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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration- 36. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de
novembre 2008 [voir 351e rapport, paragr. 910-989] dans lequel l’organisation plaignante
allègue une répression systématique contre les enseignants et une entrave à l’exercice
de leurs activités syndicales légitimes, notamment par des arrestations et la détention
d’enseignants suite à des manifestations. A cette occasion, le comité a formulé les
recommandations suivantes [voir 351e rapport, paragr. 989]:
- a)
Le comité demande au gouvernement de modifier le cadre législatif de manière à
garantir aux organisations d’employeurs et de travailleurs l’exercice de la liberté
syndicale sans ingérence des autorités publiques.
- b) Le
comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux
syndicalistes l’exercice de leurs droits à la liberté syndicale, y compris le droit
de réunion pacifique, sans crainte d’une intervention des autorités. Il demande en
outre au gouvernement de s’assurer que les autorités compétentes reçoivent les
instructions appropriées afin d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de
violence dans le contrôle des manifestations.
- c) Le comité
demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations
de mauvais traitements subis par des syndicalistes durant leur détention et, si
elles sont avérées, de dédommager les personnes concernées pour tout préjudice
subi.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour que soient immédiatement abandonnées toutes les
accusations pesant contre des syndicalistes en raison de leur participation aux
manifestations de mars à mai 2007, que les peines auxquelles ils ont été condamnés
soient annulées et qu’ils soient intégralement dédommagés du préjudice subi par
suite de ces condamnations.
- e) Le comité prie instamment
le gouvernement de sursoir à l’exécution de la peine capitale de M. Kamangar,
d’annuler sa condamnation et de s’assurer de sa libération. Le comité demande
également au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations
de torture à l’encontre de M. Kamangar durant sa détention et, si elles s’avèrent
fondées, de lui verser une réparation pour tous dommages en raison de ce traitement.
Notant par ailleurs l’allégation selon laquelle plusieurs membres du «Comité sauver
Farzad», créé en soutien de M. Kamangar, ont été arrêtés, détenus, intimidés et
menacés, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
permettre aux syndicalistes d’exercer leurs droits syndicaux en toute liberté, y
compris le droit d’exprimer pacifiquement leur solidarité, sans crainte
d’intervention de la part des autorités.
- f) Le comité
demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations
de suspensions discriminatoires et, si elles sont avérées, d’annuler ces suspensions
et de dédommager les personnes concernées pour tout préjudice subi à ce titre,
notamment en leur octroyant une rémunération rétroactive.
- g) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, notamment
annuler l’interdiction du Teacher’s Pen et lever l’interdiction faite à la presse de
publier des informations concernant les manifestations ou d’autres activités
syndicales, afin de garantir le droit des organisations syndicales de distribuer des
publications et d’exprimer leurs opinions dans la presse. Le comité demande
également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour restituer à M.
Khaksari son passeport et garantir le droit des organisations de travailleurs de
s’affilier aux fédérations et confédérations de leur choix, y compris le droit de
participer à des réunions syndicales internationales, sans ingérence des autorités.
Le comité demande en outre au gouvernement de diligenter une enquête indépendante
sur la question des biens saisis aux syndicalistes durant les perquisitions d’avril
et octobre 2007 dans leurs résidences et, s’il est établi que les saisies en
question constituent une violation des principes de la liberté syndicale, de
dédommager intégralement les parties concernées pour toute perte subie.
- h) Le comité exprime sa profonde préoccupation face à la sérieuse
détérioration du climat syndical en République islamique d’Iran et attire
spécialement l’attention du Conseil d’administration sur cette situation. Il invite
à nouveau le gouvernement à accepter une mission de contacts directs portant sur les
questions actuellement en instance devant lui.
- 37. Dans leurs communications en date des 28 septembre et 12 novembre
2015, l’Internationale de l’éducation (IE) et la Confédération syndicale internationale
(CSI) fournissent des informations supplémentaires relatives à la détention arbitraire
d’enseignants syndicalistes, à des entraves à la participation à des réunions syndicales
internationales et au recours à la violence pour disperser une manifestation pacifique.
L’IE indique que la persécution des enseignants et de leurs organisations se poursuit;
les manifestations de protestation répétées et massives des enseignants contre leurs
faibles salaires (inférieurs au seuil national de pauvreté) se heurtent à la répression
et à la criminalisation; les autorités ont accru la pression sur les enseignants et
leurs associations avant la rentrée des classes le 23 septembre 2015 en vue de créer un
climat de peur et d’intimidation et de prévenir la tenue d’autres manifestations de
protestation; les enseignants syndicalistes font face à des arrestations, à des
détentions arbitraires et à des poursuites pour avoir exercé leurs droits légitimes à la
liberté d’expression et à la liberté syndicale, et sont généralement poursuivis pour
atteinte à la sécurité nationale sans disposer d’aucune garantie qu’ils bénéficieront
d’un procès équitable et d’une procédure régulière.
- 38. En particulier, les organisations plaignantes allèguent que:
- –
Le 1er mars 2015, Milad Darvish, un militant syndical, réalisateur et membre
honoraire de l’Association professionnelle des enseignants iraniens (ITTA), a été
emprisonné lorsqu’un groupe d’enseignants a protesté contre une révision des
classifications des emplois devant l’Assemblée nationale. L’intéressé a été détenu
pendant douze jours dans la prison d’Evin. Le 22 août 2015, il a été à nouveau
arrêté et accusé de propagande contre le système et d’atteinte à la sécurité
nationale. Le 27 septembre 2015, M. Darvish a été libéré moyennant une caution de
50 millions de tomans iraniens (500 millions de rials iraniens (IRR)).
- – Le
20 avril 2015, quatre jours après que des milliers d’enseignants ont protesté contre
les faibles salaires dans 37 villes de la République islamique d’Iran; Alireza
Hashemi, chef de l’ITTA a été détenu et transféré à la prison d’Evin pour purger une
peine de cinq ans prononcée initialement en 2013.
- – Le 25 mai 2015,
Ali Akbar Baghani a été convoqué par les autorités pour purger une peine suspendue
de six ans prononcée en 2006 pour propagande contre le régime. Les autorités n’ont
fourni aucune information sur les raisons pour lesquelles la peine devait être
exécutée à ce moment précis.
- – Le 27 juin 2015, Esmail Abdi, secrétaire
général de l’ITTA à Téhéran, a été placé en détention après avoir été empêché de se
rendre en Arménie pour obtenir un visa pour le Canada où il avait été invité au
7e Congrès mondial de l’IE en tant que représentant du Conseil de coopération des
associations professionnelles d’enseignants iraniens (CCITTA) et en tant que
conférencier. Le passeport de M. Abdi a été confisqué à la frontière, et l’intéressé
a reçu l’ordre de retourner à Téhéran pour rencontrer le procureur. Après s’être
présenté au bureau du procureur, il a été arrêté, placé à l’isolement et transféré
plus tard dans le quartier de droit commun de la prison d’Evin. En octobre 2015, il
n’y avait toujours pas d’information concernant les charges retenues contre M. Abdi
et, du fait que son dossier est considéré comme un cas de «sécurité nationale», son
avocat n’est pas reconnu par l’autorité judiciaire, et seuls les avocats
sélectionnés par le gouvernement peuvent le représenter. Monsieur Abdi avait déjà
été emprisonné à plusieurs reprises et avait été condamné à dix ans de prison avec
sursis. Durant les manifestations de protestation des enseignants en avril 2015,
M. Abdi a été convoqué et menacé de purger sa peine s’il ne quittait pas son poste
au syndicat, mais sa démission a été refusée par le conseil de l’ITTA-Téhéran. La
détention injustifiée du dirigeant syndical a soulevé la colère de la communauté des
enseignants, et des récations actives à son arrestation ont eu lieu dans l’ensemble
du pays.
- – Rasoul Bodaghi est l’un des nombreux enseignants militants
arrêtés après les manifestations postélectorales de juin 2009. Monsieur Bodaghi a
été poursuivi pour attroupement et collusion en vue de perturber la sécurité
nationale et propagande contre l’Etat. Il a été condamné à une peine de six ans et
interdit pendant cinq ans d’exercer des activités sociales et culturelles. Bien
qu’il ait purgé sa peine de prison en août 2015, de nouvelles accusations ont été
portées contre lui, et il a été condamné à trois autres années de
détention.
- – Le 17 août 2015, Mahmoud Bagheri, membre du conseil de
l’ITTA-Téhéran a été relâché après avoir été emprisonné pendant quarante-quatre
mois.
- – Le 31 août 2015, à la suite d’une décision prononcée par la
2e chambre du tribunal de la prison d’Evin, Mohammadreza Niknejad et Mehdi Bohlouli,
membre du conseil et membre de l’ITTA-Téhéran, respectivement, ont tous deux été
arrêtés à leur domicile à Téhéran où des agents des services secrets ont saisi leurs
effets personnels; ils ont notamment été poursuivis pour avoir participé à des
rassemblements d’enseignants. Le 29 septembre 2015, ils ont été libérés contre une
caution de 3 milliards d’IRR. Ali Hossein Panahei, membre de l’ITTA-Téhéran, a été
arrêté dans la ville de Sanandaj. Les trois travailleurs devront comparaître devant
un tribunal.
- – Le 5 septembre 2015, Mahmoud Beheshti Langroodi, dirigeant de
l’ITTA-Téhéran, a participé à une réunion entre l’ITTA et les autorités pour
discuter des problèmes que les enseignants continuent de rencontrer en République
islamique d’Iran. Le lendemain, M. Beheshti Langroodi a été arrêté par les forces de
sécurité à son domicile à la suite de l’émission d’un mandat d’arrêt contre lui. Les
forces de sécurité ont perquisitionné son domicile et confisqué certains de ses
effets. Monsieur Beheshti Langroodi est actuellement détenu à la prison
d’Evin.
- – Abdolreza Ghanbari, conférencier universitaire et enseignant
syndicaliste, a été placé en détention depuis janvier 2010. Il a été dans un premier
temps condamné à mort pour «inimitié à l’égard de Dieu», mais en juin 2013 un
tribunal révolutionnaire a commué sa peine en une condamnation à quinze années de
prison et l’a exilé à Borazjan dans le sud de l’Iran.
- – Le 7 octobre 2015,
14 enseignants ont été arrêtés et détenus pendant plusieurs heures dans un centre de
détention de Téhéran pour avoir planifié une manifestation de protestation
pacifique. Ils ont été avertis qu’ils seraient à nouveau arrêtés s’ils participaient
à la manifestation prévue le 8 octobre 2015.
- – Le 15 octobre 2015, M. Ramin
Zandnia, membre actif de l’ITTA-Kurdistan depuis une quinzaine d’années, écologiste
et enseignant réputé au Kurdistan, a été arrêté par l’armée révolutionnaire en même
temps que sa femme Mme Parvin Mohammadi, militante des droits de l’homme, et leur
fille de 8 ans alors qu’ils avaient quitté Ankara, en Turquie, où M. Zandnia s’était
rendu en tant que représentant du CCITTA, pour soutenir les dirigeants de la
Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) au tribunal. Les forces de
sécurité ont interrogé la fille de M. Zandnia avant de la confier à sa tante à la
fin de la journée. Monsieru Zandnia et Mme Mohammadi ont été conduits à l’un des
camps de Saqez, au Kurdistan, où ils ont subi un interrogatoire sans ménagement et
appris qu’ils seraient transférés à Sanandaj, capitale de la province du Kurdistan
le lendemain. Leurs coordonnées ne sont pas connues. Monsieur Zandnia a appris qu’il
était accusé d’espionnage au profit des syndicats internationaux. Il avait été
précédemment arrêté à plusieurs reprises et a été condamné une fois à quatre mois de
prison qui ont été suspendus pendant deux ans.
- 39. L’IE allègue aussi que plusieurs enseignants syndicalistes ont été
empêchés de se rendre à l’étranger pour participer à des manifestations syndicales
internationales. Plus particulièrement, quatre représentants du CCITTA étaient
enregistrés pour participer au 7e Congrès mondial de l’IE à Ottawa au Canada en juillet
2015, mais aucun d’entre eux n’a pu s’y rendre. Deux d’entre eux n’ont pas pu obtenir
leur visa des autorités canadiennes, et les deux autres ont été retenus par les
autorités iraniennes; Esmail Abdi a été arrêté le 27 juin 2015 après que son passeport a
été saisi pour l’empêcher de se rendre en Arménie pour obtenir un visa pour le Canada,
et Peyman Nodinian s’est vu confisquer son passeport le 15 juin 2015 alors qu’il se
rendait en Arménie pour la même raison. L’IE allègue que les initiatives des autorités
visant à empêcher les enseignants syndicalistes de participer au Congrès mondial de l’IE
constituent une violation des conventions internationales relatives aux droits de
l’homme protégeant la liberté d’expression et la liberté d’association, ainsi que le
droit de circuler.
- 40. L’IE allègue en outre que, le 22 juillet 2015, les autorités ont eu
recours à la violence pour brutalement disperser une manifestation de protestation
réunissant plus de 2 000 enseignants en provenance de plusieurs villes venus manifester
pacifiquement devant le Parlement à Téhéran à l’initiative du CCITTA. Les enseignants
demandaient la libération de leurs collègues et exigeaient du gouvernement qu’il
garantisse les droits de tous les travailleurs et syndicalistes de l’éducation, comme
prescrit par les conventions et les instruments internationaux, et qu’il promeuve un
enseignement public de qualité pour tous. Malgré la violente répression, la
manifestation s’est poursuivie jusqu’à midi, et un grand nombre d’enseignants étaient
présents alors qu’ils avaient été dispersés. De nombreux membres des forces de sécurité
et agents en civil se trouvaient dans la station de métro à proximité et dans les rues
adjacentes, et il est signalé dans les rapports qu’il y avait jusqu’à cinq agents de
sécurité en civil pour chaque enseignant. Des motards des forces spéciales antiémeute
parcouraient les rues pour terroriser la population, et les téléphones portables ont été
confisqués pour empêcher les protestataires de prendre des photos. Selon l’IE, les
forces de sécurité ont arrêté plus de 200 manifestants, dont 92 ont été conduits dans un
centre de détention temporaire dans la rue Vozara à Téhéran, où le procureur général a
fait un discours et où ils étaient détenus pour plusieurs heures, puis ont été relâchés
à l’exception de six enseignants militants qui ont été placés en garde à vue.
- 41. Dans sa communication en date du 26 octobre 2015, le gouvernement
déclare que la poursuite des droits au travail par les manifestations de protestation
syndicales constitue l’un des droits fondamentaux reconnus par les articles 26 et 27 de
la Constitution, et qu’une mention expresse à ce sujet est aussi faite dans les
articles 142 et 143 de la loi sur le travail et que l’article 73(e) de la loi sur le
5e plan de développement économique prévoit que le renforcement des organisations
d’employeurs et de travailleurs implique leur droit légal à organiser des manifestations
de protestation syndicales. En application des articles 26 et 27 de la Constitution, le
gouvernement a également adopté un règlement sur la gestion des revendications
syndicales en 2011. Au cours des deux dernières années, de nombreuses décisions et
mesures ont été adoptées pour répondre aux revendications des syndicats d’enseignants,
portant notamment sur les hausses de salaire et l’amélioration de leur situation, et ces
décisions ont déjà été partiellement mises en œuvre. Le gouvernement déclare également
qu’il est disposé à recevoir une assistance technique du BIT sur l’échange de données
d’expérience et à tirer parti de la formation à la gestion des rassemblements de
travailleurs.
- 42. Le gouvernement indique par ailleurs que:
- – Mehdi Bohluli et
Mohammadreza Niknejad ont été arrêtés le 1er septembre 2015, puis libérés sous
caution le 29 septembre 2015.
- – Alireza Hashemi avait été arrêté
précédemment en mars 2006 à la suite de la manifestation d’enseignants devant le
Parlement national et emprisonné pour une durée de trois ans. La décision a
toutefois été annulée, et l’intéressé a été acquitté en appel. En 2010, il a été
poursuivi pour attroupement et collusion visant à perturber la sécurité nationale et
diffusion de propos hostiles à l’Etat et a été condamné à cinq années
d’emprisonnement dont l’exécution a été reportée jusqu’au 19 avril 2015. L’intéressé
purge actuellement sa peine dans la prison d’Evin, mais le 29 juin 2015 le ministre
de l’Education a reçu la famille de M. Hashemi et, en sa qualité de ministre, a
demandé par la suite que sa peine soit commuée.
- – Le 22 août 2015, un mandat
d’arrêt a été émis contre Esmail Abdi pour attroupement et collusion en vue de
commettre des crimes contre la sécurité de l’Etat et diffusion de propos hostiles à
l’Etat et l’affaire a été renvoyée au tribunal
- – Ali Hossein Panahei est
poursuivi pour avoir insulté le dirigeant suprême. Son cas a été transféré au
tribunal de Sanandaj, où il a été condamné le 16 septembre 2015 à une peine
discrétionnaire de deux années d’emprisonnement après enquête et vérification de
l’infraction alléguée. Le verdict n’est pas encore définitif, mais les poursuites ne
sont pas liées à des activités syndicales.
- – Rasoul Bodaghi a été poursuivi
pour attroupement et collusion en vue de commettre des crimes contre la sécurité
nationale et diffusion de propos hostiles à l’Etat. Le 24 juillet 2010, il a été
condamné à cinq années d’emprisonnement et à un an de prison compte tenu du temps
passé précédemment en détention. Monsieur Bodaghi s’est pourvu en appel contre le
jugement qui a été examiné par le 54e chambre du tribunal de la Cour d’appel de la
province de Téhéran mais, le 15 janvier 2011 l’appel a été rejeté. Depuis le
1er septembre 2010, M. Bodaghi a donc purgé une peine d’emprisonnement dans la
prison de Rajaee Shahr, où il a bénéficié de toutes les prestations de santé et de
bien-être offertes et a pu recevoir un traitement médical hors de la prison à cinq
reprises.
- – Milad Darvish a été acquitté de toutes les accusations portées
contre lui.
- 43. Dans une communication en date du 16 janvier 2016, le gouvernement
indique que l’Association professionnelle des enseignants iraniens a toujours demandé
des hausses de salaire et que le gouvernement s’est toujours efforcé de répondre
positivement à ses revendications professionnelles malgré les problèmes économiques que
connaît le pays. Le ministère de l’Education a proposé un régime de classification des
enseignants pour encourager ces derniers à renforcer leurs capacités, améliorer la
qualité de leurs services, augmenter l’efficacité des activités éducatives, offrir plus
de débouchés économiques et améliorer les conditions de vie des enseignants. Selon ce
régime, les instituteurs, les enseignants du secondaire, les professeurs de disciplines
artistiques, les éducateurs, les conseillers, les formateurs dans le domaine de la
santé, les directeurs et les directeurs adjoints des écoles et des institutions
éducatives et de formation sont classés en cinq catégories professionnelles (primaire,
de base, principale, experte et certifiée), et les personnes entrant dans ces catégories
ont droit à une augmentation de 15, 25, 35 et 50 pour cent de leurs primes
respectivement. Le 24 avril 2015, le Conseil des ministres a approuvé la proposition, et
le 31 août 2015 la procédure de mise en œuvre du régime a été approuvée par le président
du Conseil présidentiel pour la gestion et le développement du capital humain. Le
6 septembre 2015, les directives nécessaires ont été publiées par le ministre de
l’Education ainsi que les nouvelles ordonnances de hausses de salaire. Selon les données
disponibles, plus de 700 000 enseignants relèvent dudit régime. Selon le gouvernement,
les initiatives en la matière motiveront les enseignants à renforcer leurs capacités et
à assurer des services de qualité et leur offriront des perspectives économiques pour
améliorer leurs conditions de vie.
- 44. S’agissant des questions soulevées par le comité dans ses
recommandations antérieures, le gouvernement indique qu’il a accompli les examens
nécessaires et mené des discussions avec le ministère de l’Education qui s’est engagé à
prendre dûment en considération les revendications et les exigences relatives à la
liberté syndicale et au droit d’organisation et à tout mettre en œuvre à cet égard.
Selon le gouvernement, certains points soulevés par le comité sont sans rapport avec les
questions du travail et la liberté syndicale, certaines questions ont déjà été traitées
sur le plan juridique, et d’autres ont été réglées. Le gouvernement déclare que seules
quelques questions sont à l’examen qui seront réglées définitivement. A la suite
d’enquêtes menées par le pouvoir judiciaire au sujet des personnes intéressées, il
s’avère que les poursuites engagées n’ont aucun lien avec des activités professionnelles
étant donné que les travailleurs interrogés l’ont été pour des crimes contre la sécurité
nationale ou en lien avec des groupes terroristes ou subversifs.
- 45. Enfin, le comité note que le gouvernement a fourni des informations
détaillées sur ce cas dans une communication en date du 26 octobre 2016 qu’il examinera
lors de son prochain examen du cas.
- 46. Le comité note que les informations complémentaires fournies par des
organisations plaignantes dénoncent le climat général de peur et d’intimidation dans la
République islamique d’Iran et contiennent des allégations spécifiques de persécution,
d’arrestations, d’interrogatoires, de détentions arbitraires et de poursuites
d’enseignants syndicalistes pour avoir exercé leurs activités syndicales légitimes. Le
comité note que les actes allégués ont eu lieu entre mars et octobre 2015, souvent dans
le cadre de manifestations et de rassemblements de protestation qui ont été parfois
accompagnés de descentes de police et de confiscations d’effets personnels, notamment
pour ce qui a trait aux syndicalistes suivants: Milad Darvish, Alireza Hashemi, Ali
Akbar Bahgani, Esmail Abdi, Rasoul Bodaghi, Mahmoud Bagheri, Mohammadreza Niknejad,
Mehdi Bohlouli, Ali Hossein Panahei, Mahmoud Beheshti Langroodi, Abdolreza Ghanbari,
Ramin Zandnia et Parvin Mohammadi, ainsi que 14 autres enseignants. Observant que de
nombreux enseignants syndicalistes ont été arrêtés et condamnés pour «inimitié à l’égard
de Dieu», «rassemblement et collusion en vue de perturber la sécurité nationale» et de
«diffusion de propos hostiles au régime» et que l’examen antérieur de ce cas a révélé
l’engagement de poursuites similaires à l’encontre d’autres syndicalistes, le comité
note avec préoccupation l’allégation selon laquelle les procédures judiciaires ont
rarement été assorties de la garantie d’une procédure équitable et d’un procès en bonne
et due forme et ont été suivies de condamnations sévères, y compris des peines
d’emprisonnement pour plusieurs années, et que certains syndicalistes condamnés ont été
à nouveau poursuivis après avoir purgé leur peine de prison. Le comité note avec une
profonde préoccupation que les coordonnées de M. Zandnia et de Mme Mohammadi ne sont pas
connues depuis leur arrestation le 15 octobre 2015.
- 47. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle
il s’est toujours efforcé de répondre positivement aux revendications professionnelles
et a pris de nombreuses mesures durant les deux dernières années pour répondre aux
revendications des syndicats d’enseignants, comme l’adoption d’un régime de
classification des enseignants visant à augmenter l’efficacité des activités éducatives,
et à offrir plus de débouchés économiques aux enseignants pour améliorer leurs
conditions de vie. Notant en outre les observations du gouvernement relatives à
certaines allégations spécifiques formulées par les organisations plaignantes concernant
Milad Darvish, Alireza Hashemi, Esmail Abdi, Rasoul Bodaghi, Mehdi Bohluli, Mohammadreza
Niknejad et Ali Hossein Panahei, le comité observe que la plupart des informations
fournies reviennent à des affirmations générales sur les chefs d’accusation et les dates
d’arrestation, de jugement et de libération sous caution, le cas échéant, et fournissent
peu de détails sur les circonstances précises et les raisons des arrestations ou les
garanties judiciaires appliquées aux procès. Le comité note également que, alors que les
organisations plaignantes allèguent que les mesures susmentionnées ont été motivées par
des activités syndicales légitimes, le gouvernement dément que les poursuites sont liées
aux activités syndicales et affirme que les travailleurs ont été poursuivis pour avoir
commis des infractions contre la sécurité nationale ou en lien avec des groupes
terroristes ou subversifs. Le comité regrette que le gouvernement ne fournisse pas
d’informations sur les allégations spécifiques concernant Esmail Abdi, Ali Akbar
Baghani, Mahmoud Beheshti Langroodi, Abdolreza Ghanbari, Ramin Zandnia, Parvin
Mohammadi, Mahmoud Bagheri et 14 autres membres syndicaux, ainsi que sur les descentes
menées dans les maisons, la confiscation de biens personnels et le renouvellement des
poursuites une fois les peines de prison purgées.
- 48. Le comité croit aussi comprendre que, en février 2016, M. Abdi a été
condamné à six années d’emprisonnement, qu’entre avril et mai 2016 M. Abdi, M. Beheshti
Langroodi et M. Bodaghi semblent avoir été temporairement relâchés dans l’attente de
leur procès, et que M. Bodaghi a été poursuivi pour avoir «insulté le dirigeant
suprême».
- 49. Compte tenu de ce qui précède ainsi que de ses recommandations
antérieures sur le présent cas, le comité estime que la situation décrite soulève de
graves préoccupations quant au climat pour exercer librement les activités syndicales,
et peut être caractérisée par des violations répétées des libertés civiles et par un
recours systématique à la législation pénale pour sanctionner des syndicalistes qui se
contentent d’exercer des activités syndicales légitimes. A cet égard, le comité rappelle
que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à
leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation
des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales en particulier. Dans de
nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants
syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les
réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer
que les arrestations avaient été opérées en raison d’activités subversives, pour des
raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s’est fait
une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que
possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions
judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en
connaissance de cause à l’examen des allégations. [Voir Recueil de décisions et de
principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 64 et
111.] Au vu de ces principes et gardant à l’esprit les poursuites engagées contre de
nombreux syndicalistes pour propagande contre l’Etat et actions contre la sécurité
nationale, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les poursuites engagées
contre les syndicalistes en lien avec leur participation à des manifestations pacifiques
et à des activités syndicales légitimes entre mars et octobre 2015 soient immédiatement
abandonnées, à ce que leur peines soient annulées, à ce que les travailleurs détenus
soient relâchés et à ce qu’ils soient intégralement dédommagés du préjudice subi par
suite de ces condamnations. Le comité prie en outre le gouvernement de diligenter une
enquête indépendante sur la question des biens saisis aux syndicalistes durant les
perquisitions des domiciles, et s’il est établi que les saisies en question constituent
une violation des principes de la liberté syndicale de dédommager intégralement les
parties concernées pour toute perte subie. Le comité prie instamment le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur
l’arrestation et la détention de M. Zandnia et Mme Mohammadi pour découvrir leurs
coordonnées en cours, déterminer les raisons de leur détention et pleinement les
dédommager pour tous préjudices subis. Le comité prie le gouvernement de l’informer de
tout fait nouveau à cet égard.
- 50. Le comité note en outre avec préoccupation l’allégation relative à
une augmentation des actes de persécution, d’intimidation et des pressions sur les
enseignants syndicalistes de même qu’à la confiscation des titres de transport de
M. Abdi et de M. Nodinian pour les empêcher de participer à des réunions syndicales
internationales. Regrettant que le gouvernement ne fournisse aucune observation
spécifique sur ce point, le comité rappelle que les droits des organisations de
travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence,
de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de
ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce
principe. La participation de syndicalistes à des réunions syndicales internationales
est un droit syndical fondamental; c’est la raison pour laquelle les gouvernements
doivent s’abstenir de toute mesure, telle que la confiscation des documents nécessaires
à leurs déplacements, qui empêcherait les représentants des organisations de
travailleurs d’exercer leur mandat en toute liberté et indépendance. [Voir Recueil,
op. cit., paragr. 44 et 153.] Le comité prie donc le gouvernement de prendre les mesures
nécessaires pour garantir la restitution des titres de transport de M. Abdi et de
M. Nodinian et le libre exercice des droits syndicaux, y compris la participation à des
réunions syndicales internationales sans pressions ni menaces d’aucune sorte et de le
tenir informé de tout développement en la matière.
- 51. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent aussi que
la manifestation de protestation du 22 juillet 2015 a été dispersée par les forces de
sécurité, des agents en civil et des forces antiémeute. Notant avec préoccupation
l’allégation selon laquelle la violente dispersion de la manifestation, à laquelle
participaient plus de 2 000 enseignants, s’est accompagnée de l’arrestation de
200 travailleurs, dont 92 ont été placés en détention temporaire puis relâchés plusieurs
heures après, tandis que six personnes étaient retenues en garde à vue, le comité
regrette que le gouvernement ne fournisse aucune information sur ce point. A cet égard,
il souhaite insister sur le fait que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de
manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Les autorités ne
devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public
serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester
proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les
gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes
reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les
excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient
troubler l’ordre public. Les autorités de police devraient recevoir des instructions
précises pour éviter que, dans les cas où l’ordre public n’est pas sérieusement menacé,
il soit procédé à l’arrestation de personnes pour le simple fait d’avoir organisé une
manifestation ou d’y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133, 140 et 151.]
Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux
syndicalistes l’exercice de leurs droits à la liberté syndicale, y compris le droit de
réunion pacifique, sans crainte d’une intervention des autorités, et veut croire que le
gouvernement veillera à ce que le recours à la police et aux forces armées durant les
manifestations de protestation soit strictement limité aux situations où l’ordre public
serait sérieusement menacé conformément aux principes mentionnés. Il prie également le
gouvernement de veiller à ce que les autorités compétentes reçoivent des instructions
appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il
s’agit de contrôler les manifestations.
- 52. En ce qui concerne les recommandations antérieures dans le présent
cas, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le ministère
de l’Education s’emploie à prendre dûment en considération les revendications
professionnelles et les exigences relatives à la liberté syndicale et au droit
d’organisation, et s’estime dans l’obligation de tout mettre en œuvre à cet égard. Il
prend note en outre de l’indication du gouvernement selon laquelle il est disposé à
recevoir l’assistance technique du BIT sur l’échange de données et d’expériences ainsi
qu’une formation sur la gestion des rassemblements de travailleurs. Compte tenu de la
gravité des questions soulevées dans le présent cas et du climat syndical qui règne en
République islamique d’Iran, le comité prie instamment le gouvernement de collaborer
avec l’OIT dans un proche avenir pour déterminer les mesures nécessaires pour créer un
environnement où les droits syndicaux peuvent être librement exercés.
- 53. Enfin, le comité doit exprimer son très profond regret et condamner
l’exécution du syndicaliste Farzad Kamanger, le 9 mai 2010, qui a été détenu dans
différents établissements pénitentiaires depuis juillet 2006 et, après un procès
caractérisé par des vices de procédure, jugé coupable en 2008 de mettre en danger la
sécurité nationale et d’être «en inimitié à l’égard de Dieu». Le comité déplore
profondément cet acte qui est contraire aux principes les plus élémentaires de la
Déclaration universelle des droits de l’homme et le fait que le gouvernement a ignoré
ses recommandations antérieures. Le comité attire spécialement l’attention du Conseil
d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.