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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO387, October 2018

CASE_NUMBER 3170 (Peru) - COMPLAINT_DATE: 10-SEP-15 - Closed

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Allégations: licenciements antisyndicaux, non respect de conventions collectives et refus d’accorder des congés syndicaux dans plusieurs entreprises du secteur textile, ainsi que refus de négocier par branche dans ce secteur et absence de progrès en ce qui concerne l’abrogation de dispositions législatives qui entravent l’exercice de droits syndicaux

  1. 576. La plainte figure dans des communications de la Fédération des travailleurs du textile du Pérou (FTTP) datées des 10 août et 24 novembre 2015 et du 6 décembre 2016.
  2. 577. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 1er juin, 19 septembre et 31 octobre 2016, des 3 mai, 25 août et 11 septembre 2017, et du 24 juillet 2018.
  3. 578. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 579. Dans ses communications des 10 août et 24 novembre 2015, la Fédération des travailleurs du textile du Pérou (FTTP) allègue le refus de mener une négociation collective par branche dans le secteur textile, l’absence de progrès en ce qui concerne l’abrogation de dispositions législatives qui entravent l’exercice de droits syndicaux et des atteintes à l’exercice de la liberté syndicale dans plusieurs entreprises du secteur, y compris des licenciements antisyndicaux et des mesures visant à favoriser la démission de certains syndicalistes afin de désorganiser les syndicats, le non-respect d’un accord sur les rémunérations, le non paiement d’indemnités prévues par convention collective ainsi que le refus d’accorder des congés syndicaux et l’entrave à leur octroi.
  2. 580. Premièrement, l’organisation plaignante dénonce le fait qu’aucune norme ou directive n’ait été adoptée pour mettre en place une négociation collective par branche d’activité ou par profession depuis que ce droit a été reconnu dans les années quatre-vingt-dix, lors des modifications apportées au droit du travail et à la Constitution. Elle rappelle que le comité avait déjà été saisi à la suite du refus du comité du textile du pays d’accepter le cahier de revendications national par branche que lui avait présenté l’organisation plaignante. En ce qui concerne la présente plainte, l’organisation plaignante allègue que, dans le cadre d’une nouvelle tentative de négociation par branche, elle a présenté un cahier de revendications national du secteur textile le 30 mars 2015. Une fois celui-ci accepté par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, les parties ont été convoquées en vue d’entamer une négociation collective. Le comité du textile de la Société nationale des industries (SNI) a alors de nouveau présenté des objections et a refusé d’examiner le cahier de revendications. L’organisation plaignante ajoute que, une fois que les objections présentées ont été rendues irrecevables par la FTTP et le ministère du Travail, les parties ont de nouveau été convoquées, mais qu’elles ont été informées que le dossier avait été égaré. Ainsi, l’organisation plaignante essaie de sortir de cette impasse afin de poursuivre la procédure de négociation prévue par la loi.
  3. 581. Deuxièmement, l’organisation plaignante allègue des atteintes à l’exercice de la liberté syndicale dans plusieurs entreprises du secteur textile.
  4. 582. L’organisation plaignante allègue que l’entreprise Creditex S.A.C. (ci-après «entreprise textile 1»), après trois ans d’octroi sans interruption de congés syndicaux rémunérés en vertu d’une convention collective fédérale à M. Vicente Castro Yacila, dirigeant syndical et secrétaire général national de la FTTP, a fait savoir que, à partir de mai 2015, les congés en question seraient sans solde (non rémunérés) et que les cotisations correspondantes pour des prestations de santé et de retraite seraient suspendues, et a invité l’intéressé, au moyen d’incitations financières, à démissionner. A cet égard, la FTTP et la Confédération des travailleurs du Pérou (CTP) ont déposé une demande d’inspection auprès de la Direction générale nationale de l’inspection du travail (SUNAFIL) afin que le droit à des congés syndicaux rémunérés soit rétabli. Ainsi, en mars 2015, la FTTP a demandé au service juridique du ministère de l’Emploi et de la Promotion de l’emploi de se prononcer sur le droit de ses dirigeants de bénéficier de congés syndicaux rémunérés. L’organisation plaignante indique que, par l’intermédiaire de la communication no 2946-2015-MTPE du 4 août 2015, le service en question s’est prononcé en faveur de la FTTP et que, face au refus de l’entreprise de continuer à accorder des congés syndicaux audit dirigeant syndical, une plainte a été déposée auprès de la dixième chambre du Tribunal du travail de Lima. S’agissant de cette plainte, l’organisation plaignante signale que: i) le 3 décembre 2015, le pouvoir judiciaire a prononcé une mesure provisoire ordonnant le rétablissement de l’octroi et de la rémunération des congés syndicaux du secrétaire général de la FTTP; ii) si l’entreprise textile 1 respecte la mesure provisoire, elle exige la justification des congés syndicaux – elle doit en être prévenue et informée tous les mois pour que ces congés soient rémunérés – en vertu d’une norme (décret-loi no 14481 relatif aux dispositions nécessaires à la participation des membres du Conseil national du travail aux séances de cette instance) qui n’a rien à voir avec les congés syndicaux en question (prévus par la convention fédérale de 1984); iii) le 28 mars 2016, le Tribunal spécial permanent du travail de Lima chargé des questions de travail a rendu une décision (no 67 2016-10º JETP) dans laquelle il a déclaré fondée la plainte de la FTTP et ordonné de rétablir M. Castro Yacila dans son droit à un congé syndical rémunéré à titre permanent et de lui verser les rémunérations non touchées ainsi que les prestations sociales correspondantes aux congés non rémunérés qu’il a pris; et iv) l’entreprise textile a interjeté appel de la décision, lequel a été jugé recevable et est en instance d’examen.
  5. 583. L’organisation plaignante allègue que l’entreprise Fábrica de Tejidos Pisco S.A.C. (ci-après «entreprise textile 2») refuse d’appliquer des décisions ministérielles visant à donner effet aux mesures convenues à la suite d’une grève organisée à la fin de l’année 2010 pour obtenir une hausse de salaire de 2,60 soles par jour (environ 0,78 dollar E. U.) et que cette revendication, après avoir été jugée légitime par différentes instances judiciaires, continue de faire l’objet d’actions en justice. La FTTP signale que, avec l’intention d’intimider les syndicalistes quelques jours avant une audience tenue par la Cour suprême pour examiner cette question, en novembre 2015, l’entreprise a convoqué la direction du syndicat pour l’informer qu’elle avait décidé, en vertu de la loi relative à la productivité et la compétitivité professionnelle, de licencier 185 travailleurs, dont la majorité des dirigeants syndicaux. Face à la réaction de la FTTP, l’entreprise a pris contact avec les travailleurs concernés pour les inciter à démissionner en échange d’importantes sommes d’argent, l’objectif étant de démanteler l’organisation syndicale. Dans une communication complémentaire, l’organisation plaignante ajoute que: i) saisie par l’entreprise au sujet de la résiliation collective de 75 contrats de travail, motivée par de supposées circonstances économiques objectives, l’autorité du travail d’Ica a désapprouvé à deux reprises cette procédure de licenciement collectif; ii) l’entreprise a présenté un recours en révision, qui a abouti à une décision directoriale de nullité dans laquelle il est ordonné de prendre une nouvelle décision dûment motivée (mais sans remettre en cause les jugements rendus); iii) or l’autorité du travail d’Ica, sans tenir compte des jugements qu’elle avait rendus et de la décision directoriale, a finalement estimé que le recours de l’entreprise était fondé et a approuvé la demande de résiliation collective de 75 contrats de travail pour des motifs objectifs, en s’appuyant sur des appréciations complètement erronées; iv) le 22 février 2016, l’entreprise a saisi la Direction régionale du travail d’Ica pour demander la suspension provisoire de 59 travailleurs, lesquels ont été suspendus le lendemain et le restent à ce jour; et v) le 26 octobre 2016, dans une nouvelle décision directoriale, le recours en révision présenté par le syndicat de l’entreprise a été jugé fondé, la décision d’approuver la demande de licenciement collectif de 75 travailleurs déclarée nulle et la Direction régionale du travail d’Ica priée de rendre une nouvelle décision en la matière. La FTTP allègue en outre que ladite entreprise refuse d’accorder des congés syndicaux à M. Francisco Juvencio Luna Acevedo, dirigeant du syndicat des travailleurs de l’entreprise textile 2 et sous secrétaire général de la FTTP, et à M. Hernán Carbajal Melgar, secrétaire chargé des activités techniques et statistiques de la FTTP, mais que l’inspection du travail, du fait de la corruption des fonctionnaires, a rendu une décision en faveur de l’entreprise.
  6. 584. L’organisation plaignante allègue que l’entreprise textile Nuevo Mundo S.A. (ci-après «entreprise textile 3»), en vertu de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels, a licencié M. Cesar Augusto Velazco Díaz (le 10 avril 2015) et M. Luis Nazario Villafana Machado (le 4 mai 2015) pour s’être affiliés au syndicat de travailleurs de l’entreprise, ainsi que M. José Alfredo Bedia Sierra (le 14 mars 2016), membre du syndicat, et M. Emilio Albert Quiñones Zavala (le 15 novembre 2016), membre du syndicat, pour avoir engagé une action en justice. Pour chacun des salariés, l’entreprise a justifié sa décision en invoquant l’arrivée à échéance de leur contrat. L’organisation plaignante précise que, quelques mois auparavant, à la suite des travaux des services d’inspection et au moyen de la décision provinciale no 262-2014 du 22 décembre 2014, une amende de 608 000 soles (environ 185 000 dollars E. U.) a été infligée à l’entreprise pour infraction en matière de relations de travail et entrave aux travaux d’inspection, au motif que l’entreprise dénaturait la relation de travail des contrats à durée déterminée et que 629 travailleurs (y compris les deux syndicalistes licenciés) devaient disposer de contrats à durée indéterminée (l’organisation plaignante a déposé un recours contre cette sanction, car le syndicat de l’entreprise et la FTTP avaient demandé, par intérêt légitime, à être associés au traitement de cette affaire, laquelle est en instance de règlement). Le licenciement des syndicalistes a également fait l’objet de procédures judiciaires: i) en ce qui concerne M. Velazco Díaz, l’organisation plaignante indique que, dans le cadre d’une mesure provisoire, le syndicaliste a repris le travail, mais que, deux mois plus tard et quelques jours avant l’audience définitive, l’entreprise l’a convaincu, par des incitations financières, à renoncer à son emploi, ce qu’il a fait sans en informer le syndicat et la fédération qui assuraient sa défense; ii) s’agissant de M. Villafana Machado, l’organisation plaignante signale que l’entreprise lui a également proposé de l’argent pour qu’il renonce à l’action intentée devant les tribunaux et que la procédure judiciaire correspondante est toujours en cours; iii) en ce qui concerne M. Bedia Sierra, une audience de conciliation a été organisée, mais l’intéressé a refusé la somme offerte par l’entreprise pour régler définitivement le différend, lequel reste donc en instance de règlement; et iv) s’agissant de M. Quiñones Zavala, une plainte a été déposée pour dénaturation du contrat, mais, du fait de la grève générale, un recours en révision pour demander l’annulation du licenciement n’a pas encore été présenté. Par ailleurs, l’organisation plaignante allègue que l’entreprise ne verse pas les indemnités de repas ou de collation prévues par convention collective à 95 pour cent des travailleurs employés au titre d’un contrat à durée déterminée dans le cadre du régime des exportations de produits non traditionnels. Le syndicat de l’entreprise et la FTTP ont engagé des poursuites judiciaires à cet égard, lesquelles sont également en cours.
  7. 585. Troisièmement, l’organisation plaignante allègue que le pouvoir législatif n’a toujours pas inscrit à son programme de discussions un projet de loi qui vise à abroger les articles 32, 33 et 34 de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels et d’autres dispositions qui portent constamment atteinte à l’exercice des droits des travailleurs du secteur textile.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 586. Dans ses communications, le gouvernement transmet les observations des autorités publiques et des institutions et entreprises concernées sur les allégations de l’organisation plaignante.
  2. 587. En ce qui concerne l’allégation d’entrave à la négociation collective par branche dans le secteur textile, le gouvernement indique que la législation nationale ne comporte aucun obstacle à la négociation collective par branche. Il cite à cet égard le texte de l’article 45 de la loi sur les relations collectives de travail (LRCT), dans laquelle il est établi que: «s’il n’existe pas préalablement une convention collective à l’un quelconque des niveaux mentionnés à l’article précédent, les parties décideront, d’un commun accord, du niveau auquel elles négocieront la première convention. Faute d’accord, la négociation aura lieu au niveau de l’entreprise. Si une convention existe à un niveau quelconque, l’accord des parties est indispensable pour engager des négociations sur des dispositions de remplacement ou des dispositions complémentaires, étant donné que de telles dispositions ne pourraient être édictées ni par acte administratif ni par sentence arbitrale [...].» Le gouvernement transmet aussi les observations de la SNI, selon lesquelles: i) le comité du textile de la SNI n’a pas de personnalité juridique et ne représente pas l’industrie textile, il ne fait que fournir des conseils spécialisés aux entreprises affiliées à la SNI (qui ne regroupe pas toutes les entreprises textiles du pays); ii) si la SNI est dotée d’une personnalité juridique, elle n’a pas pour mission de représenter ses affiliés pour des questions de nature professionnelle relatives aux conditions de travail ou aux rémunérations (ce qui a été étayé auprès du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi); iii) il est inexact d’affirmer que le ministère du Travail a décidé que la négociation devait avoir lieu au niveau de la branche, car, selon la loi, une négociation collective n’a lieu au niveau de la branche d’activité que si les deux parties en expriment la volonté, ce qui n’est pas le cas dans l’industrie textile du Pérou; et iv) les entreprises mènent une négociation collective directement avec leur syndicat respectif.
  3. 588. En ce qui concerne les allégations de refus d’accorder des congés syndicaux rémunérés au secrétaire général de l’organisation plaignante et d’entrave à leur octroi de la part de l’entreprise textile 1, le gouvernement fait savoir que plusieurs inspections ont été diligentées dans cette entreprise et qu’il en est ressorti que cette question faisait l’objet d’une procédure judiciaire et ne relevait donc pas de la compétence de l’inspection du travail. A cet égard, dans sa dernière communication, le gouvernement signale que, dans le cadre de cette procédure judiciaire, une audience doit se tenir pour se prononcer sur le recours de l’entreprise contre la décision en faveur de l’octroi de congés syndicaux rendue en première instance. Le gouvernement transmet également les observations de l’entreprise textile 1, selon lesquelles: i) le différend porte sur un congé syndical permanent, lequel ne serait supposément plus accordé à M. Castro Yacila depuis le mois de mai 2015; ii) le congé syndical rémunéré porte sur une durée de deux cents jours selon la convention collective applicable depuis 1984, et cette question est examinée dans le cadre d’une procédure judiciaire, au titre de laquelle se tiendra une audience complémentaire après que la Cour supérieure de justice de Lima a déclaré nulle la décision no 67-2016-10º JETP rendue au préalable; iii) depuis mai 2014, M. Castro Yacila n’est plus membre du syndicat des travailleurs de l’entreprise textile 1 et a rejoint une autre organisation, la FTTP; iv) dans la décision no 67 2016 10º JETP, rendue en première instance, il est reconnu que le congé syndical rémunéré n’est pas de durée indéterminée et qu’il est octroyé chaque fois que le travailleur le sollicite pour mener des activités syndicales; v) la décision a été déclarée nulle au seul motif qu’elle ne précisait pas si la durée de deux cents jours du congé se rapportait à une année ou à l’ensemble du mandat de quatre ans de M. Castro Yacila en tant que secrétaire général de la FTTP; vi) étant donné que l’octroi du congé est subordonné à l’exécution de fonctions syndicales en tant que dirigeant de la FTTP, il faudrait que le travailleur susmentionné justifie dûment ses absences liées à la conduite de ses activités syndicales; vii) de sa propre initiative, le travailleur présentait des tableaux à l’appui de ses demandes de congé syndical rémunéré, mais a cessé de le faire depuis le mois de janvier 2017; viii) en outre, M. Castro Yacila a demandé des congés rémunérés en sa qualité de membre du Conseil national du travail et du Conseil national de la sécurité et de la santé au travail, et s’est absenté de son poste de travail alors que ces organismes ne tiennent pas de réunion; et ix) malgré cela, l’entreprise rémunère les congés syndicaux pris par M. Castro Yacila, conformément à la mesure provisoire dont il bénéficie, bien que le pouvoir judiciaire ait clairement établi que les congés syndicaux rémunérés ne devaient être utilisés qu’à des fins syndicales. A cet égard, en ce qui concerne l’allégation relative à l’exigence de présenter des convocations et invitations ayant trait à l’activité syndicale pour obtenir des congés et le fait que cette pratique ne serait pas conforme aux conditions d’octroi de congés syndicaux prévues par les conventions fédérales en vigueur, le gouvernement donne des informations détaillées sur le cadre juridique applicable (législation et jurisprudence nationales) en rappelant de manière générale que: i) selon l’article 32 de la LRCT, «La convention collective doit contenir des dispositions visant à favoriser la conduite d’activités syndicales, en ce qui concerne les réunions, les communications, les autorisations et les congés» et, en l’absence de convention collective, «l’employeur n’est tenu d’accorder un congé aux dirigeants syndicaux dont le mandat est prévu par le règlement que lorsque ceux-ci doivent assister à des réunions obligatoires»; ii) conformément à la législation en vigueur, les parties (employeur et travailleurs) peuvent prendre les dispositions nécessaires pour faciliter l’octroi de congés syndicaux au moyen de conventions collectives et, à cet égard, n’ont aucune raison de modifier la procédure prévue dans une convention collective, surtout si une telle modification porte atteinte ou constitue une entrave à l’exercice du droit en question; et iii) dans le cas contraire, l’employeur peut définir la procédure d’octroi de congés syndicaux, laquelle doit être conforme à l’exercice des droits collectifs. A la suite de son analyse juridique, le gouvernement souligne que: a) la législation ne prévoit pas que les employeurs puissent demander, comme condition préalable à l’octroi de congés, la présentation de quelque motif que ce soit; b) l’octroi de congés n’est subordonné qu’aux conditions prévues par la réglementation en vigueur (en particulier la LRCT, selon laquelle, en l’absence d’accord entre les parties, l’employeur doit être averti de la prise de congés au moins vingt quatre heures à l’avance, sauf cause imprévisible ou cas de force majeure); c) aucune restriction ou condition supplémentaire ne peut être imposée (encore moins par l’employeur), étant donné que les conditions applicables relèvent de l’autonomie interne reconnue aux organisations syndicales par la Constitution; d) il est beaucoup plus efficace de confier à l’organisation syndicale ou à ses membres le contrôle des motifs de congé présentés par leurs dirigeants et de la manière dont ces congés sont utilisés – défendre un point de vue contraire reviendrait à affirmer que les employeurs peuvent exercer un contrôle sur les congés syndicaux octroyés, ce qui donnerait lieu à une situation d’ingérence dans l’exercice du droit en question; et e) le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a remis les textes de la législation et de la jurisprudence applicables à l’entreprise concernée.
  4. 589. En ce qui concerne les allégations relatives à la non-application d’une augmentation salariale préalablement convenue, à des licenciements antisyndicaux et au refus d’accorder des congés à des dirigeants syndicaux de l’entreprise textile 2, le gouvernement indique qu’il a demandé à la SUNAFIL de l’informer des résultats des inspections ayant trait à ces allégations. Par ailleurs, il transmet une communication de l’entreprise concernée, dans laquelle celle-ci fait part de ses observations sur la procédure judiciaire en nullité relative aux décisions directoriales des autorités du gouvernement régional d’Ica, en soulignant que: i) à la fin de l’année 2010, le syndicat de l’entreprise a présenté un projet de négociation collective, et plusieurs réunions se sont tenues jusqu’au terme des étapes de contact direct et de négociation avec intervention du ministère du Travail (le dialogue s’est toujours maintenu); ii) en octobre 2011, le syndicat a lancé un mouvement de grève, mais l’entreprise a néanmoins maintenu le dialogue avec les dirigeants syndicaux; iii) par une décision du 25 octobre 2011, il a été mis un terme à la grève et, dans le cadre d’une convention collective, une augmentation générale de salaire de 2,60 soles (environ 0,70 dollar E. U.) et une prime de 800 soles (environ 243,61 dollars E.-U.) ont été ordonnées, les autres points du projet de convention collective n’ayant pas été retenus; iv) l’entreprise a contesté les décisions en question et, en décembre 2013, la Cour supérieure d’Ica les a déclarées nulles, ce qui a annulé l’augmentation de salaire décidée; et v) une fois la fin de la grève déclarée, les travailleurs devaient reprendre leurs fonctions habituelles, mais, bien qu’ils en aient été dûment avertis, ils ne l’ont pas fait et ont abandonné leur poste de travail pendant plus de trois jours, ce qui constitue une faute grave justifiant que l’entreprise leur ait envoyé une notification d’abandon de poste. Bien que la législation permette à l’entreprise de sanctionner cette faute par un licenciement, elle a fait preuve de bonne foi et n’a appliqué aucune sanction.
  5. 590. S’agissant des allégations concernant des licenciements, le non-versement d’indemnités de repas et de collation prévues par convention collective et la mise en œuvre abusive de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels de la part de l’entreprise textile 3, le gouvernement confirme tout d’abord que, à la suite des inspections menées, il a été constaté que l’entreprise textile 3 avait établi 629 contrats de travail sous le régime d’exportation de produits non traditionnels alors qu’elle ne remplissait pas la condition prévue par la loi correspondante (à savoir exporter directement ou indirectement 40 pour cent de la valeur de sa production annuelle vendue) et que, en vertu des décisions nos 262 2014-SUNAFIL/ILM/SIRE2 et 140-2014-SUNAFIL/ILM (qui ont épuisé la voie administrative), elle a donc été condamnée à verser 608 000 soles (environ 185 000 dollars E.-U.). Le gouvernement transmet également les observations de l’entreprise concernée, selon lesquelles: i) en ce qui concerne MM. Velazco Díaz et Villafana Machado, il est faux d’affirmer que l’entreprise les a licenciés, car, dans les deux cas, la relation de travail a pris fin du fait de l’échéance de leur contrat sous le régime d’exportation de produits non traditionnels; ii) l’entreprise a déposé une plainte contentieuse administrative pour faire annuler les décisions susmentionnées (nos 262 2014 SUNAFIL/ILM/SIRE2 et 140-2014-SUNAFIL/ILM), et cette procédure est toujours en cours à ce jour; iii) les affaires concernant MM. Velazco Díaz et Villafana Machado ont été réglées et classées à la suite des accords conclus auprès des tribunaux compétents (information dont le gouvernement a eu la confirmation auprès des autorités judiciaires concernées); iv) l’affaire concernant M. Bedia Sierra doit encore faire l’objet d’une audience de jugement; v) la plainte déposée par M. Quiñones Zavala, la FTTP et le syndicat de l’entreprise (qui allèguent une dénaturation des contrats et le non-versement d’indemnités de repas et de collation) est toujours en cours d’examen; et vi) contrairement à ce qu’affirme l’organisation plaignante, l’entreprise n’a proposé aucune incitation financière de quelque type que ce soit et verse les indemnités de repas et de collation conformément aux dispositions des conventions collectives en vigueur.
  6. 591. Pour ce qui est de l’allégation portant sur l’absence de progrès en ce qui concerne l’abrogation des articles 32, 33 et 34 de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels ainsi que d’autres dispositions connexes, le gouvernement indique que le projet de modification de la loi a été approuvé par la Commission du commerce extérieur et a été soumis pour approbation aux membres de la Commission du travail et de la sécurité.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 592. Le comité observe que la plainte porte sur des allégations de: refus de mener une négociation collective par branche dans le secteur textile; licenciements antisyndicaux et mesures visant à favoriser la démission de certains syndicalistes afin de désorganiser les syndicats; non-respect d’un accord sur l’augmentation des rémunérations; refus d’accorder des congés syndicaux et non-versement d’indemnités prévues par convention collective; ainsi qu’absence de progrès en ce qui concerne l’abrogation de dispositions législatives qui entravent l’exercice de droits syndicaux.
  2. 593. En ce qui concerne l’allégation d’entrave à la négociation collective par branche d’activité dans le secteur textile, le comité note que: i) selon le gouvernement, la législation nationale ne prévoit aucun obstacle à la négociation par branche d’activité; ii) le groupement d’entreprises concerné indique que, contrairement à ce qu’affirme l’organisation plaignante, le ministère du Travail n’a pas prescrit la tenue de négociations au niveau de la branche, étant donné que la volonté de négocier à ce niveau n’a pas été exprimée par les deux parties dans le secteur. Les négociations collectives continuent donc d’être menées au niveau de l’entreprise. A cet égard, le comité observe que le gouvernement invoque l’article 45 de la LRCT, qui prévoit que, en l’absence de convention collective et d’accord sur le niveau de négociation, la négociation est menée au niveau de l’entreprise, et que, si une convention existe à un niveau quelconque, l’accord des parties est indispensable pour engager des négociations sur des dispositions de remplacement ou des dispositions complémentaires. Le comité rappelle qu’il a eu l’occasion d’examiner la question de la détermination du niveau de négociation et de l’application de l’article 45 de la LRCT en particulier dans des cas antérieurs, que la question ait été soulevée par des organisations d’employeurs (cas no 2375, ayant trait à l’imposition de la négociation au niveau de la branche dans le secteur de la construction) ou par des travailleurs (cas no 2826, dans le cadre duquel la FTTP conteste le refus de mener une négociation collective au niveau de la branche dans le secteur textile). Dans les deux cas, le comité a souligné que le choix du niveau de négociation devrait être du ressort des partenaires eux-mêmes, car ils sont les mieux placés pour décider du niveau le plus approprié, et, en ce qui concerne les dispositions juridiques et les points dont il est de nouveau question dans le présent cas, il a prié le gouvernement d’inviter les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à créer un mécanisme de règlement des différends relatifs au niveau auquel la négociation collective devait avoir lieu et de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 45 de la LRCT de manière à ce que le niveau de négociation collective soit déterminé librement pas les parties concernées. [Voir, en particulier, 338e rapport du comité, cas no 2375, paragr. 1222 à 1228; et 362e rapport du comité, cas no 2826, paragr. 1298 à 1305.] Le comité réitère ses conclusions antérieures et, observant que les dispositions juridiques susmentionnées prévoient toujours une présomption en faveur de la négociation collective au niveau de l’entreprise en cas de désaccord, au lieu de laisser les parties et leurs capacités respectives de négociation régler la question, prie le gouvernement de consulter les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives sur la possibilité d’établir un mécanisme de règlement des différends relatifs au niveau auquel la négociation collective doit avoir lieu et sur les modifications qu’il convient d’apporter à l’article 45 de la LRCT pour faire en sorte que le niveau de négociation collective soit librement déterminé par les parties concernées. Le comité prie le gouvernement de le maintenir informé à cet égard.
  3. 594. S’agissant des allégations de refus d’accorder des congés syndicaux rémunérés au secrétaire général de l’organisation plaignante et d’entrave à leur octroi de la part de l’entreprise textile 1, le comité observe que le différend fait l’objet d’une procédure judiciaire et que, dans l’intervalle, une mesure provisoire a été prise afin de rétablir l’octroi et la rémunération des congés syndicaux de M. Castro Yacila. A propos des congés syndicaux, le comité rappelle que, s’il doit être tenu compte des caractéristiques du système de relations professionnelles prévalant dans un pays et si l’octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise, le paragraphe 10 (1) de la recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, prévoit que, dans l’entreprise, ceux-ci devraient bénéficier, sans perte de salaire ni de prestations et avantages sociaux, du temps libre nécessaire pour pouvoir remplir leurs fonctions de représentant. Le paragraphe 10 (2) précise aussi que, si les représentants peuvent être tenus d’obtenir la permission de la direction avant de prendre ce temps libre, cette permission ne devrait pas être refusée de façon déraisonnable. Le comité rappelle également que le paragraphe 10 (3) de la recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, indique que «des limites raisonnables pourront être fixées pour la durée du temps libre accordé aux représentants des travailleurs». [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1603 et 1604.] Quant à l’allégation selon laquelle, malgré la mesure provisoire, l’entreprise entrave l’octroi de congés, le comité, tout en prenant note des divergences entre les parties dans le récit des faits (l’organisation plaignante dénonce l’obligation de justifier les congés, alors que la législation ne le prévoit pas, et l’entreprise évoque la nécessité de dûment motiver les absences et indique que, même en l’absence de justification, elle continue à rémunérer les congés conformément à la mesure provisoire adoptée), observe que le gouvernement apporte des éclaircissements sur la législation applicable (en soulignant que, faute d’accord entre les parties, aucune justification ne peut être exigée comme condition préalable à l’octroi de congés et qu’aucune autre restriction ne peut être appliquée, outre celles prévues par la réglementation en vigueur, notamment la règle générale consistant à avertir de la prise de congés vingt-quatre heures à l’avance) et indique en avoir informé l’entreprise. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation, y compris du résultat de la procédure judiciaire en cours.
  4. 595. En ce qui concerne les allégations relatives au non-respect d’un accord prévoyant l’augmentation des rémunérations et à des menaces de licenciement à l’encontre de 185 travailleurs, dont la majorité des dirigeants syndicaux, se traduisant par la décision de licencier 75 travailleurs et d’en suspendre 59, ainsi que par des incitations financières visant à favoriser des démissions afin de désorganiser le syndicat et le refus d’accorder des congés syndicaux à des dirigeants de l’entreprise textile 2, le comité observe que: i) le gouvernement indique que, en mars 2017, il a demandé à la SUNAFIL de l’informer des résultats des inspections ayant trait aux allégations concernant cette entreprise, mais qu’aucune information concrète sur les enquêtes menées à cet égard n’a été fournie par le gouvernement; ii) l’entreprise signale que l’augmentation salariale évoquée a été le résultat d’une procédure de négociation collective qui a pris fin avec la prise d’une décision administrative ordonnant l’augmentation en question et que cette décision a été contestée par l’entreprise, puis déclarée nulle par le pouvoir judiciaire, annulant ainsi l’augmentation décidée dans un premier temps. Toutefois, l’entreprise ne formule pas d’observation sur les allégations de discrimination antisyndicale (licenciements, menaces de licenciement et incitation à la désaffiliation) ou de refus d’accorder des congés; et iii) selon les renseignements fournis par l’organisation plaignante, il semble qu’au moins une partie des allégations de licenciement aurait fait l’objet d’une procédure administrative, dans le cadre de laquelle l’autorité compétente aurait jugé fondé le recours en révision présenté par le syndicat de l’entreprise, déclaré nulle la décision d’approuver la demande de licenciement de 75 travailleurs et ordonné qu’une nouvelle décision soit rendue en la matière. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de l’informer des enquêtes menées sur les allégations de discrimination antisyndicale (licenciements, menaces de licenciement et incitation à la désaffiliation) et de refus d’accorder des congés, ainsi que des résultats des procédures administratives et judiciaires en question, et invite l’organisation plaignante à fournir toutes les informations concrètes dont elle dispose sur les questions qui pourraient rester en suspens.
  5. 596. En ce qui concerne les allégations de licenciement, de non-versement d’indemnités de repas et de collation prévues par convention collective et de mise en œuvre abusive de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels à des fins antisyndicales de la part de l’entreprise textile 3, le comité observe que: i) pour deux des licenciements allégués (MM. Velazco Díaz et Villafana Machado), les procédures judiciaires ont été classées, car des accords ont été trouvés dans le cadre d’une conciliation; ii) les autorités administratives d’inspection ont rendu des décisions condamnant l’entreprise pour avoir établi 629 contrats de travail sous le régime d’exportation de produits non traditionnels non conformes aux conditions requises par la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels. L’entreprise a fait appel de ces décisions et l’affaire est en instance de jugement; et iii) quant aux allégations de licenciement antisyndical de M. Bedia Sierra, de dénaturation des contrats (y compris pour M. Quiñones Zavala) et de non-versement d’indemnités de repas et de collation prévues par convention collective, elles font l’objet de procédures judiciaires en cours. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces procédures.
  6. 597. Enfin, s’agissant de l’allégation d’absence de progrès en ce qui concerne l’abrogation des articles 32, 33 et 34 de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels et d’autres dispositions connexes, le comité note que, selon le gouvernement, le projet de modification de la loi est en cours d’examen et a été approuvé par la Commission du commerce extérieur. Le comité rappelle qu’il a déjà examiné les incidences de ces dispositions, qui permettraient l’utilisation récurrente de contrats de courte durée, ainsi que les répercussions que le recours de manière répétée et indéfinie à ce type de contrat peuvent avoir sur l’exercice des droits syndicaux. [Voir 374e rapport du comité, cas no 2998, paragr. 723; et 375e rapport du comité, cas no 3065, paragr. 482.] Le comité réitère ses recommandations à cet égard et veut croire que des progrès concernant l’adoption du projet de réforme législative seront réalisés dans un bref délai.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 598. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de consulter les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives sur la possibilité d’établir un mécanisme de règlement des différends relatifs au niveau auquel la négociation collective doit avoir lieu et sur les modifications qu’il convient d’apporter à l’article 45 de la loi sur les relations collectives de travail pour faire en sorte que le niveau de négociation collective soit librement déterminé par les parties concernées. Le comité prie le gouvernement de le maintenir informé à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation concernant l’octroi de congés syndicaux au secrétaire général de l’organisation plaignante dans l’entreprise textile 1, y compris du résultat de la procédure judiciaire en cours.
    • c) Le comité prie le gouvernement de l’informer des enquêtes menées ainsi que des résultats des procédures administratives et judiciaires correspondantes ayant trait à des allégations de discrimination antisyndicale (licenciements, menaces de licenciement et incitation à la désaffiliation) et de refus d’accorder des congés, et invite l’organisation plaignante à fournir toutes les informations concrètes dont elle dispose sur les questions qui pourraient rester en suspens.
    • d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en cours ayant trait aux allégations de licenciement, de non versement d’indemnités de repas et de collation prévues par convention collective et de mise en œuvre abusive à des fins antisyndicales de la loi de promotion des exportations de produits non traditionnels de la part de l’entreprise textile 3.
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