ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO403, June 2023

CASE_NUMBER 3430 (Republic of Korea) - COMPLAINT_DATE: 15-JUN-22 - Follow-up

DISPLAYINEnglish - Spanish

Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement utilise les directives en matière de budget, de gestion et d’innovation, ainsi que les évaluations du rendement, pour faire pression auprès des institutions publiques et de leurs syndicats afin d’obtenir leur consentement à des changements apportés aux conditions de travail qui sont désavantageux pour les travailleurs, en particulier en matière salariale, en violation du principe de la négociation collective libre

  1. 438. La plainte figure dans une communication du Syndicat coréen des travailleurs du service public et du transport (KPTU), de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et de l’Internationale des services publics (ISP) datée du 15 juin 2022.
  2. 439. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication datée du 3 février 2023.
  3. 440. La République de Corée a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 441. Dans leur communication datée du 15 juin 2022, les organisations plaignantes allèguent que, en émettant unilatéralement des «directives» relatives à des thèmes couverts par la négociation collective entre les employeurs publics et les syndicats, et en pénalisant les employeurs publics qui ne se conforment pas à ces directives par une révision à la baisse des points obtenus dans les évaluations de gestion, le gouvernement de la République de Corée oblige les employeurs et les travailleurs du secteur public à conclure et à faire appliquer des conventions collectives satisfaisant aux normes énoncées dans ces directives.
  2. 442. Les organisations plaignantes rappellent que des allégations similaires ont été présentées dans le cas no 2829 concernant la République de Corée [voir 365e rapport, paragr. 430-582] et que, à cette occasion, le comité avait demandé au gouvernement de s’assurer que les syndicats sont consultés avant d’adopter des mesures telles que l’émission de directives budgétaires pour les institutions publiques et l’évaluation de leur solidité financière au moyen de rapports d’évaluation de gestion, d’audits ou d’inspections. Les organisations plaignantes allèguent que, malgré cette recommandation, le gouvernement a systématiquement exclu les syndicats de la prise de décision concernant diverses directives gouvernementales et évaluations de gestion. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement a utilisé ces mesures unilatérales pour interdire les conventions collectives prévoyant des augmentations salariales dépassant les plafonds fixés, pour introduire une rémunération fondée sur la spécificité du poste et le plafonnement des salaires, pour restreindre les possibilités de prêts consentis par les entreprises à leurs employés et pour modifier les critères d’admission à certains types de rémunération. Le gouvernement a également utilisé ces mesures pour empêcher l’application de conventions collectives dûment signées.
  3. 443. Concernant la structure de gouvernance encadrant les institutions publiques en République de Corée, les organisations plaignantes indiquent que, conformément à la loi sur la gestion des institutions publiques (Act on the Management of Public Institutions, AMPI), le ministère de l’Économie et des Finances (MdEF) désigne les institutions publiques placées sous sa tutelle dans le mois qui suit le début de chaque exercice et, en 2022, on dénombrait 350 institutions ainsi désignées, dont 36 sociétés publiques, 94 institutions quasi gouvernementales et 220 «autres institutions».
  4. 444. Ces institutions sont soumises à la réglementation et au contrôle du MdEF et du Comité de gestion des institutions publiques (Committee on the Management of Public Institutions, CMPI). Le CMPI chapeaute la hiérarchie de gouvernance encadrant les institutions publiques en République de Corée. Il est présidé par le ministre de l’Économie et des Finances et compte une vingtaine de membres, dont de hauts fonctionnaires du cabinet du Premier ministre et des vice ministres, ou d’autres hauts fonctionnaires de divers ministères et d’autres organismes administratifs ou gouvernementaux de premier plan. Le CMPI délibère sur des questions telles que la désignation et la non-désignation d’institutions publiques, examine les propositions de création de nouvelles institutions publiques, de nomination et de licenciement de directeurs siégeant au conseil d’administration d’institutions publiques, ainsi que les évaluations de gestion et les directives de gestion.
  5. 445. Les organisations plaignantes indiquent qu’à eux deux, le MdEF et le CMPI établissent trois séries de directives:
    • les directives budgétaires pour les sociétés publiques et les institutions quasi gouvernementales (directives budgétaires), une fois par an. Elles traitent de questions liées aux coûts de personnel et aux fonds de réserve pour les institutions publiques;
    • les directives de gestion des sociétés publiques et des institutions quasi gouvernementales (directives de gestion), qui sont actualisées et diffusées régulièrement. Elles traitent des quotas applicables à l’organisation et aux effectifs, de la gestion des ressources humaines, de l’administration du budget et des immobilisations, et des conseils d’administration des institutions publiques;
    • les directives pour l’innovation dans les institutions publiques, qui sont actualisées et diffusées régulièrement (directives pour l’innovation). Elles concernent les réformes en matière de gestion et la «rationalisation» des avantages du personnel.
  6. 446. Les organisations plaignantes allèguent que les directives budgétaires de 2022 limitent l’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel dans chaque institution publique à 1,4 pour cent du chiffre correspondant en 2021. En outre, en vertu de l’article 10 des dernières directives de gestion (révisées au 9 avril 2021), toutes les institutions publiques doivent instaurer des plafonds salariaux, tandis qu’aux termes des dernières directives pour l’innovation (révisées au 29 juillet 2021), les institutions publiques doivent exercer un contrôle plus strict sur les prêts consentis à leurs employés en adoptant des critères d’admissibilité plus exigeants, en réduisant les fonds disponibles pour les prêts et en relevant les taux d’intérêt.
  7. 447. Concernant les évaluations de gestion, les organisations plaignantes indiquent que, chaque année, le MdEF évalue les institutions publiques en matière de gestion en leur attribuant une note sur 100, et que les institutions sont divisées en six classes ou catégories selon les résultats ainsi obtenus, soit: supérieur (S), excellent (A), satisfaisant (B), moyen (C), médiocre (D) et très médiocre (E). Selon les organisations plaignantes, il n’est pas rare qu’une institution n’obtienne qu’un demi point. Cette catégorisation a des conséquences sur le montant de la prime à laquelle les travailleurs ont droit: les employés d’une institution ayant obtenu un D ou un E ne recevront aucune prime. Par ailleurs, le MdEF est habilité à renvoyer ou à proposer le licenciement des directeurs des institutions qui ont obtenu de mauvais résultats. Le décret d’application de l’AMPI requiert du MdEF qu’il rédige un guide d’évaluation de gestion avant le début de chaque exercice. Selon le guide de 2022, les six indicateurs d’évaluation sont: 1) stratégie de gestion et leadership; 2) valeurs sociales; 3) efficience; 4) gestion organisationnelle, gestion des ressources humaines et gestion financière; 5) gestion de la rémunération et des avantages sociaux; 6) projets, activités et réalisations de premier plan. Sous le cinquième indicateur, le «contrôle de l’ensemble des coûts de personnel» compte pour trois points, et les «relations de travail» pour deux points.
  8. 448. Les organisations plaignantes dénoncent en outre l’absence de moyens de négociation et de communication directes entre les syndicats et le gouvernement. Elles allèguent que le gouvernement coréen, bien qu’il soit de facto l’employeur des travailleurs du secteur public, néglige son obligation d’entreprendre des négociations collectives en se retranchant derrière la direction officielle et les conseils d’administration des institutions publiques. Selon les organisations plaignantes, alors que les directives gouvernementales et les évaluations de gestion dictent pour l’essentiel les conditions de travail des employés du secteur public, le gouvernement affirme que ces directives sont de simples recommandations et que les institutions publiques sont libres de négocier et de s’entendre avec leurs syndicats respectifs sur les questions salariales et les conditions de travail.
  9. 449. Pour illustrer leurs allégations, les organisations plaignantes apportent plus de précisions relativement à l’incidence des directives gouvernementales et des évaluations de gestion sur la négociation collective libre et volontaire entre les institutions publiques et leurs syndicats respectifs concernant les sujets suivants: 1) l’ensemble des coûts de personnel et les taux d’augmentation salariale; 2) le versement de primes incitatives au rendement; 3) le remplacement du système de rémunération selon l’ancienneté par un système de rémunération fondée sur les compétences; 4) l’introduction de plafonds salariaux; 5) l’octroi de prêts par l’entreprise à ses employés.
  10. 450. Les organisations plaignantes précisent que les directives budgétaires annuelles indiquent le pourcentage maximal d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel de toutes les institutions publiques. Ce pourcentage a été fixé à 0,9 pour 2021 et à 1,4 pour 2022. Les directives indiquent également qu’une institution dont l’évaluation de gestion a révélé qu’elle avait dépassé le taux d’augmentation maximal de l’ensemble des coûts de personnel doit réduire son budget pour le coût total de personnel de l’exercice courant du montant excédentaire enregistré lors de l’exercice précédent. Les organisations plaignantes ajoutent que certaines institutions publiques organisent des négociations collectives une fois par an, après la diffusion des directives budgétaires établies pour l’exercice. Ces négociations portent seulement sur l’allocation du budget couvrant l’ensemble des coûts de personnel qui est indiqué dans les directives, lesquelles sont établies sans aucune consultation des syndicats. Les organisations plaignantes allèguent que les syndicats de ces institutions publiques ne peuvent négocier des accords salariaux qui ne satisfont pas aux directives gouvernementales parce que, si une institution et son syndicat s’entendent sur une augmentation salariale qui dépasse le plafond d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel indiqué dans les directives budgétaires annuelles, l’institution devra réduire son coût total de personnel du montant excédentaire l’année suivante, ce qui annulera l’effet de l’augmentation qui avait été convenue. En outre, un dépassement du taux maximal d’augmentation permis dans les directives budgétaires entraîne la perte de trois points en termes de «contrôle de l’ensemble des coûts de personnel» dans l’évaluation de gestion. Il peut en résulter la réduction, voire la suppression des primes accordées aux travailleurs, ainsi que le licenciement des directeurs de l’institution.
  11. 451. Les organisations plaignantes mentionnent par ailleurs le cas de la convention non appliquée prévoyant une augmentation salariale dans KORAIL Networks, une filiale de la société nationale des chemins de fer de la République de Corée (KORAIL), dont les activités sont diverses – gestion de services en gare, billetterie, services téléphoniques à la clientèle, stationnement et fret spécial acheminé par les trains KTX au nom de KORAIL. Selon les organisations plaignantes, KORAIL détient 98,98 pour cent des capitaux propres de KORAIL Networks et détermine, de fait, le montant des salaires et les conditions de travail des employés de ces derniers en allouant et en fournissant les fonds affectés aux salaires de ces travailleurs En conséquence, les organisations plaignantes affirment que KORAIL est l’employeur effectif des travailleurs de KORAIL Networks.
  12. 452. Les organisations plaignantes indiquent que près de 1 600 sur les 1 800 travailleurs de l’entreprise sont des travailleurs temporaires ou contractuels qui reçoivent le salaire minimum ou quasi minimum et gagnent en moyenne seulement 44,8 pour cent du revenu des travailleurs réguliers de KORAIL. En 2019, la société mère a convoqué un conseil composé de représentants du patronat et des employés et d’experts de l’extérieur en vue de débattre des moyens d’améliorer les salaires et les conditions de travail des travailleurs dans ses filiales. Le conseil a obtenu la conclusion d’une convention datée du 25 novembre 2019 entre KORAIL et le syndicat des cheminots coréens (KRWU) qui représente les travailleurs de KORAIL et de KORAIL Networks, selon laquelle KORAIL a révisé à la hausse des crédits alloués aux salaires des travailleurs de KORAIL Networks pour tenir compte à 100 pour cent du taux du marché pour des emplois comparables. En vertu de cette convention, les salaires de base des employés de KORAIL Networks en 2020 ont été calculés en multipliant le taux de marché pour des emplois comparables au moment de la signature de la convention par le taux d’augmentation fixé dans les directives gouvernementales annuelles. D’où une augmentation de 13,2 pour cent de l’ensemble des coûts de personnel de KORAIL Networks par rapport à 2019, alors que les directives budgétaires de 2020 autorisaient seulement des augmentations maximales de 4,3 pour cent pour les travailleurs dont le salaire moyen en 2018 équivalait à 90 pour cent ou moins de la rémunération moyenne enregistrée dans l’ensemble du secteur ou 60 pour cent ou moins de la rémunération moyenne enregistrée dans toutes les institutions publiques. En conséquence, KORAIL Networks a obtenu de la société mère un budget nettement plus élevé pour les salaires, mais n’a augmenté que de 4,3 pour cent les salaires de ses employés, au nom des directives budgétaires de 2020. Les organisations plaignantes allèguent que, en l’occurrence, les directives gouvernementales et les évaluations de gestion ont servi à neutraliser l’impact d’une convention librement conclue entre les parties, en empêchant l’augmentation salariale requise pour des travailleurs chroniquement sous rémunérés.
  13. 453. Revenant sur la question du «coût total de personnel» et de son incidence sur le droit à la libre négociation collective concernant divers éléments de la rémunération, les organisations plaignantes allèguent qu’en République de Corée, la plupart des employeurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, rémunèrent leurs travailleurs en deçà du minimum requis par la loi pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et le travail effectué pendant les jours fériés, ainsi que pour les autres indemnités conventionnelles et allocations de vacances. Dans une décision marquante datée du 18 décembre 2013, la Cour suprême a changé la situation en frappant de nullité toute convention conclue entre un employeur et ses travailleurs prévoyant une rémunération inférieure au minimum requis par la loi pour les heures supplémentaires, le travail de nuit ou le travail effectué pendant les jours fériés, et en stipulant que les travailleurs doivent être justement rémunérés pour les heures supplémentaires qui leur sont dues, conformément à la loi. Les organisations plaignantes allèguent que la majorité des employeurs du secteur privé se conforment à la décision de la Cour suprême pour le versement des prestations et autres indemnités prévues par la loi, alors que la majorité des employeurs du secteur public ne le font pas. Selon les organisations plaignantes, depuis 2013, les travailleurs du secteur public ont poursuivi leur employeur en justice à plusieurs reprises pour les obliger à verser des salaires, des prestations et indemnités qu’ils avaient cessé de percevoir. Jusqu’en 2021, les employeurs du secteur public qui ont perdu ces procès ont dû, en vertu d’une ordonnance judiciaire, verser des dommages intérêts qu’ils ont puisés dans leurs fonds de réserve, et non dans leur budget de personnel, sur lequel le MdEF exerce un contrôle strict, une opération conforme aux directives budgétaires qui autorisaient les institutions publiques à utiliser leurs fonds de réserve pour absorber l’augmentation effective des coûts salariaux résultant du versement de dommages intérêts en vertu d’une ordonnance judiciaire, sans égard pour la limite imposée à l’augmentation annuelle de l’ensemble des coûts de personnel. Toutefois, le MdEF a modifié par la suite les directives budgétaire à cet égard et a annoncé qu’il comptait inciter les employeurs publics à réformer leurs systèmes de rémunération en révisant la liste des coûts de personnel et les dépenses payables sur d’autres comptes que le budget couvrant l’ensemble des coûts de personnel, et qu’à compter de 2022 les employeurs publics devaient inclure dans leur budget couvrant l’ensemble des coûts de personnel les compléments de rémunération versés en application des décisions judiciaires rendues à l’issue de poursuites sur les salaires ordinaires. Les institutions dont le coût total de personnel excèdent la limite établie dans les directives perdront des points dans leur évaluation de gestion, qu’elles aient ou non versé des dommages-intérêts en vertu d’une ordonnance judiciaire.
  14. 454. Les organisations plaignantes allèguent que la nouvelle politique contribue à affaiblir le pouvoir de négociation des syndicats en opposant les travailleurs qui font des heures supplémentaires à ceux qui n’en font pas. En attendant, les pressions que cette nouvelle politique fait peser sur le budget couvrant le coût total de personnel incitent les institutions publiques à réduire le montant des salaires ordinaires en jeu et, ce faisant, elles doivent négocier de nouvelles conventions collectives qui sont plus désavantageuses pour les travailleurs et/ou elles obtiennent directement le consentement des syndicats représentant la majorité de leurs travailleurs en l’absence d’un syndicat sur le lieu de travail, pour modifier les règles d’emploi. En d’autres termes, le gouvernement utilise les nouvelles directives, qui sont élaborées sans la participation des syndicats, pour faire pression à la fois sur les employeurs publics et sur les syndicats dans le but de rendre leurs politiques salariales plus désavantageuses pour les travailleurs.
  15. 455. Les organisations plaignantes indiquent que les primes incitatives au rendement peuvent représenter jusqu’à 250 pour cent et 100 pour cent du salaire mensuel des travailleurs dans les sociétés publiques et les institutions quasi-gouvernementales, respectivement. Les directives budgétaires recommandent que les institutions puisent dans leurs fonds de réserve pour payer les primes incitatives. Conformément aux directives, le montant des primes incitatives versées dépend à la fois du résultat de l’évaluation de gestion de l’institution concernée et du rendement individuel des travailleurs ou de leur département. Les organisations plaignantes ajoutent que, dans sa décision datée du 13 décembre 2018, la Cour suprême de la République de Corée a statué que les primes incitatives au rendement dont le montant dépend des résultats de l’évaluation de gestion font partie du salaire ordinaire des travailleurs.
  16. 456. Les organisations plaignantes indiquent que, en vertu des directives budgétaires, les sociétés publiques et les institutions quasi-gouvernementales doivent définir des critères de différenciation des primes incitatives au rendement à payer aux travailleurs ou à leurs départements, en distinguant au moins six catégories de travailleurs ou de départements en fonction de leurs résultats. Au moins dix pour cent des employés doivent rentrer dans la première catégorie; de même, au moins dix pour cent de tous les employés doivent rentrer dans les deux dernières catégories. Aucune catégorie ne doit englober plus de 50 pour cent de tous les employés. Les directives prévoient également que les travailleurs classés dans la toute dernière catégorie ne devraient pas recevoir de primes de rendement, tandis que les travailleurs et les départements classés dans la première catégorie devraient recevoir au moins le double du montant des primes de rendement versées à ceux de l’avant-dernière catégorie.
  17. 457. Concernant l’incidence des évaluations de gestion sur les primes incitatives au rendement versées aux travailleurs de chaque institution, les organisations plaignantes indiquent que, selon le guide d’évaluation de gestion de 2022, le montant des primes incitatives au rendement versées aux travailleurs de chaque institution doit dépendre de l’évaluation finale qu’a obtenue l’institution, dans les limites du budget établi dans les directives budgétaires. Selon la recommandation du MdEF formulée dans le cadre des mesures de réforme pour les évaluations de gestion des institutions publiques en date du 31 août 2021, les travailleurs des sociétés publiques notées S devraient recevoir jusqu’à 250 pour cent de leur salaire mensuel de base; ceux des sociétés notées A, B et C devraient recevoir jusqu’à 200 pour cent, 150 pour cent et 100 pour cent de leur salaire de base, respectivement; tandis que les travailleurs des sociétés notées D ou E ne recevront pas de primes incitatives au rendement. Pour les travailleurs des institutions quasi gouvernementales notées de S à C, ces pourcentages vont de 100 à 40 pour cent, respectivement.
  18. 458. Les organisations plaignantes déclarent que les institutions publiques coréennes décident effectivement du mode de calcul du montant des primes incitatives au rendement, ainsi que du calendrier de versement et des bénéficiaires de ces primes, conformément aux conventions collectives signées avec les syndicats ou aux règles d’emploi établies en consultation avec les syndicats. Néanmoins, les directives gouvernementales prescrivent la plupart des règles et les montants des primes incitatives au rendement à verser aux travailleurs du secteur public en Corée. À titre d’exemple illustrant l’opposition des travailleurs du secteur public à la règle de la différenciation des primes incitatives au rendement dictée par les directives budgétaires, les organisations plaignantes font référence au cas de la société publique Korea Land and Geospatial Informatrix Corporation (LX), qui a versé en 2016 à ses employés, au titre des primes incitatives au rendement, des montants sensiblement différents par rapport aux recommandations formulées dans les directives. Le syndicat de la société a récupéré et redistribué les primes incitatives au rendement avec la contribution volontaire de certains des travailleurs mieux rémunérés. La société a réagi en forçant le président du syndicat à quitter ses fonctions. Toutefois, la Cour suprême a déclaré cette décision illégale et a ordonné la réintégration du président du syndicat, au motif que l’on peut raisonnablement affirmer qu’il s’est acquitté de ses fonctions de dirigeant du syndicat en procédant à la redistribution des primes incitatives au rendement de 2015 et qu’il a agi ainsi pour contester la décision de la société; rien ne permet donc de conclure qu’il était illégal ou injuste de contester ainsi la décision de la société.
  19. 459. Les organisations plaignantes indiquent que, dans le passé, la rémunération selon l’ancienneté était la norme dans l’immense majorité des institutions publiques coréennes. Toutefois, le gouvernement a décidé de transformer le système de rémunération dans le secteur public afin de donner la priorité au rendement et aux compétences. Dans cet esprit, le 19 décembre 2019, il a publié des orientations stratégiques économiques pour 2020 qui prévoyaient l’application de mesures progressives favorisant la transition du système de rémunération selon l’ancienneté vers le système de rémunération fondée sur les compétences, notamment en minimisant le principe de l’ancienneté par l’introduction de l’évaluation du rendement et le renforcement du lien entre la productivité et les salaires, et en mobilisant le public par le dialogue social, par exemple en créant des comités des relations de travail. En mai 2020, le gouvernement a convoqué une réunion sur la réforme des systèmes de rémunération dans les institutions publiques, en encourageant officiellement les dirigeants de ces institutions à adopter un système de rémunération fondée sur les résultats et sur la spécificité du poste.
  20. 460. Les organisations plaignantes précisent par ailleurs que, le 19 mai 2020, le comité d’action conjoint pour les syndicats du secteur public, créé par la KCTU et la Fédération des syndicats de Corée (FKTU), a publié une déclaration conjointe pour exiger, entre autres choses, que le MdEF s’abstienne de faire pression pour que les indicateurs d’évaluation de gestion soient révisés en vue de promouvoir des réformes salariales pour lesquelles les syndicats n’ont pas été consultés. Il souligne également dans cette déclaration que les réformes salariales devraient être débattues dans le cadre d’un dialogue entre les représentants des travailleurs, notamment ceux qui représentent les cinq syndicats de branche et les fédérations de la KCTU et la FKTU et le gouvernement, et que le gouvernement/MdEF, en tant qu’employeur de facto des travailleurs du secteur public, renonce à introduire un nouveau système de rémunération qui ne tient aucun compte des préoccupations et des aspirations des travailleurs. Les organisations plaignantes ajoutent que, malgré la déclaration évoquée précédemment, le 24 septembre 2020, le MdEF a publié la version révisée du guide d’évaluation de gestion pour les institutions publiques sans avoir jamais consulté les représentants des travailleurs. Un nouveau critère était incorporé dans cette version révisée sous l’indicateur «Rémunération et avantages»: «actions et résultats à l’appui de la transition vers un système plus rationnel de rémunération fondée sur la spécificité du poste», qui valait deux points. Des points étaient également attribués pour «révision de la politique de rémunération avec le consentement des travailleurs», ce qui, selon les organisations plaignantes, revient à désavantager les institutions publiques qui ne parviennent pas à obtenir le consentement des travailleurs et empêchent, en définitive, toute contestation de la part des syndicats. Les organisations plaignantes soulignent qu’il est primordial que le gouvernement entretienne un dialogue suffisant avec les employeurs et les travailleurs du secteur public avant d’introduire un tel changement de paradigme, parce que même si toutes les parties consentaient à son introduction, il faudrait prendre le temps d’examiner les problèmes susceptibles de se présenter et agir en conséquence.
  21. 461. Les organisations plaignantes affirment que les plafonds salariaux permettent à l’employeur de réduire le salaire d’un employé d’une année à l’autre d’un pourcentage prédéfini, une fois qu’il a atteint le plafond établi, de manière à ce que l’employé puisse continuer à travailler sur le même lieu de travail pendant plus longtemps. Le gouvernement a établi les plafonds salariaux sur la base des dispositions de l’article 19 (2) de la loi sur l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge dans l’emploi et la promotion de l’emploi des personnes âgées (EEPA), selon lequel l’employeur et le syndicat présent sur un lieu de travail où l’âge de départ à la retraite est reculé à 60 ans doivent prendre les mesures nécessaires, notamment pour la restructuration de son système de salaires. Les organisations plaignantes affirment toutefois que la loi ne fait pas mention de plafonds salariaux. Le 7 mai 2015, le MdEF a diffusé les recommandations concernant les plafonds salariaux dans les institutions publiques, qui ont été finalisées sur délibération et décision du CMPI. Selon ces recommandations, toutes les institutions publiques coréennes doivent établir des plafonds salariaux. Les plafonds salariaux ont également été incorporés en tant qu’indicateur d’évaluation de gestion dans le guide publié par le CMPI en septembre 2015. Les organisations plaignantes allèguent que, dès la fin de 2015, les 313 institutions publiques concernées avaient adopté cette politique. Elles ajoutent qu’en mars 2018 le gouvernement a annulé la recommandation. Néanmoins, l’application des plafonds salariaux figuraient toujours dans la version révisée de 2021 des directives de gestion, aux termes desquelles les sociétés publiques et les institutions quasi gouvernementales doivent adopter des plafonds salariaux calculés pour chaque employé, mais qu’elles peuvent renoncer à les appliquer aux travailleurs très faiblement rémunérés, tels que ceux qui gagnent 150 pour cent du salaire minimum ou moins. L’application de plafonds salariaux figure toujours dans le manuel d’évaluation de gestion de 2021 en tant qu’indicateur de gestion des sociétés publiques.
  22. 462. Les organisations plaignantes citent l’analyse financière des institutions publiques pour l’exercice 2018 selon laquelle entre le milieu de 2015, moment de l’introduction des plafonds salariaux, et 2018, les salaires des travailleurs concernés par les plafonds salariaux ont diminué de 23 pour cent par an en moyenne, soit une perte salariale cumulative de 56,7 pour cent au cours d’une période d’ajustement des salaires de deux ans et demi, alors que les plafonds salariaux ont permis de reculer seulement partiellement l’âge de départ à la retraite, de 59,4 ans à 60,2 ans. Elles en concluent que, les plafonds salariaux désavantageant de toute évidence les travailleurs en vertu de l’article 94 de la loi coréenne sur les normes de travail (Labour Standards Act, LSA), avant de les introduire, l’employeur doit obtenir le consentement des syndicats représentant la majorité des travailleurs ou, en l’absence de tels syndicats, le consentement de la majorité des travailleurs eux-mêmes. Cependant, dans la plupart des institutions publiques coréennes, les syndicats se sentent contraints d’accepter les plafonds salariaux pour que leurs employeurs respectifs soient bien notés dans les évaluations de gestion et pour éviter d’autres conséquences indésirables. Selon les organisations plaignantes, cela équivaut à une ingérence du gouvernement dans la libre négociation entre les syndicats et les employeurs dans les institutions publiques, où les deux parties sont obligées de donner leur consentement à cause des pressions exercées pour qu’elles se conforment aux directives et aux indicateurs d’évaluation de gestion.
  23. 463. Les organisations plaignantes affirment que la loi sur le fonds de prévoyance des salariés permet aux employeurs du secteur public d’utiliser le fonds de prévoyance des employés, auquel contribuent l’employeur et les employés, pour consentir des prêts et offrir une aide financière aux employés moyennant de faibles taux d’intérêt. Selon les organisations plaignantes, en 2021, des programmes de prêts consentis par l’entreprise à ses salariés étaient en place dans 66 institutions publiques coréennes. Le 29 juillet 2021, sur délibération et décision du CMPI, le MdEF a publié une édition révisée des directives pour l’innovation, selon lesquelles toutes les institutions publiques doivent rendre plus strict leur programme de prêts aux employés en imposant des critères d’admissibilité plus exigeants, en réduisant les fonds disponibles pour les prêts et en relevant les taux d’intérêt. Le MdEF a également incorporé ce changement dans l’édition révisée du guide d’évaluation de gestion publiée le 1er octobre 2021, en ajoutant deux nouveaux critères d’évaluation qualitative, valant à eux deux un point et demi, qui concernent la nouvelle restriction imposée aux prêts consentis par l’entreprise. Les organisations plaignantes allèguent que ces changements ont été introduits dans les critères d’évaluation de gestion en dépit des vives contestations émanant du monde du travail contre cette intervention dans la libre négociation entre les employeurs et les syndicats, contestations auxquelles le MdEF a répondu en affirmant qu’il s’agissait d’une simple directive non contraignante. Toutefois, selon les organisations plaignantes, face au risque de perdre des points dans les évaluations de gestion, les institutions publiques et les syndicats ont conclu des conventions collectives prévoyant la restriction des prêts consentis par l’entreprise, tandis que le gouvernement a refusé tout au long de ce processus de consulter ou d’engager le dialogue avec le monde du travail dans son ensemble ou avec les syndicats présents dans les institutions publiques.
  24. 464. En conclusion, les organisations plaignantes affirment que le gouvernement de la République de Corée a décidé unilatéralement des salaires et des conditions de travail des travailleurs du secteur public en se servant des directives budgétaires, des directives de gestion et des directives pour l’innovation, ainsi que des évaluations de gestion, pour faire pression sur les institutions publiques et leurs syndicats afin de leur faire accepter des conditions désavantageuses pour les travailleurs – plafonnement de l’ensemble des coûts de personnel et des montants des primes incitatives au rendement, et imposition de règles régissant la distribution de ces primes; rémunération fondée sur la spécificité du poste; plafonds salariaux; réduction des prêts consentis par l’entreprise à ses employés, notamment. Plus important encore, les travailleurs de la République de Corée n’ont ni la possibilité ni les moyens de participer à la prise de décision sur ces questions. Les organisations plaignantes en concluent que les actions du gouvernement sont contraires au principe de la libre négociation énoncé à l’article 4 de la convention no 98 et vont également à l’encontre du principe de la participation des travailleurs à la prise de décisions concernant leurs conditions de travail.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 465. Dans sa communication du 3 février 2023, le gouvernement indique que, lors de l’élaboration des directives budgétaires, il a eu recours à des consultations triparties à l’occasion du Conseil économique, social et du travail (Economic, Social and Labour Council, ESLC), antérieurement appelé le Conseil tripartite du développement économique et social. Le gouvernement précise qu’un comité de développement du secteur public (Public Sector Development Committee, PSDC) relevant de l’ESLC a été créé et chargé de décider des mesures à prendre pour réformer le secteur public. Ce comité était composé de 15 membres, dont un président, cinq membres de la Commission d’intérêt public et des représentants du patronat, des syndicats et du gouvernement (à raison de trois pour chacune des parties). Le PSDC a convoqué plusieurs réunions entre septembre 2014 et avril 2015. Selon le gouvernement, les questions relatives aux directives budgétaires de 2015 étaient à l’ordre du jour des réunions de l’ESLC, et deux réunions de travail entre le MdEF et des représentants des travailleurs ont eu lieu en novembre 2014 concernant les propositions de ces derniers pour les directives budgétaires. Ces réunions ont permis d’avancer sur la question du taux de contribution, sans aboutir toutefois à un accord, résultat que le gouvernement a finalement pris en compte dans la révision partielle des directives budgétaires de 2015.
  2. 466. Le gouvernement indique par ailleurs qu’en novembre 2020, l’ESLC a créé le Conseil des institutions publiques, composé de dix membres représentant les travailleurs, le gouvernement et des groupes d’intérêt public, qui était chargé de réorganiser le système de rémunération des institutions publiques afin de tenir compte de la valeur objective du travail dans le système de rémunération. Un accord de principe a été conclu selon lequel la restructuration du système salarial se ferait de manière progressive et indépendante dans le cadre d’une convention entre les travailleurs et la direction de chaque institution publique, plutôt que de manière unilatérale et standardisée. Le gouvernement ajoute que l’ESLC a décidé de poursuivre le dialogue avec les syndicats pour le suivi de la restructuration du système de rémunération dans les institutions publiques et a établi un programme d’action détaillé en la matière. Cette décision a nécessité la tenue du second conseil sur les institutions publiques, le 25 juin 2021, qui a facilité la réalisation d’une enquête sur le système de rémunération et le plafonnement des salaires dans les institutions publiques. Les membres de la commission d’intérêt public ont publié un rapport sur les résultats de l’enquête menée dans les institutions publiques et la mission a pris fin le 24 mars 2022.
  3. 467. Concernant le droit national applicable, le gouvernement invoque les dispositions constitutionnelles et législatives garantissant le droit à la négociation collective et indique que, même si les directives budgétaires et les directives pour l’innovation reposent sur des informations fiables, les institutions publiques devraient d’abord engager leur propre processus décisionnel – par à une résolution du conseil d’administration, par exemple – et proposer des cadres de révision tels que des règles d’emploi ou des conventions collectives relatives aux salaires, à la protection sociale, à la contribution au fonds de prévoyance des salariés et aux programmes de prêts consentis par l’entreprise. Le gouvernement conclut donc que les directives ne portent pas atteinte au droit de négociation collective en droit national coréen. Les institutions publiques peuvent renoncer à modifier leurs règles d’emploi ou leurs conventions collectives conformément aux directives pour tenir compte de l’opposition exprimée par les travailleurs ou les syndicats. Même en pareil cas, les institutions font l’objet d’une évaluation de gestion simplement «insuffisante» en matière de rémunération et de dépenses sociales.
  4. 468. S’agissant de l’allégation de violation du droit de négociation collective des travailleurs du secteur public du fait des directives budgétaires, le gouvernement indique que, en vertu de l’article 50 de l’AMPI, ces directives sont des orientations en matière de gestion, et que leur adoption et leur notification est une question de contrôle interne entre le gouvernement et les institutions publiques. Le MdEF finalise les directives budgétaires sur délibération et décision du comité directeur sur les institutions publiques, lequel les examine et détermine si elles ont été respectées – notamment en ce qui concerne le taux d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel – en évaluant la gestion des institutions. Selon le gouvernement, comme l’a établi la Cour suprême dans une décision concernant les directives budgétaires de 2001, les directives n’ont pas force de loi ni ne prescrivent des droits ou des obligations spécifiques. Leur contenu concernant la rémunération, les prestations sociales et le fonds de prévoyance des salariés sont de simples recommandations internes à l’intention de l’entreprise bénéficiaire (l’institution concernée) et n’impose aucune obligation ni ne sert à intervenir dans la négociation collective. Le gouvernement conclut donc que les directives budgétaires ne sont pas préjudiciables au droit de négociation collective des travailleurs des institutions publiques.
  5. 469. Concernant l’allégation de violation du droit de négociation collective des travailleurs du secteur public dans le cadre des évaluations de gestion, le gouvernement indique que, tout en s’assurant que les institutions publiques sont gérées de façon indépendante et responsable, il effectue également des évaluations de gestion en vue d’augmenter la transparence et l’efficacité de gestion et pour inciter les services publics à s’améliorer. Les normes et méthodes d’évaluation sont présentées à l’avance dans le guide d’évaluation de la gestion des institutions publiques, lequel n’a pas force obligatoire. Les institutions publiques qui choisissent de ne pas s’y conformer feront l’objet d’une évaluation de gestion simplement «insuffisante» en rapport aux indicateurs pertinents. Par exemple, trois institutions avaient dépassé le plafond indiqué pour l’ensemble des coûts de personnel dans les directives budgétaires de 2021 et incorporé à titre d’indicateur dans le guide d’évaluation de gestion, et de nombreuses institutions ont appliqué des critères différents de ceux énoncés dans les directives pour l’innovation et le manuel concernant les prêts consentis par l’entreprise. En conséquence, le gouvernement en a conclu que ni l’évaluation de gestion ni le guide qui s’y rapporte porte pas atteinte au droit des syndicats présents dans les institutions publiques de négocier et de conclure des conventions collectives. Il affirme que, comme les évaluations de gestion sont seulement une question de contrôle interne de la part du gouvernement, il n’est pas nécessaire qu’elles fassent l’objet de consultations préalables auprès du syndicat.
  6. 470. Concernant l’absence présumée de moyens de communication et de participation pour les syndicats du secteur public, le gouvernement réitère ses indications au sujet des consultations au sein du PSDC en 2014 et des activités du conseil des institutions publiques en 2020 et 2021 22. Il ajoute que les parties à la négociation collective sont les organisations d’employeurs et de travailleurs, non le gouvernement.
  7. 471. Plus particulièrement, concernant la décision présumée unilatérale du gouvernement au sujet de l’ensemble des coûts de personnel, des taux d’augmentation de ce coût et des primes au rendement, le gouvernement indique que le système de régulation de l’ensemble des coûts de personnel vise à prévenir une expansion excessive et une gestion laxiste du secteur public. La plupart des institutions publiques recevant une aide budgétaire du gouvernement et bénéficiant légalement de droits commerciaux exclusifs, une gestion stricte de leur coût de personnel est essentielle. Le gouvernement assure le fonctionnement du système avec la souplesse voulue, par exemple en gérant le taux d’augmentation du coût de personnel en fonction du niveau de rémunération en vigueur dans les institutions en vue de réduire l’écart de rémunération entre institutions. Le gouvernement ajoute que les directives budgétaires fixent uniquement le taux d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel couramment appliqué dans toutes les institutions publiques, tandis que chaque institution peut décider librement et en toute indépendance des méthodes de paiement spécifiques et des montants versés dans la limite du plafond d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel, sur la base des accords conclus entre les travailleurs et la direction. Les directives n’invalident pas les conventions collectives qui sont déjà en vigueur, et les organismes gouvernementaux ne bloquent ni ne restreignent l’application des conventions collectives dûment conclues. Les directives budgétaires ne sont pas des normes contraignantes pour les conventions collectives et n’exigent pas que le gouvernement approuve les conventions collectives.
  8. 472. Concernant les allégations de neutralisation de l’impact de la convention collective sur l’augmentation salariale au sein de KORAIL Networks, le gouvernement rappelle que le fonctionnement du système de l’ensemble des coûts de personnel est souple et prend en considération le niveau de rémunération et l’écart salarial entre institutions. Il ajoute que l’entreprise a relevé graduellement le taux d’augmentation (+1,0 pour cent 1,5 pour cent) de son coût total de personnel sur huit ans depuis 2015, conformément à la gestion différenciée pratiquée par le gouvernement dans le cas de l’ensemble des coûts de personnel des institutions publiques. Il en conclut que l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle il a neutralisé l’impact de la convention collective sur l’augmentation salariale au sein de KORAIL Networks est infondée.
  9. 473. S’agissant de la nouvelle politique requérant l’inclusion dans leur budget couvrant l’ensemble des coûts de personnel des montants versés en application des ordonnances judiciaires rendues à l’issue de poursuites sur les salaires ordinaires, le gouvernement indique que la plupart des institutions publiques n’ont pas été confrontées à de telles poursuites ou les ont évitées en réformant leur système de rémunération, en encourageant l’utilisation du congé annuel et en réduisant les heures supplémentaires immédiatement après les poursuites. Cependant, plusieurs institutions publiques ont continué d’être visées par des poursuites parce qu’elles n’avaient pas modifié leur règlement sur la rémunération. En conséquence, en 2022, au bout de huit ans, l’exception concernant le plafond d’augmentation du coût total de personnel a été abolie en vue de rétablir l’équité et la justice entre les institutions et après consultation des organismes compétents. L’exception était permise parce que le versement de ces montants nécessitait des procédures de préparation, telles que la modification de la réglementation de chaque institution, mais étant donné qu’elle existait depuis fort longtemps, à compter de 2022, les compléments de rémunération versés par suite des décisions rendues à l’issue des poursuites sur les salaires ordinaires ont été inclus également dans le plafond d’augmentation du coût total de personnel. Le gouvernement réitère d’autre part que les directives budgétaires ne sont pas contraignantes et n’invalident pas les conventions collectives déjà entrées en vigueur, et que l’allégation des organisations plaignantes concernant l’inclusion dans le budget du coût total de main œuvre des montants supplémentaires versés par suite des décisions rendues à l’issue des poursuites sur les salaires ordinaires est infondée.
  10. 474. Concernant la rémunération fondée sur les résultats, le gouvernement indique qu’elle est proposée dans les directives budgétaires en tant que modèle idéal pour les institutions publiques, qui serait mis en application par la direction sous la supervision du gouvernement, mais qu’en tant que telle, elle ne porte pas atteinte au droit de négociation collective ni n’a d’incidence directe sur ce droit.
  11. 475. Concernant le système de plafonds salariaux, le gouvernement indique qu’il a été introduit en 2016 dans le cadre de l’accord conclu par des groupes tripartites en vue de concilier deux impératifs: le recul de l’âge du départ en retraite et la relance de l’emploi des jeunes. Le gouvernement souligne que les plafonds salariaux devraient être maintenus pour pouvoir restructurer le système de retraite tout en optimisant la création d’emplois. En conséquence, le gouvernement fournit des lignes directrices aux institutions publiques selon lesquelles il faut compenser le coût salarial des nouveaux employés par une réduction des coûts résultant du système de plafonnement salarial. Néanmoins, les modalités du système de plafonnement salarial, notamment le taux de rémunération et la période d’ajustement, peuvent être définies de façon raisonnable compte tenu de la répartition par âge et du système de rémunération de chaque institution, et décidées d’un commun accord par les travailleurs et les employeurs. Le gouvernement rejette donc l’allégation selon laquelle il a fait pression sur les syndicats et la direction pour obtenir leur consentement sur ce point.
  12. 476. Concernant le durcissement des conditions d’obtention d’un prêt consenti par l’entreprise par la révision des directives pour l’innovation de 2021 et les pressions présumées exercées sur les institutions publiques pour qu’elles acceptent des conventions collectives conformes à ces conditions, le gouvernement indique que, tout comme les directives budgétaires, les directives pour l’innovation ne sont pas contraignantes mais qu’elles sont proposées aux institutions publiques par le MdEF aux fins de la modernisation de leur gestion. Leur adoption et leur notification s’inscrivent dans les activités de contrôle interne entre le gouvernement et les institutions publiques. Le gouvernement affirme que, conformément aux articles 4 et 94 de la LSA, les institutions publiques qui modifient leur réglementation interne en matière de prêts consentis aux employés pour les rendre conformes aux directives pour l’innovation doivent obtenir le consentement de leurs syndicats, et qu’elles peuvent renoncer à incorporer ces directives dans leur réglementation régissant les limites et les taux d’intérêt de tels prêts. Les syndicats peuvent exercer librement leur droit à la négociation collective, qui est garanti par la LSA ou la loi sur les syndicats et l’administration des relations professionnelles (Trade Union and Labour Relations Adjustment Act, TULRAA) nonobstant les dispositions énoncées dans les directives. Le gouvernement indique que les institutions publiques bénéficient d’une série d’avantages commerciaux et financiers par rapport à des entités privées comparables et qu’à titre d’investisseur le gouvernement formule des recommandations concernant les prestations sociales et les prêts consentis par l’entreprise à ses employés, compte tenu de ces caractéristiques particulières propres à la fonction publique, recommandations qui ne constituent pas une ingérence dans les conventions collectives conclues au sein des institutions publiques.
  13. 477. En conclusion, le gouvernement rejette l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle il décide unilatéralement des salaires et des conditions de travail des travailleurs des institutions publiques par le biais des directives, en précisant qu’il a engagé un dialogue social sur les directives pertinentes dans le cadre du PSDC et d’autres comités relevant de l’ESLC. Le gouvernement souligne que, comme la plupart des institutions publiques fonctionnent avec son aide budgétaire et bénéficient de droits commerciaux exclusifs, il est essentiel que le gouvernement, à titre d’investisseur, puisse établir et publier des directives concernant leur fonctionnement, en conformité avec les normes de l’OIT. Il réitère par ailleurs que les directives concernent uniquement les activités de contrôle interne entre le gouvernement et les institutions publiques, et qu’elles n’ont pas force obligatoire. Les travailleurs des institutions publiques peuvent exercer librement leur droit à la négociation collective par l’intermédiaire des syndicats conformément à la constitution et au droit coréens. En conséquence, les directives ne portent pas atteinte au droit de négociation collective ni n’ont d’incidence directe sur ce droit.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 478. Le comité note que ce cas concerne la place du dialogue social dans l’élaboration des directives budgétaires, directives de gestion et directives pour l’innovation pour les institutions publiques créées par le gouvernement de la République de Corée, ainsi que l’incidence de ces directives, dans leur application aux évaluations de gestion, sur l’exercice du droit de négociation collective libre et volontaire par les travailleurs et les employeurs des institutions publiques coréennes, en particulier en ce qui concerne les questions relatives aux salaires et aux prestations sociales.
  2. 479. Le comité note que, selon les allégations des organisations plaignantes, en décidant des directives sans consulter les organisations des travailleurs, le gouvernement: définit unilatéralement le plafond d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel et de la rémunération dans les institutions publiques; détermine les conditions de la répartition des primes incitatives au rendement; modifie la structure et les principes régissant le système de rémunération en introduisant des plafonds salariaux et en remplaçant le système de rémunération selon l’ancienneté par un système fondé sur les compétences et les résultats; requiert des changements au système salarial en ce qui a trait aux heures supplémentaires et au travail effectué pendant les jours fériés; et durcit les conditions d’octroi de prêts par l’entreprise à ses employés. Les organisations plaignantes allèguent que les recommandations formulées dans les directives sur ces questions sont contraignantes dans la pratique parce qu’elles sont intégrées dans les indicateurs d’évaluation de gestion et qu’une mauvaise notation dans ces évaluations peut avoir des conséquences concrètes pour les travailleurs et les employeurs des institutions publiques concernées, en matière de crédits budgétaires et de licenciement possible de directeurs. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, ce système compromet la négociation collective qui a lieu dans chaque institution publique, en ce sens que les employeurs et les travailleurs/syndicats se sentent obligés de valider dans leurs conventions les mesures recommandées par les directives de manière à éviter les conséquences indésirables d’une mauvaise notation en évaluation de gestion. En conséquence, les organisations plaignantes allèguent que les pratiques du gouvernement sont contraires au principe de la libre négociation collective énoncé à l’article 4 de la convention no 98, ainsi qu’au principe de la participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions d’emploi.
  3. 480. Le comité note que le gouvernement rejette ces allégations en indiquant que: i) en 2014, un dialogue social a eu lieu sous l’égide de l’ESLC concernant les directives budgétaires de 2015 par l’entremise du comité de développement de la fonction publique et, depuis novembre 2020, par l’entremise du conseil des institutions publiques, au sujet de la restructuration du système de rémunération afin de tenir compte de la valeur objective du travail dans ce système; ii) l’évaluation de gestion et les guides qui s’y rapportent concernant seulement le contrôle interne exercé par le gouvernement et ne portant pas atteinte au droit de négociation collective, ils ne nécessitent donc pas de consultations préalables auprès des syndicats; iii) l’adoption et la notification des directives est une simple question de contrôle interne entre le gouvernement et les institutions publiques. Les directives n’ont pas force de loi, n’invalident pas les conventions collectives en vigueur et n’exigent pas que le gouvernement approuve les conventions collectives dûment conclues; et iv) le droit de négociation collective est garanti en vertu du droit coréen et les institutions publiques devraient obtenir le consentement des syndicats ou, en leur absence, de la majorité des travailleurs, concernant des questions liées aux salaires et aux prestations sociales. Les institutions publiques peuvent renoncer à suivre les recommandations présentées dans les directives si les travailleurs s’y opposent et, en pareil cas, leurs décisions seront valides et elles feraient simplement l’objet d’une évaluation de gestion «insuffisante» sur les questions pertinentes.
  4. 481. Le comité note que le gouvernement reconnaît que les questions soulevées dans la plainte relèvent de la négociation collective dans le secteur public et affirme que le droit de négociation collective peut être, et est, librement exercé dans les institutions publiques coréennes. Le comité note également que la négociation collective sur les conditions d’emploi dans les institutions publiques de la République de Corée est complètement décentralisée et se déroule au niveau de chaque institution publique. Néanmoins, il constate que, en ce qui a trait à certaines conditions d’emploi évoquées dans la plainte, le gouvernement a formulé des normes et des politiques générales sous la forme de «recommandations» présentées dans les directives qui sont applicables à toutes les institutions publiques relevant du contrôle du MdEF. Ces recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes mais sont intégrées dans les indicateurs utilisés pour évaluer la gestion des institutions publiques, évaluation qui détermine les disponibilités budgétaires pour les exercices à venir. En tant que telles, ces recommandations servent de cadre non contraignant juridiquement mais exécutoire dans la pratique pour la négociation collective au niveau de l’institution individuelle.
  5. 482. Observant que les travailleurs et les employeurs des institutions coréennes devraient avoir le droit de déterminer les conditions d’emploi, notamment les questions liées à la rémunération et à la protection sociale, par le biais de la négociation collective, le comité rappelle que, dans son examen d’un cas antérieur concernant la Corée, il a reconnu que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publics, que ces ressources dépendent du budget de l’État et que la période de validité des conventions collectives du secteur public ne coïncide pas toujours avec celle de la loi relative à ce budget, ce qui peut poser des difficultés. Le comité a alors considéré que les autorités financières pouvaient formuler à cet égard des recommandations en fonction de la politique économique du gouvernement. [Voir cas no 2829, 365e rapport, paragr. 572.] S’agissant des questions se rapportant au cas à l’examen, le comité considère que, au vu des caractéristiques particulières de la plupart des institutions publiques que le gouvernement a soulignées, telles que le fait qu’elles reçoivent une aide budgétaire du gouvernement et bénéficient légalement de droits commerciaux exclusifs, un cadre pourrait être défini pour l’exercice du droit de négociation collective dans ces institutions en vue de préserver l’intérêt public. Néanmoins, le comité considère également que, comme dans des cas antérieurs, pour être compatible avec le droit à la négociation libre et volontaire, ce cadre devrait «laisser une place significative à la négociation collective» et que «il est essentiel que les travailleurs et leurs organisations puissent participer pleinement et de façon significative à la détermination de ce cadre global de négociation, ce qui implique notamment qu’ils aient à leur disposition toutes les données financières, budgétaires ou autres, leur permettant d’apprécier la situation en toute connaissance de cause». [Voir cas no 3026 et 2941, 374e rapport, paragr. 666.]
  6. 483. Compte tenu des considérations qui précèdent, le comité note que le présent cas soulève deux principales questions, à savoir: i) si les directives du gouvernement, telles que garanties par l’évaluation de gestion, laissent encore une place significative à la négociation collective dans les institutions publiques en ce qui a trait aux questions soulevées par la plainte; et ii) si les travailleurs et leurs organisations ont pu participer pleinement et de façon significative à la détermination de ce cadre mis en place par le biais des recommandations présentées dans les directives.
  7. 484. S’agissant du contrôle de l’ensemble des coûts de personnel et du plafonnement des augmentations salariales stipulés dans les directives budgétaire, le comité note l’indication des organisations plaignantes, que le gouvernement ne conteste pas, selon laquelle les directives budgétaires sont établies et notifiées une fois par an. Le comité note toutefois que le gouvernement évoque la tenue d’un dialogue social en la matière dans le cadre d’un organe tripartite en une seule occasion, en 2014, qui n’a pas abouti à un accord, selon le gouvernement. Le comité constate donc que, chaque année, les travailleurs dans les institutions publiques concernées par les directives et leurs organisations se sont vu refuser le droit de participer à l’élaboration du cadre régissant la négociation collective sur les augmentations salariales et le contrôle de l’ensemble des coûts de personnel. Quant à la place significative laissée à la négociation collective concernant ces questions, le comité note que, alors que le gouvernement indique que les directives budgétaires fixent le taux d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel couramment appliqué dans toutes les institutions publiques, et que chaque institution peut décider librement des méthodes de paiement et du montant des salaires versés, sur la base des accords conclus entre les travailleurs et la direction, compte tenu de ses particularités et du plafond de l’ensemble des coûts de personnel, les organisations plaignantes déclarent que chaque institution publique organise bien une fois l’an la négociation collective, mais seulement après la publication des directives budgétaires établissant le plafond d’augmentation de l’ensemble des coûts de personnel. La négociation collective est alors utilisée pour décider de la répartition du budget du coût total de personnel qui a été établi sans consultation des syndicats. Il note également l’indication des organisations plaignantes, selon laquelle la convention sur les augmentations salariales qui a été conclue en novembre 2019 chez KORAIL Networks, n’a finalement pas été pleinement appliquée au motif qu’elle prévoyait un taux d’augmentation dépassant le plafond établi dans les directives budgétaires de 2020. Le comité note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle, en 2021, trois – sur plus de 300 – institutions dépassaient le plafond établi pour l’ensemble des coûts de personnel dans les directives budgétaires.
  8. 485. Concernant l’inclusion dans le coût total de personnel des montants versés aux travailleurs en application des ordonnances judiciaires rendues à l’issue de poursuites sur les salaires ordinaires, inclusion qui, comme le gouvernement l’a confirmé, vise à inciter les institutions publiques qui ne l’ont pas déjà fait à modifier leur système de rémunération, par exemple en encourageant l’utilisation du congé annuel et en réduisant les heures supplémentaires en vue d’éviter les poursuites judiciaires, le comité note que cette pratique a été introduite par le biais du retrait de l’exception pertinente des directives budgétaires de 2022. Le comité note l’indication du gouvernement à cet égard, selon laquelle au nom de l’équité et de la justice envers d’autres institutions qui ont déjà révisé leur règlement sur la rémunération, l’exception de huit années a été abolie en 2022 après «consultation des organismes compétents», mais le gouvernement n’indique pas si les organisations de travailleurs ont été consultées à cet égard. Il note les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles les syndicats n’ont pas eu une seule occasion de se faire entendre au sujet des directives budgétaires de 2022 ni de participer à leur élaboration. Quant à la place significative laissée à la négociation collective concernant cette question, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle dans le cas «d’autres» poursuites liées aux salaires et au coût de personnel, certaines institutions prennent des mesures suite à l’adoption d’un accord indépendant entre les travailleurs et la direction, tandis que depuis 2022, les compléments de rémunération versés par suite des décisions rendues à l’issue des poursuites sur les salaires ordinaires sont inclus dans le plafond d’augmentation du coût total de personnel. Le comité observe donc que, depuis 2022, il semble qu’il n’y ait plus de place pour la négociation d’accords indépendants entre les travailleurs et la direction concernant la source de paiement des compléments de rémunération et l’incidence plus globale à prévoir sur les conditions de travail.
  9. 486. Concernant le montant et la répartition différenciée des éléments variables de paie, c’est à dire les primes incitatives au rendement, qui, comme le note le comité constitue un élément important de la rémunération totale, le comité note que les directives budgétaires – qui, comme le confirme le gouvernement, sont élaborées sans la participation des organisations de travailleurs – établissent la règle générale de répartition différenciée. Concernant le lien entre la note obtenue à l’évaluation de gestion et le montant des primes versées aux travailleurs des institutions évaluées, le comité note l’allégation des organisations plaignantes, que le gouvernement ne conteste pas, selon laquelle la norme pertinente a été formulée dans le document intitulé «Mesures de réforme pour les évaluations de gestion des institutions publiques», sans la participation des syndicats. S’agissant de la place laissée à la négociation collective en la matière, le comité note l’indication des organisations plaignantes selon laquelle les institutions publiques décident effectivement du mode de calcul du montant des primes incitatives au rendement, ainsi que du calendrier de versement et des bénéficiaires de ces primes, conformément aux conventions collectives signées avec les syndicats ou aux règles d’emploi établies en consultation avec les syndicats. Toutefois, les organisations plaignantes soulignent que le cadre établi par les directives du gouvernement détermine la plupart de ces règles.
  10. 487. Concernant les plafonds salariaux, le comité note que, selon le gouvernement, ils ont été introduits en 2016 avec l’accord de groupes tripartites en vue de concilier le recul de l’âge de départ à la retraite et la modification de la loi sur l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi et la promotion de l’emploi des personnes âgées (EEPA). Le gouvernement ajoute qu’en 2021 le second conseil sur les institutions publiques a facilité la réalisation d’une enquête sur le système de rémunération et le plafonnement des salaires dans les institutions publiques. Le comité note toutefois que les organisations plaignantes présentent la situation différemment en alléguant que, le 7 mai 2015, le MdEF a d’abord finalisé et distribué les recommandations concernant les plafonds salariaux dans les institutions publiques, selon lesquelles toutes les institutions publiques devraient adopter ces plafonds salariaux. Cette exigence a également été intégrée en tant qu’indicateur dans le guide d’évaluation de gestion tel que révisé et publié en septembre 2015 et, avant la fin de cette même année, les 313 institutions concernées avaient toutes adopté la nouvelle politique. Les organisations plaignantes déclarent que l’EEPA prévoit que les employeurs et les syndicats des entreprises qui reculent l’âge de départ à la retraite doivent prendre les mesures nécessaires, y compris «en restructurant leur système de rémunération», sans faire aucune référence aux plafonds salariaux. Les organisations plaignantes ajoutent que la recommandation de 2015 a été annulée en 2018, mais que les plafonds salariaux figuraient toujours dans une recommandation présentée dans les directives de gestion publiées cette année là et qu’ils sont maintenus dans les guides d’évaluation de gestion publiés depuis lors. Concernant la place laissée à la négociation collective pour l’introduction des plafonds salariaux, les organisations plaignantes indiquent, que la loi exige le consentement préalable du syndicat/des travailleurs à ce changement dans les conditions d’emploi qui désavantage manifestement les travailleurs en vue de son application dans une entreprise, mais que les syndicats présents dans la plupart des institutions publiques coréennes se sentent obligées d’accepter les plafonds salariaux pour que leurs employeurs respectifs soient bien notés dans l’évaluation de gestion. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle les modalités du système de plafonnement salarial, notamment le taux de rémunération et la période d’ajustement, peuvent être définies de façon raisonnable compte tenu de la répartition par âge et du système de rémunération de chaque institution, et décidées d’un commun accord par les travailleurs et les employeurs de chaque institution.
  11. 488. S’agissant du remplacement du système de rémunération selon l’ancienneté par un système de rémunération fondée sur les résultats, le comité note l’indication des organisations plaignantes selon laquelle le gouvernement a annoncé sa décision de transformer le système de rémunération dans le secteur public afin de donner la priorité au rendement et aux compétences et a annoncé, dans des orientations stratégiques économiques pour 2020 publiées en décembre 2019, son intention d’appuyer et d’encourager l’analyse des emplois pour préparer la transition vers une rémunération fondée sur la spécificité du poste dans les institutions publiques. Le comité note en outre que, selon les organisations plaignantes, le comité d’action conjoint pour les syndicats du secteur public, créé par la KCTU et la FKTU, a publié en mai 2020 une déclaration conjointe pour exiger que le gouvernement mette fin à son action unilatérale en vue de réformer le système salarial et s’abstienne de faire pression pour que les indicateurs d’évaluation de gestion pertinents soient révisés, en affirmant que les réformes salariales devraient être débattues dans le cadre d’un dialogue entre les représentants des travailleurs, notamment ceux qui représentent les cinq syndicats de branche et les fédérations (KCTU et FKTU) et le gouvernement. Les organisations plaignantes ajoutent que, malgré cet appel au dialogue, en septembre 2020, le MdEF a publié une édition révisée du guide d’évaluation de gestion qui contenait un nouveau critère parmi les indicateurs de gestion des salaires intitulé «actions et résultats à l’appui de la transition vers un système plus rationnel de rémunération fondée sur la spécificité du poste» sans avoir consulté les représentants des travailleurs. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle, en novembre 2020, l’ESLC a créé un conseil des institutions publiques, un organe tripartite chargé de réorganiser le système de rémunération des institutions publiques afin de tenir compte de la valeur objective du travail dans ce système. Il évoque également l’enquête facilitée par cet organe tripartite concernant le système de rémunération des institutions publiques et le rapport qui en a résulté en mars 2022. Concernant la place laissée à la négociation collective en matière de réglementation de la transition, le comité note l’indication des organisations plaignantes selon laquelle, dans la version révisée du guide d’évaluation, des points sont également attribués pour révision de la politique de rémunération «avec le consentement des travailleurs», ce qui, selon les organisations plaignantes, revient à empêcher les syndicats d’exprimer leurs réserves sur ce sujet pour ne pas compromettre la notation d’évaluation de gestion. Le comité note par ailleurs l’indication du gouvernement selon laquelle, en novembre 2020, l’ESLC a consenti en principe à ce que la restructuration du système de rémunération se fasse de manière progressive et indépendante dans le cadre d’une convention entre les travailleurs et la direction de chaque institution publique, plutôt que de manière unilatérale et standardisée. Le comité rappelle que dans les cas nos 3237 et 3238 qui ont été présentés en 2016, il avait examiné des allégations concernant l’introduction du système de rémunération fondée sur les résultats par certaines institutions publiques, sans le consentement des employés, après que le gouvernement eut publié, en janvier 2016, des recommandations formulées unilatéralement prévoyant des incitations et des sanctions en la matière et l’ajout d’un indicateur d’évaluation de gestion à cet égard. Le gouvernement avait répondu que, pour remédier à la situation, il avait supprimé la date butoir imposée pour l’introduction du système de rémunération fondée sur les résultats, aboli les sanctions (notamment le gel du budget l’ensemble des coûts de personnel) et supprimé le critère concernant l’instauration du nouveau système dans l’indice d’évaluation des institutions publiques. Le comité avait accueilli favorablement «la suppression par le gouvernement des sanctions et incitations intrusives en vue de permettre aux parties de restructurer leurs systèmes de salaires de manière indépendante sur la base d’accords librement établis entre les travailleurs et la direction». [Voir cas no 3237, 386e rapport, paragr. 200, et cas no 3238, paragr. 290.]
  12. 489. Enfin, s’agissant du durcissement des conditions d’octroi de prêts par l’entreprise, le comité note que les normes visant à amorcer le changement en la matière ont été introduites dans les directives pour l’innovation de 2021 et ont également été incorporées dans les indicateurs du manuel d’évaluation de gestion publié cette même année. Concernant la place laissée à la négociation collective sur cette question, le comité note l’indication des organisations plaignantes selon laquelle cette intervention a été vivement critiquée dans le monde du travail en tant que violation du principe de la libre négociation entre employeurs et syndicats, mais le MdEF a rejeté ces critiques en rétorquant que les directives n’étaient pas contraignantes. Selon les organisations plaignantes, les institutions publiques et leurs syndicats ont dû conclure des conventions collectives prévoyant la restriction des prêts consentis par l’entreprise pour tenter d’éviter la perte de points d’évaluation de gestion. Le comité note toutefois l’indication du gouvernement selon laquelle la modification de la réglementation interne des institutions publiques concernant les conditions d’octroi de prêts par l’entreprise requiert le consentement des syndicats et que ces derniers exercent librement leur droit à la négociation collective à cet égard, nonobstant les directives pour l’innovation. Le gouvernement affirme en outre qu’en 2021 de nombreuses institutions publiques ont appliqué des critères différents de ceux préconisés par les directives en matière de prêts consentis par l’entreprise.
  13. 490. Compte tenu de ce qui précède, le comité note que les normes énoncées dans les directives du gouvernement relativement aux questions soulevées dans la plainte constituent effectivement un cadre qui limite à plusieurs égards le contenu de la négociation collective dans les institutions prises individuellement, bien que la négociation collective conserve sa place dans bien des aspects liés à la détermination des modalités d’application des principes généraux énoncés dans des recommandations centralisées. Le comité se dit préoccupé par l’effet conjugué d’un grand nombre des recommandations récentes qui restreignent la place effective de la négociation collective, qui plus est sur la base de directives adoptées sans consultation récente ni participation des travailleurs.
  14. 491. Le comité rappelle que le cas no 2829 concernant la République de Corée, qui a été présenté en 2011, contenait des allégations similaires relatives à la restriction de la négociation collective dans les institutions publiques par des «directives de l’administration» et «évaluations de gestion». À cette occasion, le comité, tout en étant conscient du fait que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publics, a prié le gouvernement de s’assurer que les syndicats sont consultés avant d’adopter des mesures telles que l’émission de directives budgétaires pour les institutions publiques et l’évaluation de leur solidité financière au moyen de rapports d’évaluation de gestion, d’audits ou d’inspections. [Voir 365e rapport, paragr. 582 a).] En outre, dans le cas no 3237, le comité a rappelé que les discussions tripartites visant à élaborer, sur une base volontaire, des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour remédier aux difficultés soulevées par les allégations et a invité le gouvernement à prendre les mesures nécessaires de façon à ce que les modifications du système de rémunération puissent avoir lieu dans le cadre de la négociation collective. [Voir 386e rapport, paragr. 201.] Enfin, le comité rappelle que des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1231.]
  15. 492. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes font état de l’absence de moyens de participation et de communication pour les syndicats et indiquent que le gouvernement rejette la demande des syndicats du secteur public de participer aux discussions sur ces questions au niveau central. Particulièrement en ce qui concerne le remplacement du système de rémunération selon l’ancienneté par le système de rémunération fondée sur les résultats qui est en cours, les organisations plaignantes mentionnent la déclaration du comité d’action conjoint pour les syndicats du secteur public affiliés à la KCTU et la FKTU publiée le 19 mai 2020 pour exhorter le gouvernement, en tant qu’employeur de facto des travailleurs du secteur public dans les institutions publiques, à s’engager dans un dialogue centralisé avec les représentants des travailleurs, notamment les cinq syndicats de branche et les fédérations. Le comité note la réponse du gouvernement indiquant que les parties à la négociation collective sont les organisations de travailleurs et d’employeurs, non le gouvernement.
  16. 493. Le comité rappelle à cet égard qu’il a toujours souligné l’importance qu’il attache à la promotion du dialogue et à la consultation sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives du secteur en question et, dans le cas concernant le secteur des entreprises publiques, il a relevé l’importance de veiller à ce que les modifications des conditions de travail telles que les réductions de salaires et d’autres prestations et gratifications fassent l’objet d’une consultation approfondie avec les organisations les plus représentatives du secteur. [Voir Compilation, paragr. 1523 et 1528.] Le comité considère donc que le gouvernement devrait s’abstenir de formuler sans la participation des travailleurs des «recommandations» appliquées au moyen d’indicateurs d’évaluation de gestion concernant les conditions d’emploi dans les institutions publiques. Le comité estime que, pour garantir la participation effective des organisations de travailleurs dans l’élaboration du cadre global de négociation qui est établi au niveau central, le gouvernement devrait mettre en place un mécanisme de consultation régulière qui permette aux organisations de travailleurs de participer pleinement et utilement à la résolution des questions soulevées dans la plainte, de manière à garantir que les directives émises au niveau central n’interfèrent pas effectivement avec la négociation collective sur les conditions d’emploi dans les institutions publiques. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  17. 494. Le comité note les allégations des organisations plaignantes concernant le cas no 1865 et les réponses du gouvernement à cet égard, qu’il examinera dans le cadre de son examen dudit cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 495. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de mettre en place un mécanisme de consultation régulière qui permette aux organisations de travailleurs de participer pleinement et utilement à la résolution des questions soulevées dans la plainte, de manière à garantir que les directives émises au niveau central n’interfèrent pas effectivement avec la négociation collective sur les conditions d’emploi dans les institutions publiques. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer