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Interim Report - REPORT_NO380, October 2016

CASE_NUMBER 3125 (India) - COMPLAINT_DATE: 27-FEB-15 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des transferts forcés de dirigeants syndicaux, des licenciements illégaux, des actes d’intimidation et des menaces physiques contre des membres syndicaux de la part de l’entreprise Modelama Exports, en représailles à des activités syndicales. L’organisation plaignante allègue en outre le refus injuste d’enregistrer un syndicat par le greffier des syndicats dans l’Etat d’Haryana

  1. 543. La plainte figure dans une communication du Syndicat des travailleurs de Modelama, Gurgaon (MWU) en date du 27 février 2015.
  2. 544. Le gouvernement a fait parvenir des observations partielles dans une communication en date du 4 juillet 2016.
  3. 545. L’Inde n’a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 546. Dans sa communication en date du 27 février 2015, le MWU allègue des transferts forcés de dirigeants syndicaux, des licenciements illégaux, des actes d’intimidation et des menaces physiques contre des membres syndicaux de la part de l’entreprise Modelama Exports, en représailles à des activités syndicales, ainsi que le refus d’enregistrer un syndicat par le greffier des syndicats dans l’Etat d’Haryana.
  2. 547. L’organisation plaignante indique que le MWU a été créé dans l’usine Modelama Exports qui produit et exporte des produits vestimentaires pour des marques multinationales en Europe et aux Etats-Unis et qui possède de nombreuses unités de production dans le district du Gurgaon de l’Etat d’Haryana, dans la ville de Noida et à New Delhi. Selon l’organisation plaignante, le MWU est un syndicat – répondant à la définition de ce terme fournie à l’article 2(h) de la loi de 1926 sur les syndicats – qui a élu des représentants et qui compte plus de 250 membres travaillant dans diverses unités de l’entreprise et versant des cotisations syndicales. Le 19 décembre 2012, conformément aux articles 4 et 5 de la loi sur les syndicats, le MWU a présenté une demande d’enregistrement et fourni tous les documents nécessaires au greffier des syndicats à Chandigarh, capitale de l’Etat d’Haryana.
  3. 548. L’organisation plaignante déclare que, quelques jours après le dépôt de la demande d’enregistrement du syndicat, la direction de l’usine a été informée par le ministère du Travail de la constitution du syndicat et a commencé à exercer des représailles contre ses dirigeants; selon le rapport du Congrès des travailleurs unis fourni par l’organisation plaignante, les travailleurs de l’usine ont dénoncé des mesures de représailles extrêmes, en particulier des licenciements, des transferts, des menaces physiques, des tentatives de corruption, des agressions verbales, des actes de maltraitance et des opérations de surveillance. En particulier, l’organisation plaignante signale que, le 8 janvier 2013, Ashok Kumar, secrétaire général du syndicat, a été transféré dans une autre unité de l’usine à une vingtaine de kilomètres, alors qu’il travaillait régulièrement dans la même unité depuis plus de sept ans où il était très apprécié en tant que responsable. Consécutivement à son transfert, plusieurs licenciements illégaux et forcés et transferts de responsables et de membres actifs du syndicat ont eu lieu dans les mois qui ont suivi: Grijesh Kumar a été licencié le 12 janvier 2013; Pramod Kumar a été licencié le 18 janvier 2013; Brijesh Prasad et Rajendra Prasad ont été licenciés le 24 janvier 2013; Ramnath, Shishu Pal et Ashutosh Yadav ont été licenciés le 25 janvier 2013; Bramhanand Bhuyan (secrétaire chargé de l’organisation), Manju Devi et Ranjeet Kumar ont été licenciés le 28 janvier 2013; Manoj Kumar Singh (secrétaire adjoint), Murari Prasad et Sharwan Kumar (vice-président) ont été licenciés le 12 février 2013; enfin, Vinod Kumar (trésorier) et Hem Narayan Jha (secrétaire à la communication) ont été transférés dans une autre unité le 15 janvier 2013. Les travailleurs licenciés ont été convoqués individuellement dans le bureau du responsable des ressources humaines où ils ont été entourés par 10 à 12 personnes, y compris des membres de la sécurité, et ont été contraints à signer des documents et à donner leurs empreintes digitales, tout en se voyant expliquer qu’ils étaient licenciés en raison de leur qualité de dirigeants syndicaux. Les intéressés ont également reçu de fortes sommes d’argent. L’organisation plaignante affirme que chacun des licenciements et transferts a été mis en œuvre de manière malveillante et constitue, en vertu de l’annexe V de la loi de 1947 sur les conflits du travail, une pratique de travail déloyale interdite par l’article 25-U de la même loi. Le syndicat a déposé plusieurs plaintes auprès du bureau de l’agent chargé du travail et de la conciliation (Cercle-1, Gurgaon) les 9 janvier 2013 et 28 février 2013, mais le ministère du Travail n’a pris aucune mesure pour donner suite aux plaintes continuellement déposées pour licenciements illégaux et forcés et pratiques de travail déloyales. De surcroît, la direction de l’usine n’a répondu à aucune des communications du syndicat et a transmis des informations inventées sur la situation des travailleurs au ministère du Travail.
  4. 549. En février et en mars 2013, l’organisation plaignante a organisé des actions de protestation devant l’entrée de l’usine où les travailleurs licenciés et transférés ont protesté contre leur licenciement ou leur transfert. Alors que ces derniers manifestaient pacifiquement, la direction de l’usine les a dérangés, intimidés et provoqués en formulant des commentaires négatifs et en les filmant. L’organisation plaignante affirme que la direction de l’usine cherchait clairement à menacer les travailleurs d’atteintes physiques et a porté plainte au poste de police d’Udyog Vihar, à la suite de quoi le sous-inspecteur de police a supprimé les photos et les vidéos et la direction de l’usine s’est engagée à ne pas faire un mauvais usage des matériels recueillis. L’organisation plaignante ajoute que la direction de l’usine a dressé des obstacles devant les manifestants, notamment en stationnant des camions et autres véhicules, et en déplaçant ces derniers pour cacher les manifestants de la vue du public et des autres travailleurs. Le syndicat a déposé à plusieurs reprises des plaintes au poste de police d’Udyog Vihar pour le stationnement illégal des camions. De plus, la manifestation a également été perturbée par des provocatrices au service de la direction de l’usine, qui ont menacé les membres syndicaux qui se tenaient devant l’usine, ont cherché à les faire quitter le syndicat et les ont bousculés et malmenés. Un jour, une de ces provocatrices a arraché l’appareil photo d’une personne effectuant un reportage sur la manifestation; l’appareil photo, qui est resté dans les locaux de l’usine, n’a été restitué qu’après une nouvelle intervention de la police. Selon l’organisation plaignante, la direction de l’usine a pris conscience de la popularité de la manifestation et de l’appui reçu par celle-ci par les travailleurs de l’entreprise et par d’autres travailleurs du vêtement, et leur a en conséquence interdit de quitter les locaux, et pour la première fois le déjeuner a été servi dans la cantine de l’usine. Les travailleurs ont compris que le thé et les biscuits leur étaient offerts gratuitement dans l’usine en raison du mouvement de protestation.
  5. 550. L’organisation plaignante ajoute que des travailleurs ont dénoncé des mesures de rétorsion extrêmes en représailles à leur mouvement de protestation qui, selon le rapport du Congrès des travailleurs unis, fourni par l’organisation plaignante, incluent notamment des opérations de surveillance des travailleurs et de leurs familles organisées par la direction de l’usine, des tentatives de corruption et d’intimidation par des visites domiciliaires et des inspections du lieu de travail. Ces allégations concernent notamment les travailleurs ci-après:
    • – Sharwan Kumar, vice- président du syndicat, a reçu un appel téléphonique à 20 heures, le 19 février 2013, au cours duquel une personne a demandé quand il serait à la maison; suite à cet appel M. Kumar s’est rendu au domicile d’un collègue. Le responsable principal de l’usine, Arvind Rai, la personne en charge des affaires, Munna, ont alors appelé sa femme pour l’interroger sur les déplacements de M. Kumar et lui ont proposé de fortes sommes d’argent si elle parvenait à convaincre son mari de quitter le syndicat et la manifestation. Celle-ci ayant refusé, ils l’ont menacée de graves conséquences.
    • – L’oncle d’Ashutosh Yadav, Vijay Kumar, a été approché par le responsable principal; ce dernier lui a demandé de dire à Yadav de quitter la manifestation, au risque de graves conséquences. Yadav a aussi reçu de nombreux appels téléphoniques les 20 et 21 février 2013 au cours desquels il lui a été demandé de se rendre dans une pièce précise de l’usine, où il a été menacé de poursuites pour contrebande. Depuis lors, Yadav vit avec un ami, mais les responsables de l’entreprise continuent à les menacer.
    • – Manju Devi a été approchée le 19 février 2013 par le responsable principal, Arvind Rai, son supérieur hiérarchique, Upendra, et le responsable du personnel, Sanjay Yadav, qui lui ont offert de l’argent et lui ont demandé soit de le prendre et de rejoindre l’usine, soit de quitter la manifestation. Lorsqu’elle a répondu qu’elle rejoindrait l’usine si tous ses collègues étaient repris, il lui a été demandé de se préoccuper d’elle-même, et non pas de ses collègues, et Mme Devi a décliné l’offre. Plus tard, le responsable principal est revenu à son domicile, lui a renouvelé l’offre et proposé d’autres avantages, que la travailleuse a à nouveau refusés. Le responsable principal a aussi essayé de convaincre le mari de Mme Devi, mais ce dernier n’a pas souhaité se mêler de la question. Madame Devi a alors appelé son collègue Ashok Kumar qui est venu s’entretenir avec le responsable principal. Le 20 février 2013, le responsable principal a appelé l’usine où travaillait le mari de Mme Devi et a demandé à ses responsables de licencier son mari en raison de l’affiliation syndicale de sa femme. Le même jour, le supérieur hiérarchique s’est rendu auprès de la travailleuse à son domicile pour faire pression sur elle pour qu’elle quitte le mouvement de protestation.
    • – Ashok Kumar, secrétaire général du syndicat, a reçu un appel téléphonique le 19 février 2013 de sa collègue Manju l’informant que le responsable principal, le supérieur hiérarchique et le responsable du personnel étaient à son domicile et lui demandant de venir, à la suite de quoi le responsable principal a également demandé à M. Kumar de se retirer. Plus tard, le chauffeur et membre de la famille de M. Kumar s’est rendu à son domicile et a parlé au responsable principal au téléphone. M. Kumar a été prié de retourner dans sa ville d’origine, à la suite de quoi les travailleurs seraient réintégrés un par un, mais M. Kumar a refusé. Le lendemain, le responsable du personnel s’est à nouveau rendu au domicile de M. Kumar de nuit, et ce dernier a demandé que tous ses collègues soient réintégrés, à la suite de quoi le responsable du personnel a déclaré qu’il ferait de la sorte si les manifestations ne reprenaient pas pendant trois jours. Néanmoins, lorsque M. Kumar a demandé un accord écrit à ce sujet pour le lendemain matin, le responsable du personnel a ajouté qu’il préparerait le document si M. Kumar pouvait promettre que les travailleurs quitteraient le syndicat. A cela, M. Kumar a répondu qu’il pourrait le faire si les travailleurs étaient bien traités par la direction pendant une durée d’un an, mais il n’a reçu aucun document écrit de la part de la direction.
  6. 551. L’organisation plaignante allègue par ailleurs que, tout en intimidant et harcelant des membres syndicaux, la direction menait simultanément des négociations avec les représentants syndicaux et acceptait de laisser les travailleurs reprendre leur travail et de payer les frais de déplacement supplémentaires ainsi que le loyer de deux responsables syndicaux. Néanmoins, cet accord n’a été conclu que verbalement, et après quelques mois la direction a cessé de fournir les avantages promis aux responsables syndicaux. De plus, alors que la direction était censée négocier avec le syndicat, elle a obtenu par ailleurs de manière unilatérale une ordonnance faisant obstacle au droit des travailleurs de se réunir et de protester pacifiquement, qui, selon l’organisation plaignante, a été établie sur la base de motifs fictifs et de documents transmis par la direction sans que le syndicat n’ait la possibilité de répondre et de défendre ses droits. L’organisation plaignante a alors appelé à un rassemblement massif et à une marche de protestation contre la direction du 17 février au 12 mars 2013 à proximité de l’entrée de l’usine, tout en respectant la distance de 300 mètres imposée par l’ordonnance. Plusieurs dirigeants syndicaux et les travailleurs ont exprimé leur solidarité avec le mouvement de lutte. Malgré la distance imposée, la direction a usé de plusieurs procédés pour perturber le mouvement de protestation, mais les travailleurs ont continué à faire pression sur la direction pour obtenir un règlement de la question. L’organisation plaignante déclare que le syndicat et la direction ont tenu des nouvelles négociations et qu’après plusieurs réunions la direction a fourni un accord écrit dans lequel elle accepte que 14 travailleurs soient réintégrés. Dans le cadre de cet accord, Ashok Kumar et Sharwan Kumar ont accepté d’être transférés à une vingtaine de kilomètres de leur lieu de travail et la direction paierait les loyers découlant de ces transferts, et deux autres membres actifs du syndicat, Hem Narayan Jha et Vinod Kumar, ont été transférés à Okhla en avril 2013 et ont obtenu l’assurance de bénéficier d’un transport, leur lieu de travail étant éloigné de leurs domiciles. L’organisation plaignante indique toutefois que, depuis lors, la direction est revenue sur ses promesses: elle a cessé de payer les frais à partir d’avril 2014, Ashok Kumar s’est vu refuser un mois de salaire pour le mois de juin 2014, et environ 200 dirigeants et membres syndicaux ont soit été contraints à la démission, soit licenciés illégalement par la direction dans les mois qui ont suivi. L’organisation plaignante déclare qu’elle a aussi envoyé des communications aux marques acheteuses de l’entreprise pour se plaindre des perturbations contre les manifestations et de discrimination antisyndicale, mais la plupart d’entre elles soit se sont abstenues de répondre, soit ont déclaré partager le point de vue de la direction. L’une d’entre elles a toutefois estimé que son code de conduite avait été violé et a rompu avec l’usine. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement, en collusion avec la direction de l’usine, a refusé aux travailleurs l’exercice de la liberté syndicale par différents moyens, et les marques ont agi de même.
  7. 552. S’agissant de la demande d’enregistrement, l’organisation plaignante indique que le bureau du greffier et commissaire au travail de l’Etat d’Haryana a rejeté la demande d’enregistrement du MWU par lettre no IR-2/2013/20846 en date du 8 juillet 2013 au motif que le syndicat ne répondait pas aux exigences prévues par l’article 4 de la loi sur les syndicats, étant donné que plus de 50 pour cent de ses déposants avaient cessé d’être membres du syndicat. L’organisation plaignante souligne néanmoins que ce refus se fonde sur des raisons inventées ou fictives, a été décidé sans la diligence raisonnable et sans qu’une enquête en bonne et due forme n’ait été menée concernant l’usine. L’organisation plaignante ajoute que le greffier a clairement démenti avoir reçu les documents pertinents de la part du syndicat, et, alors que l’article 7 de la loi sur les syndicats permet au greffier de demander des informations complémentaires aux syndicats dans le cadre de la procédure d’enregistrement, le syndicat n’a reçu aucune communication du bureau du greffier. Le 19 juillet 2013, les responsables du syndicat ont adressé une requête au greffier et commissaire au travail lui demandant de réexaminer le refus d’enregistrement au motif que les raisons du refus étaient erronées au plan factuel, que Vinod Kumar était trésorier et membre actif du syndicat et que la direction avait licencié les dirigeants syndicaux concernés, mais que ceux-ci avaient été réintégrés depuis lors. Néanmoins, la requête a été rejetée au motif que le bureau n’avait pas le pouvoir de réexaminer sa propre décision, et les déposants ont été invités à saisir le tribunal de travail de district compétent. L’organisation plaignante déclare que le greffier et commissaire au travail ne s’est pas acquitté de son obligation légale prévue par la loi sur les syndicats et a porté atteinte au MWU, d’autant que le ministère du Travail était au courant des pratiques de travail illégales de la direction et était partie au processus de conciliation. Elle ajoute que le refus d’enregistrement est fondé sur des présomptions erronées, le refus délibéré de prendre connaissance des documents pertinents et des autres preuves, des préjugés, une inaction et des manquements aux devoirs et obligations statutaires de la part de l’Etat d’Haryana. Selon l’organisation plaignante, le refus d’enregistrer le syndicat contrevient donc à la loi sur les syndicats et au paragraphe 2 de l’article 3 de la Constitution de l’OIT, de même qu’au paragraphe 2 de l’article 8 de la convention no 87, et constitue un cas flagrant de négligence et une tentative délibérée de dénier aux travailleurs de l’usine leur droit de s’organiser et de négocier collectivement. L’organisation plaignante prie donc instamment le Comité de la liberté syndicale d’ordonner au gouvernement de l’Inde et au ministère du Travail et de l’Emploi d’enquêter sur la question du non-enregistrement du MWU par le ministère du Travail de l’Etat d’Haryana et d’adopter les mesures nécessaires pour enregistrer le syndicat et réintégrer tous les travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales.
  8. 553. L’organisation plaignante indique en outre que, bien qu’à Gurgaon de nombreuses usines textiles produisent pour l’exportation, leurs travailleurs ne bénéficient pas de conditions d’emploi sûres, sont exploités, ne jouissent pas des mesures de bien-être auxquelles ils ont droit statutairement en vertu de la loi de 1948 sur les usines et sont amenés à travailler de longues heures tout en vivant en dessous du niveau de subsistance. Les travailleurs aspirent donc toujours à constituer des syndicats, mais lorsqu’ils exercent leur droit à la liberté syndicale garantie par l’article 91(1) C de la Constitution de l’Inde ils sont licenciés et persécutés, ce qui conduit à une détérioration de leurs conditions de vie. Selon le rapport du Congrès des travailleurs unis, le secrétaire général de la Nouvelle initiative syndicale, une fédération syndicale nationale indépendante, explique qu’en Inde les employeurs ont souvent recours aux mesures de représailles, d’intimidation et aux menaces pour maintenir un sentiment artificiel de paix sociale ancré dans les violations des droits humains et du travail, et ajoute que les syndicats rencontrent des obstacles à la reconnaissance, à l’enregistrement et à la négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 554. Dans sa communication en date du 4 juillet 2016, le gouvernement indique que: i) sur la base d’une décision en date du 15 août 2012 prise lors de la réunion de l’assemblée générale du syndicat, dix déposants, à savoir Retu Singh, Ashok, Sharwan Kumar, Hem Narayan Jha, Bramhanand Bhuyan, Murari, Shakuntala Devi, Ramraj, Manoj Kumar Singh et Vinod Kumar, ont présenté une demande d’enregistrement du syndicat; ii) sur les dix déposants, six ne travaillaient plus pour l’entreprise au moment de l’examen de la demande: Sharwan Kumar, Bramhanand Bhuyan, Murari et Manoj Kumar Singh ont présenté des lettres de démission après avoir accepté leur solde de tout compte, Retu Singh est considéré comme une personne extérieure, et Vinod Kumar a fait savoir par écrit qu’il n’était pas intéressé par la constitution du syndicat; il ne restait donc plus que quatre déposants sur dix; iii) bien que l’article 4(2) de la loi sur les syndicats prévoie qu’une demande d’enregistrement ne sera pas invalidée au seul motif que, après la présentation de la demande, mais avant l’enregistrement du syndicat, des déposants ont cessé d’être membres, ledit article prévoit aussi que, si plus de la moitié des membres qui ont présenté la demande cessent d’être membres du syndicat, la demande est alors invalidée, et le syndicat n’a plus droit à son enregistrement; iv) étant donné que plus de la moitié des déposants ne travaillaient plus pour l’entreprise, la demande d’enregistrement est devenue caduque, conformément à l’article 4(2) de la loi sur les syndicats; enfin, le commissaire au travail de l’Etat d’Haryana a fait savoir que l’enregistrement était rejeté et a ordonné le rejet de la demande d’enregistrement, ce qui est légal et conforme aux dispositions de la loi sur les syndicats.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 555. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue des actes de discrimination antisyndicale, en particulier des transferts forcés et des licenciements de dirigeants et de membres syndicaux, des actes de harcèlement et d’intimidation et des menaces physiques de la part de l’entreprise Modelama Exports en représailles à des activités syndicales, de même que le refus d’enregistrer un syndicat par le greffier des syndicats dans l’Etat d’Haryana.
  2. 556. Tout en observant que les questions spécifiques soulevées dans le présent cas concernent l’Etat d’Haryana, le comité ne peut que rappeler au gouvernement fédéral que les principes de la liberté syndicale doivent être respectés sur la totalité de son territoire. Le comité invite instamment le gouvernement à attirer sans délai l’attention des autorités compétentes de l’Etat d’Haryana sur ses conclusions et recommandations afin de résoudre les questions en suspens relatives au cas et d’obtenir des renseignements complets de l’Etat d’Haryana pour le prochain examen par le comité.
  3. 557. S’agissant des allégations relatives à des licenciements antisyndicaux, à des démissions forcées et des transferts, le comité note que, quelques jours après le dépôt de la demande d’enregistrement par le syndicat, la direction de l’usine a commencé à prendre des mesures de rétorsion contre les responsables et membres syndicaux, principalement par le biais de licenciements, de démissions forcées et de transferts dans différentes unités. Le comité note que tous les licenciements, démissions et transferts de dirigeants et de membres syndicaux, comme indiqué par l’organisation plaignante, ont été assortis d’actes de harcèlement, d’intimidation et de menaces, en ce sens que les travailleurs ont été convoqués par la direction, entourés par des groupes de personnes, y compris des membres de la sécurité, contraints à donner leurs empreintes digitales, menacés de poursuites pénales, acculés à signer des lettres de démission et soumis à la corruption. Le comité note également avec préoccupation que, alors même qu’un accord avait été conclu sur la réintégration de 14 dirigeants syndicaux, la direction est revenue sur l’entente conclue en avril 2014, et 16 responsables et environ 200 membres syndicaux ont été licenciés ou contraints à la démission dans les mois qui ont suivi. Le comité estime que la situation décrite ci-dessus soulève de sérieuses craintes de discrimination antisyndicale et regrette que le gouvernement n’ait fourni aucune observation à ce sujet. A cet égard, le comité souhaite souligner que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale, puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Le licenciement d’un travailleur en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte atteinte aux principes de la liberté syndicale. Le gouvernement doit prendre des mesures pour que les syndicalistes qui le souhaitent soient réintégrés dans leurs fonctions lorsqu’ils ont été licenciés pour des activités liées à la création d’un syndicat. Dans un cas concernant un grand nombre de licenciements de dirigeants syndicaux et d’autres syndicalistes, le comité a estimé qu’il serait particulièrement approprié qu’une enquête soit menée par le gouvernement en vue d’établir les véritables raisons des mesures prises. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 769, 789, 852 et 812.] Pour ce qui est de 16 responsables syndicaux à savoir Bramhanand Bhiuyan, Brijesh Prasad, Manoj Kumar Singh, Murari Prasad, Rajendra Prasad, Ramnath, Manju Devi, Ashok Kumar, Vinod Kumar, Hem Narayan Jha, Shishu Pal, Ashutosh Yadav, Sharwan Kumar, Pramod Kumar, Ranjeet Kumar et Grijesh Kumar, qui ont été licenciés ou contraints à la démission, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas fourni de commentaires à propos de cette allégation et le prie de veiller à ce que l’Etat d’Haryana diligente une enquête indépendante en vue de déterminer si leurs licenciements ou démissions forcées étaient dus à leur activité syndicale, en accordant l’attention nécessaire à leur rôle dans le syndicat ainsi qu’aux principes susmentionnés, et, s’il est établi que leurs licenciements ou démissions forcées ont été motivés par leur affiliation syndicale ou par leurs activités syndicales légitimes, prenne les mesures nécessaires pour réintégrer les travailleurs dans leurs fonctions sans perte d’ancienneté ou bien de leur verser une indemnisation adéquate. Le comité prie également le gouvernement de veiller à ce que l’Etat d’Haryana diligente une enquête indépendante sur les allégations de licenciements et de démissions forcées à grande échelle d’environ 200 membres syndicaux pour déterminer les véritables mobiles de la prise de ces mesures et, s’il est établi qu’ils ont été motivés par leur affiliation syndicale ou par leurs activités syndicales légitimes, prenne les mesures nécessaires pour réintégrer les travailleurs concernés dans leurs fonctions sans perte d’ancienneté, s’ils le souhaitent. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
  4. 558. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, tous les licenciements et démissions forcées des travailleurs ont été accompagnés par des actes de harcèlement et d’intimidation et qu’à plusieurs reprises la direction a perturbé les manifestations pacifiques de travailleurs licenciés, contraints à la démission et transférés, et a intimidé et harcelé leurs participants, à la fois durant et après les manifestations, notamment en organisant des opérations de surveillance, en les menaçant d’atteintes physiques, en se rendant à leurs domiciles et en tentant de les corrompre. Le comité note avec préoccupation l’allégation selon laquelle, en dépit du fait que le syndicat a présenté plusieurs plaintes auprès du bureau du greffier et conciliateur du travail alléguant des licenciements illégaux et forcés de membres syndicaux et des pratiques de travail déloyales, les autorités n’ont pris aucune mesure pour remédier aux problèmes soulevés dans les plaintes. A cet égard, le comité prend également note de l’affirmation générale figurant dans la plainte selon laquelle en Inde, lorsque les travailleurs du secteur de l’habillement constituent des syndicats et exercent leur droit à la liberté syndicale, ils sont licenciés et persécutés, ce qui contribue à détériorer leurs conditions de vie. Il note en outre que les documents fournis par l’organisation plaignante font état de pratiques régulières de représailles, d’intimidation et de menaces de la part des employeurs. Le comité estime que l’environnement décrit par l’organisation plaignante soulève de graves préoccupations quant au climat qui règne pour constituer des syndicats et exercer librement une activité syndicale, et souhaite signaler que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. Le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix et, par là même violer leur droit d’organisation. Le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44, 786 et 817.] Au vu de ces principes, le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations de l’organisation plaignante en indiquant la raison pour laquelle le bureau du conciliateur du travail n’a pris aucune mesure en réponse aux plaintes pour licenciements illégaux et pratiques de travail déloyales. Le comité prie en outre le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser l’instauration d’un climat dans lequel les droits syndicaux peuvent être exercés librement et en toute sécurité, en veillant de manière effective à ce que les membres et dirigeants syndicaux ne fassent pas l’objet d’actes de discrimination ou de persécution antisyndicale, en particulier des licenciements, des transferts, des menaces et autres actes préjudiciables aux travailleurs sur la base de leur affiliation ou de leurs activités syndicales, et à ce que toute plainte pour discrimination antisyndicale ou harcèlement soit examinée dans le cadre de procédures promptes et impartiales.
  5. 559. En ce qui concerne l’allégation relative au refus d’enregistrer le MWU, le comité note que le 19 décembre 2012 une demande d’enregistrement a été présentée au greffier de Chandigarh, mais que celle-ci a été rejetée par lettre en date du 8 juillet 2013 au motif que le syndicat ne satisfaisait pas aux exigences prévues par l’article 4 de la loi sur les syndicats, étant donné que plus de 50 pour cent de ses déposants avaient cessé d’être membres du syndicat. Le comité note également que, selon une allégation de l’organisation plaignante, une requête tendant à faire réexaminer le refus d’enregistrement en date du 19 juillet 2013 a été rejetée au motif que le bureau n’était pas habilité à réexaminer ses propres décisions. Le comité note que, alors que l’organisation plaignante allègue que le greffier ne s’est pas acquitté de son obligation légale, a ignoré les documents pertinents, n’a pas enquêté sur la situation dans l’usine et a agi sans la diligence raisonnable, ce qui a porté préjudice aux travailleurs du MWU, d’autant que le ministère du Travail avait connaissance des allégations d’actes de discrimination antisyndicale, le gouvernement affirme que le rejet de la demande est conforme à la loi sur les syndicats, étant donné que six déposants sur dix n’étaient plus employés dans l’usine (et n’étaient donc plus membres syndicaux) au moment où le greffier a examiné la demande d’enregistrement. Le comité juge préoccupant de constater que, en dépit du fait que le syndicat a présenté plusieurs plaintes pour licenciements antisyndicaux et pratiques de travail déloyales au ministère du Travail en affirmant que ses dirigeants et membres étaient licenciés et contraints à la démission en raison de leur affiliation et de leurs activités syndicales, le greffier du registre a rejeté la demande sans mener aucune enquête complémentaire sur la situation dans l’usine, d’autant que cela aurait été en son pouvoir en vertu de l’article 7 de la loi sur les syndicats. A cet égard, le comité souhaite signaler que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement. Compte tenu que les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants, le licenciement d’un dirigeant syndical ou le simple fait qu’il abandonne le travail qu’il avait dans une entreprise déterminée ne devrait pas avoir d’incidence en ce qui concerne sa situation et ses fonctions syndicales, sauf si les statuts du syndicat concerné en disposent autrement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 295 et 411.] Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que l’Etat d’Haryana réexamine la demande d’enregistrement en tenant compte pleinement des documents présentés au greffier et en gardant dûment à l’esprit les allégations de discrimination antisyndicale survenue à peine quelques semaines après la demande d’enregistrement, et de l’informer de tout fait nouveau à cet égard. Le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que les situations caractérisées par de graves allégations de licenciements antisyndicaux, pouvant avoir un impact sur l’enregistrement des syndicats, soient examinées avec attention par le greffier pour éviter que des pratiques antisyndicales ne pénalisent plus avant les syndicats lorsqu’ils présentent leurs demandes d’enregistrement.
  6. 560. Le comité regrette d’avoir dû examiner le présent cas sans pouvoir tenir compte des observations de l’entreprise concernée et prie le gouvernement d’obtenir, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs pertinente, des informations de l’entreprise sur les questions à l’examen.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 561. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en observant que les questions spécifiques soulevées dans le présent cas concernent l’Etat d’Haryana, le comité ne peut que rappeler au gouvernement fédéral que les principes de la liberté syndicale doivent être pleinement respectés sur la totalité de son territoire. Le comité invite le gouvernement à attirer l’attention des autorités compétentes de l’Etat d’Haryana sur ses conclusions et recommandations afin de résoudre les questions en suspens relatives au cas et à obtenir des renseignements complets de l’Etat d’Haryana pour le prochain examen par le comité.
    • b) Pour ce qui est de 16 responsables syndicaux, à savoir Bramhanand Bhiuyan, Brijesh Prasad, Manoj Kumar Singh, Murari Prasad, Rajendra Prasad, Ramnath, Manju Devi, Ashok Kumar, Vinod Kumar, Hem Narayan Jha, Shishu Pal, Ashutosh Yadav, Sharwan Kumar, Pramod Kumar, Ranjeet Kumar et Grijesh Kumar, qui ont été licenciés ou contraints à la démission, le comité regrette que le gouvernement n’ait fourni aucun commentaire concernant cette allégation et le prie de veiller à ce que l’Etat d’Haryana diligente une enquête indépendante en vue de déterminer si leurs licenciements ou démissions forcées étaient dus à leur activité syndicale, en accordant l’attention nécessaire à leur rôle dans le syndicat de même qu’aux principes susmentionnés, et, s’il est établi que leurs licenciements ou démissions forcées ont été motivés par leur affiliation syndicale ou par leurs activités syndicales légitimes, prenne les mesures nécessaires pour réintégrer les travailleurs dans leurs fonctions sans perte d’ancienneté ou pour leur verser une indemnisation adéquate. Le comité prie également le gouvernement de veiller à ce que l’Etat d’Haryana diligente une enquête indépendante sur les allégations de licenciements et de démissions forcées à grande échelle d’environ 200 membres syndicaux pour déterminer les véritables mobiles de la prise de ces mesures, et, s’il est établi qu’ils ont été motivés par leur affiliation syndicale ou par leurs activités syndicales légitimes, prenne les mesures nécessaires pour réintégrer les travailleurs concernés dans leurs fonctions sans perte d’ancienneté, s’ils le souhaitent ou de leur verser une indemnisation adéquate. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations de l’organisation plaignante en indiquant la raison pour laquelle le bureau du conciliateur du travail n’a pris aucune mesure en réponse aux plaintes pour licenciements illégaux et pratiques de travail déloyales. Le comité prie en outre le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser l’instauration d’un climat dans lequel les droits syndicaux peuvent être exercés librement et en toute sécurité, en veillant de manière effective à ce que les membres et dirigeants syndicaux ne fassent pas l’objet d’actes de discrimination ou de persécution antisyndicale, en particulier des licenciements, des transferts, des menaces et autres actes préjudiciables aux travailleurs sur la base de leur affiliation ou de leurs activités syndicales, et à ce que toute plainte pour discrimination antisyndicale ou harcèlement soit examinée dans le cadre de procédures promptes et impartiales.
    • d) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que l’Etat d’Haryana réexamine la demande d’enregistrement en tenant compte pleinement des documents présentés au greffier et en gardant dûment à l’esprit les allégations de discrimination antisyndicale survenue à peine quelques semaines après la demande d’enregistrement et de l’informer de tout fait nouveau à cet égard. Le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que les situations caractérisées par de graves allégations de licenciements antisyndicaux, pouvant avoir un impact sur l’enregistrement des syndicats, soient examinées avec attention par le greffier pour éviter que des pratiques antisyndicales ne pénalisent plus avant les syndicats lorsqu’ils présentent leur demande d’enregistrement.
    • e) Le comité regrette d’avoir dû examiner le présent cas sans pouvoir tenir compte des observations de l’entreprise concernée et prie le gouvernement d’obtenir, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs pertinente, des informations de l’entreprise sur les questions à l’examen.
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