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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration- 49. Le présent cas, dans lequel l’organisation plaignante dénonce le licenciement d’une responsable syndicale, Mme Obradovic, par son employeur, l’usine d’aluminium de Podgorica (l’entreprise d’aluminium), sous prétexte de l’exercice de ses activités syndicales, ainsi que le refus de l’autoriser à pénétrer dans les locaux du syndicat après son licenciement, a été examiné pour la dernière fois par le comité à sa réunion d’octobre 2018. [Voir 387e rapport, paragr. 35-41], approuvé par le Conseil d’administration à sa 334e session. A cette occasion, se félicitant de la décision de la Cour suprême du Monténégro d’annuler les jugements rendus par les juridictions inférieures et de renvoyer l’affaire à l’administrateur de la faillite pour réexamen, le comité a demandé de nouveau que les revendications de Mme Obradovic soient réexaminées minutieusement et sans délai en vue d’assurer sa réintégration à titre de première mesure corrective s’il devait apparaître que son licenciement était motivé par ses activités syndicales, ou de lui verser une indemnisation adéquate si la réintégration n’était pas possible pour des raisons objectives et impérieuses. Etant donné que Mme Obradovic exerçait toujours la fonction de représentante syndicale, le comité s’attendait à ce qu’elle dispose, sans délai, d’un accès raisonnable au lieu de travail et aux locaux du syndicat pour y exercer ses attributions. Enfin, notant que la loi modifiée sur les faillites ne semblait pas traiter les droits au travail autres que les «salaires et autres revenus», le comité a prié le gouvernement de préciser si les modifications apportées garantissent également la protection des droits des salariés d’une entreprise en faillite en vertu de la législation régissant les droits du travail de façon plus générale, y compris en ce qui concerne les plaintes pour discrimination antisyndicale, mesures de représailles et licenciement abusif.
- 50. Dans une communication en date du 2 novembre 2018, l’organisation plaignante fait savoir que, à la suite de l’annulation par la Cour suprême en juin 2018 des jugements rendus par le tribunal de commerce et par la cour d’appel, l’affaire a été renvoyée à l’administrateur de la faillite pour réexamen, et Mme Obradovic a demandé au juge des faillites en charge du dossier d’annuler la décision illégale par laquelle l’administrateur avait mis fin à son engagement du fait de ses activités syndicales. Selon l’organisation plaignante, le réexamen du dossier a donné à penser que le gouvernement se conformerait pour finir aux recommandations du comité; toutefois, au terme du réexamen en première instance, l’administrateur de la faillite a pris la même décision que précédemment, sans tenir compte des recommandations du comité, alors qu’elles lui avaient été rappelées par l’avocat de Mme Obradovic. L’organisation plaignante demande donc au comité d’exhorter le gouvernement à donner effet à ses recommandations antérieures dans le présent cas et à protéger Mme Obradovic de la discrimination antisyndicale, de l’injustice de longue date et des contrecoups qu’elle subit.
- 51. Dans une communication en date du 28 février 2019, le gouvernement fait le point sur l’évolution de l’affaire Obradovic: i) en avril 2018, la Cour constitutionnelle du Monténégro a jugé recevable le recours constitutionnel formé par Mme Obradovic, annulé la décision de la Cour suprême rendue en décembre 2015 et renvoyé l’affaire devant cette juridiction pour un nouveau procès; ii) en juin 2018, la Cour suprême a annulé les jugements rendus par le tribunal de commerce et la cour d’appel et ordonné que l’action entamée par Mme Obradovic soit considérée comme un recours contre la décision de mars 2015 prise par l’administrateur de la faillite; iii) le 3 septembre 2018, le tribunal de commerce a rejeté comme dénué de fondement le recours introduit par Mme Obradovic contre la décision de l’administrateur de la faillite; iv) Mme Obradovic a interjeté appel de cette décision dans les délais prescrits, mais, le 10 décembre 2018, la cour d’appel a confirmé la décision du tribunal de commerce et rejeté le recours comme étant dénué de fondement; v) la cour d’appel a estimé que le licenciement de Mme Obradovic était intervenu conformément aux termes de son contrat (contrat de durée déterminée prolongé au plus tard jusqu’à la vente des biens de l’entreprise, qui a eu lieu en juin 2014) et conformément à la loi sur les faillites et à la législation du travail; les allégations selon lesquelles ce licenciement était motivé par les activités syndicales de l’intéressée ne sont étayées ni par le dossier ni par aucun élément de preuve; en outre, Mme Obradovic n’a pas été privée de son droit de recours et a pu contester la décision prise par l’administrateur de la faillite; Mme Obradovic ne saurait se prévaloir des recommandations du comité dans la procédure judiciaire engagée, étant donné que la cour se prononce sur la base de la Constitution, des lois et des traités internationaux ratifiés et publiés; vi) la procédure judiciaire engagée par Mme Obradovic contre la décision de l’administrateur de la faillite a été dûment close; et vii) la totalité des biens du débiteur (l’entreprise d’aluminium) ayant été vendus à une autre entreprise, l’administrateur de la faillite ne peut accorder à Mme Obradovic l’accès aux locaux syndicaux pour ses activités syndicales.
- 52. Le gouvernement ajoute que la loi sur les faillites est une lex specialis qui s’applique de manière impérative dans les situations de faillite, c’est-à-dire en cas d’insolvabilité permanente ou d’endettement. La procédure de faillite consiste en une procédure judiciaire menée par la juridiction compétente, et les parties engagées sont le juge des faillites, l’administrateur de la faillite et le comité de créanciers. La procédure de faillite, une fois engagée, met fin aux contrats de travail conclus par le débiteur avec les salariés, si bien qu’il est mis fin à l’engagement de tous les salariés par force de loi. Toutefois, l’administrateur de la faillite peut, avec l’assentiment du juge des faillites, recruter les effectifs nécessaires pour clore les activités en cours de l’entreprise ou mener la procédure de faillite, comme dans le cas de Mme Obradovic.
- 53. Quant à l’interprétation de l’article 79, paragraphe 4, de la loi sur les faillites (qui est maintenant l’article 29, paragraphe 4), le gouvernement précise que, dans la loi sur les faillites de 2011, cet article stipulait que l’administrateur de la faillite, sur avis du conseil des créanciers et avec l’assentiment du juge des faillites, déterminait les revenus et salaires des employés d’une entreprise en faillite. Etant donné que cet article traitait uniquement de la question des revenus pendant une procédure de faillite et ne couvrait pas entièrement la situation des salariés, des modifications législatives ont été proposées. La loi de 2016 portant modification et amendement de la loi sur les faillites a modifié l’article concerné afin de régir la situation des salariés d’une entreprise en faillite et prévoit désormais, concernant le niveau de rémunération mais aussi d’autres droits fondés sur l’emploi d’une personne engagée pour clore les activités en cours de l’entreprise ou mener la procédure de faillite, que ces droits sont fixés par l’administrateur de la faillite conformément aux lois régissant les droits des travailleurs. Selon le gouvernement, la modification de la loi a permis de traiter les salariés d’une entreprise en faillite sur un pied d’égalité avec tous les travailleurs au Monténégro et de renforcer leur protection en matière d’emploi.
- 54. En ce qui concerne l’évolution de l’affaire Obradovic, le comité observe, d’après les informations et documents fournis par le gouvernement et l’organisation plaignante, que, à la suite de l’annulation par la Cour suprême en juin 2018 des jugements rendus par les juridictions inférieures, le recours de Mme Obradovic a été réexaminé par le tribunal de commerce et la cour d’appel en septembre et décembre 2018, respectivement, et déclaré de nouveau sans fondement par ces deux juridictions. Le comité note en particulier que la cour d’appel a considéré que le licenciement de l’intéressée était intervenu conformément à la loi sur les faillites et à la législation du travail, ainsi qu’aux termes de son contrat (un contrat de durée déterminée prolongé au plus tard jusqu’à la vente des biens de l’entreprise, qui a eu lieu en juin 2014), et que les allégations selon lesquelles la résiliation du contrat de Mme Obradovic était motivée par l’exercice de ses activités syndicales étaient dénuées de fondement, puisque ni le dossier ni aucun élément de preuve ne venait les étayer. Le comité note enfin que la cour d’appel a estimé que Mme Obradovic n’avait pas été privée du droit de recours et avait pu contester la décision prise par l’administrateur de la faillite, et que l’issue de la procédure judiciaire engagée au niveau national semble indiquer que le licenciement de Mme Obradovic n’était pas motivé par ses fonctions de représentante syndicale, mais plutôt par le fait que son contrat de durée déterminée avait pris fin lors de la vente des biens de l’entreprise. Rappelant que le comité a souligné l’importance qu’il attache à la priorité à accorder au maintien dans l’emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel afin de garantir la protection effective de ses dirigeants [voir Compilation du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1157], le comité considère que cette approche s’applique également aux procédures de faillite, en particulier lorsque la production se poursuit. Le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que toute procédure de faillite se déroulera dans le futur, conformément à ce qui précède.
- 55. En ce qui concerne l’accès aux locaux syndicaux, le comité regrette que le gouvernement ne détaille pas les mesures prises pour assurer cet accès à Mme Obradovic et observe qu’il est simplement indiqué, dans l’un des documents soumis, que la totalité des biens de l’entreprise d’aluminium ayant été vendus à une autre entreprise, l’administrateur de la faillite ne peut lui donner accès aux locaux syndicaux pour exercer des activités syndicales. Tout en prenant bonne note des informations ci-dessus, le comité rappelle que les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation [voir Compilation, op. cit., paragr. 1591] et s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires afin que Mme Obradovic, pendant toute la durée de son mandat de représentante syndicale, ait raisonnablement accès aux locaux syndicaux pour exercer ses fonctions.
- 56. En ce qui concerne l’interprétation de la loi sur les faillites, le comité prend note des éclaircissements fournis par le gouvernement et croit comprendre, d’après les informations communiquées, que ladite loi est appliquée en tant que lex specialis dans les situations de faillite, mais que, depuis la modification de 2016, les droits des travailleurs engagés pour clore les activités d’une entreprise ou pour mener une procédure de faillite sont déterminés par l’administrateur de la faillite conformément à la législation du travail applicable.