que cette recommandation n’a pas été appliquée, puisque le gouvernement n’a pas convoqué les parties à une séance de conciliation en vue de parvenir à un règlement pacifique du conflit.
  2. 282. En ce qui concerne la recommandation b) selon laquelle le comité a demandé au gouvernement de diligenter dans les plus brefs délais une enquête exhaustive sur l’éventuelle nature antisyndicale du licenciement des travailleurs syndiqués de l’entreprise Pricol Alimentos S.A (ci-après «l’entreprise») dans le cadre de sa liquidation. À cet égard, les organisations plaignantes indiquent qu’en vertu de l’ordonnance no 000006 du 12 février 2016, par l’intermédiaire de la Direction territoriale de Cundinamarca, le ministère du Travail a diligenté une enquête administrative du travail. Les organisations indiquent cependant que le ministère du Travail n’a pas tenu compte du fait que les décisions relatives à la liquidation de l’entreprise en 2010 avaient été prises en l’absence d’enquête sur l’existence d’une conduite antisyndicale, et invoque le principe de l’autorité de la chose jugée (non bis in idem) et la prescription des faits dénoncés pour justifier l’absence d’une enquête exhaustive sur les licenciements antisyndicaux allégués.
  3. 283. Les organisations plaignantes font valoir que, nonobstant ce qui précède, l’enquête a démontré que: i) l’entreprise a été fermée et liquidée en décembre 2009 sans avoir obtenu l’autorisation administrative de fermeture de l’administration du travail, comme le prévoit la loi colombienne; ii) les procédures d’autorisation judiciaire de licencier des travailleurs de l’entreprise bénéficiant de l’immunité syndicale ont été entamées, mais en décembre 2009, ces travailleurs ont été licenciés sans que l’autorisation judiciaire requise n’ait été obtenue, ce qui constitue un acte de discrimination antisyndicale; iii) les marques, brevets et produits qui relevaient précédemment de l’entreprise ont été maintenus par le groupe d’entreprises dans la même usine et avec le même équipement; iv) cinq travailleurs non syndiqués de l’entreprise ont été transférés au groupe d’entreprises et exécutent les mêmes tâches au sein de l’usine, leurs ancienneté et droits acquis ayant été reconnus (substitution d’employeur), tandis qu’aucun travailleur syndiqué de l’entreprise n’a eu cette possibilité; et v) aucun des 108 travailleurs de l’usine affectés à la transformation de l’avoine, une activité de l’entreprise liquidée poursuivie par le groupe, n’est syndiqué, comme c’est le cas des 476 travailleurs actuellement employés dans l’usine.
  4. 284. L’organisation fait valoir que ce qui précède démontre une démarche antisyndicale de la part de ceux qui ont décidé de la fermeture et de la liquidation de l’entreprise en transférant toute l’activité de production et certains travailleurs au groupe d’entreprises. Indiquant que l’entreprise a cessé d’exister depuis sa liquidation illégale, l’organisation affirme qu’il appartient au groupe d’entreprises, qui a maintenu l’activité de production de l’entreprise liquidée dans l’usine de Facatativá, de faire rétablir les droits des travailleurs membres du l’organisation syndicale SINTRAPRICOL (ci-après le syndicat).
  5. 285. En ce qui concerne la décision de 2010 du ministère du Travail de nier l’existence d’une unité d’entreprise entre l’entreprise et le groupe d’entreprises, les organisations plaignantes font savoir que: i) le ministère s’est contenté de considérer à tort qu’il n’y avait pas d’unité d’entreprise puisque l’une des deux avait déjà été liquidée; et ii) n’a donc pris en compte ni le caractère illégal de la liquidation, qui a eu lieu sans l’autorisation administrative requise par la loi, ni le fait que le groupe d’entreprises a remplacé l’entreprise en la reprenant avec ses équipements et ses produits, ce qui revient en réalité à une fusion des deux structures.
  6. 286. En ce qui concerne la décision de 2016 du ministère du Travail de clore l’enquête ouverte la même année sur d’éventuels actes de nature antisyndicale au motif que les faits en cause étaient prescrits, les organisations plaignantes allèguent qu’il y aura violation de la liberté syndicale tant que l’autorisation judiciaire de licencier des travailleurs de l’entreprise bénéficiant de l’immunité syndicale n’aura pas été accordée, et tant que les travailleurs membres du syndicat seront exclus de l’activité productive de l’usine de Facatativá, désormais réalisée par des travailleurs non syndiqués.
  7. 287. Enfin, les organisations plaignantes affirment que la politique antisyndicale de l’entreprise, qui aurait été liquidée en 2009, se poursuit au travers de procédures entamées devant les tribunaux pour mettre fin à l’existence juridique du syndicat en contestant la décision rendue en 2016 par le Tribunal supérieur de Cali sur cette question.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 288. Dans ses différentes communications, le gouvernement fournit des informations sur les trois recommandations formulées par le comité lors de son premier examen du présent cas. En ce qui concerne la recommandation a), le gouvernement indique que: i) la consultation et la négociation visées par la recommandation ne concernent pas les faits allégués dans le présent cas mais les futurs cas de liquidation, raison pour laquelle le gouvernement n’était pas tenu de convoquer l’organisation syndicale et l’entreprise en vue de négociations ou de conciliation; et ii) il s’est conformé à cette recommandation puisque celle-ci a été transmise, via le dossier no 245356 du 22 décembre 2015, à la Direction de l’inspection, du suivi, du contrôle et de l’aménagement du territoire du ministère du Travail, qui est chargée d’orienter, de coordonner et de diriger les plans de prévention et de contrôle de l’application de la législation du travail.
  2. 289. En ce qui concerne la réalisation, par le ministère du Travail, de l’enquête exhaustive demandée par le comité sur l’éventuelle nature antisyndicale du licenciement des travailleurs syndiqués de l’entreprise, le gouvernement déclare que le 26 février 2016, le Groupe de prévention, d’inspection, de surveillance et de contrôle, chargé du règlement des litiges et de la conciliation de la Direction territoriale de Cundinamarca, a ordonné la conduite d’une enquête préliminaire dans l’entreprise (usine de Facatativá) pour le 8 mars 2016, consistant en une visite générale, ainsi qu’en la vérification des trois points suivants: i) déterminer si les activités productives menées par l’entreprise avant sa liquidation ont été poursuivies dans l’usine de Facatativá; ii) déterminer si ces activités ont été transférées à d’autres établissements du groupe d’entreprises au sein duquel opérait l’entreprise; et iii) déterminer si des travailleurs non syndiqués de l’entreprise ont été maintenus ou non dans des entreprises du groupe susmentionné. Le gouvernement indique que la visite susmentionnée a été effectivement réalisée et que, en outre, le 26 mars 2016, un entretien a été organisé avec le président du syndicat, le représentant du groupe d’entreprises, ainsi qu’avec plusieurs témoins désignés par le syndicat, au mois d’avril.
  3. 290. Le gouvernement indique ensuite que, le 14 septembre 2016, la Direction territoriale de Cundinamarca a décidé de mettre un terme à l’enquête préliminaire, décision ayant donné lieu à des recours en révision et en appels interjetés par la Confédération générale du travail (CGT), recours respectivement rejetés le 23 novembre 2016 et le 29 juin 2017.
  4. 291. Dans sa communication du 16 novembre 2017, le gouvernement fournit des informations détaillées sur le contenu de l’enquête préliminaire et la décision de clore celle-ci. Le gouvernement indique en particulier que: i) la décision de clore l’enquête, fondée sur l’article 52 de la loi no 1437 de 2011, est due à la prescription des faits en question, qui étaient survenus plus de trois ans avant le début de l’enquête, en conséquence de quoi il était impossible d’entamer une procédure de sanction administrative; ii) le ministère du Travail se conforme ainsi aux règles de procédure régulière ayant valeur constitutionnelle; et iii) ce qui précède ne change rien au fait que les tribunaux, en vertu de l’article 486 du Code du travail, ont compétence pour examiner les questions liées à la résiliation des contrats de travail, à la réintégration et au paiement des salaires qui peuvent se poser.
  5. 292. Le gouvernement joint à sa communication le texte de la décision du 14 septembre 2016 de la Direction territoriale de Cundinamarca du ministère du Travail de clore l’enquête préliminaire, document contenant toutes les informations liées aux éléments relevés par l’inspection du travail lors de l’enquête susmentionnée, ainsi que le texte des décisions rejetant les recours interjetés par la CGT concernant la clôture de cette enquête.
  6. 293. La décision du 14 mars 2016 de la Direction territoriale de Cundinamarca de classer l’affaire fait suite aux résultats de l’enquête préliminaire, laquelle a été réalisée en tenant compte des trois points mis particulièrement en lumière dans les conclusions du comité. Ce document indique que: i) dans l’usine de Facatativá où opérait l’entreprise, les activités continuent d’être réalisées par le groupe d’entreprises; ii) selon des représentants du groupe d’entreprises interrogés, il n’y a jamais eu d’organisation syndicale en son sein et un pacte collectif a été conclu (accord conclu avec des travailleurs non syndiqués en vertu de la loi colombienne) il y a environ dix-neuf ans; iii) en ce qui concerne les relations entre l’entreprise et le groupe, les représentants ont indiqué que l’entreprise fonctionnait de manière indépendante, mais que le groupe la gérait dans le cadre d’un contrat de prestations de service; iv) l’entreprise a connu des difficultés financières qui ont conduit à sa liquidation et à la résiliation du contrat de prestations de service; v) après la liquidation, les activités de l’entreprise, notamment la production d’avoine, ont repris dans l’usine, sans que ces activités ne soient transférées à une autre entreprise; vi) cinq ou six travailleurs non syndiqués de l’entreprise ont continué à travailler dans le groupe d’entreprises en raison de leur excellente performance; vii) il n’a pas été nécessaire d’embaucher les travailleurs syndiqués, dans la mesure où les transferts en question ont concerné des fonctions administratives; viii) selon deux travailleurs du groupe qui font partie des membres de la commission de négociation du pacte collectif, en moyenne, il y a 25 personnes dans l’usine qui travaillaient auparavant dans l’entreprise liquidée; ix) un autre représentant du groupe d’entreprises interrogé par la suite a précisé que le groupe d’entreprises louait à l’entreprise le terrain sur lequel se trouve l’usine de Facatativá et que, dans le cadre d’un contrat de prestations de service, le groupe fournissait à l’entreprise un appui administratif et logistique, ainsi qu’un appui à la production d’avoine; x) il a indiqué que la liquidation de l’entreprise était uniquement due à des raisons économiques et n’avait rien à voir avec des questions syndicales; et xi) entre 2007 et 2009, plusieurs contrats de travail ont été transférés de l’entreprise au groupe d’entreprises avec l’accord des travailleurs concernés, sans que cela ne constitue une substitution d’employeur.
  7. 294. Selon la Direction territoriale, il ressort de ce qui précède que: i) l’entreprise a demandé aux tribunaux l’autorisation de licencier les travailleurs bénéficiant de l’immunité syndicale, cependant, la décision de liquider l’entreprise et de résilier unilatéralement les contrats de travail a été prise avant la décision du tribunal, raison pour laquelle la représentante du syndicat s’est opposée à l’octroi de l’autorisation; ii) en vertu du contrat de prestations de service conclu entre l’entreprise et le groupe d’entreprises, ce dernier fournissait à l’entreprise un appui administratif et logistique, et l’entreprise vendait ses produits à ce même groupe; iii) le groupe continue à produire de l’avoine dans l’usine, une activité qui était auparavant réalisée par l’entreprise liquidée, sans que la production ne soit transférée à une autre entreprise; iv) certains travailleurs non syndiqués de l’entreprise ont été transférés au groupe en raison de leur excellente performance; et v) il n’a pas été nécessaire d’embaucher les travailleurs syndiqués, dans la mesure où les transferts en question ont concerné des fonctions administratives.
  8. 295. Les décisions de rejet des recours administratifs interjetés par la CGT contre la décision de clore l’enquête préliminaire font ressortir que: i) suite à la liquidation de l’entreprise, les demandes d’autorisation judiciaire de levée de l’immunité syndicale des dirigeants syndicaux ont été annulées en raison de l’inexistence du défendeur, comme le demandaient les travailleurs eux-mêmes; ii) pour la même raison (la liquidation), l’administration du travail a considéré qu’il n’y avait pas d’unité d’entreprise entre l’entreprise et le groupe d’entreprises; iii) l’administration du travail constate que, lors de la liquidation, les actionnaires de l’entreprise ont été rémunérés au moyen du transfert de marques, comme c’est le cas pour la production d’avoine, ce qui indique qu’il n’y a pas eu de substitution d’employeur entre l’entreprise et le groupe d’entreprises; iv) entre 2007 et 2009, il y a eu plusieurs transferts de contrats de travail entre l’entreprise et le groupe d’entreprises avec l’accord des travailleurs concernés, l’accord stipulant que «les parties déclarent que cet accord ne constitue pas une substitution d’employeur, cependant, en l’absence de solution de continuité, le contrat de travail sera toujours considéré comme un seul et même contrat et l’ancienneté initiale du travailleur sera respectée»; et v) il ressort de ce qui précède que les faits faisant l’objet de l’enquête se sont déroulés entre 2008 et 2010 et sont donc prescrits en vertu de la loi.
  9. 296. Dans ses communications du 16 novembre 2017 et de février 2019, le gouvernement transmet les observations de l’entreprise selon lesquelles: i) elle a participé pleinement à l’enquête préliminaire menée par le ministère du Travail; ii) la décision de clore l’enquête préliminaire est due non seulement de l’application du principe non bis in idem eu égard à la décision de l’administration du travail de 2010 concernant l’absence d’unité d’entreprise, mais aussi parce que rien n’indique que le processus de liquidation de l’entreprise était un acte antisyndical; et iii) le droit à une procédure régulière, protégé par le principe non bis in idem, est un droit fondamental protégé par la Constitution.
  10. 297. Dans ses différentes communications, et notamment celles du 26 mai 2023 et du 4 janvier 2024, le gouvernement fournit des informations sur l’issue des diverses procédures judiciaires relatives aux questions concernant le présent cas, et joint en annexes le texte de plusieurs décisions de la Cour de cassation. Le gouvernement indique en particulier que: i) dans sept procédures judiciaires ordinaires en matière de travail engagées par d’anciens travailleurs de l’entreprise contre celle-ci et/ou le groupe d’entreprises en vue d’obtenir leur réintégration, les travailleurs ont été déboutés de leurs demandes en première instance dans six des sept procédures, en deuxième instance et en cassation dans toutes les procédures; et que ii) la demande de dissolution de SINTRAPRICOL présentée par l’entreprise, après avoir été acceptée en première instance, a été rejetée le 5 avril 2017 par la Chambre du travail du Tribunal supérieur de Cali au motif qu’il a été prouvé que la demande n’était pas fondée, et iii) tous les cas susmentionnés ont été définitivement réglés.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 298. Le comité rappelle que le présent cas concerne la liquidation et la fermeture, en décembre 2009, d’une entreprise du secteur agroalimentaire opérant dans une usine située dans la ville de Facatativá, ainsi que l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle la liquidation avait pour finalité de mettre fin à la présence syndicale dans l’usine, cette dernière continuant à être opérée par un groupe de ce secteur qui avait des liens avec l’entreprise liquidée. Lors de son premier examen du cas, le comité a constaté que la fermeture de l’entreprise avait eu lieu sans consultation préalable de l’organisation syndicale, sans avoir obtenu l’autorisation de l’administration du travail et que 14 travailleurs de l’entreprise bénéficiant de l’immunité syndicale avaient été licenciés sans que l’autorisation judiciaire n’ait été préalablement obtenue. Après avoir rappelé l’importance de mener des consultations et des négociations avec les organisations syndicales concernées avant d’entamer le processus de liquidation et de fermeture, le comité avait demandé au gouvernement de procéder à un examen approfondi de l’alléguée nature antisyndicale du licenciement des travailleurs syndiqués de l’entreprise et de le tenir informé sur les procédures judiciaires en cours.
  2. 299. En ce qui concerne sa recommandation a), le comité rappelle et précise que la recommandation visait à ce que le gouvernement prenne des mesures pour s’assurer que les futures procédures de liquidation d’entreprises passent au préalable par une consultation et une négociation avec les organisations syndicales concernées. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la recommandation a été transmise, via le dossier no 245356 du 22 décembre 2015, à la Direction de l’inspection, de la surveillance, du contrôle et de l’aménagement du territoire du ministère du Travail, chargée de l’orientation, de la coordination et de la direction des plans de prévention et du contrôle de la législation du travail. Le comité espère que la transmission de la communication susmentionnée sera suffisante pour assurer l’application durable de cette recommandation.
  3. 300. En ce qui concerne sa recommandation b) dans laquelle le comité prie le gouvernement de mener, dans les plus brefs délais, une enquête exhaustive sur l’éventuelle nature antisyndicale du licenciement des travailleurs syndiqués de l’entreprise lors de la liquidation de celle-ci, le comité note que le gouvernement, l’entreprise et les organisations plaignantes s’accordent à dire que: i) en mars 2016, l’inspection du travail a mené une enquête préliminaire dans l’usine de Facatativá; ii) l’enquête préliminaire a permis de recueillir une série d’informations, notamment sur les points particulièrement mis en lumière dans les conclusions du comité (à savoir, déterminer si les activités de production menées par l’entreprise avant sa liquidation ont été poursuivies dans l’usine de Facatativá, déterminer si ces activités ont été transférées à d’autres établissements du groupe d’entreprises dans le cadre duquel l’entreprise opérait, et déterminer si les travailleurs non syndiqués de celle-ci ont été maintenus ou non dans les entreprises du groupe susmentionné); iii) le 14 mars 2016, l’inspection a décidé de classer le dossier au motif que: d’une part, l’administration du travail avait déjà déterminé en 2010 qu’il ne pouvait y avoir d’unité d’entreprise entre une entreprise déjà liquidée et le groupe d’entreprises, et qu’à cet égard, il convenait de respecter le principe de l’autorité de la chose décidée (non bis in idem); et d’autre part, il était impossible d’engager une procédure de sanction administrative étant donné que les faits examinés remontaient à 2008 et 2009 et étaient donc prescrits en vertu de la loi 1437 de 2011; et iv) les recours administratifs interjetés par la Confédération générale du travail (CGT) contre la décision de clore l’enquête préliminaire ont été rejetés.
  4. 301. Le comité note que les organisations plaignantes sont en désaccord avec la décision susmentionnée de clore l’enquête préliminaire. Les organisations plaignantes allèguent à cet égard que l’administration du travail n’a pas tenu compte des éléments suivants: i) le fait que, en 2010, le ministère du Travail n’a pas mené d’enquête visant à déterminer s’il existait une conduite antisyndicale; ii) le caractère illégal de la fermeture de l’entreprise, qui a été effectuée sans avoir obtenu l’autorisation administrative prévue par la loi; iii) les faits recueillis par l’inspection du travail lors de l’enquête préliminaire qui démontrent la nature antisyndicale du processus de liquidation et de fermeture de l’entreprise, dont les activités d ont été maintenues dans l’usine de Facatativá par le groupe d’entreprises par le biais de travailleurs non syndiqués, et v) la persistance de la violation de la liberté syndicale des travailleurs bénéficiant de l’immunité syndicale injustement licenciés en décembre 2009.
  5. 302. Le comité prend également note de la réponse de l’entreprise communiquée par le gouvernement, selon laquelle la décision de l’administration du travail de clore l’enquête préliminaire se fondait non seulement sur l’application du principe non bis in idem (suite à la décision de 2010 de l’administration du travail déclarant l’absence d’unité d’entreprise) mais aussi sur le fait qu’il n’a pas été constaté de conduite antisyndicale lors de la procédure de liquidation de l’entreprise.
  6. 303. Enfin, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement concernant l’issue de différentes procédures judiciaires liées aux faits concernant le présent cas. Le gouvernement indique en particulier que: i) dans sept procédures judiciaires ordinaires en matière de travail engagées par d’anciens travailleurs de l’entreprise contre celle-ci et/ou le groupe d’entreprises en vue d’obtenir leur réintégration, les travailleurs ont été déboutés de leurs demandes en première instance dans six des sept procédures, en deuxième instance et en cassation dans toutes les procédures, et ii) la demande de dissolution du Syndicat présentée par l’entreprise, après avoir été acceptée en première instance, a été rejetée le 5 avril 2017 par la Chambre du travail du Tribunal supérieur de Cali.
  7. 304. Le comité prend dûment note des décisions administratives et judiciaires prises depuis le précédent examen du cas, ainsi que du texte de ces décisions qui ont été communiquées par le gouvernement. En ce qui concerne l’action de l’administration du travail depuis l’examen antérieur du présent cas, le comité note que l’enquête préliminaire menée en mars 2016 dans l’usine Facatativá a fait ressortir que: i) avant la liquidation de l’entreprise, un contrat de location et un contrat de prestations de service avaient été conclus entre l’entreprise et le groupe d’entreprises, en vertu desquels le groupe fournissait un appui administratif et logistique à l’entreprise, et celle-ci vendait ses produits au groupe; ii) le groupe poursuit l’activité de production d’’avoine dans l’usine, activité réalisée auparavant par l’entreprise liquidée, sans que la production n’ait été transférée dans une autre usine; iii) entre 2007 et 2009, le contrat de travail d’un certain nombre de travailleurs non syndiqués a été transféré de l’entreprise au groupe d’entreprises avec l’accord des travailleurs concernés, l’accord indiquant que «les parties déclarent que cet accord ne constitue pas une substitution d’employeur, cependant, en l’absence de solution de continuité, le contrat de travail sera toujours considéré comme un seul et même contrat et l’ancienneté initiale du travailleur sera respectée»; iv) il n’était pas nécessaire d’embaucher les travailleurs syndiqués dans la mesure où les fonctions administratives avaient été transférées, et v) selon des représentants du groupe d’entreprises interrogés, il n’y a jamais eu d’organisation syndicale en son sein et un pacte collectif a été conclu (en vertu de la législation colombienne, le pacte collectif est l’accord signé entre l’employeur et un groupe de travailleurs non syndiqués).
  8. 305. En ce qui concerne les diverses décisions de la Chambre du travail de la Cour suprême annexées par le gouvernement, déboutant définitivement les demandes de réintégration – adressées tant à l’entreprise liquidée qu’à ses successeurs et au groupe d’entreprises – de plusieurs travailleurs de l’entreprise licenciés lors de sa liquidation, le comité observe qu’il ressort de ces décisions que: i) si le caractère injustifié du licenciement de plusieurs des plaignants a été reconnu en raison de l’absence d’autorisation administrative préalable à la fermeture de l’entreprise, leur droit à réintégration au sein du groupe n’a pas été reconnu en raison de l’absence d’unité d’entreprise au sens de l’article 194 du Code du travail entre l’entreprise et le groupe d’entreprises; ii) à cet égard, bien que des liens directs et indirects aient été constatés entre les deux entités, à la fois opérationnels (contrats de location et de prestations de service avant la liquidation; transfert de marques et d’équipements de production après la liquidation) et au niveau de l’entreprise (notamment le fait que, six mois après la liquidation, l’actionnaire principal de l’entreprise liquidée a acquis 40 pour cent des actions du groupe), il n’a pas été constaté de prédominance économique d’une entité sur une autre (contrôle de plus de 50 pour cent du capital selon la jurisprudence), qui est le principal critère caractérisant l’unité d’entreprise selon l’article 194 du Code du travail, et iii) pour des raisons procédurales propres au pourvoi en cassation, la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur l’absence d’autorisation judiciaire préalable au licenciement des travailleurs bénéficiant de l’immunité syndicale, étant donné que le tribunal supérieur n’avait pas non plus statué sur cette question, une omission que les plaignants auraient dû contester devant le tribunal supérieur lui même et non par le biais du pourvoi en cassation.
  9. 306. Le comité prend note du contenu de ces décisions administratives et judiciaires et, en particulier, du fait que ces organes ont déterminé que les critères des catégories juridiques établies par le Code du travail qui auraient entraîné le transfert des contrats de travail de l’entreprise au groupe après la liquidation de l’entreprise n’étaient pas remplis. Le comité regrette par ailleurs de constater que, malgré la recommandation formulée lors du premier examen de ce cas et l’enquête préliminaire menée par l’administration du travail, ensuite close pour prescription des faits, les organes compétents ne se sont finalement pas prononcés sur la question de savoir si la liquidation de l’entreprise a donné lieu ou non à des actes visant à éliminer la présence syndicale dans l’usine de Facatativá et, en particulier, n’a pas déterminé si les travailleurs syndiqués ayant été licenciés en décembre 2009, tandis que l’activité productive qu’ils réalisaient était poursuivie par des travailleurs non syndiqués, ont fait l’objet ou non de discrimination antisyndicale.
  10. 307. À cet égard, le comité rappelle une fois de plus que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édiction, 2018, paragraphe 1159.] Le comité rappelle également, comme il l’a souligné lors de son premier examen du présent cas, que la liquidation et l’extinction de la personnalité juridique sous laquelle opère une entreprise ne doivent pas être utilisées comme prétexte pour perpétrer des actes de discrimination antisyndicale ni ne doivent constituer un obstacle pour les autorités compétentes à l’heure de déterminer s’il y a eu ou non actes de discrimination antisyndicale et, au cas où de tels actes seraient avérés, ceux-ci doivent être sanctionnés et les travailleurs qui en ont été victimes doivent obtenir réparation. [Voir Compilation, paragraphe 1115.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement d’examiner, avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour renforcer les mécanismes de protection de la liberté syndicale en cas de liquidation d’entreprises. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur cette question.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 308. À la lumière des conclusions ci-dessus, le comité invite le Conseil d’administration à adopter la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement d’examiner, avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires à prendre pour renforcer les mécanismes de protection de la liberté syndicale en cas de liquidation d’entreprises. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur cette question.
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