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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration- 76. Le comité a examiné pour la dernière fois ce cas dans lequel
l’organisation plaignante, la Confédération syndicale internationale (CSI), a allégué
des obstacles à l’enregistrement créés par la loi de 2014 sur les syndicats ayant
entraîné la dissolution de syndicats ainsi que des actes d’intimidation et des
poursuites à l’encontre de dirigeants syndicaux, à sa réunion de juin 2018. [Voir
386e rapport, paragr. 424-474.] À cette occasion, le comité a formulé les
recommandations suivantes:
- a) Le comité s’attend à ce que les articles 11(3), 12(3), 13(2) et
(3), et 14(4) de la loi sur les syndicats soit modifiés sans délai supplémentaire, en
consultation avec les partenaires sociaux, de manière à garantir le droit des
travailleurs de décider librement s’ils veulent s’associer à une structure syndicale de
niveau supérieur ou en devenir membres et à abaisser les seuils prescrits pour la
création d’organisations de niveau supérieur. Il prie le gouvernement de le tenir
informé de tout progrès accompli à cet égard.
- b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait
nouveau concernant le cas de Mme Kharkova et d’indiquer, dans la mesure où cette
dernière déciderait de rembourser les 6 millions de tenge, à quelle entité les fonds
seraient versés et de quelle manière.
- c) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce
cas.
- 77. Par ses communications en date des 12 octobre 2018 et 14 novembre
2019, la CSI soumet les informations suivantes. Suite à sa radiation le 28 mars 2017, la
Confédération des syndicats indépendants du Kazakhstan (KNPRK) a entrepris plusieurs
tentatives d’enregistrement sous un nouveau nom. Toutes ces tentatives ont échoué, car
les autorités publiques ont continué à bloquer l’enregistrement. Le 4 septembre 2018,
après une nouvelle tentative, les autorités ont approuvé le nom proposé pour
l’organisation – la Confédération des syndicats libres – mais ont refusé
l’enregistrement parce que l’un des membres fondateurs faisait l’objet d’une procédure
judiciaire en lien avec une facture de services publics impayée. Cette nouvelle
objection était fondée sur les dispositions de la loi no 2198 du 17 avril 1995 sur
l’enregistrement des personnes morales auprès de l’État et l’enregistrement des branches
et cellules de représentation, telle que modifiée le 30 août 2018. Le 18 septembre 2018,
le syndicat a de nouveau tenté de s’enregistrer, mais la demande a été rejetée une
nouvelle fois en raison de l’absence, précédemment non contestée, d’indication d’une
adresse postale complète du syndicat dans ses statuts et de la présence d’une clause
stipulant que la nouvelle organisation est un successeur légal de la KNPRK dissoute.
Selon la CSI, la loi du 17 avril 1995, telle qu’elle est actuellement en vigueur,
prévoit des motifs vagues et larges de refus d’enregistrement, ce qui permet
l’arbitraire et crée des obstacles supplémentaires à l’enregistrement des syndicats.
Selon l’article 11(6) de la loi, l’enregistrement d’une personne morale peut être refusé
en cas «d’existence d’actes et de décisions judiciaires (interdictions, arrestations)
établis par des huissiers de justice et des organes chargés de l’application de la loi».
La CSI considère que le refus continu d’enregistrer les syndicats sur la base de petites
erreurs formelles révèle le fait que les autorités publiques jouissent en pratique de
pouvoirs discrétionnaires en matière d’enregistrement des syndicats. Le 17 septembre
2018, le syndicat de la région de Mangistau au Kazakhstan, anciennement affilié à la
KNPRK, s’est vu refuser son enregistrement en raison de l’absence de stipulation de
certaines responsabilités (non spécifiées) du syndicat dans ses statuts, de l’absence de
mandat pour les rapports d’audit interne du syndicat et d’une faute d’orthographe dans
le nom du syndicat.
- 78. Selon l’organisation plaignante, la ligne d’assistance téléphonique
que le gouvernement a mise en place pour faciliter le processus d’enregistrement des
syndicats n’a ni la capacité ni le mandat nécessaires pour remplir son rôle. Avant ses
tentatives de réenregistrement et après avoir reçu des décisions négatives du ministère
de la Justice, la KNPRK a contacté le service d’assistance téléphonique à plusieurs
reprises. Le personnel de la ligne d’assistance n’était pas prêt à donner des conseils
sur la procédure d’enregistrement ou l’interprétation de la législation applicable. Au
lieu de cela, le personnel de la ligne d’assistance a renvoyé la KNRPK devant le
ministère de la Justice.
- 79. L’organisation plaignante invoque en outre l’absence de protection
contre les actes d’ingérence dans les affaires internes des syndicats. À cet égard, elle
allègue que, à la suite de la révocation par la direction de la Oil Construction Company
du président démocratiquement élu du syndicat d’entreprise, M. Amin Eleusinov, les
autorités ont bloqué plusieurs tentatives de la direction du syndicat d’élire un nouveau
président. Au lieu de cela, selon la CSI, les autorités ont reconnu l’élection d’un
autre candidat désigné par la direction, en dépit des preuves d’ingérence directe, par
le biais de menaces et d’actes d’extorsion, pour conduire à un vote favorable par la
force. Le 1er mars 2018, le conseil exécutif du syndicat a élu M. Kuspan Kosshygulow,
président par intérim du syndicat. Le 2 mars 2018, la direction a licencié
rétroactivement M. Kosshygulow pour avoir enfreint les règles de sécurité et de santé en
participant à une grève de la faim en janvier 2017. Parallèlement, la direction a
organisé une conférence d’une semaine au cours de laquelle les membres du conseil
exécutif du syndicat ont été menacés jusqu’à ce qu’ils signent un faux procès-verbal
approuvant l’élection du président désigné par la direction. Par la suite, le nouveau
président a collaboré avec la direction dans la demande de dissolution du syndicat. Le
conseil exécutif du syndicat a tenté de réélire M. Kosshygulow en organisant une autre
session du conseil le 3 mars 2018, mais le ministère de la Justice de la région de
Mangistau a refusé de reconnaître le nouveau président. La tentative du syndicat de
contester en justice l’autorité du président désigné par la direction n’a pas abouti. Le
18 avril 2018, le tribunal d’Aktau a validé l’élection, malgré les preuves fournies par
un certain nombre de membres du conseil exécutif du syndicat selon lesquelles
l’employeur a eu recours à des menaces et à des actes d’extorsion pour obtenir par la
force un vote en faveur du candidat désigné par la direction et malgré le rôle joué par
le président dans la demande de dissolution du syndicat.
- 80. La CSI allègue en outre que des dirigeants syndicaux continuent de
faire l’objet de diverses procédures judiciaires. Mme Larisa Kharkova, dirigeante de la
KNPRK, qui a été reconnue coupable de détournement de fonds syndicaux, fait maintenant
face à un procès pour dommage-intérêts en responsabilité civile. En juillet 2017,
Mme Kharkova a été reconnue coupable d’avoir causé un préjudice matériel à hauteur de
2 560 394 tenge (environ 6 019,05 euros). En septembre 2018, Mme Kharkova a été
poursuivie en dommage-intérêts par le Syndicat local des ambulanciers (LPSRMP), une des
organisations ayant participé à la procédure pénale engagée contre elle. Mme Kharkova a
fait appel de ses condamnations pénales devant la Cour suprême le 21 septembre 2018. Si
elle est tenue à réparation, Mme Kharkova devra verser une somme égale à plus de cent
fois le salaire mensuel minimum. La CSI souligne que le salaire minimum mensuel au
Kazakhstan est de l’ordre de 22 859 tenge (environ 53,74 euros). L’absence de procédure
régulière dans la procédure pénale engagée contre Mme Kharkova, qui l’expose désormais à
un procès en responsabilité civile pour des dommages-intérêts d’un montant exorbitant,
constitue, selon la CSI, une tentative manifeste d’empêcher toute possibilité pour elle
de s’engager dans des activités syndicales à l’avenir et s’inscrit dans le cadre de
l’action concertée visant à porter atteinte à l’existence de la KNPRK.
- 81. La CSI allègue également que M. Erlan Baltabay, dirigeant du Syndicat
indépendant des travailleurs du pétrole et de l’énergie, l’un des syndicats fondateurs
de la KNPRK et du Syndicat indépendant des travailleurs de la société pétrochimique
Petro Kazakhstan «Travail décent», a fait l’objet d’une enquête pénale pour détournement
présumé de fonds syndicaux d’un montant de 10 800 000 tenge (environ 26 000 euros). La
décision d’ouvrir une enquête pénale, similaire à celle concernant Mme Kharkova, a été
prise sans tenir compte de l’absence de preuve d’un quelconque préjudice pécuniaire pour
le syndicat. Peu après, les bureaux du Syndicat indépendant des travailleurs de la
société pétrochimique Petro Kazakhstan «Travail décent» ont été perquisitionnés et toute
la documentation interne du syndicat a été saisie. La CSI exprime son inquiétude face
aux attaques ciblées contre M. Baltabay, qui visent à décourager les travailleurs de
s’affilier à la KNPRK. La CSI indique que, le 16 octobre 2019, M. Baltabay a été à
nouveau emprisonné pendant cinq mois à titre de sanction pour avoir refusé de payer
l’amende qui lui avait été infligée en vertu d’un décret présidentiel. Selon le décret,
la peine de prison de sept ans de M. Baltabay a été remplacée par une amende d’environ
4 000 dollars des États-Unis. Cependant, l’interdiction d’exercer ses droits civils
pendant les sept années suivantes est restée intacte, ce qui l’empêche d’accomplir ses
fonctions syndicales. La CSI allègue que le cas de M. Baltabay n’a pas été examiné par
la cour d’appel et que, par conséquent, son droit d’accès à la justice lui a été
effectivement dénié; les accusations pénales portées contre lui étaient infondées et la
procédure était entachée de vices à plusieurs égards, notamment le fait que M. Baltabay
a été reconnu coupable de détournement de fonds en l’absence de toute preuve d’intention
d’utiliser les fonds pour son enrichissement personnel.
- 82. Dans sa communication en date du 10 mai 2020, le gouvernement fait
savoir que le 4 mai 2020, le Président de la République du Kazakhstan a signé la loi
«sur les amendements et ajouts à certains textes législatifs de la République du
Kazakhstan relatifs à des questions de travail». En vertu de cette loi, certains textes
législatifs concernant les activités syndicales ont été modifiés. Le gouvernement
souligne que les amendements législatifs en question sont le résultat du travail
effectué pour mettre en œuvre les recommandations de l’OIT, comme le reflète la «feuille
de route» du 14 mai 2018, et les décisions de la session de juin 2019 de la Conférence
internationale du Travail. Le gouvernement se réfère notamment aux points clés suivants
découlant de l’adoption de la législation modificative: le principe de la verticalité
obligatoire des syndicats a été supprimé et la procédure d’enregistrement des syndicats
a été rationalisée. Le gouvernement souligne que ces amendements, préparés en
consultation avec l’OIT, ont été discutés et convenus avec les syndicats.
- 83. Le comité note avec intérêt l’adoption d’amendements à la loi sur les
syndicats, qui tiennent compte de ses conclusions antérieures et attire l’attention de
la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR)
sur les aspects législatifs de ce cas.
- 84. En ce qui concerne la question de l’enregistrement, le comité prend
note des allégations détaillées de la CSI quant à l’utilisation arbitraire et
discrétionnaire des règles et règlements en vue de retarder ou de refuser
l’enregistrement de syndicats indépendants. Il prend également note des informations
fournies par le gouvernement à la CEACR pour sa session de novembre-décembre 2019, qui
détaillent les orientations et les conseils donnés aux syndicats pour les aider dans ce
processus. Le comité regrette toutefois de constater que le gouvernement n’a fourni
aucune information concernant les divers obstacles décrits par l’organisation plaignante
en relation avec la demande d’enregistrement de la KNPRK. Il prie instamment le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la KNPRK ou l’organisation qui
lui succédera et ses affiliés soient enregistrés sans délai et se voient garantir une
autonomie et une indépendance totales dans l’exercice de leur activité syndicale. Il
prie le gouvernement de fournir des informations sur tous les faits nouveaux à cet égard
et de répondre pleinement aux allégations des organisations plaignantes.
- 85. Le comité regrette en outre que le gouvernement ne fournisse aucune
information sur les faits nouveaux concernant le cas de Mme Kharkova. Le comité rappelle
que Mme Kharkova, présidente de la KNPRK, désormais radiée, a été condamnée à quatre ans
de restriction à sa liberté de mouvement, cent jours de travail obligatoire et cinq ans
d’interdiction d’exercer des fonctions au sein d’une organisation publique ou non
gouvernementale. Le comité avait précédemment pris note de la visite d’une mission
tripartite de haut niveau au Kazakhstan en mai 2018, qui a rencontré Mme Kharkova. Le
comité a également pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle la décision
dans son cas était définitive, mais que le tribunal avait accédé à la demande de
Mme Kharkova d’être exemptée de travaux d’intérêt général (cent heures par an).
Mme Kharkova pouvait également soumettre une demande de libération conditionnelle à
partir du 9 février 2019 et, dès le 9 novembre 2018, demander le remplacement de sa
restriction de liberté par le paiement d’une amende. Pour cela, Mme Kharkova devait
rembourser intégralement le montant des dommages (6 millions de tenge). Notant avec
préoccupation les dernières allégations soumises par la CSI concernant un nouveau procès
en cours contre Mme Kharkova pour un préjudice de plus de 2,5 millions de tenge, le
comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la
situation de Mme Kharkova, y compris sur l’état d’avancement du nouveau procès allégué
contre elle.
- 86. Le comité note avec préoccupation l’allégation relative à
l’emprisonnement, le 16 octobre 2019, de M. Erlan Baltabay, dirigeant du Syndicat
indépendant des travailleurs du pétrole et de l’énergie. Le comité regrette l’absence de
réponse du gouvernement à cet égard. Le comité croit comprendre qu’il a été libéré de
prison le 20 mars 2020, mais que, bien qu’il ait purgé la totalité de sa nouvelle peine
de prison, il est toujours interdit de toute activité publique, y compris d’activités
syndicales, pendant les sept prochaines années, comme le prévoyait la peine précédente.
Le comité prie instamment le gouvernement de fournir d’urgence ses observations
détaillées à cet égard.
- 87. Le comité prend note de l’allégation d’ingérence dans une élection
syndicale au sein d’une compagnie pétrolière et prie le gouvernement de présenter ses
observations à ce sujet.