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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO383, October 2017

CASE_NUMBER 3196 (Thailand) - COMPLAINT_DATE: 02-MRZ-16 - Closed

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent le licenciement de militants syndicaux après leur participation à la présentation de revendications en vue d’une négociation collective avec l’employeur, un constructeur automobile, le refus de l’employeur de réintégrer ces travailleurs malgré les décisions prises à cet effet par le Comité des relations professionnelles et par le Tribunal central du travail, la rétrogradation du président du SMTWU et l’interdiction qui lui a été imposée d’accéder aux locaux de l’entreprise

  1. 626. La plainte figure dans les communications en date du 2 mars et du 17 mai 2016, et du 13 janvier et du 11 juillet 2017 présentées par le Syndicat des travailleurs de Suzuki Motors Thailand (SMTWU) et la Confédération des syndicats de Thaïlande (TCTU).
  2. 627. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 24 février, 27 mars et 27 septembre 2017.
  3. 628. La Thaïlande n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 629. Dans leurs communications en date du 2 mars 2016, la TCTU et le SMTWU (affilié à la TCTU) allèguent le licenciement de travailleurs ayant participé à la présentation de revendications en vue d’une négociation collective avec l’employeur, Suzuki Motors Thailand Co. Ltd (ci-après «l’entreprise»). Dans ces communications et dans celles qui ont suivi, les organisations plaignantes ont fourni la chronologie des faits allégués qui suit.
  2. 630. Le 17 décembre 2013, un groupe de travailleurs a formulé et présenté à l’employeur une série de revendications concernant les conditions de travail, les salaires et les primes, conformément aux procédures prévues dans la loi sur les relations professionnelles (LRA).
  3. 631. Le 18 décembre 2013, les travailleurs ont présenté une demande d’enregistrement d’un syndicat.
  4. 632. Le 20 décembre 2013, les représentants des travailleurs et de la direction ont négocié les revendications pour la première fois, mais ne sont pas parvenus à un accord. Un seul sujet a été débattu et les douze revendications restantes ont été rejetées par l’employeur.
  5. 633. Le 21 décembre 2013, conformément à la législation du travail, les représentants des travailleurs ont saisi un conciliateur du conflit de travail, les représentants de l’entreprise ayant refusé à plusieurs reprises de retourner à la table de négociation.
  6. 634. Le 25 décembre 2013, suite à un règlement de conciliation, un accord sur les primes a été signé. En outre, il a été convenu de conserver les conditions de travail existantes et de ne pas considérer les mesures prises lors de la négociation comme des infractions à la réglementation sur le lieu de travail. Lors de la médiation, les représentants de l’entreprise se sont engagés à ne pas harceler ni licencier les travailleurs ayant participé à la présentation des revendications.
  7. 635. Le 26 décembre 2013, à 10 heures, les travailleurs ont été informés de l’enregistrement du SMTWU. A 16 heures, neuf dirigeants syndicaux et un travailleur qui avaient présenté les revendications et pris l’initiative des démarches d’enregistrement ont été licenciés par l’employeur pour divers chefs d’accusation, dont les suivants: perpétration d’un crime dans l’intention de causer des dommages à l’entreprise; vol; manquement à ses obligations; infraction à la réglementation du travail; diffamation de l’entreprise; incitation des travailleurs; utilisation des ressources de l’entreprise par l’envoi de correspondances électroniques pendant les heures de travail.
  8. 636. Le 14 janvier 2014, les travailleurs licenciés ont déposé une plainte pour licenciement abusif auprès du Comité des relations professionnelles (LRC).
  9. 637. Le 9 avril 2014, le LRC a statué en faveur des neuf travailleurs, estimant que le licenciement enfreignait l’article 121(1) de la LRA et a ordonné leur réintégration. La plainte d’un travailleur a été rejetée, mais les organisations plaignantes estiment que, comme il a été licencié pour le même motif que les neuf autres travailleurs, l’ordonnance de réintégration devait s’appliquer également à lui. Le 15 mars 2015, il s’est suicidé. Les organisations plaignantes considèrent que ses héritiers devraient recevoir une indemnisation intégrale (à la place de la réintégration).
  10. 638. Les organisations plaignantes allèguent en outre que l’employeur a omis de se conformer à l’ordonnance du LRC et indiquent que, en juin 2014, l’entreprise a fait appel de la décision du LRC auprès du Tribunal central du travail (CLC). Le 25 mai 2015, le CLC a confirmé l’ordonnance de réintégration du LRC. En particulier, les organisations plaignantes indiquent qu’il a estimé que l’employeur devait: réintégrer les neuf travailleurs dans leurs fonctions antérieures et les maintenir en poste aux mêmes conditions de travail; verser les primes conformément à la convention collective signée le 25 décembre 2013, dont un paiement de 15 pour cent d’intérêt par an; verser les prestations sociales dues, dont 15 pour cent d’intérêt par an; et ajuster le salaire annuel de 2013 (au taux de 6 pour cent du salaire des travailleurs, compte tenu du poste occupé selon la grille de rémunération).
  11. 639. Le 30 juin 2015, lesdits neuf travailleurs ont écrit une lettre à l’employeur pour demander leur retour au travail. L’employeur n’a pas répondu. Le 7 juillet 2015, la TCTU a envoyé, au nom des travailleurs, une lettre à l’employeur pour demander la réintégration des travailleurs; lettre qui est restée sans réponse, une fois de plus.
  12. 640. Le 7 juillet 2015, l’entreprise a fait appel de la décision du CLC devant la Cour suprême.
  13. 641. Le 5 janvier 2016, le président par intérim du SMTWU, a été rétrogradé. Le 17 mars 2016, lors d’une réunion avec la Direction des ressources humaines, il a reçu une lettre signée par le président de l’entreprise lui ordonnant de cesser immédiatement de travailler et lui interdisant de pénétrer dans l’usine. Cela a entraîné la perte de ses heures supplémentaires rémunérées, de ses congés payés et d’autres prestations. Les organisations plaignantes soulignent, par ailleurs, que le fait qu’il perçoive toujours son salaire l’empêche de poursuivre l’employeur parce que cette situation n’est pas contraire à la loi.
  14. 642. Les organisations plaignantes allèguent que l’entreprise continue de refuser de se conformer aux ordonnances de réintégration du LRC et du CLC et d’empêcher le président du SMTWU d’accéder au lieu de travail pour y rencontrer les travailleurs et pour y vérifier les conditions de travail. Les organisations plaignantes y voient une indication claire de la mauvaise foi et de l’attitude antisyndicale de l’employeur et soulignent que l’entreprise ne s’est pas conformée aux instruments internationaux suivants: la Déclaration de Philadelphie, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi; la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale; la recommandation (nº 119) sur la cessation de la relation de travail, 1963; les conventions nos 87 et 98; et la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable.
  15. 643. Par ailleurs, les organisations plaignantes dénoncent l’inaction du gouvernement, qui n’a pas garanti de réparation efficace. Elles renvoient, en particulier, à l’article 158 de la LRA, aux termes duquel l’employeur qui enfreint l’article 121 ou l’article 123 de la LRA est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de six mois ou d’une amende d’un montant maximal de 10 000 baht, ou de ces deux peines à la fois. Les organisations plaignantes soulignent que la violation de ces articles a été établie par le LRC et le CLC, et que le non-respect des ordonnances du LRC et du CLC aurait dû déclencher immédiatement des procédures pénales intentées par les autorités. Les autorités ont nié avoir engagé des poursuites ou avoir enquêté sur la question.
  16. 644. Dans ses communications en date du 13 janvier et du 11 juillet 2017, la TCTU indique que, le 10 mai 2016, elle a porté plainte auprès du Point de contact national (PCN) japonais conformément aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Le 28 septembre 2016, le PCN japonais a informé la TCTU que l’entreprise était «incapable d’entamer le dialogue par la médiation du PCN japonais». La TCTU indique en outre que, dans sa déclaration finale sur une circonstance spécifique concernant [la société mère et l’entreprise] en rapport aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, faite le 23 juin 2017, le PCN japonais a conclu en ces termes:
    • 5(2)(B). Malgré la proposition de médiation faite par le PCN japonais, les entreprises concernées entendent respecter les procédures judiciaires intentées en Thaïlande et aspirent à une résolution conforme aux procédures judiciaires.
    • […]
    • 6. Le PCN japonais recommande que [la société mère et l’entreprise] mènent leurs activités dans le respect des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.
  17. La TCTU en déduit donc que l’entreprise n’a pas respecté les principes précités de l’OCDE.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 645. Dans ses communications en date du 24 février 2017, le gouvernement expose les faits suivants concernant ce cas. Le 17 décembre 2013, un groupe de travailleurs de l’entreprise avait présenté des revendications et négocié avec l’employeur conformément aux procédures prescrites par la LRA. Aucun accord n’ayant été trouvé, le 21 décembre 2013, les travailleurs ont avisé un conciliateur du bureau de protection syndicale et sociale de la province de Rayong. Le 25 décembre 2013, un accord sur les conditions de travail a été conclu entre les deux parties. Le 26 décembre 2013, le SMTWU a été enregistré. Le même jour, dix dirigeants syndicaux ont été licenciés. Le 14 janvier 2014, le SMTWU a déposé une plainte pour pratique déloyale (licenciement abusif) auprès du LRC. Le 9 avril 2014, le LRC a ordonné à l’employeur de réintégrer dans leurs anciennes fonctions neuf dirigeants syndicaux aux conditions antérieures, sans perte de salaire, d’indemnités ni de primes, compte tenu des modalités de l’accord du 25 décembre 2013. Concernant le dixième dirigeant syndical, le LRC a établi que son licenciement n’était pas une pratique déloyale puisqu’il n’avait pas participé à la présentation des revendications. Le 14 mars 2015, il s’est suicidé. L’employeur n’a pas respecté l’ordonnance du LRC et a fait appel de cette décision devant le CLC. Le 25 mai 2015, le CLC a confirmé l’ordonnance du LRC. Le 7 juillet 2015, l’employeur a fait appel de la décision du CLC devant la Cour suprême. A l’heure actuelle, l’appel est en instance. Les neuf dirigeants syndicaux n’ont pas été réintégrés.
  2. 646. Le gouvernement note que, selon les organisations plaignantes, le gouvernement aurait omis: 1) de garantir une réparation efficace après la rétrogradation du président du SMTWU; 2) de garantir une réparation efficace lorsque l’entreprise a interdit à ce dernier d’accéder au lieu de travail, ce qui a entraîné la perte de ses heures supplémentaires rémunérées, de ses congés payés et d’autres prestations, et d’accéder au lieu de travail pour y rencontrer les travailleurs et pour y vérifier les conditions de travail; 3) de garantir une réparation efficace après le licenciement abusif de neuf dirigeants syndicaux; 4) d’indemniser intégralement les héritiers de l’un des signataires des revendications des travailleurs dont la demande de réintégration a été rejetée par le LRC, ce qui a conduit à son suicide.
  3. 647. En réponse, le gouvernement indique, concernant le point 1) ci-dessus, que le président du SMTWU n’a pas déposé ni chargé son représentant de déposer une plainte pour pratique déloyale concernant sa rétrogradation. C’est seulement sur présentation d’une telle plainte que l’agent compétent peut déterminer si le président du SMTWU a été rétrogradé de façon abusive, en violation des articles 20, 52 ou 121 de la LRA. En cas de rétrogradation abusive, l’agent compétent peut prendre les mesures prescrites par la LRA.
  4. 648. Concernant le point 2), le gouvernement indique que le président du SMTWU n’a pas déposé ni chargé son représentant de déposer une plainte relative à la perte d’indemnités présumée. Lorsqu’une plainte est déposée, l’agent compétent peut prendre les mesures prévues par la LRA en cas de pratique déloyale. En outre, concernant l’interdiction de se rendre sur le lieu de travail, le gouvernement considère que, même si le président du SMTWU a été licencié et que l’affaire est toujours en instance devant la Cour suprême, il lui est loisible de contacter et de consulter ses collègues en dehors des locaux de l’entreprise.
  5. 649. Concernant le point 3), le gouvernement réaffirme que l’ordonnance du LRC prévoyait le versement des prestations légitimes aux travailleurs concernés et que, même si le CLC a confirmé la décision du LRC, l’employeur a fait appel de cette décision devant la Cour suprême, où l’affaire est encore en instance.
  6. 650. Concernant le point 4), le gouvernement indique que le LRC, un organe tripartite, après un examen approfondi, avait constaté que neuf des dix travailleurs avaient participé à la présentation des revendications et avaient été licenciés en violation de l’article 121 de la LRA. Par la suite, le LRC a émis une ordonnance de réintégration de ces neuf travailleurs en vertu de l’article 123 de la LRA. Le LRC n’a pas émis d’ordonnance de réintégration pour le dixième travailleur parce qu’il n’avait pas participé à la présentation des revendications. La présentation des revendications n’était pas la cause de son licenciement. Il a été établi que 20 travailleurs étaient employés au 24 septembre 2013: trois d’entre eux ont démissionné pour des raisons personnelles; 16 travailleurs ont été évalués avec succès après une période d’essai, le 21 janvier 2014; et dont une, la personne en question, a échoué à l’évaluation des performances et a été licencié. En conséquence, selon le gouvernement, son licenciement n’était pas une pratique déloyale aux termes de l’article 121 de la LRA et ne tombait pas sous le coup de l’article 123 de la LRA.
  7. 651. Le gouvernement souligne que c’est le droit du travailleur comme de l’employeur qui conteste la décision du CLC de faire appel devant la Cour suprême, qui tranche en se fondant sur les faits et les dispositions législatives pertinentes. Si la Cour suprême confirme la décision du CLC, les travailleurs concernés doivent être réintégrés et dédommagés, et sans perte de salaire ni d’indemnités. Si l’employeur ne respecte pas la décision de la Cour suprême, des poursuites judiciaires doivent être intentées contre lui/elle.
  8. 652. Dans sa communication en date du 27 mars 2017, le gouvernement transmet les commentaires et observations de l’entreprise sur les allégations faites dans ce cas. L’entreprise demande d’abord si la TCTU pouvait présenter une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale au nom du SMTWU. Par ailleurs, l’entreprise conteste les faits tels qu’exposés par les organisations plaignantes et présente sa propre version des faits.
  9. 653. Le 16 décembre 2013, vers 20 heures, un travailleur du quart de nuit qui s’était absenté du travail a commencé un mouvement de protestation avec sept travailleurs comme principaux meneurs. Les manifestants ont par la suite présenté des revendications informelles à l’employeur et ont continué de manifester, avec deux travailleurs de plus comme meneurs, jusqu’à 13 heures le 17 décembre 2013. Les négociations ont eu lieu entre l’entreprise et les représentants des travailleurs qui ont exposé les revendications. Le syndicat ne participait pas aux négociations, le SMTWU n’ayant pas encore été créé à cette période. Un accord a été signé le 25 décembre 2013.
  10. 654. Le 26 décembre 2013, les principaux dirigeants ont été licenciés. Le syndicat a été créé ce même jour, mais l’entreprise n’a appris son existence que le 6 janvier 2014, date à laquelle elle a reçu la première lettre officielle du syndicat. L’entreprise affirme que les neuf travailleurs ont été licenciés pour avoir agi comme principaux meneurs en incitant les travailleurs à cesser le travail et à se joindre à la manifestation durant la nuit du 16 décembre 2013. Un tel acte est considéré comme étant une grève de travailleurs n’ayant pas présenté de revendications dans les règles et officiellement ni avisé l’employeur et un inspecteur du travail avant la grève. Une telle pratique est contraire à la procédure prescrite par la LRA et a fait du tort à l’entreprise, qui avait suspendu tout le processus de fabrication entre 20 heures le 16 décembre 2013 et 13 heures le 17 décembre 2013.
  11. 655. En outre, le licenciement du dixième travailleur, le 17 février 2014, n’était pas dû à la présentation de revendications à laquelle il n’a pas participé, mais au fait qu’il a échoué à sa période d’essai (il a obtenu 53 points à l’évaluation des performances alors que la note de passage est fixée à 60 points). A la connaissance de l’entreprise, il s’est suicidé pour des motifs personnels qui n’avaient rien à voir avec le refus du LRC d’émettre une ordonnance de protection en sa faveur.
  12. 656. L’entreprise souligne par ailleurs que le cas a été présenté au LRC par les travailleurs eux-mêmes, et non par le syndicat, le 17 janvier 2014. A l’heure actuelle, l’entreprise n’accepte pas de réintégrer les neuf ex-travailleurs parce que le conflit de travail impliquant ces travailleurs n’a pas encore pris fin. Suite aux décisions du LRC et du CLC, l’entreprise a exercé son droit d’appel devant la Cour suprême. Elle a déposé à la cour le montant du jugement et la somme future à être versée en garantie afin de montrer que l’entreprise est capable d’effectuer le paiement lorsque le conflit prendra fin. En outre, l’entreprise souligne qu’elle a présenté une demande de suspension ou de sursis à exécution de l’ordonnance du LRC le jour où elle a interjeté appel devant la Cour suprême. Par conséquent, l’employeur a décidé de refuser de réintégrer les neuf ex-travailleurs parce que les décisions du LRC et du CLC ne sont pas encore arrêtées et que l’affaire est encore en instance devant la Cour suprême. L’entreprise affirme par ailleurs que la réintégration des travailleurs avant le prononcé du jugement troublerait la paix, l’ordre et l’harmonie au sein de l’organisation et serait pour l’employeur un obstacle à l’exercice de son pouvoir exécutif, comme le prescrit la loi.
  13. 657. Concernant la rétrogradation présumée du président du SMTWU, l’entreprise indique qu’il s’agissait non pas d’une rétrogradation, mais plutôt d’une modification de ses fonctions pour les adapter à la nouvelle structure de gestion de l’entreprise. De tels ajustements concernaient de nombreux travailleurs. Chaque employé concerné conserve les droits et avantages reçus avant le remaniement. L’entreprise souligne que, en vertu de la loi, elle est en droit de prendre de telles initiatives sans obtenir au préalable le consentement des travailleurs. Concernant l’interdiction d’accéder à ses locaux, l’entreprise indique qu’elle est due au fait que l’employeur présente actuellement au tribunal une demande d’autorisation à le licencier. L’entreprise affirme qu’il manque d’efficacité et cause intentionnellement des retards qui font du tort à l’entreprise. Lui permettre de continuer à travailler ne fera que causer davantage de dommages à l’employeur. Cependant, l’entreprise continue de lui verser son salaire et ses prestations normales, malgré le fait qu’il n’est pas tenu de travailler; il n’a donc perdu aucun des avantages liés à son travail. En vertu de la LRA, les actions de l’entreprise ne sont pas considérées comme une pratique déloyale. Qui plus est, libre à lui de contacter et de consulter ses collègues en dehors des locaux de l’entreprise. Concernant la perte présumée de rémunération provenant d’heures supplémentaires et de primes, l’entreprise souligne qu’il est de son ressort exclusif de demander à ses employés de faire des heures supplémentaires.
  14. 658. Enfin, l’entreprise souligne qu’elle est une personne morale constituée en société en vertu des lois thaïlandaises et que, en tant que pays Membre, le gouvernement thaïlandais a l’obligation de légiférer et de prescrire des directives nationales qui soient conformes aux normes internationales du travail, tandis que l’entreprise a l’obligation d’adhérer aux lois promulguées dans le pays et de s’y conformer.
  15. 659. Dans sa communication en date du 27 septembre 2017, le gouvernement indique que le cas est encore en instance devant la Cour suprême.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 660. Le comité note que ce cas, présenté par le SMTWU et la TCTU, concerne le licenciement de dix travailleurs de l’entreprise, ainsi que la rétrogradation présumée du président du SMTWU et l’interdiction qui lui a été imposée d’accéder aux locaux de l’entreprise. Les faits en cause, sur lesquels les organisations plaignantes, le gouvernement ainsi que l’entreprise semblent s’entendre, peuvent être résumés comme suit.
  2. 661. Le 17 décembre 2013, un groupe de travailleurs de l’entreprise avait présenté des revendications et négocié avec l’employeur conformément aux procédures prescrites par la LRA, tout en demandant l’enregistrement de son syndicat, le 18 décembre 2013. Aucun accord n’ayant été trouvé, le 21 décembre 2013, les travailleurs ont saisi un conciliateur du conflit de travail, conformément à la législation en vigueur. Le 25 décembre 2013, les deux parties sont parvenues à un accord. Le 26 décembre 2013, le SMTWU a été enregistré. Le même jour, dix travailleurs ont été licenciés. En janvier 2014, le SMTWU a déposé une plainte pour pratique déloyale (licenciement abusif) auprès du LRC. Le 9 avril 2014, le LRC a émis une ordonnance de réintégration à leur ancien poste de neuf dirigeants syndicaux, sans perte de salaire ni d’avantages sociaux. Concernant le dixième dirigeant syndical, le LRC a établi que son licenciement n’était pas une pratique déloyale car il n’avait pas participé à la présentation des revendications. Le 14 mars 2015, il s’est suicidé. L’employeur ne s’est pas conformé à l’ordonnance du LRC, mais a fait appel de cette décision devant le CLC. Le 25 mai 2015, le CLC a confirmé l’ordonnance du LRC. Le 7 juillet 2015, l’employeur a fait appel de la décision du CLC devant la Cour suprême. A l’heure actuelle, l’appel est encore en instance. Les neuf dirigeants syndicaux n’ont pas été réintégrés.
  3. 662. Le comité prend note d’une copie de l’ordonnance du LRC. Il constate, en particulier, que, après avoir entendu les témoins et mené à bien ses enquêtes, le LRC a conclu à la violation par l’entreprise de l’article 121(1) de la LRA, concernant les pratiques déloyales, et a ordonné la réintégration de neuf dirigeants syndicaux. Le comité note que, en vertu de l’article 121(1):
    • Aucun employeur ne doit:
      • 1) licencier un employé, son représentant, un dirigeant de syndicat ou un dirigeant de confédération syndicale ni agir de manière à l’empêcher de continuer à travailler, au motif que l’employé ou le syndicat appelle à un rassemblement, dépose une plainte, présente une revendication, participe à une négociation ou intente une action en justice ou agit comme témoin ou fournit des éléments de preuve à l’agent compétent, en vertu de la loi sur la protection des travailleurs, ou au greffier, au conciliateur, à l’arbitre du travail ou au comité des relations professionnelles, en vertu de la présente loi, ou au tribunal du travail, ou au motif que l’employé ou le syndicat se prépare à le faire.
  4. 663. Le comité note avec regret que le cas de neuf travailleurs licenciés en décembre 2013 est encore en instance d’appel et que, dans l’intervalle, ces travailleurs n’ont pas été réintégrés. Il rappelle à cet égard que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l’absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. Dans un cas où des procédures relatives à des licenciements avaient duré quatorze mois, le comité a demandé à l’autorité judiciaire, afin d’éviter un déni de justice, de se prononcer sur les licenciements sans délai et souligné qu’une nouvelle prolongation indue de la procédure pourrait justifier en elle-même la réintégration de ces personnes à leurs postes de travail. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 826 et 827.] Par ailleurs, le comité estime que, compte tenu du temps qui s’est écoulé et du fait que tant le LRC que le CLC ont demandé la réintégration des travailleurs licenciés pour des motifs antisyndicaux, il faudrait examiner la possibilité de leur réintégration ou dédommagement en attendant l’appel pour qu’ils puissent continuer de défendre efficacement leurs intérêts sans être injustement privés de revenu tout au long de ce long processus. Le comité prie donc le gouvernement de réexaminer la situation des travailleurs dont le LRC et le CLC ont ordonné la réintégration pour voir comment les soutenir efficacement en attendant la décision définitive de la Cour suprême et de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard. Il prie en outre le gouvernement de fournir une copie de la décision de la Cour suprême lorsqu’elle aura été rendue.
  5. 664. Le comité note par ailleurs que, après examen des faits et des éléments d’information qui lui ont été fournis, le LRC a conclu à l’absence de pratique de travail déloyale concernant le dixième travailleur, qui s’est suicidé par la suite, en mars 2015. Tout en prenant note de ce fait avec compassion, aucun élément de preuve ne lui ayant été fourni en dehors des éléments d’information déjà examinés par le LRC, le comité ne poursuivra pas l’examen de son allégation.
  6. 665. Le comité note en outre que, selon les organisations plaignantes, le président du SMTWU, a été rétrogradé le 5 janvier 2016 et qu’il ne bénéficie donc plus de la rémunération des heures supplémentaires, etc., et que, le 17 mars 2016, on lui a ordonné de cesser le travail et de ne plus pénétrer dans les locaux de l’entreprise; toutefois, le fait qu’il perçoive toujours son salaire l’empêche de poursuivre l’employeur, la situation actuelle étant en conformité avec la loi. Pour sa part, le gouvernement indique qu’il n’a pas déposé de plainte officielle pour pratique de travail déloyale. Concernant l’interdiction d’accéder au lieu de travail, le gouvernement estime que, même si le président du SMTWU a été licencié et que l’affaire est toujours en instance devant la Cour suprême, il lui est loisible de contacter et de consulter ses collègues en dehors des locaux de l’entreprise. Le comité prend note en outre de l’affirmation de l’entreprise selon laquelle les modifications apportées à ses fonctions résultaient de la nouvelle structure de gestion, qui concernait de nombreux travailleurs, et que tous les travailleurs concernés, y compris le président du SMTWU, conservent les droits et avantages reçus avant le remaniement. L’entreprise souligne que, en vertu de la loi, elle est en droit de prendre de telles initiatives sans obtenir au préalable le consentement des travailleurs. Elle souligne en outre qu’il est de son ressort exclusif de demander à ses employés de faire des heures supplémentaires. Concernant l’interdiction d’accéder à ses locaux, l’entreprise indique qu’elle est due au fait que l’employeur présente actuellement au tribunal une demande d’autorisation à le licencier. L’entreprise continue de lui verser son salaire et ses prestations normales, malgré le fait qu’il n’est pas tenu de travailler; mais l’entreprise affirme que le président du SMTWU manque d’efficacité et cause intentionnellement des retards qui causent du tort à l’entreprise. L’entreprise confirme en outre la déclaration du gouvernement selon laquelle il lui est loisible de contacter et de consulter ses collègues en dehors des locaux de l’entreprise.
  7. 666. Le comité croit comprendre que l’affaire du licenciement le président du SMTWU, portée par l’employeur, est encore en instance alors qu’il continue de recevoir son salaire et ses prestations, à l’exception de la rémunération des heures supplémentaires. Tenant compte des principes précités, le comité s’attend à ce que le tribunal se prononce sans délai sur son licenciement et que le syndicat ainsi que son président puissent exercer pleinement leurs droits syndicaux et leurs activités syndicales. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de fournir une copie du jugement lorsqu’il aura été rendu.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 667. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de réexaminer la situation des travailleurs dont le LRC et le CLC ont ordonné la réintégration pour voir comment les soutenir efficacement en attendant la décision définitive de la Cour suprême et de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard. Il prie en outre le gouvernement de fournir une copie de la décision de la Cour suprême lorsqu’elle aura été rendue.
    • b) Le comité s’attend à ce que le tribunal se prononce sans délai sur le licenciement du président du SMTWU et que le syndicat ainsi que son président puissent exercer pleinement leurs droits syndicaux et leurs activités syndicales. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de fournir une copie du jugement lorsqu’il aura été rendu.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises relativement aux recommandations précitées.
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