ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO387, October 2018

CASE_NUMBER 3150 (Colombia) - COMPLAINT_DATE: 06-APR-15 - Follow-up

DISPLAYINEnglish - Spanish

Allégations: L’organisation plaignante allègue, d’une part, que la signature de nombreux pactes collectifs avec des travailleurs non syndiqués entrave la liberté syndicale et le droit de négociation collective des travailleurs et de leurs organisations et, d’autre part, qu’il n’existe pas dans le pays de mécanismes adéquats en mesure d’assurer une protection contre la discrimination antisyndicale et autres actions antisyndicales

  1. 316. La plainte figure dans une communication en date du 10 juin 2015, présentée par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT).
  2. 317. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 25 mai 2016.
  3. 318. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 319. Dans une communication en date du 10 juin 2015, l’organisation plaignante allègue, d’une part, que la signature de nombreux pactes collectifs avec des travailleurs non syndiqués entrave la liberté syndicale et le droit de négociation collective des travailleurs et de leurs organisations et, d’autre part, qu’il n’existe pas dans le pays de mécanismes adéquats en mesure d’assurer une protection contre la discrimination antisyndicale et autres actions antisyndicales. En ce qui concerne l’allégation portant sur le caractère antisyndical des pactes collectifs conclus avec les travailleurs non syndiqués, la CUT souligne tout d’abord que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a invité à plusieurs reprises le gouvernement de la Colombie à veiller, dans le but d’éviter des cas de discrimination antisyndicale, à ce que ces accords ne soient possibles qu’en l’absence d’organisations syndicales. L’organisation plaignante signale que le Comité de la liberté syndicale avait de même, à plusieurs reprises, prié le gouvernement de prendre des mesures afin d’éviter que les pactes collectifs conclus avec des travailleurs non syndiqués soient utilisés au préjudice de la liberté syndicale et de la promotion de la négociation collective avec les organisations syndicales et de veiller à ce que ces accords ne soient possibles qu’en l’absence d’organisations syndicales. L’organisation plaignante allègue plus particulièrement qu’elle a introduit, le 15 mai et le 3 décembre 2014, 34 plaintes administratives relatives à des cas d’usage antisyndical de pactes collectifs et que, à la date de l’introduction de la présente plainte, aucune des enquêtes n’a abouti et aucune inspection n’a été réalisée par les autorités; par conséquent, aucune sanction n’a été infligée. La CUT ajoute que de nombreuses organisations syndicales directement affectées par les 34 cas d’usage antisyndical de pactes collectifs en question ont introduit des plaintes au pénal devant les bureaux des procureurs pour violation de l’article 200 du Code pénal mais que, à ce jour, aucune procédure n’a été engagée, et dès lors aucune sanction pénale infligée.
  2. 320. L’organisation plaignante affirme que, dans les cas évoqués, le caractère antisyndical que revêt l’usage des pactes collectifs se traduit généralement par: i) les plus grands avantages figurant dans le pacte par rapport à ceux de la convention collective; ii) le moment choisi pour conclure le pacte soit parce qu’il est signé quelques jours après la constitution du syndicat dans le but d’éviter qu’il devienne majoritaire, soit parce que le pacte survient pendant la négociation collective avec le syndicat, de façon à garantir le contrôle par l’entreprise de la négociation et faire en sorte que les conditions de travail soient décidées de manière unilatérale; et iii) le caractère unilatéral de l’émergence et de l’adoption du pacte à l’initiative de l’employeur, ce qui est contraire aux conditions minimales exigées par le Code du travail qui cherchent à garantir que le pacte est le résultat d’une négociation libre et volontaire. L’organisation plaignante rapporte ci-après, en résumé, le contenu des 34 plaintes administratives.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 1) qui oppose le Syndicat national des travailleurs des caisses d’allocations familiales (SINALTRACAF) à FENALCO-ANDI-CONFENALCO, la CUT allègue que: i) le 11 août 2013, deux jours seulement après la conclusion de la convention collective avec SINALTRACAF, les entreprises dénoncées ont conclu un pacte collectif, applicable uniquement aux travailleurs non syndiqués, qui comportait des avantages plus favorables que ceux de la convention collective; et ii) le pacte a été conclu pour empêcher l’adhésion de nouveaux travailleurs au syndicat et affecter directement la négociation collective, en permettant que l’entreprise fixe unilatéralement les conditions de travail.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 2) qui oppose le Syndicat national des travailleurs des services de transport de Colombie à l’entreprise Compas S.A., la CUT allègue que: i) le 17 août 2012, le jour même de la signature de la convention collective, l’entreprise a établi de manière unilatérale un plan d’avantages destiné aux travailleurs non syndiqués qui comportait des conditions plus avantageuses que celles figurant dans la convention collective et l’a diffusé par courrier électronique, proposant même un bonus de 200 000 pesos colombiens en cas d’adhésion au plan; et ii) le pacte a été conclu pour empêcher l’adhésion de nouveaux travailleurs au syndicat et affecter directement la négociation collective, en permettant à l’entreprise de fixer unilatéralement les conditions de travail.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 3) qui oppose le Syndicat national des travailleurs d’Avianca (SINTRAVA) à l’entreprise Avianca, la CUT allègue que: i) afin d’encourager les travailleurs à se désaffilier des syndicats, l’entreprise a utilisé différentes modalités pour promouvoir un plan volontaire d’avantages applicable aux seuls travailleurs non syndiqués, qui comporte de meilleures conditions que celles figurant dans la convention collective; et ii) la promotion dudit plan volontaire d’avantages a entraîné une série de renoncements au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 4) qui oppose le Syndicat national des travailleurs de l’industrie chimique et/ou pharmaceutique de Colombie (SINTRAQUIM) à l’entreprise ABOCOL S.A., la CUT allègue que, en violation flagrante des dispositions expressément établies dans la convention collective, signée le 28 mars 2014, l’entreprise a mis en place, le 1er avril 2014, une politique d’avantages extralégaux en faveur des travailleurs non syndiqués, qui affecte la liberté d’affiliation au syndicat et la négociation collective libre et volontaire en déterminant de manière unilatérale les conditions de travail.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 5) qui oppose le Syndicat des travailleurs de Fortox S.A. (SINTRAFORTOX) à l’entreprise Fortox S.A., la CUT allègue que: i) le pacte conclu le 20 juillet 2012, peu après la présentation d’un cahier de revendications par le syndicat, comporte des avantages plus importants que ceux figurant dans la convention collective; ii) tous les contrats individuels de travail contiennent une clause d’adhésion au pacte collectif; et iii) l’existence et la promotion dudit pacte ont eu pour conséquence l’arrêt du processus d’affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 6) qui oppose le Syndicat national des travailleurs de Sodimac Colombia S.A. (SINTRASODIMAC) à l’entreprise Sodimac Colombia S.A., la CUT allègue que: i) le 21 février 2013, deux semaines seulement après la présentation du cahier de revendications, l’entreprise a obligé les travailleurs à adhérer à un plan d’avantages; et ii) la convention collective signée un mois plus tard, le 21 mars 2013, comporte les mêmes avantages que ceux figurant dans le plan unilatéral en question, ce qui prouve que l’entreprise cherche à contrer l’action syndicale et la négociation collective.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 7) qui oppose le Syndicat national de l’industrie alimentaire et laitière (SINTRALIMENTICIA) à la Compañía de Galletas Noel S.A., la CUT allègue que: i) l’entreprise a élaboré un pacte collectif qui offre des conditions plus avantageuses que celles de la convention collective; ii) n’ayant pas à payer de cotisation syndicale pour y avoir accès et de crainte de perdre leur emploi s’ils n’adhèrent pas à la politique de l’entreprise, de nombreux travailleurs ont décidé de ne pas s’affilier au syndicat; et iii) le pacte affecte par conséquent la liberté d’affiliation syndicale et la négociation collective libre et volontaire en imposant unilatéralement les conditions de travail.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 8) qui oppose SINTRAPULCAR à l’entreprise Papeles y Cartones S.A. (PAPELSA), la CUT allègue que, après la signature d’une convention collective en février 2014, l’entreprise a élaboré un plan d’avantages qui offre de meilleures conditions de travail aux travailleurs non syndiqués, ce qui a entraîné un mouvement important de renoncement aux affiliations au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 9) qui oppose SINTRANUTRESA à l’entreprise Comercial Nutresa S.A.S., la CUT allègue que: i) entre avril 2012 et avril 2014, l’entreprise a retardé de manière délibérée le processus de négociation de la convention collective, ce qui a motivé l’émission d’une ordonnance de l’inspection du travail à cet égard; ii) parallèlement, l’entreprise a présenté de manière unilatérale un pacte collectif aux travailleurs non syndiqués, pacte qui a pris effet le 1er juin 2013; et iii) l’entreprise a ainsi obtenu une désaffiliation importante au sein du syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 10) qui oppose SINTRAINDULECHE à l’entreprise Proleche S.A., la CUT allègue que le pacte collectif applicable aux travailleurs non syndiqués, qui vient en concurrence avec la convention collective, a été adopté au mépris des exigences légales concernant l’assemblée des travailleurs, le choix des travailleurs qui devraient négocier ledit pacte, et un processus de négociations directes.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 11) qui oppose le Syndicat national des travailleurs de l’industrie textile de Colombie (SINTRATEXTIL) – secteur de Medellín – à l’entreprise Leonisa S.A., la CUT allègue que: i) l’entreprise a élaboré un pacte collectif en 1992; ii) en 1998, une convention collective dont le contenu était identique à celui du pacte collectif a été conclue; iii) depuis 2002, le syndicat tente d’obtenir une révision de la convention collective, mais il se heurte au refus de négocier de l’entreprise, raison pour laquelle il a fallu avoir recours aux tribunaux d’arbitrage; et iv) pendant ce temps, l’entreprise renouvelle tous les deux ans le pacte collectif comportant de meilleures conditions de travail, parvenant ainsi à obtenir une baisse des affiliations syndicales.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 12) qui oppose de nouveau SINTRALIMENTICIA à la Compañía de Galletas Noel S.A., la CUT allègue que: i) l’entreprise a établi en 2011 un pacte collectif qui prévoit des avantages supérieurs à ceux de la convention collective; et ii) il s’en est suivi que 140 travailleurs ont renoncé à leur adhésion au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 13) qui oppose le Syndicat national des travailleurs du secteur de la filature, du tissage, du textile et de la confection (SINALTRADIHITEXCO) à l’entreprise Tejidos de punta Lindalana S.A.S., la CUT allègue que, par la mise en application d’un pacte collectif qui prévoit des conditions plus favorables pour les travailleurs non syndiqués et le refus de l’entreprise de négocier avec ce nouveau syndicat, l’entreprise cherche à l’affaiblir.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 14) qui oppose SINTRACORPAUL à la Corporation de soins de l’hôpital universitaire Saint-Vincent-de-Paul, la CUT allègue que: i) le syndicat a été constitué en 2008, et a obtenu en 2010, suite à l’intervention d’un tribunal d’arbitrage, une convention collective; et ii) l’entreprise a établi de manière unilatérale un plan d’avantages pour les travailleurs non syndiqués, qui prévoit des conditions plus avantageuses que la convention, cherchant ainsi à briser la croissance du syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 15) qui oppose le Syndicat national des travailleurs de l’industrie gastronomique, hôtelière et touristique de Colombie (SINTHOL) à l’entreprise Club Campestre El Rodeo, la CUT allègue que, le 29 novembre 2013, soit trois mois après la signature de la convention collective, l’entreprise a conclu un pacte collectif avec ses travailleurs non syndiqués, pacte qui offre des avantages économiques plus importants, cherchant ainsi à ce que le syndicat n’obtienne pas de nouvelles affiliations.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 16) qui oppose le Syndicat national des travailleurs de l’industrie de la boisson de Colombie (SINALTRAINBEC), comité de secteur de Yumbo, à la Cervecería del Valle S.A., la CUT allègue que: i) par le pacte collectif, l’entreprise cherche à offrir de meilleures conditions de travail aux travailleurs non syndiqués; ii) le pacte collectif a été adopté de manière unilatérale et est diffusé de manière active par l’entreprise parmi les travailleurs; et iii) le pacte et sa diffusion constituent une barrière contre le libre exercice du droit d’organisation.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 17) qui oppose de nouveau SINALTRAINBEC à l’entreprise de brasserie citée dans le cas no 16, la CUT allègue que: i) au niveau national, le syndicat doit s’accommoder d’un pacte collectif adopté par l’entreprise au mépris des exigences légales, pacte dont les avantages sont incompatibles avec l’affiliation au syndicat; et ii) ledit pacte est parvenu à obtenir la dissolution d’une organisation syndicale antérieure.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 18) qui oppose le Syndicat de l’union des travailleurs de Pelpak à l’entreprise Pelpak S.A., l’organisation plaignante allègue que: i) en 2013, l’entreprise a entamé l’élaboration unilatérale de son pacte collectif quelques jours après la présentation par le syndicat de son cahier de revendications; ii) tandis que le pacte était adopté de manière unilatérale en mai 2013, l’entreprise ne signait aucun accord avec le syndicat, ce qui a motivé la désignation d’un tribunal d’arbitrage; et iii) l’élaboration du pacte collectif et la paralysie de la négociation collective ont conduit à ce que 18 travailleurs renoncent à leur affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 19) qui oppose SINTRAMETAL à l’entreprise Ave Colombia S.A.S., la CUT allègue que: i) l’entreprise a signé de manière unilatérale un pacte collectif qui offre de meilleures garanties de travail à ceux qui y adhéreraient et qui prévoit que ses adhérents ne pourront pas présenter de pétitions collectives à l’entreprise ni initier de conflits collectifs pendant la durée de validité du pacte; et ii) l’existence dudit pacte a entraîné une diminution de l’affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 20) qui oppose SINTRALIMENTICIA à l’entreprise Comercial Nutresa S.A.S., la CUT allègue que: i) une convention collective a été signée le 28 juin 2012; ii) le 22 mai 2013, l’entreprise a adopté un pacte collectif prévoyant de meilleures conditions de travail que celles de la convention collective; et iii) l’entreprise a diffusé le pacte par lettres parmi les travailleurs syndiqués, ce qui a conduit à plusieurs renoncements à l’affiliation au syndicat et à l’absence de nouvelles affiliations.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 21) qui oppose SINALTRAINBEC BRINSA à l’entreprise Brinsa S.A., la CUT allègue que: i) la nouvelle sous-direction du syndicat a été constituée le 26 mars 2013 et a présenté un cahier de revendications le 19 avril 2013; ii) l’entreprise a élaboré de manière unilatérale un pacte collectif le 30 mars 2013; iii) parallèlement, la négociation collective avec le syndicat n’a pas abouti, ce qui a motivé la constitution d’un tribunal d’arbitrage, dont la décision est en toujours en instance; iv) en l’attente de ladite décision, les travailleurs syndiqués sont discriminés et défavorisés; et v) les éléments qui précèdent démontrent le caractère antisyndical du pacte qui vise à ce que les travailleurs renoncent à leur affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 22) qui oppose l’Union des travailleurs et travailleuses de Claro et technologies de l’information et communications (ULTRACLARO & TIC) à l’entreprise Telmex Colombia S.A., la CUT allègue que: i) l’employeur a décidé d’élaborer de manière unilatérale un pacte collectif en 2011, en réponse à la signature de la convention collective; ii) l’entreprise a contraint ses travailleurs à adhérer au pacte; iii) le pacte fait toujours l’objet d’une ample diffusion par courrier interne tandis que le syndicat ne peut pas diffuser d’informations sur son existence; et iv) le nombre de travailleurs adhérant au pacte est supérieur à celui des travailleurs affiliés au syndicat.
    • – En ce qui concerne les plaintes administratives (cas nos 23 et 25) qui opposent l’Association colombienne des employés de banques (ACEB) et l’UNEB, d’une part, à Banco Bilbao Vizcaya Argentaria Colombia (BBVA), de l’autre, la CUT allègue que: i) avant 2006, la convention collective s’appliquait à tous les travailleurs de BBVA, vu que le syndicat regroupait plus du tiers du personnel adhérent; ii) en 2006, BBVA a fusionné avec la banque Granahorra qui disposait d’un pacte collectif; iii) suite à la fusion et à l’augmentation consécutive du personnel, l’affiliation au syndicat est passée en dessous du seuil de 33 pour cent; iv) parallèlement, le pacte collectif de Granahorra a été proposé à la totalité des travailleurs de la nouvelle structure bancaire; et v) le pacte collectif propose de meilleures conditions, ce qui a pour conséquence immédiate une diminution sensible au niveau des affiliations au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 24) qui oppose SINTRACOLPEN à Colpensiones, la CUT allègue que: i) le pacte a émergé en réponse à la constitution d’une organisation syndicale et a été présenté lors de la phase d’accord direct pour la signature de la convention collective avec l’entreprise; ii) le pacte collectif a été illégalement établi au mépris des exigences légales, et constitue un contrat «à prendre ou à laisser» pour les travailleurs qui n’ont pas exercé leur liberté de négociation; et iii) les éléments qui précèdent démontrent que le pacte collectif a affecté la négociation collective libre et de bonne foi engagée par le syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 26) qui oppose SINTRAPULCAR à l’entreprise Colombiana Kimberly S.A., la CUT allègue que: i) l’entreprise a conclu, le 21 mars 2013, un pacte collectif en réponse à la présentation par le syndicat d’un cahier de revendications qui a abouti à la signature d’une convention collective en novembre 2013; et ii) le pacte offre des avantages sociaux et économiques plus attractifs aux travailleurs non syndiqués, ce qui entraîne le renoncement des travailleurs à leur affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 27) qui oppose SINALTRAINBEC à l’entreprise Bavaria S.A., la CUT allègue que: i) en février 2012, 27 travailleurs décident de constituer une sous-direction du syndicat à Tocancia pour pouvoir négocier une convention collective; ii) lors de la discussion du cahier de revendications, l’entreprise décide unilatéralement la révision du pacte collectif en vigueur; et iii) le pacte collectif offre des avantages économiques plus attractifs que ceux figurant dans la convention collective, afin de décourager l’affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 28) qui oppose le Syndicat des travailleurs des entreprises de services publics à domicile du nord de Santander (SINTRAEMSPDNS) à l’entreprise Aguas Capital ESP, la CUT allègue que: i) en réponse au cahier de revendications présenté en 2012 par le syndicat, l’entreprise a élaboré, de manière unilatérale, un pacte collectif; et ii) le 12 novembre 2013, le syndicat a signé une convention collective qui contient les mêmes avantages économiques et les mêmes droits que ceux établis dans le pacte, mais celui-ci prévoit des mesures d’incitation pour les travailleurs qui décideraient d’y adhérer, ce qui dissuade les travailleurs de s’affilier au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 29) qui oppose le Syndicat des travailleurs brasseurs de Bavaria (SINALTRACEBA) à l’entreprise Bavaria S.A., la CUT allègue que: i) en réaction à la présentation d’un cahier de revendications, l’entreprise a élaboré de manière unilatérale un pacte collectif en juin 2012; ii) durant neuf mois, l’entreprise a refusé de négocier avec le syndicat jusqu’à l’ouverture d’une enquête administrative qui a permis qu’enfin une convention collective puisse être signée, en décembre 2013; et iii) outre qu’ils ne doivent pas payer de cotisation syndicale, les travailleurs qui adhèrent au pacte collectif bénéficient de meilleures conditions, raison pour laquelle l’affiliation au syndicat diminue.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 30) qui oppose SINTRATLAS à l’entreprise Seguridad Atlas Ltda, la CUT allègue que: i) le 27 mai 2014, une convention collective de travail est entrée en vigueur; ii) pour contrer les effets de la convention collective, l’entreprise a établi, le 19 mai 2014, un plan d’avantages pour tous les travailleurs non syndiqués; et iii) le plan prévoit des conditions de travail et des conditions économiques plus favorables et est utilisé comme outil de pression et de discrimination à l’encontre du syndicat et de ses membres.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 31) qui oppose SINTRALIMENTICIA à l’entreprise Industrias de alimentos Zenu S.A.S., la CUT allègue que: i) le 1er mai 2014, le pacte collectif en vigueur dans l’entreprise a été prorogé; et ii) dans la mesure où l’entreprise traite plus promptement les avantages stipulés dans le pacte, un nombre significatif de travailleurs a renoncé à son affiliation au syndicat.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 32) qui oppose le Syndicat des salariés des services publics des municipalités et entités décentralisées de Colombie (SINTRASEMA CENTRAL) aux entreprises publiques de la Ceja, la CUT allègue que: i) le syndicat a présenté en janvier 2012 un cahier de revendications qui a abouti à la signature d’une convention collective; ii) le 12 décembre 2013, les entreprises ont déposé un pacte collectif offrant des conditions économiques et professionnelles identiques à celles de la convention; et iii) cependant, n’étant pas tenus de payer une cotisation syndicale pour accéder à ces avantages, un nombre significatif de travailleurs se retire du syndicat; par conséquent l’accord collectif atteint son objectif antisyndical.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 33) qui oppose le Syndicat national des travailleurs de la Promotora turística del Caribe S.A. (SINTRAPROTUCARIBE) à l’entreprise Protucaribe S.A., l’organisation plaignante allègue que: i) le syndicat a présenté un cahier de revendications à l’entreprise le 15 avril 2013; ii) en réponse à cette initiative, l’entreprise a signé, le 9 septembre 2013, un pacte collectif de travail avec les travailleurs non syndiqués; iii) ce n’est qu’en novembre 2013 que le syndicat a obtenu la signature de la convention collective; et iv) dans le but d’obtenir la désaffiliation des travailleurs syndiqués, le pacte prévoit cependant des avantages bien supérieurs à ceux de la convention collective.
    • – En ce qui concerne la plainte administrative (cas no 34) qui oppose SINALTRAINBEC à l’entreprise Maltería Tropical, l’organisation plaignante allègue que: i) en réponse au cahier de revendications présenté le 4 mars 2014, l’entreprise a commencé à recueillir les signatures des travailleurs non syndiqués pour élaborer un pacte collectif; ii) le pacte collectif a été imposé et signé le 10 mars 2014 pour constituer un outil antisyndical; iii) le 6 mai 2014, le syndicat a obtenu la signature de la convention collective; et iv) cependant, ledit pacte qui, dans son ensemble, offre de meilleurs avantages que la convention, a provoqué un nombre important de désaffiliations.
  3. 321. Après avoir brièvement décrit le contenu de chacune des 34 plaintes, l’organisation plaignante ajoute que l’usage de pactes collectifs enfreint le droit de représentation syndicale. La CUT affirme à cet égard que le droit d’organisation est une condition nécessaire à la reconnaissance du dialogue social et que les pactes ne peuvent être conclus avec des personnes qui ne représenteraient pas les travailleurs organisés, cette situation pouvant engendrer des situations de corruption et des impositions illégitimes, ainsi que des cas de discrimination. L’organisation plaignante allègue que, eu égard à ce qui précède, le droit d’organisation ne doit pas s’épuiser à permettre que les travailleurs s’organisent mais plutôt à fournir et garantir les outils nécessaires à l’organisation des travailleurs, y compris les immunités, les permis de travail, l’organisation de réunions, le droit de communiquer, et, le plus important de tous, le dialogue social. La CUT conclut que, par conséquent, conclure des pactes collectifs avec des travailleurs non organisés et non représentatifs, niant l’existence d’une organisation syndicale qui respecte la loi et les principes démocratiques pour parler au nom de tous les travailleurs, constitue une violation flagrante de la liberté syndicale ainsi qu’une présomption de discrimination antisyndicale.
  4. 322. L’organisation plaignante déclare que, dans les cas dénoncés, l’usage des pactes collectifs conclus avec des travailleurs non syndiqués enfreint la convention no 154, ratifiée par la Colombie, qui dispose comme exigences minimales pour qu’il y ait une négociation collective (quelle que soit sa forme juridique) que celle-ci soit libre, volontaire, bilatérale et de bonne foi. Elle ajoute que, de même, l’article 481 du Code du travail, en déterminant que les pactes entre employeurs et travailleurs non syndiqués sont régis par les dispositions établies dans les titres II et III, chapitre I, deuxième partie du Code du travail, suppose que l’adoption d’un pacte collectif est précédée des conditions minimales suivantes: i) l’organisation d’une assemblée de travailleurs non syndiqués libre et spontanée; ii) l’approbation d’un cahier de revendications par ces travailleurs; iii) la désignation de travailleurs mandatés par l’assemblée; et iv) la réalisation d’une négociation collective libre et bilatérale entre employeurs et travailleurs non syndiqués. La CUT affirme que dans 100 pour cent des demandes d’enquêtes administratives citées dans la présente plainte, ces conditions ne sont pas respectées. Tout au contraire, ces pactes collectifs sont conclus après une simple présentation par l’entreprise ou le recueil de signatures par l’entreprise pour que les travailleurs obtiennent des avantages. Les travailleurs signent par conséquent un accord pro forma, sans qu’il y ait eu de négociation collective, encore moins libre, volontaire et bilatérale.
  5. 323. L’organisation plaignante déclare que les enquêtes des inspecteurs du travail devraient par conséquent examiner si une négociation basée sur les exigences minimales de la législation colombienne a bien eu lieu, si elle a été libre, volontaire, bilatérale et de bonne foi, si elle n’enfreint pas la liberté syndicale, si elle n’a pas constitué un instrument de discrimination antisyndicale, et si ces pactes n’offrent pas plus d’avantages aux travailleurs non syndiqués qu’aux travailleurs syndiqués. La CUT regrette que l’examen des procédures d’enquêtes ne permette pas d’observer qu’aucun de ces éléments probants ait été obtenu ou recherché.
  6. 324. L’organisation plaignante déclare enfin que, face à la possibilité d’obtenir plus d’avantages économiques, de ne pas avoir à payer de cotisation syndicale et, de plus, de ne pas courir le risque d’être poursuivis par des voies telles que des procédures disciplinaires ou être mis en cause par des supérieurs ou des chefs, nombre d’adhérents d’organisations syndicales préfèrent renoncer ou se désaffilier de l’organisation, raison pour laquelle l’existence de pactes collectifs signés par des travailleurs non syndiqués (ou imposés par les entreprises) enfreignent de manière flagrante la liberté d’organisation syndicale.
  7. 325. L’organisation syndicale dénonce en second lieu l’absence de mécanismes efficaces en mesure d’assurer la protection contre la discrimination antisyndicale. La CUT déclare que, bien que le régime de protection des libertés syndicales en Colombie dispose des voies administrative, pénale et judiciaire subsidiaire (plainte ordinaire), aucun de ces trois mécanismes n’offre la protection adéquate requise par l’article 1 de la convention no 98. Concernant la voie administrative, l’organisation plaignante déclare que, conformément au Code de procédures administratif et contentieux administratif, incluant la modification apportée par la loi no 1610 aux enquêtes du travail: i) les personnes peuvent demander au ministère du Travail d’ouvrir des enquêtes prévoyant des sanctions pouvant aller jusqu’à l’imposition d’amendes pour obtenir que des particuliers cessent de violer des droits; ii) la procédure administrative en première instance doit suivre plusieurs phases dans un délai supérieur à soixante-cinq jours; iii) les inspecteurs du travail disposent de la faculté de classer les enquêtes sans se prononcer quant au fond de l’affaire; iv) la décision administrative en première instance peut donner lieu à deux sortes de recours administratifs successifs (recours en révision auprès du même fonctionnaire et appel auprès d’un supérieur) pendant cent cinquante jours chacun; et v) la décision administrative finale peut donner lieu à son tour à des recours en justice qui, en moyenne, peuvent durer entre deux et neuf ans. Compte tenu de ce qui précède, la CUT affirme que la procédure administrative engendre, dans la loi mais encore davantage dans la pratique, de très longues périodes d’enquête et procédures; il existe la possibilité qu’un cas soit clos sans que rien n’ait été décidé sur le fond et les décisions administratives n’impliquent pas une protection finale, dans la mesure où elles peuvent uniquement conduire à l’imposition d’une amende. Des 34 plaintes administratives en question, seule l’une d’entre elles a obtenu une décision consistant dans l’imposition d’une amende contre l’entreprise de près de 30 000 dollars E. U.; mais cela ne signifie pas que la violation cesse car, premièrement, le pacte collectif existe toujours et continue d’être appliqué (la sanction n’annule pas l’accord); deuxièmement, la valeur de l’amende est insignifiante (payer l’amende revient moins cher que de respecter les droits des travailleurs), en dépit du fait que l’administration du travail est autorisée à infliger des amendes allant jusqu’à 2 millions de dollars E.-U. (loi no 1610 de 2013); et, troisièmement, ladite sanction n’est pas définitive dans la mesure où l’entreprise pourra déposer un recours, aller en appel et ensuite intenter un procès contre cette sanction, avant qu’elle ne soit appliquée, ce qui peut encore durer entre deux et neuf ans supplémentaires.
  8. 326. En ce qui concerne la voie pénale, basée sur l’article 200 du Code pénal, qui prévoit une peine de prison et une amende face à des violations de la liberté syndicale qui incluent la conclusion de pactes collectifs qui, dans leur ensemble, prévoiraient des conditions plus favorables que celles contenues dans les conventions collectives de l’entreprise, l’organisation plaignante regrette que, cinq ans après l’introduction de cette infraction pénale, aucun jugement n’ait été rendu pour violation des libertés syndicales.
  9. 327. En ce qui concerne la voie judiciaire subsidiaire, la CUT regrette l’absence d’une norme particulière permettant que les juges du travail puissent statuer sur les cas de liberté syndicale et qu’il y ait seulement accès à une procédure conçue pour résoudre les conflits individuels prétendument adaptable à la résolution de conflits collectifs. L’organisation plaignante ajoute que la procédure ordinaire accessible ne comporte pas de mécanismes spéciaux de protection des syndicats, n’est pas examinée de manière préférentielle face aux autres cas traités par le juge et n’entraîne pas de présomptions en faveur du syndicat. En Colombie, il n’existe pas d’actions en justice spécifiques pour obtenir une protection contre les cas de discrimination antisyndicale ou les pactes collectifs illégaux (il existe, en vertu de l’article 118 du Code de procédures du travail et de la sécurité sociale, une action spéciale pour les cas de licenciement sans levée de l’immunité syndicale de dirigeants, mais elle n’est pas applicable aux cas de discrimination antisyndicale en général) et, par conséquent, il est seulement possible d’intenter une action en justice subsidiaire nommée «plainte ordinaire» par laquelle passent tous les cas qui n’ont pas de traitement spécial. Les plaintes ordinaires en Colombie sont traitées dans l’ordre où elles se présentent et face à l’effondrement du système judiciaire colombien, ces démarches peuvent prendre entre huit mois et six ans, et si des recours sont déposés devant les hautes cours, cela peut durer encore plus longtemps.
  10. 328. L’organisation plaignante demande finalement que: i) le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour résoudre immédiatement les procédures d’enquêtes engagées; ii) le comité réitère sa position précédente selon laquelle les accords avec les travailleurs non syndiqués ne peuvent être conclus qu’en l’absence d’organisations syndicales et que le droit de représentation des travailleurs repose exclusivement sur des organisations syndicales autonomes; iii) les conditions de la législation colombienne selon lesquelles les accords avec les travailleurs non syndiqués doivent être le fruit d’une négociation libre, volontaire, de bonne foi et bilatérale soient respectées; iv) les procédures d’enquêtes au pénal de chacun des cas où l’inspecteur a identifié l’illégalité du pacte collectif soient engagées; v) des mécanismes spéciaux d’enquête administrative et de protection judiciaire en cas de violation de la liberté syndicale soient créés, en concertation avec les organisations de travailleurs les plus représentatives; et vi) des mesures soient prises pour réformer la législation, en particulier l’article 481 du Code du travail, et la mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 329. Dans une communication en date du 25 mai 2016, le gouvernement affirme en premier lieu que: i) dans le cadre de l’exercice du droit préférentiel déféré au Vice-ministère des Relations du travail, des avancées ont eu lieu dans les procédures administratives pour violation présumée des droits liés au travail par la conclusion de pactes collectifs; ces procédures concernent 40 enquêtes affectées à l’Unité d’enquêtes spéciales qui se trouvent à différents stades d’examen; et ii) dans le présent cas, il n’y a pas de violation de la liberté syndicale étant donné que le ministère du Travail, à la demande de la CUT, et par l’intermédiaire des directions territoriales de Santander, Magdalena, Meta, Caldas, Risaralda, Atlántico, Cundinamarca, et l’Unité d’enquêtes spéciales de Bogotá a ouvert les enquêtes correspondantes, dont les résultats à ce jour sont les suivants: i) sept sanctions pour violation de la convention collective, pacte ou décision arbitrale, dont les montants se situent entre 32 217 000 et 68 945 000 pesos colombiens (soit environ entre 10 400 et 22 990 dollars E.-U.); ii) une résolution directe par la signature d’une convention collective; iii) trois cas en attente de recours; iv) trois cas en cours d’instruction; v) trois cas en phases probatoires; vi) six décisions de classement; et vii) trois cas au stade de l’énoncé d’accusation.
  2. 330. De manière plus générale, le gouvernement ajoute que: i) afin de garantir le respect de la négociation collective et le droit d’organisation, la loi no 1453 de 2011 a été promulguée; elle modifie l’article 200 du Code pénal en augmentant la peine encourue pour violation du droit d’organisation et en pénalisant ceux qui concluent des pactes collectifs offrant de meilleures conditions aux travailleurs non syndiqués; ii) à ce jour, 270 cas de violation des droits d’organisation ont été répertoriés concernant les infractions pénales de l’article 200; priorité a été donnée à 19 d’entre eux depuis septembre 2015, qui ont abouti à trois condamnations et deux mises en accusation; et iii) comme l’illustre un jugement récent (jugement no T-069 de 2015), la Cour constitutionnelle protège le droit fondamental d’organisation syndicale et le droit à l’égalité face aux violations engendrées par les pactes collectifs.
  3. 331. Le gouvernement déclare que les autorités administratives du ministère du Travail, et tout particulièrement l’inspection du travail, sont chargées d’examiner, contrôler et sanctionner non seulement la violation des articles du Code du travail en matière de liberté syndicale et de négociation collective, mais également l’ensemble des dispositions de l’ordonnancement juridique colombien qui traitent de ces principes et qui comprennent entre autres la Constitution politique et les conventions de l’OIT ratifiées par la Colombie. Par conséquent, si l’article 354 du Code du travail, qui interdit une série d’actes antisyndicaux, ne cible pas l’usage antisyndical des pactes collectifs, les dispositions de la Constitution politique qui protègent la liberté syndicale (articles 39 et 55) ainsi que les conventions de l’OIT, constituent une base juridique valide pour permettre à l’inspection du travail de sanctionner cette conduite. A cet égard, le gouvernement déclare que le ministère du Travail, face à la nécessité d’infliger des sanctions à caractère exemplaire, a élaboré une ligne conceptuelle d’incitation à sanctionner cette conduite qui permettrait d’infliger les sanctions prévues par la loi no 1610 de 2013, jusqu’à 5 000 salaires minimum mensuels en vigueur, et qui se fonde sur le droit à l’égalité des chances et de traitement dans l’emploi et l’occupation et le droit à la non-discrimination, ainsi que sur des normes constitutionnelles et légales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 332. Le comité observe que le présent cas porte, d’une part, sur l’allégation du caractère antisyndical de nombreux pactes collectifs conclus avec des travailleurs non syndiqués et la réponse inappropriée de l’administration du travail face aux plaintes présentées à cet égard et, d’autre part, sur l’absence générale alléguée de mécanismes efficaces de protection contre la discrimination antisyndicale et autres actes antisyndicaux.
  2. 333. En ce qui concerne la première allégation, le comité note que l’organisation plaignante affirme que, en dépit des observations répétées de la CEACR et des recommandations du Comité de la liberté syndicale, les pactes collectifs signés avec des travailleurs non syndiqués – et applicables à eux seuls – continueraient à enfreindre les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective, ratifiées par la Colombie, dans la mesure où, selon ce qui ressort des 34 plaintes administratives présentées en 2014 et soutenues par la CUT: i) de nombreux pactes collectifs, parfois présentés sous le nom de plans d’avantages, comporteraient des conditions plus favorables que celles applicables aux travailleurs syndiqués dans leurs conventions collectives; ii) même lorsqu’ils comportent des conditions identiques à celles des conventions collectives négociées avec les organisations syndicales, les pactes collectifs mettraient les syndicats en situation de faiblesse et affecteraient de manière très négative l’affiliation syndicale vu que les travailleurs peuvent avoir accès aux mêmes avantages sans devoir payer la cotisation syndicale ni devoir s’exposer à une éventuelle discrimination antisyndicale; iii) dans le but de contrer le développement de l’action syndicale, les pactes collectifs apparaîtraient très souvent à des moments clés, par exemple en réponse à la constitution d’un syndicat ou à la présentation d’un cahier de revendications par celui-ci; iv) les pactes collectifs seraient en général élaborés de manière unilatérale par l’employeur, sans être précédés d’une véritable négociation avec des représentants des travailleurs non syndiqués et donneraient lieu à une propagande active de l’employeur auprès de son personnel; et v) sur la base de ce qui précède, les pactes collectifs affecteraient l’indépendance de la représentation syndicale, conditionneraient le contenu de la négociation collective, cherchent à provoquer la désaffiliation des organisations syndicales et constitueraient un instrument de discrimination antisyndicale. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en outre que: i) au mépris des dispositions des organes de contrôle de l’OIT, l’article 481 du Code du travail continue à favoriser les violations en question, puisqu’il permet l’adoption de pactes collectifs dans des entreprises dans lesquelles un syndicat est présent; ii) aucune des 34 plaintes administratives citées n’aurait donné lieu à une enquête de l’administration du travail; iii) les enquêtes de l’inspection du travail en matière de pactes collectifs seraient dans la plupart des cas inadéquates et incomplètes; et iv) les plaintes au pénal introduites en raison du caractère antisyndical des pactes collectifs n’auraient jamais donné lieu à l’ouverture d’enquêtes.
  3. 334. Le comité note également que, pour sa part, le gouvernement déclare qu’il n’y a pas dans le présent cas de violation de la liberté syndicale et de la négociation collective dans la mesure où: i) le Vice-ministère du Travail porte une attention particulière aux procédures administratives pour violation présumée des droits syndicaux par des pactes collectifs, 40 enquêtes sont actuellement confiées à l’Unité d’enquêtes spéciales du ministère; ii) les enquêtes relatives aux cas signalés par la CUT dans la présente plainte ont avancé, et plusieurs sanctions ont déjà été infligées; iii) afin de garantir le respect de la négociation collective et du droit d’organisation, la loi no 1453 de 2011 a été promulguée; elle modifie l’article 200 du Code pénal, en augmentant la peine encourue pour violation du droit d’organisation et en pénalisant ceux qui concluent des pactes collectifs offrant de meilleures conditions aux travailleurs non syndiqués; iv) la jurisprudence de la Cour constitutionnelle protège la liberté syndicale et le droit à l’égalité des travailleurs syndiqués face à d’éventuels préjudices causés par les pactes collectifs; et v) l’inspection du travail se base non seulement sur les dispositions du Code du travail, mais aussi sur la Constitution politique et les conventions de l’OIT ratifiées, pour sanctionner de manière dissuasive l’usage antisyndical des pactes collectifs, elle peut ainsi infliger des sanctions allant jusqu’à 5 000 salaires minimaux mensuels.
  4. 335. Le comité rappelle qu’il a examiné à maintes reprises [voir en particulier les cas nos 1973, 2046, 2068, 2355, 2362, 2493, 2796, 2801 et 2877] le caractère antisyndical des pactes collectifs que, selon l’article 481 du Code du travail, un employeur peut conclure avec les travailleurs non syndiqués de son entreprise quand moins du tiers de son personnel est affilié à des organisations syndicales, tout en émettant une série de recommandations dont il sera fait mention plus avant.
  5. 336. En ce qui concerne le défaut allégué d’adéquation aux principes de la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit à la négociation collective de la disposition susmentionnée du Code du travail, le comité rappelle que, dans son dernier examen d’un cas relatif à l’usage des pactes collectifs en Colombie, il a estimé que le gouvernement doit garantir que la signature de pactes collectifs directement avec les employés ne soit possible qu’en l’absence d’un syndicat et que les pactes collectifs ne soient pas utilisés en pratique à des fins antisyndicales. [Voir cas no 2796, 368e et 362e rapports.] Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises afin de mettre en œuvre cette recommandation.
  6. 337. En ce qui concerne les 34 plaintes administratives signalées par la CUT dans le présent cas, le comité note que le gouvernement fournit des informations sur 28 d’entre eux et indique que: i) des sanctions ont été infligées dans sept cas (deux d’entre elles faisant encore l’objet d’un recours de la part des entreprises concernées), avec des amendes dont les montants se situent entre 32 217 000 et 68 945 000 pesos colombiens (soit environ 10 400 et 22 990 dollars E.-U.); ii) un des cas a été résolu de manière directe par la signature d’une convention collective; iii) six cas ont donné lieu à une décision de classement (deux de ces décisions font l’objet d’un recours administratif par les syndicats plaignants); iv) trois autres cas supplémentaires ont donné lieu à des recours administratifs en attente de décision; et v) les 11 autres cas en sont à différents stades de la procédure administrative antérieure à la prise de décision.
  7. 338. Le comité observe en premier lieu qu’il ressort de ces informations que, deux ans après l’introduction des plaintes administratives (le gouvernement a fait parvenir en 2016 ses informations relatives aux plaintes introduites en 2014), dix cas avaient donné lieu à une décision définitive, sept étaient en attente de la décision concernant un recours administratif et 11 autres cas étaient encore en attente d’une première décision. A cet égard, rappelant que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces et qu’une lenteur excessive dans le traitement de tels cas constitue une violation grave des droits syndicaux des intéressés [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1139], le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir que la totalité des plaintes administratives mentionnées ont donné lieu, sans autre délai, à des décisions définitives et de l’informer de leur contenu ainsi que des autres procédures engagées mentionnées dans la présente plainte.
  8. 339. En ce qui concerne les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles les enquêtes de l’inspection du travail visant à déterminer l’éventuel caractère antisyndical des pactes collectifs seraient inadéquates et incomplètes, en particulier par le fait qu’elles ne vérifieraient pas s’il y a eu une véritable négociation avec les travailleurs non syndiqués avant l’adoption du pacte ni quel impact les pactes pourraient avoir sur l’exercice de la liberté syndicale, le comité: i) tout en notant l’indication générale du gouvernement selon laquelle l’inspection du travail ne se base pas seulement sur les dispositions du Code du travail pour déterminer s’il y a violation de la liberté syndicale, ne dispose pas d’éléments quant aux critères spécifiques utilisés par l’inspection du travail pour déterminer le caractère antisyndical ou non d’un pacte collectif; ii) ne dispose pas non plus d’informations spécifiques du gouvernement sur les motifs concrets qui ont conduit l’inspection du travail à prononcer des sanctions dans sept des 34 plaintes introduites par la CUT et à en classer six autres; et iii) peut observer en revanche que tant le Code pénal (article 200) que la jurisprudence des hautes cours du pays examinent le caractère antisyndical des pactes collectifs depuis la perspective de la rupture du principe d’égalité entre travailleurs syndiqués et non syndiqués, considérant comme antisyndicaux les pactes collectifs qui prévoient pour les travailleurs non syndiqués des conditions plus avantageuses que celles établies dans les conventions collectives de la même entreprise.
  9. 340. A cet égard, le comité rappelle que, comme il l’a déjà souligné dans plusieurs cas antérieurs relatifs à la Colombie, la signature d’une convention collective avec les travailleurs non syndiqués ne devrait pas être utilisée pour affaiblir les droits des travailleurs affiliés à des syndicats. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1347, et cas no 1973, 324e rapport, cas no 2068, 325e rapport, cas no 2046, 332e rapport, et cas no 2493, 349e rapport.] Tout en prenant bonne note de l’indication du gouvernement concernant les mesures prises afin de garantir l’imposition des sanctions sévères à l’encontre des accords collectifs qui violeraient les principes de liberté syndicale et l’exercice effectif du droit à la négociation collective, le comité rappelle que des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi [voir Compilation, op. cit., paragr. 1231], et prie le gouvernement d’évaluer, en consultation avec les interlocuteurs sociaux, l’efficacité de la politique actuelle de l’inspection du travail quant à l’impact des pactes collectifs sur l’exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective. Le comité prie le gouvernement de prendre, sur base de cette évaluation, les mesures qui s’imposent pour garantir que tout usage antisyndical des pactes collectifs donne lieu à des sanctions visant à éliminer de manière effective la situation antisyndicale identifiée. Rappelant qu’il peut solliciter l’assistance technique du Bureau, le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  10. 341. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en second lieu qu’il n’existe pas de mécanismes efficaces en mesure d’assurer la protection contre la discrimination antisyndicale et que, si le régime de protection des libertés syndicales dans le pays dispose des voies administrative, pénale et judiciaire subsidiaire (plainte ordinaire), aucun de ces trois mécanismes n’offre la protection adéquate que requiert l’article 1 de la convention no 98. Le comité note que l’organisation plaignante allègue de manière spécifique que: i) les délais requis pour juger les plaintes administratives (qui peuvent durer jusqu’à neuf ans dans les cas où l’employeur contesterait les décisions en justice) sont excessivement longs; ii) les sanctions administratives se limitent à infliger des amendes dont les montants, dans la pratique, ne sont pas dissuasifs, et les amendes ne font pas cesser la situation de discrimination; iii) la voie pénale ouverte par l’article 200 du Code pénal, réformé en 2011 et qui prévoit des peines de prison et des amendes n’a donné lieu, en cinq ans, à aucune sanction malgré l’introduction de nombreuses plaintes; et iv) en ce qui concerne la voie judiciaire devant les juges du travail, il n’existe pas d’actions en justice spéciales pour les cas de discrimination antisyndicale (à l’exception du licenciement contraire à l’immunité syndicale), raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir recours à la voie ordinaire, dont la lenteur extrême et le manque de protections spéciales en faveur des droits collectifs la rendent inopérante.
  11. 342. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement déclare que la réforme de 2011 de l’article 200 du Code pénal a augmenté de manière significative la peine encourue pour violation du droit d’organisation et que, à ce jour, 270 cas de violation des droits d’organisation ont été identifiés selon les infractions pénales de l’article 200, que 19 d’entre eux ont été traités de manière prioritaire depuis septembre 2015 et ont abouti à trois condamnations et deux accusations. Le comité observe que, au-delà de ces informations sur la réforme du Code pénal, le gouvernement focalise ses observations sur la protection accordée contre l’usage antisyndical des pactes collectifs et ne fournit pas d’autres éléments concernant le manque de mécanismes de protection existant contre la discrimination antisyndicale en général.
  12. 343. Tenant compte du fait qu’il ne dispose pas de la position complète du gouvernement sur les mécanismes nationaux existants en matière de discrimination antisyndicale et leur efficacité, le comité observe que: i) de nombreuses plaintes récemment introduites auprès du comité par des organisations syndicales colombiennes contiennent des allégations ponctuelles concernant la lenteur et l’inefficacité des procédures administratives et judiciaires de protection contre la discrimination antisyndicale; ii) à plusieurs reprises, le comité a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour accélérer le traitement des plaintes pour discrimination antisyndicale [voir 374e rapport, mars 2015, cas no 2946, paragr. 251 et cas no 2960, paragr. 267]; et iii) dans un cas récemment examiné par le comité, cas qui contenait, de même que la présente plainte, des allégations de caractère général sur l’absence de mécanismes adéquats en mesure d’assurer la protection contre la discrimination antisyndicale, le comité avait invité le gouvernement à entreprendre, en consultation avec les interlocuteurs sociaux les plus représentatifs, un examen d’ensemble des mécanismes nationaux de protection contre la discrimination antisyndicale afin de prendre les mesures visant à garantir une protection adéquate en la matière. [Voir 381e rapport, mars 2017, cas no 3061, paragr. 307.]
  13. 344. Rappelant que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes [voir Compilation, op. cit., paragr. 1140], le comité prie de nouveau le gouvernement d’entreprendre, en consultation avec les interlocuteurs sociaux les plus représentatifs, un examen d’ensemble des mécanismes nationaux de protection contre la discrimination antisyndicale afin de prendre les mesures visant à garantir une protection adéquate en la matière. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et lui rappelle qu’il peut faire appel à l’assistance technique du BIT s’il le souhaite.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 345. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Concernant le défaut allégué d’adéquation aux principes de la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit à la négociation collective de la disposition susmentionnée du Code du travail, le comité rappelle ses recommandations précédentes ayant trait à cette matière [voir cas no 2796, 368e et 362e rapports] et prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard..
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour garantir que la totalité des plaintes administratives mentionnées dans la présente plainte ont donné lieu, sans délai supplémentaire, à des décisions définitives et de l’informer de leur contenu et de lui faire parvenir dans les plus brefs délais des informations sur toute autre procédure engagée mentionnée dans la présente plainte.
    • c) Tout en prenant bonne note de l’indication du gouvernement concernant les mesures prises afin de garantir l’imposition des sanctions sévères à l’encontre des accords collectifs qui violeraient les principes de liberté syndicale et l’exercice effectif du droit à la négociation collective, le comité prie le gouvernement d’évaluer, en consultation avec les interlocuteurs sociaux, l’efficacité de la politique actuelle de l’inspection du travail concernant l’impact que peuvent avoir les accords collectifs sur l’exercice de la liberté syndicale et la négociation collective. Le comité prie le gouvernement de prendre, sur base de cette évaluation, les mesures nécessaires pour garantir que tout usage antisyndical des pactes conclus avec les travailleurs non syndiqués donne lieu à des sanctions visant à éliminer de manière effective la situation antisyndicale identifiée. Rappelant qu’il peut faire appel à l’assistance technique du BIT, le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité prie de nouveau le gouvernement d’entreprendre, en consultation avec les interlocuteurs sociaux les plus représentatifs, un examen d’ensemble des mécanismes nationaux de protection contre la discrimination antisyndicale afin de prendre les mesures visant à garantir une protection adéquate en la matière. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé en la matière et lui rappelle qu’il peut solliciter l’assistance technique du BIT.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer