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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO400, October 2022

CASE_NUMBER 3408 (Luxembourg) - COMPLAINT_DATE: 20-APR-21 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce le retrait de la représentativité sectorielle de l’ALEBA par le ministre en charge du travail

  1. 519. La plainte figure dans une communication de l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurances (ALEBA) en date du 20 avril 2021. Dans des communications en date des 2 et 8 juin 2021, l’ALEBA a fait parvenir des informations complémentaires.
  2. 520. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 16 mars 2022.
  3. 521. Le Luxembourg a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Toutefois, il n’a pas ratifié la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 522. L’organisation plaignante dénonce que le ministre du Travail, par arrêté ministériel du 2 mars 2021 pris à la demande de la Confédération syndicale indépendante du Luxembourg (OGB-L) et de la Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens (LCGB) dans une communication en date du 12 novembre 2020, a retiré à l’ALEBA la qualité de syndicat sectoriel représentatif au motif que, avec une représentativité de 49,22 pour cent aux élections de mars 2019 à la Chambre des salariés, elle ne remplirait plus les conditions requises prévues par l’article L.161-7 (2) du Code du travail, qui requiert une représentation de 50 pour cent des voix pour justifier de la reconnaissance syndicale sectorielle. L’organisation plaignante fait observer que ce score de 49,22 pour cent correspond à celui des deux confédérations réunies et que ces dernières ont mis deux ans à s’apercevoir que pareille représentation de l’ALEBA était insuffisante au regard de l’article L.161-7 (2) du code. L’organisation plaignante allègue que le résultat des élections à l’époque «avait été accepté par tout le monde» et que le ministre avait déclaré à la presse au lendemain des élections que l’ALEBA, malgré son score inférieur de 0,78 pour cent à la norme de 50 pour cent, conservait la qualité de syndicat sectoriel représentatif. Ce revirement aurait pour effet, selon les termes utilisés par l’organisation plaignante, de «fragiliser l’ALEBA dans les pourparlers en cours».
  2. 523. Selon l’organisation plaignante, cette obligation quant aux 50 pour cent serait en contradiction avec l’article L.162-1 (3) du code selon lequel «doivent être admis à la commission de négociation [en vue d’une convention collective] le ou les syndicats ayant obtenu isolément ou ensemble 50 pour cent des suffrages au moins lors de la dernière élection pour les délégations du personnel dans les entreprises ou établissements relevant du champ d’application de la convention collective». Il y aurait donc des critères différents entre l’article L.161-7 (2) et l’article L.162-1 (3). En tout état de cause, ces dispositions auraient pour effet de protéger les centrales syndicales dites à représentativité nationale.
  3. 524. L’organisation plaignante précise que sa plainte s’inscrit en continuation directe de celle qu’elle avait formée devant le comité en 1998 (cas no 1980) dans laquelle elle dénonçait le fait que, aux termes de la loi de 1965 concernant les conventions collectives de travail et de l’interprétation jurisprudentielle qui en était faite, pour prétendre à la représentativité et signer seule une convention collective, une organisation de travailleurs devait attester une importance numérique sur le territoire national et également être présente dans plusieurs secteurs de la vie économique. Elle rappelle que, dans son examen du cas, le comité avait remis en cause cette double exigence aux fins de la représentativité et que la Cour administrative, dans deux décisions en date du 28 juin 2001 (arrêts 12533C et 12534C), avait également rejeté l’exigence de la plurisectorialité réclamée par l’État.
  4. 525. L’organisation plaignante fait en outre observer que la recommandation du comité n’aurait été que partiellement reprise dans la législation nationale, puisque l’article 7 de la loi du 30 juin 2004 portant sur les relations collectives de travail, devenu l’article L.161-7 du Code du travail, requiert pour les syndicats sectoriels au sens de l’article L.161-6 une représentation de 50 pour cent des voix aux dernières élections de la Chambre des salariés pour justifier de leur reconnaissance syndicale sectorielle. L’organisation plaignante dénonce enfin le fait que les dispositions de l’article 9 (1) de la loi du 30 juin 2004, relatif aux syndicats faisant partie d’office de la commission de négociation d’une convention collective, n’ont pas été intégralement reprises dans le Code du travail, en ce sens que l’article L.162-1 (1) du code ne vise plus que les syndicats plurisectoriels, alors que l’article 9 (1) précité visait aussi les syndicats sectoriels. La conséquence est que l’ALEBA ne peut plus représenter d’office les employés pour la négociation d’une convention collective, y compris dans son propre secteur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 526. Dans sa communication en date du 16 mars 2022, le gouvernement fournit les informations suivantes quant aux faits:
    • i) l’arrêté pris par le ministre du Travail en date du 2 mars 2021 par lequel l’ALEBA s’est vu retirer la reconnaissance de la représentativité sectorielle a été pris conformément à la procédure visée par l’article L.161-8 du Code du travail. Cet arrêté ministériel a été pris à la demande de I’OGB-L et de la LCGB, conformément aux dispositions légales;
    • ii) à la suite à la dénonciation partielle par l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL) de la convention collective des salariés de banque en date du 11 novembre 2020, l’ALEBA aurait entamé de sa propre initiative des négociations avec l’ABBL ainsi qu’avec l’Association des compagnies d’assurance et de réassurances (ACA), à l’issue desquelles ces dernières auraient trouvé un accord de principe quant à la reconduction des conventions collectives respectives pour une durée de trois ans;
    • iii) l’arrêté ministériel a été pris sur la base du rapport circonstancié de l’Inspection du travail et des mines (ITM) remis au ministre en date du 23 février 2021. L’ITM a conclu après analyse des critères légaux que l’ALEBA n’avait pas atteint le seuil des 50 pour cent des voix lors des dernières élections sociales de 2019 prévu à l’article L.161-7 (2) du Code du travail et que, par conséquent, la demande en retrait présentée conjointement par l’OGB L et la LCGB était fondée eu égard aux critères quantitatifs;
    • iv) A la suite à la publication de l’arrêté ministériel du 2 mars 2021, l’ALEBA a intenté, en date du 26 mars 2021, un recours devant le Tribunal administratif de Luxembourg visant à faire annuler, sinon réformer, l ’arrêté ministériel. L’affaire sera examinée le 17 janvier 2023 devant la 3ème Chambre pour plaidoiries;
    • v) Le recours en référé déposé par l’ALEBA en date du 26 mars 2021 devant le Tribunal administratif de Luxembourg a été rejeté en date du 4 mai 2021
  2. 527. Le gouvernement rejette les allégations quant à la prétendue non-conformité du droit national avec la recommandation du Comité de mars 2001 en matière de représentativité syndicale. Le gouvernement considère au contraire que la loi du 30 juin 2004 fait suite à ladite recommandation du Comité ainsi qu’aux arrêts rendus par la Cour administrative en juin 2001, en vue de fixer clairement les critères de représentativité. Il fait observer que l’ALEBA invoque de tels reproches plus de quinze ans après la publication de la loi de 2004. Jusqu’au retrait de la reconnaissance de la représentativité sectorielle par le biais de l’arrêté ministériel du 2 mars 2021, l’ALEBA n’a jamais formulé la moindre critique ou contesté le bien-fondé de la loi du 30 juin 2004, codifiée ensuite aux articles L.161-1 et suivants du Code du travail.
  3. 528. S’agissant de la prétendue contradiction entre l’article L.161-7 du Code du travail (qui requiert une représentation de 50 pour cent des voix aux dernières élections de la Chambre des salariés pour justifier d’une reconnaissance syndicale sectorielle) avec l’article L.162-1 (3) du code (selon lequel doivent être admis à la commission de négociation en vue d’une convention collective le ou les syndicats ayant obtenu isolément ou ensemble 50 pour cent des suffrages au moins lors de la dernière élection pour les délégations du personnel), le gouvernement considère qu’aucune contradiction n’est à déplorer entre ces deux textes de loi, leurs contenus n’ayant pas le même objet. Selon le gouvernement, l’article L.161-7 du Code pose la condition des seuils à respecter en vue de justifier d’une représentativité sectorielle, tandis que l’article L.162-1 du code a trait à la composition d’une commission de négociation d’une convention collective de travail. À cet égard, la disposition de l’article L.162-1 (3) s’applique à tout syndicat répondant aux critères des 50 pour cent indépendamment du fait d’une quelconque représentativité sectorielle ou nationale.
  4. 529. S’agissant du résultat des élections à la Chambre des salariés lors desquelles l’ALEBA a obtenu 49,22 pour cent des voix, le gouvernement indique que c’est en raison de différends avec l’OGB-L et la LCGB à l’occasion de la négociation de la convention collective dans le secteur bancaire que les deux confédérations auraient finalement contesté cette représentativité. Le gouvernement fait observer qu’aucune demande de retrait en représentativité sectorielle n’avait été introduite à la suite des résultats de ces élections en 2019, ce qui pourrait valoir reconnaissance de la représentativité sectorielle dans le chef de l’ALEBA malgré le non-respect du seuil des 50 pour cent, mais en aucun cas cela ne saurait constituer un droit acquis.
  5. 530. Le gouvernement fait enfin observer que l’ALEBA a évidemment la possibilité de présenter des listes aux prochaines élections sociales et d’atteindre à ce moment-là les seuils requis pour lui permettre de prétendre de nouveau à la reconnaissance de la qualité de syndicat justifiant de la représentativité dans ce secteur particulièrement important de l’économie. L’ALEBA ne perd donc pas définitivement sa représentativité sectorielle.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 531. Le comité note que la présente plainte porte sur le retrait de la représentativité sectorielle de l’ALEBA par le ministre en charge du travail à la suite du résultat des élections à la Chambre des salariés de mars 2019, ce qui aurait en particulier pour effet d’affecter sa capacité à valablement négocier et conclure des conventions collectives dans le secteur des banques et des assurances. Le comité observe que c’est la deuxième fois, à plus de vingt ans d’intervalle, qu’il est saisi par l’ALEBA d’une question concernant la qualité représentative de l’organisation plaignante en tant qu’organisation sectorielle.
  2. 532. Le comité note que: i) l’article 7 de la loi du 30 juin 2004 portant sur les relations collectives de travail, devenu l’article L.161-7 du Code du travail, requiert pour les syndicats sectoriels au sens de l’article L.161-6 une représentation de 50 pour cent des voix aux dernières élections de la Chambre des salariés, pour justifier de leur reconnaissance syndicale sectorielle; et ii) c’est sur cette base que le ministre du Travail, par arrêté ministériel du 2 mars 2021 pris à la demande de l’OGB-L et de la LCGB, a retiré à l’ALEBA la qualité de syndicat sectoriel représentatif au motif que, avec une représentativité de 49,22 pour cent aux élections de mars 2019 à la Chambre des salariés, elle ne remplirait plus les conditions requises pour être syndicat sectoriel représentatif. Le comité note que le gouvernement indique à cet égard que l’arrêté ministériel a été pris, conformément à la procédure visée à l’article L.161-8 du Code du travail, sur la base du rapport circonstancié de l’ITM remis au ministre en date du 23 février 2021 qui a conclu que l’ALEBA n’avait pas atteint, lors des dernières élections sociales de 2019, le seuil des 50 pour cent des voix prévu à l’article L.161-7 (2) du code et que, par conséquent, la demande en retrait présentée conjointement par l’OGB-L et la LCGB était fondée eu égard aux critères quantitatifs.
  3. 533. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, l’obligation quant aux 50 pour cent serait en contradiction avec l’article L.162-1 (3) du Code du travail, selon lequel doivent être admis à la commission de négociation [en vue d’une convention collective] le ou les syndicats ayant obtenu isolément ou ensemble 50 pour cent des suffrages au moins lors de la dernière élection pour les délégations du personnel dans les entreprises ou établissements relevant du champ d’application de la convention collective. Il y aurait ainsi des critères différents entre l’article L.161-7 (2) et l’article L.162-1 (3). Le comité note à ce propos que le gouvernement considère qu’il n’y a pas de contradiction entre ces deux textes, leurs contenus n’ayant pas le même objet: l’article L.161-7 du code pose la condition des seuils à respecter en vue de justifier d’une représentativité sectorielle, tandis que l’article L.162-1 du code a trait à la commission de négociation d’une convention collective de travail; en outre, l’article L.162-1(3) du code s’applique à tout syndicat répondant aux critères des 50 pour cent indépendamment du fait d’une quelconque représentativité sectorielle ou nationale.
  4. 534. Le comité prend note de ces observations. Le comité note que la reconnaissance sectorielle au sens de l’article L.161-7 précité ouvre droit à une série de prérogatives pour l’organisation concernée, au rang desquelles la participation à la négociation collective ainsi que la signature des conventions collectives dans le secteur concerné, la participation à la conclusion d’accords nationaux ou interprofessionnels, la présentation de listes aux élections des délégations du personnel, la participation à certaines décisions de l’entreprise, l’octroi de congés-formation ou encore la désignation de représentants des travailleurs à certaines instances.
  5. 535. Le comité note que, aux élections à la Chambre des salariés de 2019, l’OGB-L a obtenu 31,58 pour cent des suffrages, la LCGB 19,20 pour cent, contre 49,22 pour cent pour l’ALEBA. Le comité observe que cette diminution de représentativité sectorielle par rapport aux élections précédentes à la Chambre des salariés implique que l’ALEBA ne disposerait plus du poids suffisant lui permettant de signer seule une convention collective. Le comité constate également que, au regard de la lecture conjuguée des articles L.161-7 et L-162-1 du Code du travail, au-delà de la signature, c’est la participation à la négociation collective de l’organisation sectorielle qui ne semble plus acquise. En effet, le comité note que pour être admis à la commission des négociations, lorsque les conditions de l’article L.161-7 ne sont pas remplies, il faut: i) une décision à l’unanimité des syndicats remplissant les conditions pour siéger à la commission de négociation au titre de l’article L.162-1 (2) du code (c’est -à-dire les syndicats justifiant de la représentativité nationale générale); ou ii) que (…) le ou les syndicats aient obtenu isolément ou ensemble 50 pour cent des suffrages au moins lors de la dernière élection pour les délégations du personnel dans les entreprises ou établissements relevant du champ d’application de la convention collective (article L.162-1 (3)). Le comité observe que l’ALEBA ne remplirait pas non plus cette condition: d’après les résultats des élections pour la désignation des délégués du personnel communiqués par le plaignant, l’OGB-L et la LCGB réuniraient ensemble 27,57 pour cent des effectifs dans le secteur des finances, contre 30,09 pour cent pour l’ALEBA.
  6. 536. Le comité souhaite rappeler que dans un cas où, à la lumière de considérations d’ordre national, le droit d’engager des négociations collectives avait été restreint au bénéfice de deux syndicats nationaux ouvriers en général, il a estimé que cela ne devait pas empêcher le syndicat représentant la majorité des travailleurs d’une certaine catégorie de s’occuper de la sauvegarde des intérêts de ses membres. Le comité a ainsi recommandé d’inviter le gouvernement à étudier les mesures qui pourraient intervenir, en tenant compte des conditions nationales particulières, en vue de permettre à ce syndicat d’être associé à la procédure de négociation collective de telle sorte qu’il puisse y représenter de façon adéquate et y défendre les intérêts collectifs de ses membres. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1385.] Le comité considère en l’espèce que, bien qu’elle soit passée en-deçà du seuil des 50 pour cent à la suite des élections de 2019 à la Chambre des salariés, l’ALEBA reste le syndicat le plus représentatif de son secteur, ce que le gouvernement ne conteste pas, et qu’elle devrait en conséquence pouvoir continuer à défendre les intérêts collectifs de ses membres.
  7. 537. Dans ce contexte, le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires qui conviendraient, pour veiller à ce que le syndicat le plus représentatif d’un secteur puisse pleinement défendre les intérêts de ses membres, en particulier en prenant part à la négociation des conventions collectives pertinentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la décision du Tribunal administratif de Luxembourg qui sera rendue quant au fond.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 538. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires qui conviendraient, pour veiller à ce que le syndicat le plus représentatif d’un secteur puisse pleinement défendre les intérêts de ses membres, en particulier dans le cadre de la négociation des conventions collectives pertinentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la décision du Tribunal administratif de Luxembourg qui sera rendue quant au fond.
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