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Interim Report - REPORT_NO395, June 2021

CASE_NUMBER 3395 (El Salvador) - COMPLAINT_DATE: 14-AUG-20 - Active

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent l’assassinat pour motifs antisyndicaux de M. Weder Arturo Meléndez Ramírez, dirigeant syndical et employé de la municipalité de San Salvador

  1. 174. La plainte figure dans une communication de l’Association salvadorienne des travailleurs municipaux (ASTRAM) et du Syndicat des travailleurs de la municipalité de San Salvador (STAMSS) datée du 14 août 2020 (reçue le 4 décembre 2020).
  2. 175. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 7 mai 2021.
  3. 176. El Salvador a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 177. Les organisations plaignantes dénoncent l’assassinat pour motifs antisyndicaux de M. Weder Arturo Meléndez Ramírez (ci-après «M. Meléndez»), dirigeant syndical et employé de la Direction des déchets solides de la municipalité de San Salvador, survenu le 7 août 2020, vers 18 h 45, dans le quartier Guatemala 1 de San Salvador.
  2. 178. Les organisations plaignantes indiquent que, d’après les informations qui leur ont été rapportées, alors que M. Meléndez se trouvait dans le quartier susmentionné, deux individus à moto l’ont accosté, puis l’un d’eux a mis pied à terre, est parti à sa poursuite et a fait feu sur lui à dix reprises; enfin, les deux individus ont pris la fuite sur leur machine vers une destination inconnue. Les organisations plaignantes précisent que M. Meléndez est décédé pendant son transport à l’hôpital de l’Institut salvadorien de sécurité sociale et que les premières constatations médicales ont permis d’établir qu’il avait succombé à des blessures par arme à feu.
  3. 179. Les organisations plaignantes affirment que M. Meléndez était l’un de leurs plus importants dirigeants syndicaux et qu’il était extrêmement investi dans le travail social mené par son organisation. Elles précisent que M. Meléndez a été assassiné dans l’exercice de ses activités syndicales, c’est-à-dire pendant qu’il prenait livraison dans le quartier susmentionné d’un don de pain destiné aux communautés bénéficiant d’un appui permanent du mouvement syndical.
  4. 180. D’après les organisations plaignantes, M. Meléndez était l’un des dirigeants syndicaux qui dénonçaient publiquement sur différents médias, y compris les réseaux sociaux, les irrégularités commises au sein de la municipalité de San Salvador, sous l’autorité du maire de l’époque. Entre autres irrégularités, les organisations plaignantes soulignent le fait que, malgré les retenues effectuées sur les salaires des travailleurs, les sommes destinées aux sociétés de gestion des fonds de pension, à l’Institut salvadorien de sécurité sociale et au Fonds social pour le logement, ainsi qu’au remboursement des crédits contractés par ces travailleurs auprès de différents établissements bancaires ou financiers, ne sont pas versées à qui de droit. Cette irrégularité, préjudiciable aux travailleurs concernés, a été signalée au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (ci-après le «MTPS»), qui a adressé un avis au bureau du Procureur général de la République (ci-après le «Procureur général»).
  5. 181. Les organisations plaignantes allèguent qu’elles disposent de suffisamment d’éléments pour conclure que l’assassinat du dirigeant syndical n’était pas un crime de droit commun, mais qu’il visait à l’empêcher de porter des accusations en sa qualité de dirigeant syndical.
  6. 182. Les organisations plaignantes font savoir que M. Meléndez n’était en conflit avec personne, qu’il ne se connaissait nul ennemi et que le maire de l’époque était la seule personne qui avait déclaré avoir des problèmes avec le dirigeant syndical au motif que celui-ci l’avait dénoncé pour appropriation ou retenue de cotisations au détriment des travailleurs de la municipalité de San Salvador. Les organisations plaignantes indiquent que, dans la mesure où M. Meléndez était l’une des personnes qui, en sa qualité de représentant des travailleurs, s’attachait à dénoncer toutes les irrégularités commises par le maire de l’époque, on ne saurait exclure que cette circonstance ait pu être le motif de son assassinat. En outre, selon les organisations plaignantes, il est de notoriété publique que le maire de l’époque entretient des relations étroites avec des membres de bandes ou de gangs et qu’il est poursuivi pour ce chef devant les tribunaux de San Salvador.
  7. 183. Les organisations plaignantes ajoutent que, quelques jours avant l’assassinat du dirigeant syndical, le maire de l’époque avait l’intention de le licencier en raison des plaintes qu’il déposait contre lui, et que la question de ce licenciement a été examinée lors de la 26e assemblée extraordinaire du conseil d’administration de la direction municipale de gestion durable des déchets solides qui s’est tenue le 18 juillet 2020 dans les locaux du complexe municipal Diego de Holguín. Au cours de cette assemblée, le maire de l’époque aurait, d’après les organisations plaignantes, déclaré notamment qu’il assumerait toutes les conséquences juridiques du licenciement de M. Meléndez, puis, après que cette question eut été inscrite à l’ordre du jour, le licenciement de l’intéressé a été mis au vote. Les organisations plaignantes précisent que toutes les personnes présentes à l’assemblée, sauf une, ont voté en faveur du licenciement et que l’unique personne qui a voté contre a par la suite été licenciée par le conseil municipal. La notification du licenciement de M. Meléndez ne s’était pas concrétisée et était en cours au moment de son décès.
  8. 184. Selon les organisations plaignantes, le fait que le maire de l’époque ait tenté de licencier le dirigeant syndical et qu’il se soit exprimé de manière inconvenante à son égard démontre que M. Meléndez faisait l’objet d’une persécution syndicale, d’où l’on peut déduire que le maire de l’époque était probablement lié à l’assassinat.
  9. 185. Enfin, les organisations plaignantes prient le comité de demander au gouvernement de mener sans délai une enquête efficace sur l’assassinat de M. Meléndez et d’exiger que les autorités, en particulier celles de la municipalité de San Salvador, respectent pleinement la liberté syndicale, afin d’éviter de nouveaux actes de répression ou de nouvelles attaques contre les dirigeants syndicaux, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la municipalité.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 186. Dans une communication du 7 mai 2021, le gouvernement transmet des informations sur les actions menées par le MTPS, le Procureur général et la Police nationale civile en relation avec l’assassinat de M. Meléndez. Dans la même communication, le gouvernement informe de la déclaration du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme du 9 août 2020 qui condamne l’assassinat de M. Meléndez et demande au Procureur général et à la Police nationale civile de mener une enquête efficace, en considérant toutes les alternatives possibles, y compris le fait que la cause de l’assassinat pourrait être des représailles pour les activités syndicales accomplies par M. Meléndez.
  2. 187. Le MTPS indique qu’il a pris des mesures pour que les instances judiciaires compétentes ouvrent sans tarder une enquête sur l’assassinat de M. Meléndez. Il précise qu’il a à cet effet condamné cet assassinat dans des déclarations publiques devant différents médias et entrepris des démarches auprès du ministre du Travail du Guatemala dans son rôle de président pro tempore du Conseil des ministres d’Amérique centrale et de la République dominicaine pour l’informer des faits incriminés et solliciter son soutien.
  3. 188. Le MTPS indique en outre que, en vertu des pouvoirs constitutionnels dont il est investi et de sa propre initiative, il a en octobre 2020 et mars 2021: i) adressé des avis pénaux au Procureur général pour lui demander de mener les enquêtes pertinentes; ii) mis à la disposition du Procureur général des informations concernant les responsables présumés de l’assassinat de M. Meléndez, après avoir reçu la déclaration d’un citoyen sollicitant le statut de témoin protégé. Enfin, le MTPS affirme que le crime organisé touche les dirigeants syndicaux qui, comme M. Meléndez, dénoncent la corruption ambiante.
  4. 189. Le gouvernement soumet les informations fournies par le Procureur général au sujet des mesures que celui-ci a prises dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de M. Meléndez. Parmi ces mesures figurent l’interrogation de témoins et des autres personnes sous statut protégé, la surveillance visuelle policière du lieu où les faits se sont produits ainsi que du véhicule du dirigeant syndical et du véhicule qui l’a transporté à l’hôpital, l’examen médico-légal et l’autopsie du corps, ainsi que la saisie de certains biens. Le Procureur général ajoute qu’il dispose d’une copie certifiée conforme du dossier d’emploi de M. Meléndez et des avis pénaux que le MTPS et, en 2020, l’ASTRAM, lui ont adressés au sujet de l’assassinat de M. Meléndez.
  5. 190. Finalement, parmi les annexes à sa communication du 7 mai 2021, le gouvernement a transmis un document intitulé «Proposition de réforme du code pénal», élaboré par le MTPS qui, dans le but d’améliorer la protection de la liberté syndicale, propose de modifier diverses dispositions du code pénal relatives à l’homicide aggravé, aux lésions aggravées, aux menaces aggravées et à la contrainte, afin d’inclure les agressions qui touchent spécifiquement les dirigeants syndicaux et les syndicalistes parmi les hypothèses de ces infractions.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 191. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes dénoncent l’assassinat pour motifs antisyndicaux de M. Weder Arturo Meléndez Ramírez (ci-après «M. Meléndez»), dirigeant syndical et employé de la municipalité de San Salvador, qui s’est produit le 7 août 2020 à San Salvador, alors que M. Meléndez, selon les allégations des organisations plaignantes, menait des activités syndicales d’assistance sociale.
  2. 192. Le comité déplore profondément l’assassinat de M. Meléndez. Il note avec préoccupation que les organisations plaignantes établissent un lien entre l’assassinat et l’activité revendicative du dirigeant syndical, et en particulier le fait qu’il aurait dénoncé publiquement les irrégularités commises par celui qui à l’époque était le maire de la municipalité de San Salvador. Le comité note que, aux dires des organisations plaignantes, le dirigeant, en raison des faits décrits ci-dessus, faisait l’objet d’une persécution syndicale de la part du maire de l’époque, qui se serait exprimé de manière inconvenante à son égard et aurait eu l’intention de le licencier avant son décès;selon les allégations des organisations plaignantes, il ne pouvait donc pas être exclu que ce conflit ait pu conduire à son assassinat.
  3. 193. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement. Le comité note tout d’abord que le gouvernement informe de la déclaration du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme du 9 août 2020 qui condamne l’assassinat de M. Meléndez et demande au Procureur général et à la Police nationale civile de mener une enquête efficace, en considérant toutes les alternatives possibles, y compris le fait que la cause de l’assassinat pourrait être des représailles pour les activités syndicales accomplies par M. Meléndez.
  4. 194. Le comité prend ensuite note des indications du gouvernement concernant les actions menées par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (ci après le «MTPS») au sujet de l’assassinat de M. Meléndez, à savoir: i) la condamnation publique de l’assassinat, tant dans diverses tribunes nationales qu’au niveau international; ii) la demande faite au Procureur général de la République (ci-après le «Procureur général») de mener les enquêtes pertinentes; iii) la mise à disposition du Procureur général d’informations concernant les responsables présumés de l’assassinat de M. Meléndez, sur le fondement de la déclaration d’un citoyen qui a sollicité le statut de témoin protégé. Le comité note également que, d’après le MTPS, le crime organisé touche les dirigeants syndicaux qui, comme M. Meléndez, dénoncent la corruption ambiante.
  5. 195. Le comité note également que le gouvernement rend compte des mesures prises par le Procureur général et la Police nationale civile, qui incluent l’interrogation de témoins et des autres personnes sous statut de protection, la surveillance visuelle policière du lieu où les faits se sont produits, du véhicule du dirigeant syndical et du véhicule qui l’a transporté à l’hôpital, l’examen médico-légal et l’autopsie du corps, la saisie de certains biens ainsi que et l’obtention d’une copie certifiée conforme du dossier d’emploi de M. Meléndez.
  6. 196. Le comité prend enfin note de que, parmi les annexes à sa communication, le gouvernement a transmis un document intitulé «Proposition de réforme du code pénal», élaboré par le MTPS qui, dans le but d’améliorer la protection de la liberté syndicale, propose de modifier diverses dispositions du code pénal relatives à l’homicide aggravé, aux lésions aggravées, aux menaces aggravées et à la contrainte, afin d’inclure les agressions qui touchent spécifiquement les dirigeants syndicaux et les syndicalistes parmi les hypothèses de ces infractions.
  7. 197. Le comité prend dûment note de ces différents éléments. Il déplore profondément l’assassinat de M. Meléndez et rappelle que le droit à la vie est la condition de base de l’exercice des droits consacrés dans la convention no 87 (ratifiée par El Salvador), que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 81 et 84.]
  8. 198. Tout en prenant note des mesures prises à ce jour par le MTPS, le Procureur général et la Police nationale civile pour enquêter et faire la lumière sur les faits relatifs à l’assassinat de M. Meléndez, le comité rappelle également que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Compilation, paragr. 94.]
  9. 199. Ayant observé que les organisations plaignantes allèguent que l’assassinat de M. Meléndez est la conséquence de ses activités syndicales, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes: i) donnent la priorité aux enquêtes en cours et déploient tous les efforts nécessaires pour identifier dans les meilleurs délais les auteurs matériels et les commanditaires de l’assassinat et les sanctionner; et ii) tiennent pleinement compte dans le cadre des enquêtes de tous les éléments pertinents liés à l’activité syndicale de M. Meléndez. Le comité rappelle qu’il importe que tous les actes de violence visant les syndicalistes, qu’il s’agisse d’assassinats, de disparitions ou de menaces, fassent l’objet d’enquêtes appropriées. En outre, la simple ouverture d’une enquête ne met pas fin à la mission du gouvernement; celui-ci est tenu de donner tous les moyens nécessaires aux instances chargées de ces enquêtes pour que celles-ci aboutissent à l’identification et à la condamnation des coupables. [Voir Compilation, paragr. 102.] Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais des avancées réalisées à cet égard.
  10. 200. À la lumière des faits dénoncés, le comité prie en outre le gouvernement de garantir que les travailleurs de l’institution au sein de laquelle M. Meléndez exerçait ses responsabilités syndicales bénéficient d’une protection adéquate contre tout acte tendant à leur porter atteinte en raison de leur participation à des activités syndicales.
  11. 201. En ce qui concerne la «Proposition de réforme du Code Pénal», élaboré par le MTPS dans le but d’améliorer la protection de la liberté syndicale des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, le comité prie le gouvernement de fournir des informations actualisées sur le traitement accordé à cette initiative.
  12. 202. Enfin, le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 203. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore profondément l’assassinat du dirigeant syndical M. Meléndez et prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes: i) donnent la priorité aux enquêtes en cours et déploient tous les efforts nécessaires pour identifier dans les meilleurs délais les auteurs matériels et les commanditaires de l’assassinat et les sanctionner; ii) tiennent pleinement compte dans le cadre des enquêtes de tous les éléments pertinents liés à l’activité syndicale de M. Meléndez. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais des avancées réalisées à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de s’assurer que les travailleurs de l’institution au sein de laquelle M. Meléndez exerçait ses responsabilités syndicales bénéficient d’une protection adéquate contre tout acte tendant à leur porter atteinte en raison de leur participation à des activités syndicales.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations actualisées sur le traitement accordé à l’initiative «Proposition de réforme du Code Pénal», élaboré par le MTPS dans le but d’améliorer la protection de la liberté syndicale des dirigeants syndicaux et des syndicalistes,
    • d) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.
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