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Interim Report - REPORT_NO378, June 2016

CASE_NUMBER 2609 (Guatemala) - COMPLAINT_DATE: 24-OKT-07 - Active

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence à l’encontre de syndicalistes, des actes de discrimination antisyndicale, des entraves à l’exercice des droits syndicaux et au dialogue social, le refus d’octroyer la personnalité juridique à de nombreux syndicats et des lacunes structurelles qui débouchent sur une situation d’impunité sur le plan pénal et au regard de la législation du travail

  1. 272. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de juin 2013 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 363e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 318e session (juin 2013), paragr. 425 à 496.]
  2. 273. Le Mouvement syndical, indigène et paysan du Guatemala (MSICG) a fait parvenir de nouvelles allégations dans une communication en date du 30 mai 2014. La Confédération de l’unité syndicale du Guatemala (CUSG), la Confédération générale des travailleurs du Guatemala (CGTG), l’Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA) et le Mouvement des travailleurs paysans et paysannes de San Marcos (MTC), regroupés au sein du Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala ont fait parvenir de nouvelles allégations dans une communication en date du 13 septembre 2014.
  3. 274. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 1er octobre 2013, 7 et 25 mai 2014, 7 novembre 2014, 3 juin 2015 et 22 février 2016.
  4. 275. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 276. A sa réunion de juin 2013, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 368e rapport, paragr. 496]:
    • a) Le comité exprime de nouveau sa profonde et croissante préoccupation face à la gravité de ce cas dans lequel il est fait état d’un grand nombre d’assassinats, de tentatives d’assassinat, d’agressions, de menaces de mort, d’enlèvements et d’actes de persécution et d’intimidation sur la personne de dirigeants syndicaux et de syndicalistes et face aux allégations relatives à l’établissement de listes noires et à l’existence d’un climat d’impunité totale.
    • b) Le comité exprime le ferme espoir que les engagements pris par le gouvernement dans le protocole d’accord signé le 26 mars 2013 concernant les sanctions à infliger aux auteurs matériels et aux commanditaires des assassinats de syndicalistes et les mesures de protection à appliquer aux membres des syndicats et aux dirigeants syndicaux contre la violence et les menaces se traduiront en actions et en résultats concrets. Prenant note avec intérêt des informations fournies par le gouvernement à propos des premières initiatives d’application du protocole d’accord, le comité prie instamment le gouvernement de continuer de l’informer de l’ensemble des actions prises pour donner effet au protocole d’accord ainsi que des résultats obtenus.
    • c) En ce qui concerne les assassinats de MM. Pedro Zamora et Pedro Ramírez de la Cruz, le comité prie instamment le gouvernement d’ordonner la reprise des enquêtes pour que tous les acteurs et instigateurs de ces assassinats soient identifiés, que les motifs des crimes soient élucidés et que les coupables soient jugés et sanctionnés devant les tribunaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute évolution de la situation à cet égard.
    • d) En ce qui concerne les assassinats de MM. Romero Estacuy, Víctor Gálvez, Jorge Humberto Andrade, Adolfo Ich, Mario Caal, Pedro Antonio García, Manuel de Jesús Ramírez, Víctor Alejandro Soyos Suret, Juan Fidel Pacheco Curec, Evelinda Ramírez Reyes, Salvador del Cid, Mme María Juana Chojlán Pelicó et Miguel Ángel Felipe Sagastume, le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais de l’avancement des procédures judiciaires et des enquêtes en cours ainsi que de leurs conclusions.
    • e) S’agissant de l’assassinat de M. Idar Joel Hernández Godoy, le comité prie instamment le gouvernement de fournir dans les plus brefs délais des précisions sur les motifs qui ont conduit le ministère public à écarter l’éventuelle nature antisyndicale de l’assassinat et de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin d’identifier les auteurs de l’assassinat et de les sanctionner.
    • f) S’agissant de l’assassinat de Mme Maura Antonieta Hernández, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que l’éventuelle nature antisyndicale du crime soit pleinement considérée dans les enquêtes et les procédures pénales relatives à ce cas et de le tenir informé à cet égard.
    • g) En ce qui concerne l’assassinat de M. Matías Mejía, les allégations de menaces de mort proférées à l’encontre de Mme Selfa Sandoval Carranza, dirigeante du SITRABI, et les allégations relatives à la détention illégale de membres du Syndicat des travailleurs de l’entreprise de distribution du Petén (SITRAPETEN) dans plusieurs hôtels du pays et aux mesures d’intimidation dont ils ont fait l’objet, le comité prie les organisations plaignantes d’indiquer pour ces trois cas, avec plus de précision, le nom complet des victimes, le lieu où se sont produits les faits et les instances saisies des plaintes, ainsi que toute information dont elles disposeraient.
    • h) Au sujet des assassinats de MM. Armando Sánchez, conseiller du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, et de Liginio Aguirre, membre du Syndicat des travailleurs de la santé du Guatemala, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de lui transmettre sans délai des informations sur les enquêtes ouvertes sur ces assassinats.
    • i) Au sujet des menaces de mort proférées contre la syndicaliste Mme Lesvia Morales, le comité prie instamment le gouvernement et l’organisation plaignante de collaborer de bonne foi pour que le dossier pertinent soit identifié.
    • j) Quant aux allégations relatives à la tentative d’assassinat sur la personne de M. Leocadio Juracán et les menaces de mort proférées à son encontre, le comité prie le gouvernement de se mettre sans délai en contact avec le bureau du Procureur aux droits de l’homme afin d’élucider le cas en question et pouvoir fournir des informations complètes sur les mesures prises par l’Etat en ce qui concerne cette plainte.
    • k) En ce qui concerne les allégations relatives aux tentatives d’exécution extrajudiciaire contre les syndicalistes du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, les menaces de mort proférées à leur encontre et les blessures qu’ils ont subies, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de diligenter une enquête judiciaire indépendante sur les allégations relatives à des tentatives d’exécution extrajudiciaire et des menaces de mort contre les syndicalistes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de manière détaillée sur lesdites enquêtes et sur les procédures pénales engagées en conséquence.
    • l) Rappelant que les autorités ne devraient recourir à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé, que l’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et que les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public [voir Recueil, op. cit., paragr. 140], le comité prie le gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent telles que des instructions appropriées, l’élaboration d’un code de conduite ou l’organisation de cours de sensibilisation et de formation afin que les forces de l’ordre appliquent pleinement ce principe. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • m) S’agissant de la disparition de Mme María Antonia Dolores López (personne mineure) et des enquêtes relatives aux actions pénales ouvertes contre les dirigeants du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Zacapa, le comité prie de nouveau le gouvernement de transmettre sans délai les informations sur les enquêtes ouvertes sur ces faits.
    • n) En ce qui concerne l’assassinat de M. Roberto Oswaldo Ramos Gómez, secrétaire au travail et aux conflits du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Coatepeque, le comité prie instamment le gouvernement de lui fournir sans délai des précisions sur les motifs qui ont conduit le ministère public à écarter l’éventuelle nature antisyndicale de cet assassinat et de prendre toutes les mesures nécessaires pour identifier les coupables et les sanctionner.
    • o) Au sujet de l’assassinat de M. Manuel de Jesús Ramírez, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour identifier les coupables de ce crime et les sanctionner dans les plus brefs délais, le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • p) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre dès à présent les mesures les plus énergiques pour combattre l’impunité constatée en ce qui concerne les allégations de violence antisyndicale et pour assurer la prise en compte pleine et entière des principes de la liberté syndicale dans les actions du ministère public et des instances pénales. Le comité prie instamment le gouvernement de:
      • – prendre des mesures pour que des enquêtes soient diligentées systématiquement lorsque des plaintes contre des actes antisyndicaux sont introduites;
      • – mettre en place des mesures de protection efficaces pour les personnes qui acceptent de collaborer avec les enquêtes pénales relatives aux actes de violence antisyndicale et les appliquer;
      • – garantir que le ministère public demande de manière systématique des informations aux organisations syndicales concernées afin de définir l’appartenance des victimes à une organisation syndicale et identifier les éventuels motifs antisyndicaux des délits qui font l’objet de l’enquête. A cet égard, le comité prie particulièrement le gouvernement de s’assurer que le ministère public réexamine avec les organisations concernées tous les cas d’assassinats qui n’ont pas encore abouti à des condamnations, y compris les cas où l’instruction est considérée comme close;
      • – veiller à renforcer de manière substantielle les ressources et la formation en matière de liberté syndicale du ministère public, en particulier ceux de l’unité du parquet chargée des délits commis contre les syndicalistes. A cet égard, le comité prend note de la demande d’assistance technique formulée par le gouvernement.
    • q) Le comité prie le gouvernement de prendre sans délai les mesures qui s’imposent en vue d’enregistrer les syndicats du système pénitentiaire et de mettre sa législation en conformité avec la convention no 87 et les principes de la liberté syndicale en étendant le droit d’organisation au personnel pénitentiaire. Le comité porte à l’attention de la CEACR les aspects législatifs de ce cas.
    • r) En ce qui concerne l’allégation relative au refus d’enregistrement du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Río Bravo, le comité prie l’organisation plaignante de fournir de plus amples informations pour retrouver l’organisation en question dans la base de données de la Direction générale du travail.
    • s) En ce qui concerne la détention de membres du Syndicat professionnel des pilotes du transport routier à la suite d’un mouvement de protestation en mai 2008, le comité prie l’organisation plaignante de fournir de plus amples informations afin de localiser cette organisation syndicale.
    • t) En ce qui concerne les poursuites pénales engagées contre les dirigeants syndicaux du Syndicat de la municipalité de Zacapa, les enquêtes relatives à l’établissement de listes noires, les allégations de violation de l’exercice de la liberté syndicale dans les hôtels Las Américas S.A. et Crown Plaza Guatemala, la teneur des décisions rendues par les instances judiciaires relatives aux ordonnances de réintégration et les licenciements au Syndicat des travailleurs de la municipalité de Chimaltenango, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de lui communiquer les informations demandées sur ces allégations.
    • u) Le comité prie le gouvernement d’envoyer dans les délais les plus brefs ses observations sur les informations complémentaires et les nouvelles allégations contenues dans les communications du MSICG en date des 15, 17, 18, 20 et 22 février 2013.
    • v) Le comité attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Informations complémentaires et nouvelles allégations des organisations plaignantes

B. Informations complémentaires et nouvelles allégations des organisations plaignantes
  1. 277. Dans sa communication en date du 30 mai 2014, le MSICG fait état de menaces de mort proférées à l’encontre de M. Jorge Byron Valencia Martínez, secrétaire général du Syndicat du personnel administratif et d’appui de l’éducation du Guatemala (STAYSEG). A cet égard, l’organisation plaignante déclare que: i) les 16 et 17 décembre 2013, après avoir encouragé à la télévision la signature de la convention collective en question, le secrétaire général du STAYSEG a été par deux fois menacé de mort par des hommes armés disant parler au nom de la ministre de l’Education; ii) le cas est saisi par l’Unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre les syndicalistes (ci-après l’unité spéciale), qui a encore une fois démontré sa totale inefficacité dans le traitement de la plainte; iii) M. Jorge Byron Valencia Martínez a introduit une plainte devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, à la suite de quoi la police nationale civile a déterminé que sa vie était en grand danger; et iv) malgré cela, seul un garde du corps sans véhicule lui a été attribué, en outre le dirigeant syndical doit couvrir lui-même une partie de ses dépenses de base.
  2. 278. Dans sa communication en date du 13 septembre 2014, le Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala regroupe les plaintes concernant 16 autres assassinats de syndicalistes commis en 2013 et 2014; la liste en est reproduite ci-après. Les organisations plaignantes allèguent que l’impunité totale qui a prévalu pour les dizaines d’assassinats dénoncés auparavant devant le comité prévaut également en ce qui concerne les 16 nouveaux assassinats.
    • NomOrganisationDate de l’assassinat
      Mayro Rodolfo Juárez Galdamez Syndicat professionnel des chauffeurs de taxis d’Izabal (SIGTADI) UNSITRAGUA2 janvier 2013
      Joel González Pérez UNSITRAGUA 13 février 2013
      Juan Martínez Matute Syndicat des travailleurs des transports publics de Ciudad Pedro de Alvarado (SITRASEPUCPA) 16 février 2013
      Carlos Antonio Hernández Mendoza Coordination des organisations populaires, indigènes, églises, syndicats et paysans d’Orient-Front national de lutte (COPISCO-FNL)8 mars 2013
      Jerónimo Sol AjcotCoordination nationale, indigène et paysanne (CONIC)12 mars 2013
      Santa AlvaradoSyndicat national des travailleurs de la santé du Guatemala (SNTSG) 21 mars 2013
      Kira Zulueta Enríquez Mena Syndicat de la Municipalité de Nueva Concepción Escuintla 22 mars 2013
      Jorge Ricardo Barrera Barco Syndicat de chauffeurs routiers et assimilés du Guatemala 23 mai 2013
      Gerardo de Jesús Carrillo Navas CUSG 25 mars 2014
      William Retana Carias CUSG 7 avril 2014
      Manuel de Jesús Ortiz Jiménez CUSG 8 avril 2014
      Genar Efrén Estrada Navas CUSG 13 mai 2014
      Edwin Giovanni de la Cruz Aguilar CUSG 14 mai 2014
      Luis Arnoldo López Esteban CGTG 11 mai 2014
      Marlon Velázquez Syndicat national du bâtiment et du bois (SINCG)6 janvier 2014
      Eduardo Martínez Barrios SINCG 20 août 2014
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  3. 279. Les organisations plaignantes font référence ci-après au rapport rédigé par la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), rapport dénommé «état des enquêtes concernant la mort de syndicalistes au Guatemala», présenté devant la Commission tripartite des affaires internationales du travail le 31 juillet 2014. Elles indiquent que l’enquête a été diligentée suite à une demande d’assistance émanant du ministère public à la CICIG en vue de réviser certains cas d’homicides perpétrés sur la personne de syndicalistes. Le 24 septembre 2013, cette demande s’est concrétisée par la signature d’un accord de collaboration entre les deux institutions en vue de renforcer les autorités locales dans leurs capacités d’analyse et d’enquête dans les cas de violence commise contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Les organisations plaignantes signalent que le rapport de la CICIG confirme l’impunité qui prévaut au Guatemala vu que, sur les 38 cas étudiés, il est fait état d’un seul cas pour lequel un jugement aurait été prononcé contre l’un des responsables de l’assassinat, et que le rapport indique, par ailleurs, que la plupart des enquêtes présentent de graves carences.
  4. 280. Les organisations plaignantes expriment ci-après une série de réserves quant au rapport de la CICIG en question, d’abord le fait qu’elle a basé son rapport sur l’analyse des dossiers du ministère public, en omettant de prendre contact avec les sièges des organisations syndicales plaignantes pour obtenir les informations nécessaires. Selon les organisations plaignantes, dans un contexte marqué par de nombreux assassinats et autres actes de violence perpétrés contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, auquel il faut ajouter un taux d’impunité de 98 pour cent, en raison de l’absence de volonté politique du gouvernement, il est étonnant que la CICIG ait centré son analyse sur une hypothèse – l’existence d’actions criminelles systématiques et préconçues, visant à affecter ou éliminer le droit d’organisation syndicale en général ou celui de quelque organisation en particulier – qui n’a jamais été formulée par les organisations plaignantes ni les familles des victimes. Les organisations plaignantes affirment qu’il ne peut y avoir d’éléments communs qui révéleraient l’existence d’actes criminels systématiques et préconçus en ce qui concerne les cas survenus entre 2004 et 2013 dans des circonstances et sous des gouvernements différents et dans un pays où les actes antisyndicaux sont perpétrés à travers des voies multiples.
  5. 281. Par ailleurs, les organisations plaignantes émettent des doutes quant aux conclusions du rapport de la CICIG en ce qui concerne les mobiles des assassinats. A cet égard, les organisations plaignantes observent que, d’une part, la CICIG estime que seuls six des 32 cas qu’elle a examinés auraient un lien avec la condition de syndicaliste de la victime, mais que, d’autre part, son rapport établit clairement que la plupart des cas sont encore en cours d’instruction, qu’aucune responsabilité n’a été déterminée pour les assassinats et que, en outre, les enquêtes présentent de graves carences. Ces deux constatations empêchent d’affirmer avec certitude que les assassinats n’ont aucun lien avec l’activité syndicale des défunts.
  6. 282. Les organisations plaignantes déclarent enfin que dans les «seuls six cas» pour lesquels la condition de syndicaliste de la victime aurait un lien avec l’assassinat, l’enquête n’a pas été menée à son terme, les culpabilités n’ont pas été déterminées et il n’y a pas de procédures en cours, ce qui nous amène à la conclusion que, même avec les graves faiblesses qui entachent le rapport de la CICIG, il ressort que l’Etat ne diligente pas les enquêtes nécessaires et ne sanctionne pas de manière adéquate ceux qui commettent des assassinats de syndicalistes.
  7. 283. Les organisations plaignantes font référence ci-après à l’action du ministère public face aux actes de violence perpétrés à l’encontre des membres du mouvement syndical. Elles déclarent que la nouvelle procureure générale, qui a assumé ses fonctions en mai 2014, n’a pris aucune mesure concrète qui pourrait donner à entendre que la protection de la liberté syndicale serait incluse dans ses priorités institutionnelles. Les organisations plaignantes ajoutent par ailleurs que, malgré l’engagement exprimé par le gouvernement dans le point 4 de la feuille de route qui consiste à encourager la participation directe des victimes et des organisations syndicales tout au long des étapes de l’enquête criminelle et de la procédure pénale, la participation des familles des victimes en est restée à la modalité traditionnelle qui concerne la plainte initiale et l’une ou l’autre interview de routine. Par ailleurs, les organisations syndicales n’ont été convoquées à aucune étape de la procédure et on ne leur a pas permis non plus de participer en qualité de plaignant.
  8. 284. Les organisations plaignantes allèguent enfin que le ministère de l’Intérieur n’a pas respecté ses engagements en matière de prévention, de protection et de réaction contre les menaces et les attentats perpétrés contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Elles indiquent tout particulièrement que: i) le groupe de travail technique syndical permanent pour une protection globale, créé en 2013 par le ministère de l’Intérieur ne s’est pas réuni une seule fois entre le 12 mars et le 18 août 2014; et ii) pendant cette dernière réunion, le ministère de l’Intérieur a présenté un protocole relatif à la mise en œuvre de mesures de sécurité immédiates et préventives en faveur des défenseurs des droits humains au Guatemala qui, cependant, n’est qu’un simple copié-collé d’un protocole générique déjà existant, sans aucun ajustement qui permettrait son application concrète aux syndicalistes.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement

    Assassinats

  1. 285. Dans le cadre de sa transmission régulière d’informations sur les enquêtes et les jugements ayant trait aux cas d’homicides dont ont été victimes des dirigeants syndicaux et des syndicalistes et qui font l’objet de la présente plainte, le gouvernement a communiqué, en février 2016, des informations concernant 70 homicides dénoncés par des organisations syndicales du Guatemala. A cette occasion, le gouvernement déclare que: i) au 31 décembre 2015, 14 jugements ont été prononcés, dont 11 condamnations; et ii) sur ces 14 jugements, 6 ont été prononcés entre 2007 et 2013, 6 en 2014 et 2 en 2015. En outre, le gouvernement a communiqué les informations détaillées fournies par le ministère public sur chacune des enquêtes portant sur les meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes qui n’ont pas encore fait l’objet d’un jugement.
  2. 286. Le gouvernement fait savoir par ailleurs qu’il y a eu un 71e meurtre, celui de M. Mynor Rolando Castillo Ramos, membre du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Jalapa, fait survenu dans la municipalité de Jalapa, département de Jalapa, le 24 septembre 2015. Le gouvernement déclare à cet égard que les enquêtes nécessaires ont été diligentées immédiatement, ce qui a permis au ministère public de présenter une accusation formelle contre l’auteur matériel du délit et d’introduire une procédure judiciaire à son encontre.
  3. 287. Dans ses différentes communications, le gouvernement fait également état d’une série d’initiatives visant à renforcer l’efficacité des enquêtes et des procédures pénales relatives aux meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes. Le gouvernement mentionne en premier lieu le renforcement de l’Unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes (ci-après Unité spéciale), avec la nomination de nouveaux membres (l’effectif est passé de cinq membres en 2011 à 12 en 2014). D’autre part, il a été décidé de transférer tous les cas concernant des délits commis contre des syndicalistes et faisant l’objet d’une enquête dans le pays à cette Unité spéciale. En outre, le ministère public, en coordination avec le représentant du Directeur général du BIT au Guatemala, a mené à bien une série de formations spécialement destinées au personnel de l’Unité spéciale.
  4. 288. Le gouvernement annonce également la signature, en septembre 2014, d’un accord-cadre de coopération entre le pouvoir judiciaire, le ministère public, le ministère de l’Intérieur et le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, accord qui prévoit la constitution d’un groupe de coordination interinstitutionnel qui aura pour fonction de faciliter l’échange d’informations sur les délits commis contre des travailleurs syndiqués.
  5. 289. Le gouvernement fait également savoir que le groupe de travail syndical du ministère public, créé en 2013, et qui réunit le ministère public et les principales centrales syndicales du pays, a été renforcé. Le gouvernement a déclaré que: i) le ministère public a tenu 15 réunions du groupe de travail syndical, soit au moins une par mois, en 2015; et ii) ces réunions facilitent, d’une part, la transmission d’informations aux organisations syndicales sur les avancements des enquêtes relatives aux meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes et, d’autre part, la communication par les organisations syndicales d’informations supplémentaires utiles dans le cadre des enquêtes.
  6. 290. Le gouvernement fait savoir également que le ministère public, après consultation des interlocuteurs sociaux, a adopté en février 2015 l’instruction générale no 1-2015 sur la conduite d’enquêtes et l’engagement de poursuites pénales effectives contre les auteurs d’infractions visant des syndicalistes et des membres d’organisations de travailleurs ainsi que d’autres défenseurs des droits du travail et des droits syndicaux. Il indique que l’instruction générale no 1-2015 est appliquée et que les procédures d’enquête contenues dans l’instruction générale ont été particulièrement utiles dans le cas de la mort, survenue le 25 septembre 2015, de M. Mynor Rolando Castillo Ramos, affilié au Syndicat des travailleurs de la municipalité de Jalapa.
  7. 291. Le gouvernement fait également référence à la collaboration établie depuis 2013 entre le ministère public et la CICIG et déclare que: a) le 24 septembre 2013, ces deux institutions ont signé un accord de collaboration visant à ce que la CICIG apporte son assistance dans la vérification des enquêtes portant sur les cas de mort violente de syndicalistes; b) le département des enquêtes et des poursuites de la CICIG s’est chargé de la vérification des cas afin de déterminer la manière dont l’enquête avait été menée, le mobile de chaque assassinat et les suites à donner; c) il a reçu 56 cas à vérifier (deux n’ont pas été examinés faute de dossier); d) 37 cas seulement ont été vérifiés: 32 pour lesquels la qualité de syndicaliste des victimes était avérée, 4 pour lesquels cette qualité n’était pas avérée et 1 cas où la victime n’était pas syndicaliste mais s’occupait, en sa qualité d’avocat, de défendre des organisations syndicales; pour ce qui est des autres cas, les enquêtes n’ont pas été vérifiées car les victimes n’étaient pas syndiquées; e) en ce qui concerne le mobile des différents homicides, l’examen des dossiers a permis de constater que six cas étaient liés à l’activité syndicale des victimes (dans deux d’entre eux, il a été confirmé que l’appartenance syndicale avait été le mobile direct de l’homicide et, pour les quatre autres, qui sont en cours d’instruction, on soupçonne l’existence d’un lien); f) les morts violentes qui ont été dénoncées concernent plusieurs organisations syndicales et, dans neuf cas seulement, les victimes faisaient partie d’une même organisation, à savoir le Syndicat des travailleurs des bananeraies d’Izabal; g) il est ressorti de l’examen des procédures par la CICIG que les facteurs ci-après avaient eu une incidence négative sur le déroulement des enquêtes: i) facteurs liés au ministère public: absence de plans méthodologiques, transferts de dossiers entre procureurs et absence de continuité des représentants du ministère public, arrivée tardive sur le lieu du crime et irrégularités dans l’examen de ce dernier, et retard global de l’enquête pénale; et ii) facteurs liés à d’autres intervenants: manque de coopération de la part de la population et peur de témoigner, carences au niveau des organes policiers pour l’élucidation des cas et déficiences dans les expertises médicolégales; h) dans les enquêtes qui lui ont été confiées, l’Unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes a travaillé de manière plus structurée et a procédé à des enquêtes plus fouillées; i) si l’on prend en compte la localisation géographique des décès, on peut conclure que ces derniers se sont majoritairement produits dans les principaux foyers de violence du pays; et k) il est notoire que très peu de cas (deux seulement) ont donné lieu à une décision de justice, ce qui met en évidence l’inaction des organes chargés d’administrer la justice. Les représentants du ministère du Travail ont souligné que, d’après le rapport de la CICIG, les cas figurant dans l’échantillon qui a été retenu ne permettent pas de conclure à l’existence de pratiques visant à éliminer le syndicalisme au Guatemala.
  8. 292. Le gouvernement indique que l’accord de collaboration conclu entre l’Unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes et le CICIG continue d’être respecté. En vertu de cet accord, la CICIG émet des recommandations sur la conduite des enquêtes relatives à 12 affaires d’homicides identifiées par le mouvement syndical au Guatemala. Dans ce cadre, six réunions de travail conjointes entre la CICIG et l’Unité spéciale ont eu lieu depuis le mois de juin 2015.

    Autres actes de violence et menaces contre des syndicalistes

  1. 293. En ce qui concerne les menaces de mort proférées contre la syndicaliste Mme Lesvia Morales, pour lesquelles le comité avait instamment prié le gouvernement et l’organisation plaignante de collaborer de bonne foi pour identifier formellement le dossier correspondant, le gouvernement communique les informations fournies par le ministère public qui indiquent que: i) aucune trace des prénom et nom de famille en question n’a été trouvée dans les bases de données du ministère public; ii) cependant, dans le système, les recherches sont effectuées sur la base des prénoms et des noms de famille complets (deux prénoms et deux noms de famille); il faudrait donc affiner la recherche au cas où «Lesvia Morales» correspondrait à un prénom et un nom de famille.
  2. 294. En ce qui concerne la tentative d’assassinat et les menaces de mort sur la personne de M. Leocadio Juracán, le gouvernement a communiqué, en octobre 2013, les informations fournies par le ministère public qui indique que: i) la plainte de M. Leocadio Juracán a été présentée devant les services du Procureur des droits de l’homme qui l’ont transmise au ministère public; ii) la victime a été citée à comparaître à plusieurs reprises pour formaliser et préciser les circonstances du délit; iii) cependant, M. Leocadio Juracán ne s’est jamais présenté; iv) des connaissances de M. Juracán ont pu être contactées et lui ont fait parvenir une nouvelle citation à comparaître pour le 24 septembre 2013, mais il ne s’y est pas non plus présenté; et v) dans la mesure où le délit de menaces constitue un délit entraînant la mise en mouvement de l’action publique, qui dépend d’une instance spéciale, il n’est pas possible pour le ministère public de poursuivre l’enquête correspondante.
  3. 295. En ce qui concerne la recommandation du comité au gouvernement, à savoir qu’il devait prendre toutes les mesures nécessaires pour que les forces de l’ordre appliquent les principes de la liberté syndicale de manière pleine et entière lors du maintien de l’ordre public durant les manifestations, le gouvernement fait savoir que: i) en 2012, le protocole d’intervention policière – évacuation no 01-2012, émis par la Direction de la police nationale civile du ministère de l’Intérieur a été adopté; et ii) trois points concernant l’usage de la force pour faire respecter l’ordre public ont été inclus dans le manuel de références et de consultations, tâche centrale 5 des procédures policières de l’Académie de la police nationale civile.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 296. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, ainsi que la situation d’impunité qui en découle, des actes de discrimination antisyndicale, le refus d’octroyer la personnalité juridique à de nombreux syndicats et des lacunes structurelles dans le système de la justice du travail.
  2. 297. Considérant le grand nombre d’assassinats et d’actes de violence dénoncés dans le présent cas, d’une part, et l’existence, d’autre part, de plusieurs cas actifs présentés par l’une des organisations plaignantes, le Mouvement syndical, indigène et paysan du Guatemala (MSICG), cas où sont traitées les autres allégations mentionnées précédemment, le comité a décidé qu’il analysera dans le présent cas les allégations d’homicides et autres actes de violence antisyndicale et la situation d’impunité qui en découle. Selon les allégations et l’organisation plaignante, les actes de discrimination antisyndicale, le refus d’accorder la personnalité juridique à plusieurs syndicats et les carences dans le système judiciaire du travail dénoncés dans le présent cas seront traités, respectivement dans les cas nos 2948, 3042 et 3089.
  3. 298. Le comité observe que, depuis le dernier examen du cas en juin 2013, le Conseil d’administration du BIT a examiné à sept reprises la plainte relative au non-respect par le Guatemala de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, présentée par plusieurs délégués travailleurs à la 101e session (2012) de la Conférence internationale du Travail en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. Le comité rappelle que ladite plainte dénonce, entre autres, les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que l’impunité qui prévaudrait à cet égard. Le comité observe tout particulièrement que: i) dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, un représentant du Directeur général du BIT est présent au Guatemala depuis juillet 2013; ii) suite à la visite de la mission tripartite de haut niveau au pays en septembre 2013, le gouvernement a adopté en octobre 2013, en consultation avec les interlocuteurs sociaux, une feuille de route par laquelle il s’engageait à juger et condamner rapidement les auteurs matériels et les commanditaires des crimes commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes ainsi qu’à renforcer les mécanismes de prévention et de protection face aux menaces et aux attentats perpétrés contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes; et iii) le Conseil d’administration a décidé, à sa 326e session (mars 2016), de reporter sa décision de constituer éventuellement une commission d’enquête à sa session de novembre 2016.
  4. 299. Le comité observe également que, dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, tant les organisations plaignantes dans le présent cas que le gouvernement ont soumis de façon régulière au Conseil d’administration du BIT des informations détaillées. Le comité se référera à leur contenu lorsqu’elles pourront contribuer à l’examen des allégations du présent cas.
  5. 300. Le comité regrette profondément et pour la sixième fois le grand nombre d’actes de violence contenus dans la plainte et se dit gravement préoccupé face au nombre élevé de dirigeants syndicaux et de syndicalistes assassinés. Le comité exprime sa profonde préoccupation face à la plainte des organisations plaignantes faisant état de 16 nouveaux assassinats de membres du mouvement syndical en 2013 et 2014 ainsi que face à l’annonce, dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, tant par les organisations plaignantes que par le gouvernement, de l’assassinat de M. Mynor Ramos, membre du Syndicat de travailleurs de la municipalité de Jalapa en septembre 2015. Le comité attire de nouveau l’attention du gouvernement sur le fait que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 44.]

    Allégations d’homicides déjà examinées

  1. 301. En ce qui concerne les enquêtes et les poursuites relatives aux meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, le comité prend note tout d’abord des points soulignés par les organisations plaignantes, tant dans le cadre de la présente plainte que dans celui du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. Le comité observe que la Confédération de l’unité syndicale du Guatemala (CUSG), la Confédération générale des travailleurs du Guatemala (CGTG), l’Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA) regroupés dans le Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala, déclarent que: i) il n’y a pas eu de progrès significatif en ce qui concerne l’enquête relative aux meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; ii) les rares homicides que le ministère public a réussi à porter devant les tribunaux ne présentent pas, selon les enquêtes diligentées par cette institution, un caractère antisyndical; iii) comme l’admet publiquement le ministère public, cette institution ne dispose ni du budget ni des ressources humaines et matérielles nécessaires pour s’acquitter efficacement de ses fonctions; iv) le rapport de 2014 de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) sur les enquêtes relatives à une série de meurtres de syndicalistes a souligné des carences importantes de la part du ministère public et des tribunaux; v) cependant, le rapport en question comportait de nombreuses lacunes car il se basait principalement, voire exclusivement, sur les dossiers du ministère public; vi) le système de protection des témoins ne dispose ni des mécanismes appropriés ni des ressources suffisantes pour préserver l’intégrité de ces personnes; et vii) l’instruction générale no 1-2015 n’a pas été mise en œuvre de manière adéquate.
  2. 302. Le comité note également que le MSICG a déclaré que: i) 100 pour cent des commanditaires des assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes sont encore impunément en liberté; ii) plus de 97 pour cent des auteurs matériels de ces faits sont également en liberté en toute impunité; iii) 100 pour cent des actes de violence antisyndicale qui sont perpétrés n’ont fait l’objet d’aucune sanction; et iv) la position du gouvernement qui consiste à écarter le mobile antisyndical d’un grand nombre d’homicides perpétrés contre des syndicalistes, en empêchant tout prononcé de jugement à l’encontre des auteurs et des instigateurs de ces assassinats et par là même toute possibilité de prouver que le délit a été motivé par d’autres causes que les activités syndicales de la victime, est inacceptable.
  3. 303. Le comité prend note de la vue d’ensemble fournie par le gouvernement sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures pénales relatives à 70 assassinats dénoncés par différentes organisations syndicales du Guatemala. Le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) au 31 décembre 2015, 14 jugements ont été prononcés, dont 11 condamnations; et ii) sur les 14 jugements, 6 ont été prononcés entre 2007 et 2013, 6 en 2014 et 2 en 2015.
  4. 304. Le comité prend note également des informations fournies par le gouvernement sur les enquêtes relatives aux meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes qui n’ont pas encore fait l’objet de jugements. Le comité observe qu’il ressort de cette information que, sur 56 cas en attente de jugement: 40 cas sont en cours d’instruction; 1 cas est en instance; pour 11 cas, des mandats d’arrêt ont été émis et sont en attente d’exécution; 1 cas fait l’objet d’une audience; 1 cas a donné lieu à une ordonnance de non-lieu; et, dans 2 cas, la poursuite pénale s’est éteinte du fait du décès des inculpés.
  5. 305. Le comité prend note également des déclarations du gouvernement sur les initiatives visant à renforcer l’efficacité des enquêtes et des procédures pénales relatives aux homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, initiatives prises pour respecter la feuille de route adoptée en octobre 2013, en consultation avec les interlocuteurs sociaux du pays, dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. A cet égard, le comité note tout particulièrement que le gouvernement, tant dans les observations fournies dans ce présent cas que dans les éléments fournis dans le cadre du suivi de la plainte présentée dans le cadre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, fait savoir que: i) l’Unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes, qui est chargée actuellement de la quasi totalité des cas de meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, a été renforcée; ii) le groupe de travail syndical qui réunit le ministère public et les principales centrales syndicales du pays en vue d’accélérer l’échange d’informations sur les enquêtes a été institutionnalisé et consolidé, avec des réunions mensuelles; iii) après consultation des interlocuteurs sociaux, le ministère public a adopté en février 2015 l’instruction générale no 1-2015 dans le but de rendre les enquêtes et les procédures pénales plus efficaces dans le cas de délits commis contre des syndicalistes ou adhérents d’organisations de travailleurs et autres défenseurs des droits syndicaux et des droits du travail; iv) dans le cadre de l’accord de collaboration entre l’Unité spéciale et la CICIG, signé en septembre 2013, la CICIG a transmis en 2014 un rapport sur les enquêtes en cours concernant 37 affaires d’homicides, rapport dans lequel elle pointe une série de carences dans les enquêtes et considère que, à partir des éléments dont elle dispose, on ne pouvait déduire un plan préconçu d’élimination du mouvement syndical; v) dans le cadre de l’accord de collaboration entre l’Unité spéciale et la CICIG, 12 rapports d’enquête concernant des homicides identifiés par le mouvement syndical au Guatemala ont été transmis à la CICIG le 15 juin 2015 afin que cette dernière émette des recommandations sur la conduite des enquêtes en question.
  6. 306. Compte tenu de ces éléments ainsi que de la documentation fournie sur les enquêtes et les procédures pénales concernant 70 affaires d’homicide identifiées par le gouvernement, le comité observe tout d’abord avec intérêt que la plupart des cas sont confiés à l’Unité spéciale. Le comité estime que, pour autant que cette unité puisse disposer des ressources humaines et matérielles suffisantes pour s’acquitter de ses fonctions, la centralisation des enquêtes en son sein peut contribuer à la conception et à l’application d’un cadre méthodologique spécifique qui prendrait pleinement en considération les caractéristiques syndicales des victimes dans la détermination des mobiles des crimes et dans l’identification des coupables. Le comité considère que l’adoption de l’instruction générale no 1-2015 susmentionnée s’inscrit dans ce cadre. Le comité souligne également que le fonctionnement régulier du groupe syndical est susceptible d’accélérer l’échange d’informations entre les organisations syndicales et le ministère public.
  7. 307. Le comité note aussi avec intérêt la collaboration fournie au ministère public par la CICIG. En ce qui concerne le rapport de la CICIG en 2014, le comité prend note du document GB.322/INS/8, exposé dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 et dans lequel une mission du BIT a signalé que:
    • Les membres de la mission se sont entretenus avec une représentante de la CICIG, qui a indiqué ce qui suit: 1) la CICIG n’a pas mené d’enquêtes mais s’est bornée à vérifier, sur la base des informations disponibles, celles qu’avait effectuées le ministère public; 2) elle a seulement vérifié si les victimes étaient des syndicalistes mais ne s’est pas intéressée au phénomène de la violence antisyndicale; 3) elle a constaté que les enquêtes sont menées de manière isolée et que les proches des victimes sont frustrés par l’absence de résultats effectifs malgré le temps écoulé; 4) le rapport a une portée limitée, et il conviendrait de réviser les critères d’enquête pour pouvoir déterminer si les homicides concernés sont liés aux activités syndicales des victimes; 5) on peut vérifier de nouveau les 58 cas en établissant une nouvelle méthodologie. La procureure générale a par ailleurs fait savoir que le rapport de la CICIG n’est pas définitif et qu’il s’agit d’un outil parmi d’autres outils utilisés par les enquêteurs du ministère public.
  8. 308. Le comité encourage à poursuivre la collaboration entre le ministère public et la CICIG et souligne l’importance qu’il y a à ce que les organisations syndicales concernées soient consultées dans le cadre de l’examen des cas d’homicide par ladite institution. A cet égard, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de cette collaboration en ce qui concerne les 12 cas d’homicide sélectionnés en juin 2015.
  9. 309. Tout en prenant bonne note des initiatives qu’il vient de mentionner, le comité observe de manière générale avec une vive préoccupation: i) le nombre encore bien bas d’affaires d’homicides qui donnent lieu à une condamnation (11 sur 70) en dépit du temps écoulé depuis le moment des faits; ii) le nombre encore plus réduit de cas de condamnation des commanditaires (2); iii) le nombre élevé de mandats d’arrêt qui ne sont toujours pas exécutés; et iv) le nombre encore plus élevé de cas d’enquêtes pour lesquelles, selon la documentation fournie par le ministère public, aucune possibilité d’identification des auteurs matériels et des commanditaires des faits n’est entrevue à court terme. A cet égard, le comité rappelle que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 52.]
  10. 310. Par ailleurs, le comité observe avec une préoccupation particulière que les cas pour lesquels des indices d’un éventuel mobile antisyndical ont été identifiés (soit parce que de nombreux membres d’un même syndicat ont été tués, soit parce que la CICIG ou le ministère public lui-même ont déjà identifié un éventuel mobile antisyndical de manière spécifique ou encore parce que les victimes faisaient partie de syndicats pour lesquels le comité sait fort bien qu’au moment des faits ils faisaient l’objet d’actes antisyndicaux) n’ont donné lieu ni à des condamnations ni à des avancements significatifs dans les enquêtes, particulièrement en ce qui concerne les commanditaires des faits. A cet égard, le comité souligne les cas suivants: i) les neuf cas concernant les meurtres de dirigeants syndicaux et de membres du Syndicat des travailleurs des bananeraies d’Izabal (SITRABI), MM. Marco Tulio Ramírez Portela (enquête menée en collaboration avec la CICIG), Carlos Enrique Cruz Hernández, Idar Joel Hernández Godoy, Oscar Humberto González Vásquez, Henry Aníbal Marroquín Orellana, Pablino Yaque Cervantes, Héctor Alfonso Martínez Cardona, Mardo de Jesús Morales Cardona et Miguel Ángel Gonzales Ramírez; ii) les trois affaires d’homicide contre des dirigeants et membres du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Coatepeque, MM. Roberto Oswaldo Ramos Gómez, Armando Donaldo Sánchez Betancourt et Amado Corazón Monzón, ainsi que les meurtres de M. Wilder Hugo Barrios López, du Syndicat de microbus urbains du secteur Camposanto Magnolia, et de M. Luis Haroldo García Ávila, du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque qui, selon le ministère public pourraient être en lien avec les homicides des membres du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Coatepeque; iii) les trois assassinats de dirigeants et membres du Syndicat national des travailleurs de la santé du Guatemala, MM. Sergio Miguel García, Lisinio Aguirre Trujillo et Julio Pop Choc, le ministère public et la CICIG ayant identifié un éventuel caractère antisyndical pour les deux premiers; iv) le meurtre de M. Pedro Antonio García, du Syndicat des travailleurs municipaux de Malacatán, San Marcos, qui a été considéré comme probablement antisyndical par la CICIG; v) le meurtre de M. Manuel de Jesús Ramírez, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’assistance technique et administrative à l’Institut de défense publique pénale, qui avait dénoncé devant le comité le licenciement des membres fondateurs de son organisation (cas no 2978) et dont l’assassinat est considéré comme probablement antisyndical par le ministère public; vi) le meurtre de M. Juan Fidel Pacheco Coc, secrétaire général du Syndicat de l’union des employés des services de migrations qui, avant son assassinat, avait dénoncé devant le comité des pratiques antisyndicales et des menaces proférées contre des membres de son organisation (cas no 2673).
  11. 311. En ce qui concerne les neuf assassinats de membres du SITRABI susmentionnés, le comité regrette de noter que le ministère public se limite à évoquer les difficultés qu’il y a à identifier les témoins oculaires des faits et qu’il ne dit rien sur l’existence d’enquêtes visant à identifier les commanditaires des neuf homicides. Dans le cas spécifique des enquêtes relatives à l’assassinat de M. Héctor Alfonso Martínez Cardona, membre du SITRABI, le comité ne comprend pas les raisons pour lesquelles la demande d’autorisation, présentée par le ministère public pour retrouver le téléphone portable que portait la victime au moment des faits, a été rejetée par la justice. A la lumière de cet exemple, le comité demande instamment que les mesures qui s’imposent pour renforcer la collaboration entre le ministère public et l’appareil judiciaire soient prises.
  12. 312. Notant que la CICIG apporte son assistance dans l’enquête concernant quelques-uns des cas mentionnés dans les deux paragraphes précédents, le comité prie instamment le gouvernement, en suivant les directives suggérées par celle-ci, de prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires pour assurer que les enquêtes ciblent à la fois les auteurs matériels et les commanditaires des faits et que, dans leur conception et leur déroulement, l’éventuelle nature antisyndicale des homicides est pleinement et systématiquement prise en considération. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé, dans les plus brefs délais, des initiatives prises et des résultats obtenus.
  13. 313. De manière générale, tout en étant conscient que certaines initiatives ont été prises depuis l’adoption de la feuille de route en 2013, le comité estime que le haut niveau d’impunité qui continue à prévaloir ainsi que le nombre très élevé d’homicides à élucider et à condamner requièrent de manière urgente l’octroi de ressources économiques et humaines supplémentaires en faveur de l’Unité spéciale. Le comité prie instamment le gouvernement de l’informer dans les plus brefs délais des initiatives prises et des résultats obtenus à cet égard. Par ailleurs, s’il a pris note de l’adoption en septembre 2014 d’un accord-cadre de coopération entre le pouvoir judiciaire, le ministère public, le ministère de l’Intérieur et le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, le comité observe qu’un nombre substantiel de mandats d’arrêt sont toujours en attente d’exécution et que, dans certains cas, les demandes d’autorisation judiciaire visant à faire avancer les enquêtes n’ont pas été accordées. Par conséquent, rappelant les engagements pris par le gouvernement dans la feuille de route, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à renforcer la collaboration interinstitutionnelle entre les différents acteurs mentionnés auparavant en ce qui concerne les meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes.
  14. 314. Par ailleurs, rappelant les commentaires contenus dans le rapport de 2014 de la CICIG sur l’inaction des organes chargés d’administrer la justice et observant que, dans le cadre du suivi de la plainte en vertu de l’article 26, le gouvernement a fait savoir que la Cour suprême avait élaboré un projet dans ce sens, le comité encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires à la création de tribunaux spéciaux en vue de traiter plus rapidement les crimes et délits commis contre des membres du mouvement syndical. Le comité prie le gouvernement de l’informer des initiatives concrètes prises à cet égard. D’autre part, de même que dans son examen antérieur du cas, le comité continue à observer que les informations fournies par le ministère public, d’une part, et le rapport de la CICIG, d’autre part, font état, dans plusieurs cas, de l’impossibilité de compter dans les enquêtes sur la collaboration des témoins par crainte de représailles. Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’envisager et d’appliquer des mesures de protection efficaces pour les personnes qui acceptent de collaborer avec les enquêtes pénales relatives aux actes de violence antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais des initiatives prises à cet égard.

    Nouvelles allégations d’assassinats

  1. 315. En ce qui concerne la plainte du Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala portant sur 16 nouveaux assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes survenus en 2013 et 2014, le comité note que le gouvernement déclare que: i) le 17 septembre 2015, M. José Cruz López Yax a été condamné à trente ans de prison pour l’assassinat de Mme Santa Alvarado Cajchum, le mobile de l’homicide étant la séparation conjugale; ii) en ce qui concerne le meurtre de M. Carlos Antonio Hernández Mendoza, le tribunal a prononcé un non-lieu; iii) dans le cas de M. Jorge Ricardo Barrera Barco, cas analysé en partenariat avec la CICIG, l’extinction de la poursuite pénale a été demandée; et iv) dans le cas des assassinats de Mayro Rodolfo Juárez Galdámez, Joél González Pérez, Juan Martínez Matute et Kira Zulueta Enríquez Mena, les procédures sont en cours d’instruction; les enquêtes relatives aux homicides de Mme Kira Zulueta Enríquez Mena et de M. Mayro Rodolfo Juárez Galdámez sont menées en partenariat avec la CICIG.
  2. 316. Le comité prie le gouvernement de lui fournir de plus amples informations sur les motifs avancés pour demander l’extinction de la poursuite pénale en ce qui concerne le meurtre de M. Jorge Ricardo Barrera Barco et prononcer un non-lieu dans le cas de M. Carlos Antonio Hernández Mendoza, dirigeant du Syndicat national des travailleurs de la santé, organisation syndicale déjà frappée par plusieurs homicides.
  3. 317. D’autre part, le comité observe avec préoccupation que le gouvernement ne fournit aucune information sur les meurtres de: i) Jerónimo Sol Ajcot; ii) Gerardo de Jesús Carrillo Navas; iii) William Retana Carias; iv) Manuel de Jesús Ortiz Jiménez; v) Genar Efrén Estrada Navas; vi) Edwin Giovanni de la Cruz Aguilar; vii) Luis Arnoldo López Esteban; et viii) Marlon Velázquez, et que ces noms n’apparaissent pas dans les listes du ministère public. Rappelant que, lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 50.] Le comité prie dès lors instamment le gouvernement de lui transmettre dans les plus brefs délais des informations sur les enquêtes correspondantes de manière à identifier et sanctionner tant les auteurs matériels que les commanditaires des faits.

    Autres allégations de violence déjà examinées

  1. 318. En ce qui concerne les menaces de mort proférées contre la syndicaliste Mme Lesvia Morales, pour lesquelles le comité avait prié le gouvernement et l’organisation plaignante de collaborer de bonne foi pour identifier formellement le dossier correspondant, le comité note que le gouvernement, dans sa communication en date du 3 juin 2015, transmet les informations fournies par le ministère public qui indique que: i) aucune trace des nom et prénom mentionnés n’a pu être retrouvée dans les bases de données du ministère public; ii) cependant, dans le système en question, les recherches se font sur la base des prénoms et noms de famille complets (deux prénoms et deux noms), il conviendrait donc d’affiner les recherches pour voir si «Lesvia Morales» correspond à un prénom et un nom de famille. Au vu des considérations précédentes, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de lancer une recherche complète dans les archives du ministère public pour déterminer l’existence de ladite plainte, et le MSICG de collaborer à cette recherche. Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de le tenir informé à cet égard.
  2. 319. En ce qui concerne les tentatives d’assassinats et les menaces de mort contre la personne de M. Leocadio Juracán, le comité avait demandé au gouvernement de se mettre sans délai en contact avec les bureaux du Procureur aux droits de l’homme pour identifier le cas en question et pouvoir donner des informations complètes sur les mesures prises par l’Etat face à cette plainte. Le comité note que le gouvernement indique que: i) la plainte de M. Leocadio Juracán a été présentée devant les services du Procureur des droits de l’homme qui l’ont transmise au ministère public; ii) bien qu’il ait été cité à comparaître à plusieurs reprises et de manière différente par le ministère public, M. Leocadio Juracán ne s’est jamais présenté; et iii) dans la mesure où le délit de menaces constitue un délit entraînant la mise en mouvement de l’action publique, qui dépend d’une instance spéciale, il n’est pas possible pour le ministère public de poursuivre l’enquête correspondante.
  3. 320. En ce qui concerne les allégations de menaces de mort proférées contre Mme Selfa Sandoval Carranza, dirigeante du SITRABI, ainsi que les allégations de détention illégale de membres du Syndicat des travailleurs de l’entreprise de distribution du Petén (SITRAPETEN) dans plusieurs hôtels du pays et les mesures d’intimidation dont ils ont fait l’objet, le comité note qu’il n’a pas reçu les informations complémentaires demandées aux organisations plaignantes. Le comité réitère sa demande et signale que, au cas où il ne recevrait pas ces éléments pour son prochain examen du cas, il ne poursuivra pas l’analyse de ces allégations.
  4. 321. En ce qui concerne les allégations de tentative d’exécution extrajudiciaire, de menaces de mort et de blessures ayant affecté les membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, le comité regrette de noter qu’il est toujours dans l’attente des observations correspondantes de la part du gouvernement. Rappelant les engagements pris par le gouvernement dans le cadre de la feuille de route adoptée en octobre 2013 et observant en outre que plusieurs membres de cette organisation ont été assassinés, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’ouvrir une enquête judiciaire indépendante sur les allégations de tentatives d’exécution extrajudiciaire et les menaces de mort proférées contre les syndicalistes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de manière détaillée sur ces enquêtes et sur les procédures pénales introduites en conséquence.
  5. 322. Le comité regrette également de devoir noter de nouveau l’absence d’informations sur l’endroit où se trouve María Antonia Dolores López, mineure d’âge au moment des faits (13 ans), fille de Roberto Dolores, et qui a disparu, semble-t-il victime d’un rapt, peu de jours après que son père a témoigné sur le meurtre de M. Miguel Ángel Ramírez Enríquez. Rappelant l’importance qu’il y a à offrir une protection efficace aux témoins d’actes de violence antisyndicale, le comité prie instamment le gouvernement de l’informer sur les mesures prises pour retrouver María Antonia Dolores López.
  6. 323. En ce qui concerne la recommandation du comité priant le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les forces de l’ordre appliquent pleinement les principes de la liberté syndicale dans le maintien de l’ordre public pendant les manifestations, le comité note que le gouvernement fait savoir que: i) en 2012, le protocole d’intervention policière – évacuation no 01-2012, émis par la Direction de la police nationale civile du ministère de l’Intérieur a été adopté; et ii) trois points concernant l’usage de la force pour faire respecter l’ordre public ont été inclus dans le manuel de références et de consultation, tâche centrale 5 des procédures policières, de l’Académie de la police nationale civile.

    Nouvelles allégations de violence

  1. 324. Le comité note qu’il n’a pas reçu les commentaires du gouvernement concernant les allégations de menaces de mort proférées contre M. Jorge Byron Valencia Martínez, secrétaire général du Syndicat du personnel administratif et d’appui de l’éducation du Guatemala (STAYSEG). Soulignant la gravité que revêtent ces allégations et rappelant les engagements du gouvernement, dans le cadre de la feuille de route, en matière de protection des membres du mouvement syndical contre les actes de violence, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir une protection adéquate à M. Jorge Byron Valencia Martínez. Observant en outre que l’organisation plaignante allègue que le dirigeant syndical a dû financer une partie des dépenses de base du garde du corps qui lui avait été attribué, élément qui coïncide avec d’autres cas similaires portés à l’attention du Conseil d’administration du BIT dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26, le comité prie instamment le gouvernement d’augmenter le budget alloué aux dispositifs de protection destinés aux membres du mouvement syndical de sorte que les personnes protégées ne doivent financer personnellement aucune dépense qui en découlerait.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 325. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime de nouveau sa profonde et croissante préoccupation face à la gravité de ce cas qui fait état de nombreux assassinats, tentatives d’assassinat, agressions et menaces de mort et face au climat d’impunité qui prévaut.
    • b) Le comité exprime le ferme espoir que les engagements pris par le gouvernement dans le cadre de la feuille de route d’octobre 2013, engagements réaffirmés par le Président de la République en mars 2016, en ce qui concerne la condamnation des auteurs matériels et des commanditaires des meurtres de syndicalistes et les mesures de protection à appliquer aux membres des syndicats et aux dirigeants syndicaux contre la violence et les menaces, se traduiront en actions et en résultats concrets. Le comité prie instamment le gouvernement de l’informer sans délai des mesures prises à cet égard ainsi que des résultats obtenus.
    • c) Le comité encourage la poursuite de la collaboration entre le ministère public et la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) et souligne l’importance qu’il y a à ce que les organisations syndicales concernées soient consultées à propos de l’examen des cas d’homicide par cette institution. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de ladite collaboration en ce qui concerne les 12 cas d’homicides sélectionnés en juin 2015.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement, suivant les directives suggérées par la CICIG, de prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires pour garantir que les enquêtes en cours ciblent à la fois les auteurs matériels et les commanditaires des faits et que, dans la conception et le déroulement de celles-ci, l’éventuelle nature antisyndicale des homicides soit pleinement et systématiquement considérée. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé sans délai des initiatives prises en ce sens et des résultats obtenus.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour doter l’Unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre les syndicalistes de ressources économiques et humaines supplémentaires. Le comité prie le gouvernement de l’informer dès que possible des initiatives prises et des résultats obtenus à cet égard.
    • f) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à renforcer la collaboration interinstitutionnelle entre le ministère du Travail, le ministère de l’Intérieur, le ministère public et le pouvoir judiciaire en ce qui concerne les meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • g) Le comité encourage le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour constituer des tribunaux spécialisés afin de traiter plus rapidement les crimes et délits commis contre les membres du mouvement syndical. Le comité prie le gouvernement de l’informer des initiatives concrètes prises à cet égard.
    • h) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’envisager et d’appliquer des mesures de protection efficaces à l’endroit des personnes qui acceptent de collaborer avec les enquêtes pénales relatives aux actes de violence antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais des mesures prises à cet égard.
    • i) Le comité prie le gouvernement de lui fournir de plus amples informations sur les motifs avancés pour demander l’extinction de la poursuite pénale en ce qui concerne le meurtre de M. Jorge Ricardo Barrera Barco et prononcer un non-lieu dans le cas de M. Carlos Antonio Hernández Mendoza.
    • j) Le comité prie instamment le gouvernement de lui faire parvenir sans délais des informations sur les enquêtes en vue d’identifier et de sanctionner tant les auteurs matériels que les commanditaires des meurtres de MM. Jerónimo Sol Ajcot, Gerardo de Jesús Carrillo Navas, William Retana Carias, Manuel de Jesús Ortiz Jiménez, Genar Efrén Estrada Navas, Edwin Giovanni de la Cruz Aguilar, Luis Arnoldo López Esteban et Marlon Velázquez.
    • k) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de mener une recherche complète dans les archives du ministère public pour déterminer l’existence de la plainte de Mme Lesvia Morales, et le MSICG de collaborer de bonne foi à la recherche en question. Le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de le tenir informé à cet égard.
    • l) Le comité réitère sa demande aux organisations plaignantes de fournir de plus amples informations quant aux allégations de menaces de mort proférées contre Mme Selfa Sandoval Carranza, dirigeante du SITRABI ainsi que sur les allégations de détention illégale de membres du SITRAPETEN dans plusieurs hôtels du pays et les mesures d’intimidation dont ils ont fait l’objet. Le comité signale que, au cas où il ne recevrait pas ces éléments pour son prochain examen du cas, il ne poursuivra pas l’analyse des allégations en question.
    • m) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations de tentatives d’exécution extrajudiciaire et de menaces de mort dont ont été victimes des membres du Syndicat de travailleurs du commerce de Coatepeque. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de manière détaillée sur ladite enquête et sur les procédures pénales engagées en conséquence.
    • n) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de l’informer sur les mesures prises pour retrouver María Antonia Dolores López, mineure d’âge au moment des faits. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • o) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer une protection adéquate à M. Jorge Byron Valencia Martínez. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • p) Le comité prie instamment le gouvernement d’augmenter le budget alloué aux dispositifs de protection destinés aux membres du mouvement syndical de sorte que les personnes protégées ne doivent personnellement contribuer à aucune dépense qui en découlerait. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • q) Le comité attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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