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Allégations: L’organisation plaignante fait état du licenciement antisyndical de plusieurs dirigeants syndicaux à la suite de la création d’une section syndicale dans une école d’ingénierie
- 243. La plainte figure dans les communications présentées en date des 20 janvier et 24 mai 2016 par le Syndicat des travailleurs de l’éducation d’El Salvador (STEES).
- 244. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications reçues le 7 mars 2017 et le 15 mars 2018.
- 245. El Salvador a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 246. Dans ses communications datées des 20 janvier et 24 mai 2016, le STEES dénonce le licenciement antisyndical de membres du comité exécutif de la section syndicale d’entreprise de l’école d’ingénierie ITCA/FEPADE (ci-après l’école), qui est affiliée au STEES. L’organisation plaignante allègue en particulier que: i) le 26 mars 2015, le premier comité exécutif de la section syndicale a été élu et, le 9 avril 2015, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale en a accrédité les membres; ii) à la suite de la création de la section syndicale, les autorités de l’école ont licencié, le 13 novembre 2015, les membres suivants du comité exécutif: Ana Margarita Ortiz de Alvarado, secrétaire chargée des finances, Jeannette Guadalupe Martínez Pineda, secrétaire chargée des communications, et Yanira Elizabeth Mena Vásquez, secrétaire chargée des relations publiques; le 18 décembre 2015, elles ont aussi licencié Roberto Rosales Alemán, secrétaire chargé de l’organisation et de la statistique; iii) dès leur licenciement, les membres du comité exécutif de la section syndicale ont été interdits d’entrée dans les locaux par le service de sécurité de l’école, au motif que leur contrat de travail avait expiré.
- 247. Le STEES ajoute que le ministère du Travail a diligenté une inspection spéciale à propos du licenciement de M. Roberto Rosales Alemán, à laquelle a procédé l’Unité spéciale de prévention des actes discriminatoires et antisyndicaux, en date du 16 janvier 2016. L’organisation plaignante transmet copie du rapport d’inspection, dans lequel il est constaté que l’école a enfreint l’article 248 du Code du travail en licenciant M. Rosales Alemán, du fait qu’au moment de son licenciement il exerçait les fonctions de secrétaire chargé de l’organisation et de la statistique du comité exécutif. Selon le rapport d’inspection, l’école disposait d’un délai de trois jours pour remédier à l’infraction. Le STEES se plaint du fait que l’école n’ait donné aucune suite à la recommandation de réintégration formulée par l’inspection du travail.
- 248. Dans sa communication en date du 24 mai 2016, l’organisation plaignante transmet en outre le texte des décisions judiciaires relatives au licenciement de Mmes Ana Margarita Ortiz de Alvarado, Jeannette Guadalupe Martínez Pineda et Yanira Elizabeth Mena Vásquez. Dans ces jugements, rendus les 5 et 12 avril 2016, le tribunal du travail conclut que: i) bien qu’elles aient été titulaires de contrats de prestation de services, les travailleuses exerçaient depuis de nombreuses années des fonctions permanentes au sein de l’institution; ii) les trois travailleuses ont été nommées membres du comité exécutif de la section syndicale en avril 2015 et jouissaient donc de l’immunité syndicale conformément à la législation nationale; iii) les trois travailleuses ont été licenciées en novembre 2015, et ce, sans que leur licenciement ne soit dûment motivé par leur employeur. L’organisation plaignante fait observer que, à la lumière de ce qui précède, le tribunal du travail a ordonné à l’école de verser à chacune des trois travailleuses les montants qu’elles auraient dû percevoir entre la date du licenciement et l’expiration de leur immunité syndicale.
- 249. L’organisation plaignante déclare enfin que, en dépit des décisions susmentionnées de l’inspection du travail et du tribunal, l’institution refuse de réintégrer les membres du comité exécutif qui ont été licenciés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 250. Dans sa communication en date du 7 mars 2017, le gouvernement fait part au comité de ses observations sur les allégations de l’organisation plaignante. Le gouvernement indique tout d’abord que, en ce qui concerne les faits dénoncés dans la plainte, la Direction générale de l’inspection du travail a procédé à un total de 13 inspections dans l’école. Le gouvernement précise à cet égard que: i) l’inspection du 11 novembre 2015 a conclu que, même si les fonctions exercées par les membres du comité exécutif de la section syndicale avaient un caractère permanent, les membres du personnel de l’école étaient titulaires de contrats de prestation de services, ce qui va à l’encontre du Code du travail; ii) l’inspection du 16 janvier 2016 a conclu que l’article 248 du Code du travail avait été enfreint du fait du licenciement injustifié de M. Roberto Antonio Rosales Alemán, membre du comité exécutif du STEES, le 18 décembre 2015. En ce qui concerne cette dernière infraction, le gouvernement fait savoir qu’elle a donné lieu à une sanction, prononcée par la décision du 23 août 2016, imposant une amende à l’école. Cependant, le gouvernement signale que l’école a fait appel de ladite décision le 22 novembre 2016 et que le recours est toujours pendant.
- 251. Dans sa communication du 15 mars 2018, le gouvernement fournit de nouvelles informations sur le résultat des actions de l’inspection du travail concernant les faits dénoncés dans le présent cas. Le gouvernement indique en particulier qu’une procédure administrative de sanction relative au licenciement injustifié de sept dirigeants de la section syndicale, parmi lesquels Mmes Ana Margarita Ortiz de Alvarado, Jeannette Guadalupe Martínez Pineda et Yanira Elizabeth Mena Vásquez, ainsi qu’à plusieurs actes de discrimination antisyndicale, est engagée, la résolution définitive du cas étant toujours en attente. S’agissant des procédures judiciaires en cours, le gouvernement indique que: i) le deuxième juge de Santa Tecla a rendu une décision en faveur de trois dirigeants de la section syndicale, ordonnant le paiement des salaires non perçus pour des motifs imputables à l’employeur sans se prononcer sur la réintégration des travailleurs, dans la mesure où il a considéré que la relation de travail des travailleurs mentionnés n’était pas terminée; ii) la deuxième chambre du tribunal du travail a annulé certaines décisions de première instance favorables aux travailleurs; et iii) les jugements mentionnés en deuxième instance ont à leur tour fait l’objet d’un recours devant la chambre du contentieux administratif de la Cour suprême de Justice.
- 252. Le gouvernement indique en outre que, le 1er juillet 2016, le STEES a adressé une nouvelle communication au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale demandant son intervention dans l’affaire du licenciement des dirigeants syndicaux. À la suite de cette demande, la Direction générale du travail a convoqué les parties à trois auditions afin de résoudre le conflit lié aux licenciements (tenues les 19 juillet, le 7 septembre et le 1er novembre 2016); le 9 mars 2017, la ministre du Travail a organisé une autre réunion dans son propre bureau avec le même objectif. Cependant, le gouvernement indique qu’aucune de ces réunions n’a permis de parvenir à un accord, parce que l’école a maintenu sa position selon laquelle il n’était pas possible de régler le litige par voie administrative, les affaires en question étant déjà en instance devant les tribunaux, et qu’il appartenait donc au juge du travail de statuer sur elles.
- 253. Le gouvernement signale d’un autre côté que le ministère de l’Education a indiqué dans une communication du 8 mars 2017 que: i) bien que l’école soit un établissement d’enseignement supérieur relevant dudit ministère, il s’agit d’une institution privée, puisqu’elle est dotée d’une personnalité juridique et de statuts propres qui en régissent le fonctionnent; ii) les dirigeants syndicaux visés dans la plainte ne sont pas des fonctionnaires, mais d’anciens enseignants indépendants, puisque les honoraires qui leur étaient versés en contrepartie de leurs services professionnels n’étaient pas financés par les fonds publics administrés par l’école.
- 254. Dans sa communication du 15 mars 2018, le gouvernement ajoute que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a pris les initiatives additionnelles suivantes: i) le ministère du Travail a convoqué pour le 4 avril 2017 une nouvelle réunion de conciliation dans le but d’obtenir la réintégration des dirigeants syndicaux, sans que l’école n’en fasse partie; ii) le 25 avril 2017, le ministère du Travail a organisé une conférence de presse pour rendre publiques les violations de la liberté syndicale au sein de l’école; iii) la ministre du Travail et de la Prévoyance sociale s’est adressée par écrit le 22 août 2017 au Président de la République, indiquant que le ministère avait donné suite aux cas de licenciement injustifié de plusieurs dirigeants syndicaux de l’école, et que, dans la mesure où celle-ci reçoit des financements de l’Etat, elle doit être un exemple pour garantir la liberté syndicale; et iv) le ministère du Travail continue à accompagner la section syndicale dans ses actions visant à exiger la restitution de ses droits syndicaux.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 255. Le comité fait observer qu’en l’espèce l’organisation plaignante dénonce le licenciement antisyndical de plusieurs dirigeants syndicaux, survenu peu de mois après la création d’une section syndicale au sein d’une école d’ingénierie. Le comité prend note du fait que l’organisation plaignante se réfère précisément aux licenciements des dirigeants suivants: Roberto Rosales Alemán, Ana Margarita Ortiz de Alvarado, Jeannette Guadalupe Martínez Pineda et Yanira Elizabeth Mena Vásquez, qui ont pris effet le 13 novembre et le 18 décembre 2015. Le comité note également que l’organisation plaignante affirme que l’école refuse de se conformer aux décisions rendues par l’inspection du travail et par les tribunaux du travail concernant les licenciements en question.
- 256. Le comité fait observer que l’organisation plaignante comme le gouvernement conviennent que les faits visés dans la présente plainte ont donné lieu à plusieurs interventions de l’inspection du travail et à plusieurs décisions judiciaires. Le comité constate qu’il ressort des documents communiqués par le gouvernement et par l’organisation plaignante que: i) le 11 novembre 2015, la Direction générale de l’inspection du travail a constaté que l’engagement des membres du comité exécutif du syndicat à la faveur de contrats de prestation de services, bien que ses travailleurs se soient acquittés de fonctions permanentes, était contraire au Code du travail; ii) le 16 janvier 2016, la Direction générale de l’inspection du travail a conclu que l’école avait enfreint l’article 248 du Code du travail pour avoir licencié de manière injustifiée le dirigeant syndical Roberto Antonio Rosales Alemán et laissé à l’école un délai de trois jours pour remédier à ladite infraction; iii) la décision de l’inspection du travail imposant une amende pour infraction à l’article 248 du Code du travail en raison du licenciement injustifié de M. Rosales Alemán a été contestée par l’école le 22 novembre 2016, et ce recours est toujours pendant; iv) une procédure administrative de sanction relative au licenciement injustifié de sept dirigeants de la section syndicale, parmi lesquels ceux des trois dirigeantes syndicales mentionnées dans la plainte, ainsi qu’à plusieurs actes de discrimination antisyndicale, est engagée, la résolution définitive du cas étant toujours en attente; v) les dirigeantes syndicales, Mmes Ana Margarita Ortiz, Jeannette Guadalupe Martínez et Yanira Elizabeth Mena, ont entamé des actions judiciaires pour obtenir leur réintégration. Les 5 et 12 avril 2016, le tribunal du travail a rendu des jugements dans lesquels il a conclu que l’employeur n’avait pas suffisamment motivé les licenciements et a condamné l’école à verser aux demanderesses les montants non payés entre la date du licenciement et celle de l’expiration de l’immunité syndicale (l’école a fait appel de ces jugements); et vi) d’autres décisions judiciaires favorables aux travailleurs en première instance et annulées en deuxième instance sont pendantes devant la Cour suprême de Justice. Le comité prend également note des initiatives suivantes additionnelles prises par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale mentionnées par le gouvernement: i) le 1er juillet 2016, le licenciement de certains membres du comité exécutif de la section syndicale étant maintenu, le STEES a demandé au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale d’intervenir pour régler la situation; ii) le ministère a convoqué les parties à quatre auditions de conciliation, dont la dernière en la présence de la ministre du Travail; iii) lors de ces réunions, l’école a maintenu sa position selon laquelle elle refusait de réintégrer les dirigeants en question et attendait que les tribunaux statuent définitivement sur ces affaires; et iv) le ministère du Travail a alerté le Président de la République sur la nécessité pour l’école de respecter les principes de la liberté syndicale.
- 257. Le comité relève qu’il ressort de ce qui précède que: i) les licenciements des dirigeants syndicaux qui font l’objet de la présente plainte ont donné lieu à des interventions et à des décisions de l’inspection du travail, laquelle a constaté des infractions aux dispositions du Code du travail relatives à la protection des dirigeants syndicaux. Ces interventions et décisions ne présentent cependant pas un caractère définitif, que ce soit parce que l’école a fait appel des amendes imposées ou parce que certains processus administratifs n’ont pas encore été menés à terme; ii) de la même manière, les tribunaux du travail ont conclu en première instance que les licenciements des trois dirigeantes syndicales étaient contraires aux dispositions du Code du travail relatives à la protection des dirigeants syndicaux, mais ces décisions ont fait l’objet d’un recours, qui est encore pendant; iii) les auditions de conciliation et autres initiatives menées par le ministère du Travail n’ont pas permis de régler le litige.
- 258. Le comité rappelle que le licenciement de dirigeants syndicaux en raison de leurs fonctions ou de leurs activités syndicales est contraire à l’article 1 de la convention no 98, même s’ils sont réintégrés par la suite, et, au cas où le licenciement a été démontré, il pourrait supposer une manœuvre d’intimidation visant à mettre un obstacle à l’exercice de leurs fonctions syndicales. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1130.] Tout en prenant dûment note des efforts déployés par le gouvernement pour que les parties trouvent un compromis concernant la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés, le comité constate avec préoccupation que, deux ans et demi après les licenciements en question, les décisions définitives afférentes sont toujours pendantes, tant celles de l’inspection du travail que celles des tribunaux du travail.. En conséquence, tout en rappelant que nul ne devrait faire l’objet de discrimination antisyndicale en raison de ses activités syndicales légitimes, et que la possibilité d’être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination antisyndicale [voir Compilation, op. cit., paragr. 1163], le comité s’attend fermement à ce que toutes les mesures qui s’imposent soient prises pour que les procédures administratives et judiciaires relatives à cette affaire qui sont encore pendantes se concluent sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 259. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité s’attend fermement à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour que les procédures administratives et judiciaires en cours dans cette affaire soient conclues sans délai supplémentaire. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai.