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Definitive Report - REPORT_NO384, March 2018

CASE_NUMBER 3168 (Peru) - COMPLAINT_DATE: 04-AUG-15 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des pratiques antisyndicales de la part d’une entreprise minière, en particulier des campagnes de presse et radiophoniques dirigées contre le syndicat, et une politique de rotation de ses dirigeants sans leur consentement visant à démanteler le syndicat

  1. 436. La plainte figure dans une communication en date du 4 août 2015 présentée par la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP).
  2. 437. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 2 février 2016.
  3. 438. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 439. Dans sa communication en date du 4 août 2015, la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) allègue que l’entreprise minière Antamina S.A. (ci-après «l’entreprise minière») a utilisé des moyens de communication écrits et radiophoniques pour porter atteinte à la réputation du Syndicat unique des travailleurs d’Antamina (SUTRACOMASA) et transféré deux syndicalistes, sans motif valable et sans leur consentement, dans le but de déstabiliser l’organisation syndicale. La FNTMMSP indique que, le 22 juillet 2015, le SUTRACOMASA a déposé plainte devant la Direction générale nationale de l’inspection du travail (SUNAFIL) en lien avec ces pratiques antisyndicales.
  2. 440. La FNTMMSP allègue tout d’abord que l’entreprise minière a fait appel à la presse et à la radio (Radio Yanacancha (propriété de l’entreprise)) pour porter atteinte à l’honneur, au prestige et à la renommée du SUTRACOMASA. La FNTMMSP joint à sa plainte copie des communications suivantes, visant selon elle, à susciter des désaffiliations et en définitive à éliminer le SUTRACOMASA: i) communication en date du 15 novembre 2014 dans laquelle l’entreprise rejette les versions des faits données par les dirigeants du SUTRACOMASA au sujet d’un accident dont a été victime un syndicaliste, et qui souligne qu’il s’agit du premier incident survenu depuis le 10 novembre, date à laquelle a commencé une grève déclarée illégale par l’autorité du travail; ii) communication en date du 21 novembre 2014, dans laquelle l’entreprise accuse les dirigeants du SUTRACOMASA d’avoir bloqué les voies d’accès au centre des opérations et d’avoir menacé et agressé verbalement les travailleurs qui avaient décidé de ne pas participer aux blocages; iii) communication no 6 du vice-président des ressources humaines dans laquelle l’entreprise réitère sa volonté de dialogue et indique que, les négociations entre les parties n’étant pas terminées, la grève a été déclarée infondée; iv) communication en date du 3 décembre 2014, dans laquelle le secrétaire général du SUTRACOMASA fait directement l’objet de propos calomnieux; il y est notamment affirmé qu’il a menti, tenu des propos inexacts et des affirmations tendancieuses que l’entreprise a dû démentir; v) communication en date du 16 janvier 2015 prétendant préciser une information donnée par le syndicat, laissant entendre que celui-ci diffuse des contrevérités; enfin, vi) communication en date du 14 juillet 2015 dans laquelle l’entreprise fait savoir que les avantages liés à une convention collective seront accordés indépendamment du statut d’affilié au SUTRACOMASA, favorisant ainsi la désaffiliation et la déstabilisation de ce dernier. La FNTMMSP joint en annexe copie des lettres de démission envoyées entre novembre 2014 et janvier 2015 par près de 200 travailleurs affilés au SUTRACOMASA. Enfin, en lien avec les communications radiophoniques, la FNTMMSP indique que, bien que le SUTRACOMASA ait demandé un temps d’antenne pour exercer son droit de réponse, ses demandes ont été oralement rejetées sans qu’aucune réponse formelle n’ait été envoyée.
  3. 441. En deuxième lieu, la FNTMMSP allègue que l’entreprise minière a violé le mandat syndical de MM. Edwin Farromeque Romero et Henry Bruno Rojas, qui ont été déplacés de leur lieu de travail sans motif valable en vue de déstabliliser le SUTRACOMASA. Concernant M. Farromeque Romero, la FNTMMSP indique que, le jour de son transfert, il était le seul candidat au poste de sous-secrétaire général à la base de Huarmey et que l’entreprise aurait violé l’article 30 de la loi sur les relations collectives de travail qui dispose que «le mandat syndical accorde à certains travailleurs la garantie de n’être ni licenciés ni transférés dans d’autres établissements de la même entreprise, sans motif valable dûment justifié ou sans leur accord. Le consentement d’un travailleur n’est pas exigé lorsque son transfert ne l’empêche pas d’accomplir ses fonctions de dirigeant syndical»; cette disposition est complétée par l’article 31 qui dispose que «[s]ont protégés par le mandat syndical»: «d) les candidats à un poste de dirigeant ou de délégué, trente jours calendaires avant le processus électoral et trente jours calendaires après la conclusion de celui-ci».

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 442. Dans une communication en date du 2 février 2016, le gouvernement fait parvenir ses observations, de même que celles de l’entreprise minière. Il indique en premier lieu que les pratiques antisyndicales alléguées dans la présente plainte ont été dénoncées le 22 juillet 2015 par le SUTRACOMASA auprès de la SUNAFIL, l’entité chargée de promouvoir et de contrôler le respect de la législation dans le domaine social et du travail et dans celui de la sécurité et santé au travail. A cet égard, le gouvernement indique que, le 15 octobre 2015, après avoir effectué une deuxième et ultime inspection dans l’entreprise, la SUNAFIL a établi son rapport (joint en annexe par le gouvernement) concluant qu’aucune infraction n’a été constatée dans le domaine du travail.
  2. 443. Concernant le transfert de MM. Farromeque Romero et Rojas, le gouvernement indique que ces travailleurs opèrent actuellement sur leur lieu de travail habituel, à savoir la zone du concentrateur située dans le port de Punta Lobitos (PPL) dans la ville de Huarmey. L’entreprise minière, quant à elle, fait savoir que leur transfert à la mine intervenu le 30 mars 2015 n’avait pas pour objet de porter atteinte au droit syndical; il s’agissait d’une mesure temporaire dûment justifiée par l’existence d’un programme de formation. Selon les précisions de l’entreprise, celle-ci possède un plan de formation pour le «concentrateur», qui suppose une rotation des travailleurs concernés afin de leur donner toutes les compétences nécessaires pour accomplir les différentes fonctions à assumer en la matière. Le gouvernement joint une copie des lettres envoyées par l’entreprise aux travailleurs le 15 septembre 2015, dans lesquelles elle les informe que, du fait qu’ils ont accompli leur six mois de rotation, ils doivent retourner à leur poste de travail le 8 octobre. Le gouvernement indique que, comme l’a confirmé la SUNAFIL dans son rapport d’inspection, MM. Farromeque Romero et Rojas ont regagné leur centre de travail les 8 et 13 octobre 2015 respectivement.
  3. 444. L’entreprise minière décrit en détail le programme de formation fondé sur la rotation du personnel (formation croisée), qui a commencé à s’appliquer en 2013, et fournit les noms des travailleurs qui ont participé à ce programme cette année et qui ont fait l’objet d’une rotation pendant une période de six mois. Selon l’entreprise, le programme a connu des retards indépendants de sa volonté et, en janvier 2015, a jugé opportun de procéder à la rotation des travailleurs qui n’avaient pas encore participé au programme. Dans le cas spécifique des travailleurs du concentrateur du site de PPL, quatre travailleurs devaient effectuer une rotation et, du fait que deux d’entre eux n’étaient pas disponibles, le programme a continué avec les deux travailleurs restants: MM. Farromeque Romero et M. Rojas, qui avaient connaissance du programme et qui ont été informés dans les délais prescrits de leur tour et du caractère temporaire de la mesure. L’entreprise souligne que, dans le cas particulier de M. Farromeque, son transfert temporaire ne l’a jamais empêché d’accomplir ses fonctions au sein du SUTRACOMASA, celui-ci s’étant vu octroyer des congés syndicaux pendant cette période. Dans son rapport en date du 15 octobre 2015, la SUNAFIL conclut que, étant donné que MM. Farromeque Romero et Rojas sont retournés à leur centre de travail les 8 et 13 octobre de 2015 respectivement, elle n’était plus en mesure de poursuivre son enquête.
  4. 445. S’agissant des communications diffusées par l’entreprise par voie de presse et par voie radiophonique, l’entreprise minière indique que celles-ci avaient un contenu purement informatif et que leur diffusion a eu lieu durant les mois de novembre et décembre 2014, durant lesquels le SUTRACOMASA a lancé deux grèves, déclarées illégales, faute d’avoir fourni les noms des travailleurs chargés d’occuper les postes essentiels pendant les blocages. L’entreprise indique aussi que les communications se sont limitées à clarifier sa position face aux affirmations erronées et inexactes qui ont circulé pendant les blocages et que, selon elle, on n’y trouve aucune allusion ou phrase tendant à faire obstacle au libre exercice du droit à la liberté syndicale ou portant atteinte à la bonne renommée de l’organisation syndicale.
  5. 446. En lien avec le refus d’accorder un temps d’antenne au SUTRACOMASA, l’entreprise minière indique que la station de radio Yanacancha a été créée en 2007 par l’Association civile Yanacancha avec pour objet de partager des informations avec les travailleurs. L’Association Yanacancha, pour sa part, a confié à Prodial Comunicación Integral S.A.C. (ci-après «PCI») la gestion et l’exploitation complète de la station de radio. S’agissant de la demande du SUTRACOMASA de disposer d’un temps d’antenne de trente minutes deux fois par jour pour diffuser ses communications syndicales, l’entreprise indique qu’elle n’était nullement tenue par la loi d’accorder ce temps d’antenne sur une radio privée dont la vocation est de créer un canal de communication entre l’entreprise et ses travailleurs, et cela d’autant plus qu’aucune de ses communications n’a été offensante pour l’organisation syndicale. A cet égard, dans son rapport, joint en annexe par le gouvernement, la SUNAFIL a conclu que les décisions relatives à la diffusion d’émissions radiophoniques relèvent de la seule responsabilité de la PCI, ce qui fait qu’il n’y a pas eu de violation de la liberté syndicale et que, en vertu de l’article 37 de la convention collective en vigueur, le SUTRACOMASA a toute latitude pour diffuser, au sein du centre de travail, les communications syndicales qu’il juge utiles, de même que pour utiliser d’autres médias, y compris Internet et la radio satellite Radio San Pedro.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 447. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue qu’une entreprise minière a utilisé la presse et la radio pour porter atteinte à l’honneur, au prestige et à la bonne renommée du SUTRACOMASA afin de provoquer des désaffiliations au sein de ce syndicat, et a par ailleurs violé le mandat syndical de MM. Edwin Farromeque Romero et Henry Bruno Rojas, qui ont fait l’objet d’un transfert sans motif valable et sans leur consentement dans le but de déstabiliser le syndicat.
  2. 448. Le comité note que, comme l’indiquent l’organisation plaignante et le gouvernement, les allégations de pratiques antisyndicales ont été dénoncées par le SUTRACOMASA le 22 juillet 2015 auprès de la SUNAFIL, l’entité chargée de promouvoir et de contrôler le respect de la législation dans le domaine social et du travail et dans celui de la sécurité et santé au travail. A cet égard, le comité note que le gouvernement a envoyé en annexe copie du rapport d’inspection de la SUNAFIL, établi le 15 octobre 2015, concluant qu’aucune infraction n’a été constatée dans le domaine du travail.
  3. 449. En ce qui concerne le transfert de M. Edwin Farromeque Romero (qui à la date de son transfert était candidat à un poste de dirigeant syndical) et de M. Henry Bruno Rojas, le comité note que leur transfert est intervenu le 30 mars 2015 et que, le 15 septembre de cette même année, l’entreprise minière leur a envoyé une lettre (jointe en annexe par le gouvernement) les informant que, du fait qu’ils avaient accompli leur six mois de rotation, ils devaient retourner à leur poste de travail le 8 octobre. Le comité note que, selon l’indication de l’entreprise et comme l’a constaté la SUNAFIL dans son rapport d’inspection, MM. Farromeque Romero et Rojas ont regagné leur centre de travail les 8 et 13 octobre 2015 respectivement.
  4. 450. Tout en observant que les travailleurs ont été transférés sans leur consentement, le comité prend note du fait que l’organisation plaignante a joint à sa plainte copie des lettres envoyées par l’entreprise minière aux travailleurs le 25 février 2015, dans lesquelles elle indique que leur transfert a lieu dans le cadre d’un programme de formation de l’entreprise ayant trait au concentrateur et qu’il s’agit d’un transfert temporaire visant à leur donner des compétences complètes dans les diverses fonctions à accomplir en la matière. Le comité note également que, selon l’entreprise, le programme de formation a commencé à être mis en œuvre en 2013 et que, dans le cadre de ce programme, d’autres travailleurs de l’entreprise ont également été transférés temporairement. Par ailleurs, il ne ressort pas des allégations que le fait d’avoir été transféré aurait empêché les travailleurs de mener à bien leurs activités syndicales. Dans le cas particulier de M. Farromeque, le comité note que, selon l’entreprise minière, son transfert ne l’a pas empêché d’assumer ses fonctions au sein du SUTRACOMASA, celui-ci s’étant vu octroyer des congés syndicaux pendant cette période. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
  5. 451. S’agissant de communications diffusées par l’entreprise minière, tant par voie de presse que par la station de radio Yanacancha (propriété de l’entreprise), le comité note que l’organisation plaignante et le gouvernement ont joint en annexe copie de ces dernières, desquelles il ressort que: i) il s’agit de communications diffusées pendant les mois de novembre et de décembre 2014, à savoir durant la période où le SUTRACOMASA a engagé ses membres à participer à deux grèves, déclarées illégales faute d’avoir fourni la liste nominative des travailleurs qui auraient été chargés d’occuper les postes essentiels pendant les blocages; ii) dans la quasi-totalité des communications, l’entreprise critique directement le syndicat et les actions menées par ses dirigeants durant les blocages, en remettant en question la véracité de ses déclarations; enfin, iii) dans ces communications, l’entreprise souligne également qu’elle reste ouverte au dialogue.
  6. 452. Le comité note également que, durant la période pendant laquelle ces communications ont été diffusées, près de 200 travailleurs ont envoyé leur lettre de démission au syndicat. Si dans certaines d’entre elles les travailleurs se déclarent en désaccord avec les actions menées par les dirigeants syndicaux en lien avec les blocages, dans la grande majorité des cas les lettres ont été envoyées sans fournir d’explication. Bien que son attention soit appelée sur le nombre élevé de lettres de démission envoyées au syndicat pendant les blocages, le comité note également que l’organisation plaignante ne mentionne pas de pressions directes de la part de l’entreprise pour obtenir la désaffiliation des travailleurs, pas plus qu’elle n’allègue que, durant cette période, elle n’aurait pas été libre de diffuser les communications syndicales qu’elle considère comme pertinentes, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du lieu de travail.
  7. 453. Dans ce contexte, le comité appelle l’attention sur la recommandation (nº 129) sur les communications dans l’entreprise, 1967, qui stipule que les employeurs et leurs organisations de même que les travailleurs et leurs organisations devraient, dans leur intérêt commun, reconnaître l’importance, dans les entreprises, d’un climat de compréhension et de confiance réciproques, favorable à la fois à l’efficacité de l’entreprise et aux aspirations des travailleurs. De même, les méthodes de communication ne devraient en aucune manière porter atteinte à la liberté syndicale; elles ne devraient en aucune façon porter préjudice aux représentants des travailleurs librement choisis ni à leurs organisations, ni limiter les attributions des institutions qui, selon la législation et la pratique nationales, représentent le personnel. Compte tenu de ce qui précède, le comité encourage les parties à s’efforcer d’établir, avec l’aide éventuelle du gouvernement, des relations fondées sur le dialogue et le respect mutuel.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 454. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité encourage les parties à s’efforcer d’établir, avec l’aide éventuelle du gouvernement, des relations fondées sur le dialogue et le respect mutuel.
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