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- 365. La plainte figure dans une communication en date du 28 mai 2014 présentée par la Confédération nationale des travailleurs de la République dominicaine (CNTD) et l’Association dominicaine des contrôleurs aériens (ADCA). Ces organisations ont envoyé des informations complémentaires et de nouvelles allégations dans des communications en date du 15 décembre 2014 et du 8 juin 2015.
- 366. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 30 septembre 2014 et du 24 mars 2015.
- 367. La République dominicaine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 368. Dans leur communication du 28 mai 2014, la CNTD et l’ADCA allèguent que les instances dirigeantes de l’ADCA se sont employées à promouvoir et à participer à une série d’activités destinées à garantir les droits et à améliorer les conditions de travail et de vie de ses associés.
- 369. Donnant suite au «Mémorandum d’accord» signé avec l’employeur le 11 mai 2007, l’ADCA a mis en œuvre tout un plan en vue de poursuivre l’application dudit accord et d’améliorer ainsi les conditions de vie et de travail de ses membres, qui a abouti à un accord interinstitutionnel pour une revalorisation salariale de 35 pour cent devant être appliquée en deux temps, soit 15 pour cent au mois de juin 2013 et 20 pour cent à appliquer au mois de janvier 2014. Etaient demandées parallèlement la résolution des problèmes techniques existants dans tous les services de contrôle du trafic aérien au niveau national du fait de l’état de détérioration dans lequel se trouvaient lesdites installations; l’acquisition de l’équipement de base permettant la prestation du service de contrôle du trafic aérien; la réalisation d’opérations de maintenance et de réparations urgentes des outils et infrastructures technologiques vitaux pour la prestation du service et la garantie de la sécurité des opérations aériennes, tels que les systèmes de communication, les aides radio à la navigation et les radars, étant donné qu’ils étaient sur le point de s’effondrer. Ces non-conformités techniques avaient été signalées par l’ADCA au directeur de l’Institut dominicain de l’aviation civile (IDAC) par une présentation écrite et dans un PowerPoint, après un rapport technique exhaustif réalisé dans tous les services de navigation aérienne au niveau national et remis aux autorités de l’IDAC le 31 juillet 2011 et à la Direction de la navigation aérienne (DINA) le 16 septembre 2011.
- 370. Selon les allégations, jusqu’en 2013, les divergences entre l’ADCA et l’IDAC se réglaient par le dialogue, sans inconvénients majeurs.
- 371. Les organisations plaignantes indiquent que dans le contexte des activités planifiées et mises en œuvre dans le cadre du plan d’action de l’ADCA figurait l’opposition à ce que soit modifié l’article 37 de la loi no 491-06 sur l’aviation civile, qui dispose que:
- Le Directeur ou la Directrice général(e) rédigera les règlements sur les conditions d’emploi, la sécurité sociale et les conquêtes économiques, en conformité avec la législation du travail de la République dominicaine et les recommandations et résolutions de l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’objectif étant que les directeurs, employés, consultants et agents au service de l’IDAC obtiennent la protection et l’assistance que leur reconnaissent les principes du droit international dont l’Etat dominicain est signataire.
- 372. La modification proposée par le directeur de l’IDAC était par contre la suivante:
- Article 37. Les fonctionnaires publics de l’IDAC sont soumis au Statut de la fonction publique ainsi qu’à la réglementation sur le Régime dominicain de la sécurité sociale.
- 373. Non seulement cette proposition porte atteinte aux droits du travail acquis des salariés, mais elle contredit également les recommandations de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) données dans le document no 9426-AN924 qui, par exemple, préconise des comités mixtes de l’administration et des salariés pour résoudre sans délai les litiges.
- 374. L’opposition à la modification de l’article 37 de la loi no 491-06 sur l’aviation civile apparaît comme une lutte juste et légitime de la part d’une organisation de travailleurs, par l’appui qu’elle apporte au lien entre les conditions de travail, la sécurité sociale et les conquêtes économiques et les conventions de l’OIT. La tentative de modification était menée de manière occulte par le directeur de l’IDAC, qui l’avait niée à plusieurs reprises. Ce projet de modification de la loi était toutefois mené à bien à l’insu et sans la participation des parties concernées, et il parvint à être mis à l’ordre du jour de la session du Sénat de la République du 5 février 2013. Grâce à l’accueil et à la compréhension de la proposition de l’ADCA par le Congrès de la République, l’ADCA a pu préserver ces conquêtes, visées à l’article 37 susmentionné de ladite loi.
- 375. La lutte de l’ADCA cherchait également et cherche encore à éviter les tentatives de privatisation des services essentiels de navigation aérienne qu’offre l’IDAC. L’ADCA ajoute que, le 4 février 2013, avec les autres associations techniques de travailleurs du secteur aéronautique, elle s’est adressée au directeur général de l’IDAC pour lui faire part d’une série de lacunes et d’anomalies qui affectaient et affectent encore les services de navigation aérienne; et que, n’ayant pas reçu de réponse, elles se sont donc vu obligées d’en appeler, à travers les médias, aux plus hautes autorités du pays pour faire part de leurs inquiétudes concernant les lacunes dénoncées et non prises en compte par les autorités de l’IDAC. L’association a décidé de publier sa réclamation dans un encart payé du journal Listín Diario du 4 février 2013, conjointement avec l’Association nationale des pilotes (ANP), l’Association dominicaine des inspecteurs des opérations aériennes (ADIO) et l’Association dominicaine de maintenance aéronautique (ADTEMA); ce qui a donné lieu à une situation d’éloignement de la part des autorités de l’IDAC, du fait que l’association n’avait pas approuvé la proposition du directeur de l’IDAC de modifier l’article 37 déjà mentionné; depuis lors, les autorités de l’institution ont refusé de recevoir dans leurs bureaux les représentants de l’ADCA et ont au contraire enclenché une série d’actions en violation flagrante de la liberté d’association et d’autres droits qui en découlent.
- 376. A partir du mois de juin 2013, les actes d’hostilité contre l’ADCA ont redoublé: l’IDAC a brusquement et unilatéralement suspendu la retenue des cotisations syndicales à la source de l’ADCA. La retenue des cotisations se faisait depuis trente ans. Par cette action, l’IDAC cherche à désavouer l’organisation syndicale et à porter en outre atteinte aux finances du syndicat et, partant, à affaiblir l’association qui, en l’absence de ressources, ne peut ni développer ses activités, plans et programmes, ni s’acquitter de ses obligations économiques de paiement de local, d’énergie électrique, de communication, d’appui de secrétariat, etc.
- 377. Parmi les actions dirigées contre les contrôleurs du trafic aérien, on note en particulier le recours à des menaces et intimidations directes faites à des contrôleurs pour qu’ils renoncent à l’association sous peine de: a) ne pas recevoir les promotions attendues; et b) ne pas être pris en compte pour de nouveaux entraînements; d’autre part, s’ils ne cèdent pas à la pression exercée pour qu’ils renoncent, ils s’exposent également au déclassement des postes qu’ils occupent, à faire l’objet de transferts arbitraires et à être contraints de prendre leur retraite de manière prématurée et involontaire.
- 378. Dans une nouvelle tentative de résoudre les problèmes par le dialogue, l’ADCA a envoyé le 4 décembre 2013 au directeur de l’IDAC une longue communication signalant chacune des violations et actions contraires à la bonne foi et au droit réalisées par l’IDAC; tout en exprimant dans le même temps aux autorités son intention de régler les conflits par le dialogue en rétablissant les canaux normaux de communication interinstitutionnelle et son engagement à maintenir les niveaux d’efficacité et de sécurité les plus élevés dans le service sensible et stratégique qu’elle propose, elle a en outre demandé que:
- – l’on accorde l’attention et la réponse qu’il convient aux multiples communications remises par l’ADCA à l’IDAC, en particulier la demande de participation de l’association au processus technique d’installation et de mise en service des nouveaux centres de contrôle, dont l’installation est en cours; et que l’on mette par ailleurs en œuvre l’accord obtenu en ce qui concerne le rapport technique conjoint IDAC/ADCA en vue de l’amélioration des installations techniques au niveau national;
- – l’on applique sans délai ce qui a trait à l’organisation de concours pour occuper les fonctions des carrières techniques de l’IDAC, comme le prévoit le décret no 525-09 du règlement d’évaluation de l’exercice des fonctions et de la promotion des fonctionnaires publics;
- – l’on ne mette pas à exécution, eu égard à leur caractère de représailles, les mesures destinées au personnel qui sanctionnent de manière illégale et injuste des contrôleurs du trafic aérien par des suspensions pouvant aller jusqu’à deux mois sans traitement, de même que les dispositions de mise à la retraite de manière unilatérale et involontaire, sans tenir compte de la pénurie de personnel technique spécialisé, de contrôleurs aériens ayant pleinement la faculté d’exercer leurs fonctions; et
- – l’on régularise les paiements des contrôleurs aériens au titre de la mise en conformité du salaire, du paiement de la prime de résultat, du réajustement de salaire de 15 pour cent et de l’allocation numéro 4 au personnel de contrôle aux fins de congé maladie et de retraite, de même que la régularisation du versement de l’allocation scolaire indiquée dans les pièces de référence jointes à la présente communication, etc.
- 379. Faute de réponse de l’IDAC aux problèmes exposés par l’ADCA, cette dernière a décidé de recourir aux moyens de protestation pacifique en organisant conjointement avec la CNTD des marches, piquets et sit-in comme mode de pression en vue de trouver une solution.
- 380. A la suite d’une convocation à une marche pacifique lancée par l’ADCA et la CNTD le 29 janvier 2014, le directeur des ressources humaines a publié le 31 janvier une circulaire destinée à tout le personnel de l’institution où il avertissait que, s’ils ne s’abstenaient pas de participer aux activités annoncées, les employés devraient s’attendre à des sanctions de deuxième et troisième degrés avec une possibilité de licenciement, prévues dans la loi no 41-08 relative à la fonction publique.
- 381. Devant les actions entreprises, l’IDAC a concrétisé la menace en suspendant leurs fonctions de dirigeants syndicaux et leurs fonctions professionnelles en représailles de leurs activités le 19 février 2014 et, ultérieurement, par le licenciement des dirigeants et des membres les plus actifs de l’association, MM. Wellington F. Almonte Gómez, Cristina Arelis Mateo Guerrero, Josué Joel Pérez Encarnación, Edwin A. Montero Luciano, Leonardo Rivera, Shelby Darío Ng Ruiz, Carlos Alberto Carvajal Ureña, Ramón Armora Santos, Rainier Pavel Ulerio Santos, Arturo Napoleón Rodríguez Cedano et Erik Yohairy Echavarría P. Dans le cas de M. Breydys Laurel Tapia Disla, sa démobilisation n’a pas été mise à exécution une fois qu’il eut cédé aux pressions et démissionné de l’ADCA (par lettre du 13 mars 2014); la décision qui ordonne sa réintégration comprend notamment parmi ses considérants:
- Que, dans son recours en réexamen, Breydis Laurel Tapia Disla poursuit en disant: «Je me suis laissé embarquer dans une lutte qui n’est pas la mienne, j’ai voulu intervenir pour changer les choses et j’ai été pour finir lésé de la pire manière: je crois que l’Association dominicaine des contrôleurs aériens (ADCA) allait et continue d’aller à la catastrophe et je ne saurais en être partie prenante […]».
- 382. Selon l’ADCA, aucune des personnes frappées de sanctions n’avait commis à l’encontre des dispositions de la législation une faute quelconque dont la gravité implique qu’elles soient suspendues de leurs fonctions respectives; mais, au contraire, elles ont exercé les droits que leur confèrent la Constitution de la République, la loi no 41-08 relative à la fonction publique et son règlement d’application, la loi générale sur l’aviation civile no 491-06, ainsi que la convention no 87 de l’OIT.
- 383. Les syndicalistes sanctionnés ont formé des recours administratifs et judiciaires en amparo, et de nouvelles demandes de mesures conservatoires ont été présentées pour réintégrer les contrôleurs suspendus à leurs postes de travail.
- 384. Le 26 avril 2014, l’ADCA et la CNTD ont signé une demande de médiation adressée à la ministre du Travail, demande qui a donné lieu à une médiation entre les parties le 13 mai 2014, mais qui n’a elle non plus donné jusqu’ici aucun résultat tangible qui facilite la solution du conflit entre les parties et tout particulièrement l’arrêt des sanctions arbitraires. Au contraire, lors de cette médiation, le représentant de l’IDAC s’est borné à invoquer l’inexistence juridique de l’ADCA, en arborant une attestation concédée par le ministère de l’Administration publique indiquant que l’ADCA n’est pas enregistrée dans ce ministère.
- 385. Les organisations plaignantes allèguent également des actions de l’employeur pour promouvoir la création d’une organisation parallèle à l’ADCA.
- 386. Les organisations plaignantes indiquent que la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA) a envoyé le 21 février 2014 une communication demandant à l’IDAC l’arrêt des actions antisyndicales et le plein respect des droits fondamentaux des contrôleurs aériens et de l’organisation créée pour eux; de la même manière, la Fédération internationale des associations des contrôleurs aériens (IFATCA) a remis une communication en des termes similaires au directeur de l’IDAC le 26 février 2014. L’Internationale des services publics (ISP) s’est également adressée par écrit au directeur de l’IDAC le 24 février 2014 en plaidant pour l’instauration du dialogue, sans succès.
- 387. Parmi les arguments qu’elle a invoqués lors de la médiation organisée au ministère du Travail le 13 mai 2014, l’IDAC a souligné l’inexistence juridique de l’ADCA. Sur ce point, il convient de préciser que l’ADCA est une organisation de nature d’association syndicale de droit privé, dûment enregistrée et, de ce fait, dotée de la personnalité juridique, constituée en vertu des dispositions de la loi no 520 du 26 juin 1920, alors en vigueur, sur les associations n’ayant pas pour objet de réaliser un bénéfice pécuniaire, enregistrée par décret du pouvoir exécutif no 212-98 du 3 juin 1998, et enregistrée par la suite conformément à la loi no 122-05 du 3 mai 2005 sur la réglementation et le développement des associations à but non lucratif de la République dominicaine.
- 388. Dans leur communication du 15 décembre 2014, les organisations plaignantes signalent que figure parmi les actions en justice le recours en amparo formé par les contrôleurs aériens victimes de représailles et par l’ADCA. A ce titre, la première chambre du Tribunal supérieur administratif a rendu le 24 juin 2014 le jugement no 00230-2014, dans lequel elle a constaté la véracité des faits dénoncés par les requérants et la conduite arbitraire affichée par le directeur de l’IDAC, et a ordonné la réintégration immédiate des contrôleurs aériens dans leurs fonctions.
- 389. En dépit de ce jugement, les autorités de l’IDAC sont passées outre. Il importe de souligner que le jugement no 00230-2014 susmentionné reconnaît l’existence de l’ADCA, et ce bien que celle-ci n’ait pas pu se faire enregistrer dans le cadre de la loi no 41-08 relative à la fonction publique, étant donné que ladite loi, comme l’a fait remarquer la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) de l’OIT, contrevient aux dispositions de la convention no 87 du fait que, pour pouvoir constituer une association de fonctionnaires publics, il faut obtenir à l’échelle nationale l’accord de 40 pour cent des employés de l’organe administratif concerné et ne pas prévoir la création d’associations à caractère professionnel comme dans le cas de l’ADCA (qui regroupe des travailleurs exerçant la profession de contrôleurs aériens).
- 390. Devant le refus injustifié de l’IDAC de respecter le jugement no 00230-2014, l’ADCA a officiellement intenté une action en responsabilité patrimoniale contre le directeur de l’IDAC.
- 391. Par communication du 8 juin 2015, les organisations plaignantes envoient les différents jugements rendus en relation avec le présent cas et ajoutent que les autorités des aéroports, qui gèrent une liste noire de dirigeants de l’ADCA comportant leurs noms et photographies, leur refusent l’accès aux lieux de travail afin qu’ils ne puissent pas entrer en contact avec leurs affiliés. A cet égard, les organisations plaignantes envoient également des photographies de la rétention ou de l’immobilisation temporaire de dirigeants, notamment de M. Antonio Rodríguez Fritz, secrétaire général de l’ITF.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 392. Dans sa communication en date du 30 septembre 2014, le gouvernement transmet la position et les commentaires de l’IDAC rédigés le 26 août 2014 sur la plainte présentée par l’ADCA, commentaires dont la transcription est donnée dans les paragraphes suivants.
- 393. L’IDAC est l’organisme autonome, spécialisé et technique créé par la loi no 491-06 relative à l’aviation civile de la République dominicaine pour être l’autorité aéronautique nationale en charge du respect, devant l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et la communauté aéronautique internationale, régie sous l’égide de ladite organisation, des règles et normes internationales visant à garantir la sécurité de l’aviation civile au niveau mondial et, au niveau national, de la supervision, du contrôle et de la surveillance des activités d’aviation civile déployées sur tout le territoire et l’espace aérien nationaux.
- 394. En ce qui concerne la plainte déposée auprès de l’OIT par la CNTD et l’ADCA, il apparaît nécessaire de souligner que celle-ci, au lieu d’être une initiative pour revendiquer le droit légitime et constitutionnel à la grève dans le cadre des paramètres légalement établis, constitue plutôt une action exercée dans l’objectif de déformer la réalité des faits survenus et des fautes disciplinaires commises par plusieurs contrôleurs aériens qui travaillaient à l’IDAC.
- 395. La plainte envisage l’intervention de l’OIT comme un mécanisme de pression international et de désinformation répréhensible. C’est pourquoi l’IDAC souhaite apporter les éclaircissements ci-après.
- 396. A l’heure actuelle, les faits survenus et les procédures disciplinaires mises en œuvre sont examinés dans le cadre de procédures judiciaires introduites devant le Tribunal supérieur administratif et le Tribunal constitutionnel, dont les décisions définitives seront respectées par l’IDAC. En effet, quatre procédures judiciaires sont à ce jour en instance de jugement, à savoir:
- a) demande de mesure conservatoire déposée le 7 avril 2014, dont est saisie la présidence du Tribunal supérieur administratif;
- b) demande de mesure conservatoire déposée le 14 avril 2014, dont est saisie la présidence du Tribunal supérieur administratif;
- c) recours contentieux administratif, formé le 30 juin 2014, dont est saisi le Tribunal supérieur administratif; et
- d) recours en révision, formé le 14 août 2014, dont est saisi le Tribunal constitutionnel.
- 397. L’existence des procédures judiciaires signalées démontre l’irrecevabilité de la demande d’intervention présentée par la CNTD et l’ADCA à l’OIT, attendu que les droits fondamentaux des intéressés sont d’ores et déjà protégés par les tribunaux dominicains.
- 398. Le service de contrôle du trafic aérien constitue un service public essentiel, indispensable pour éviter la collision d’aéronefs et pour garantir la sécurité de la navigation aérienne aux fins d’éviter de mettre en danger la vie des passagers, la sécurité des personnes au sol ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. La prestation de ce service relève de la compétence exclusive de l’IDAC et est réglementée par la loi no 491-06 relative à l’aviation civile et le règlement aéronautique dominicain sur les services de trafic aérien (RAD 11), conformément à la Convention relative à l’aviation civile internationale ou Convention de Chicago de 1944, signée et ratifiée par la République dominicaine. De même, la loi no 188-11 relative à la sécurité aéroportuaire et de l’aviation civile dispose dans son article 38 que, face à des situations extraordinaires, ledit service pourra être fourni par les Forces aériennes de la République dominicaine (FARD).
- 399. Toutefois, même s’il ne s’agit pas en l’espèce du droit syndical à faire grève ou à suspendre des services, mais bien de procédures disciplinaires ouvertes de manière individuelle pour violations de la loi no 41-08 relative à la fonction publique de la République dominicaine, il ne serait pas superflu de rappeler que l’Organisation internationale du Travail (OIT) s’est elle-même, à travers le Comité de la liberté syndicale, prononcée d’une manière générale sur le caractère essentiel ou non essentiel d’une série de services concrets, à savoir:
- […] le comité a considéré comme des services essentiels au sens strict, pour lesquels le droit de grève peut faire l’objet de restrictions importantes, voire d’interdictions: le secteur hospitalier, les services de l’électricité, les services d’approvisionnement en eau, les services téléphoniques et le contrôle du trafic aérien.
- 400. En leur qualité effective de fonctionnaires publics, les contrôleurs aériens voient leur relation de travail avec l’IDAC régie par la loi no 41-08 susmentionnée et ses règlements, dont les dispositions sont en accord avec l’article 142 de la Constitution dominicaine de 2010, laquelle instaure le Statut de la fonction publique:
- Article 142. Fonction publique. Le statut de la fonction publique est un régime de droit public basé sur le mérite et la professionnalisation en vue d’une gestion efficace et de la mise en œuvre des fonctions essentielles de l’Etat. Ledit statut déterminera les modalités d’admission, d’avancement, d’évaluation de la performance, du maintien et de la suspension du fonctionnaire public de ses fonctions (Constitution dominicaine).
- 401. Outre le fait qu’elle réglemente l’admission, l’avancement, la promotion et la démobilisation des fonctionnaires publics, ladite loi relative à la fonction publique dispose clairement que les associations de fonctionnaires publics n’acquièrent la personnalité juridique qu’avec leur enregistrement auprès du ministère de l’Administration publique, indiquant expressément que sont considérés nuls de plein droit tous «les actes réalisés par une organisation de fonctionnaires publics qui n’aurait pas été enregistrée[...]»:
- Article 68 de la loi no 41-08. Les associations de fonctionnaires publics, les fédérations et les confédérations acquièrent la personnalité juridique par l’effet de leur enregistrement auprès du secrétariat d’Etat à l’Administration publique, lequel délivrera l’attestation correspondante. Sont nuls les actes réalisés par une organisation de fonctionnaires publics qui n’aurait pas été enregistrée par le secrétariat d’Etat à l’Administration publique.
- 402. Cette condition requise d’enregistrement auprès du ministère de l’Administration publique figure également au paragraphe VI de l’article 84 du règlement no 523-09 sur les relations de travail dans l’administration publique.
- 403. A cet égard, le 9 avril 2014, le ministère de l’Administration publique a délivré une attestation dans laquelle il est indiqué que l’ADCA:
- […] «conformément à la loi no 41-08 relative à la fonction publique et à son règlement no 523-09 sur les relations de travail dans l’administration publique, n’est pas enregistrée dans ce ministère en tant qu’association constituée, sous couvert de ces règles». Ce document prouve que toutes les initiatives prises par l’ADCA, en sa prétendue qualité d’association de fonctionnaires publics, deviennent nulles de plein droit en vertu de l’article 68 de la loi no 41 08 relative à la fonction publique.
- 404. L’IDAC ajoute que les membres de l’ADCA qui ont été démobilisés de l’IDAC ont commis des actes qualifiés de fautes du troisième degré par la loi n° 41-08 relative à la fonction publique, après avoir été soumis à une procédure disciplinaire respectueuse de leur droit à la défense.
- 405. Depuis le tout début 2013 et avec une montée des hostilités au commencement de 2014, un ensemble de contrôleurs aériens (Wellington Almonte et autres), à titre individuel et/ou en utilisant le nom et/ou en représentation de l’ADCA, s’est livré à une série d’activités qui constituent des fautes disciplinaires du troisième degré en vertu de la loi no 41-08 relative à la fonction publique, lesquelles sont sanctionnées par le licenciement. Parmi les activités menées de manière réitérée, avec une attitude arrogante et un manque de discipline intentionnel, il convient de souligner les suivantes:
- a) la diffusion de fausses informations auprès des médias, tant au niveau national qu’international, évoquant un état soi-disant grave des équipements de communication et des radars utilisés dans les centres de contrôle aérien et augurant d’un «effondrement imminent» du système de navigation aérienne;
- b) l’utilisation de l’ADCA comme tremplin de pression auprès de l’opinion publique et à l’intérieur de l’IDAC, bien que ladite association ne soit pas enregistrée auprès du ministère de l’Administration publique, situation qui l’empêche d’avoir la personnalité juridique en tant qu’association de fonctionnaires publics et qui frappe ses actes de nullité de plein droit, comme le prévoit explicitement l’article 68 de la loi n° 41-08 relative à la fonction publique;
- c) la convocation de grèves et de piquets susceptibles d’interrompre la prestation du service public essentiel de contrôle du trafic aérien, ce qui pouvait mettre en danger la vie, la santé et la sécurité des citoyens. Cette façon d’agir relève en outre de l’interdiction de: i) inciter ses membres à abandonner leurs postes et leurs responsabilités; ii) convaincre ses membres de refuser de coopérer à assurer l’efficacité des services publics; et iii) se livrer à des actions qui contreviennent aux principes et aux règles de développement de l’IDAC;
- d) l’incitation faite à des membres de l’ADCA à ne pas collaborer aux politiques administratives de l’IDAC, ce qui relève des interdictions visées au précédent paragraphe; et
- e) le traitement irrespectueux et la diffusion de fausses informations visant à porter atteinte à la bonne renommée de l’IDAC et de ses dirigeants, en tant qu’organisme public et hauts fonctionnaires, respectivement.
- 406. A l’occasion d’une convocation à participer à un piquet dans les installations de l’IDAC lancée par Wellington Almonte et autres en collusion avec la CNTD (en dépit du fait que l’IDAC ait effectivement appliqué une hausse de 35 pour cent des salaires en janvier 2014 en faveur des contrôleurs aériens), le directeur des ressources humaines de l’institution a envoyé une circulaire à tout le personnel pour lui demander de s’abstenir de se livrer à des activités qui constitueraient des fautes disciplinaires.
- 407. Faisant abstraction de l’avertissement institutionnel en question, Wellington Almonte et autres ont poursuivi leur programme prévu de pressions et de dénigrement de l’IDAC et de ses dirigeants auprès des médias, raison pour laquelle l’IDAC a lancé une enquête et une procédure disciplinaire qui a abouti à leur licenciement. Dans le cadre de cette procédure administrative, le droit à la défense de Wellington Almonte et autres a été pleinement respecté, comme en attestent les preuves apportées par l’IDAC devant le Tribunal supérieur administratif et/ou le Tribunal constitutionnel.
Chronologie de la procédure disciplinaire appliquée par l’IDAC et des actions en justice provoquées par les intimés et l’ADCA |
Actes et/ou faits | Dates |
1. Circulaire de l’IDAC comportant un avertissement sur d’éventuelles fautes disciplinaires, avant la mise en place d’un piquet convoqué par les intimés et la CNTD. | | 31 janvier 2014 |
2. Mesures administratives ordonnant la suspension avec traitement des intimés, en vertu de l’article 88 de la loi no 41-08. | | 19 février 2014 |
3. Actes de constitution de la commission d’enquête afin d’enquêter sur les fautes disciplinaires commises par les intimés. | | 20 février 2014 |
4. Lettres adressées à Wellington Almonte et autres pour qu’ils produisent leur réponse écrite à décharge, ce qui prouve que leur droit à la défense a été sauvegardé. | | 25 février 2014 |
5. Décisions de la commission d’enquête concernant les fautes disciplinaires commises par les intimés. | | 19 mars 2014 |
6. Interjection d’un recours en amparo devant le Tribunal supérieur administratif. | | 19 mars 2014 |
7. Avis du directeur juridique de l’IDAC concernant les fautes disciplinaires commises par les intimés. | | 31 mars 2014 |
8. Décisions de démobilisation prises par le directeur de l’IDAC. | | 3 avril 2014 |
9. Présentation de la première demande de mesure conservatoire anticipée devant la présidence du Tribunal supérieur administratif de la part des intimés. | | 7 avril 2014 |
10. Actes de notification des décisions de démobilisation. | | 9 avril 2014 |
11. Interjection de recours en réexamen devant l’IDAC. | | 10 avril 2014 |
12. Présentation de la seconde demande de mesure conservatoire anticipée devant la présidence du Tribunal supérieur administratif. | | 14 avril 2014 |
13. Interjection du recours contentieux administratif devant le Tribunal supérieur administratif. | | 30 juin 2014 |
14. Interjection d’un recours en révision devant le Tribunal constitutionnel. | | 14 août 2014 |
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- 408. Apparemment, l’opposition à la modification de l’article 37 de la loi no 491-06, à laquelle s’opposaient la CNTD et l’ADCA dans la plainte, n’a eu aucune incidence dans les faits sur la procédure disciplinaire mise en œuvre, étant donné que: i) ladite disposition légale n’a pas été modifiée et la loi no 67-13, qui modifiait la loi no 491-06, est parue dans la Gazette officielle (Gaceta Oficial) no 10713 du 25 avril 2013; et ii) ultérieurement à la publication de la loi no 67-13, au cours des mois de juin 2013 et de janvier 2014, l’IDAC a appliqué une hausse cumulée de 35 pour cent des salaires en faveur des contrôleurs aériens.
- 409. Nonobstant l’absence de personnalité juridique et la nullité de plein droit de ses interventions, l’ADCA s’est livrée à des actes qui sont expressément interdits aux organisations de fonctionnaires publics enregistrées auprès du ministère de l’Administration publique. A titre d’exemple de cette assertion, il convient de noter les dispositions de l’article 88 du règlement no 523-09 sur les relations de travail dans l’administration publique:
- Article 88. Il est interdit aux organisations de fonctionnaires publics de:
- […]
- 2. Favoriser, lancer ou appuyer des grèves dans les services publics dont l’interruption pourrait mettre en danger la vie, la santé et la sécurité des citoyens.
- […]
- 4. Inciter ou obliger leurs membres à abandonner leurs fonctions et responsabilités, en violation des règles officielles en vigueur.
- […]
- 6. Convaincre leurs membres de refuser de coopérer à assurer l’efficacité des services publics.
- 7. Se livrer à des actions qui contreviennent aux principes et aux règles de développement de l’administration de l’Etat, et ce quels que soient les niveaux, secteurs ou lieux où il appartient à celle-ci d’intervenir.
- 410. A cet égard, Wellington Almonte et autres ont commis les fautes prévues aux points 2, 4, 18 et 21 de l’article 84 de la loi no 41-08:
- Article 84. Constituent des fautes du troisième degré, dont la commission donnera lieu à la révocation de ses fonctions, les actions indiquées ci-après commises par tout fonctionnaire de l’administration publique:
- […]
- 2. Réaliser, cacher, excuser ou permettre, de quelque façon que ce soit, des actes qui portent gravement atteinte aux intérêts de l’Etat ou qui causent, de manière intentionnelle ou par négligence manifeste, un préjudice matériel grave au patrimoine de l’Etat.
- […]
- 4. Se rendre coupable de manque de probité, de voies de fait, d’injure, de diffamation ou de conduite immorale dans le travail, ou se livrer à tout acte préjudiciable à la bonne renommée de l’Etat ou de certains de ces organes ou organismes.
- […]
- 18. Accueillir ou tenir des réunions qui entraînent une interruption des tâches de l’institution.
- […]
- 21. Récidiver pour l’une quelconque des fautes relevant du deuxième degré.
- 411. De même, Wellington Almonte et autres ont commis, à plusieurs reprises, les fautes prévues aux points 3, 7 et 10 de l’article 83 de la loi no 41-08:
- Article 83. Relèvent du deuxième degré dont la commission donne lieu à la suspension de ses fonctions pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix (90) jours, sans traitement, les fautes suivantes:
- […]
- 3. Traiter à plusieurs reprises de manière irrespectueuse, agressive, désobligeante ou outrageante ses collègues, subalternes, supérieurs hiérarchiques ou le public.
- […]
- 7. Diffuser, faire circuler, reproduire ou retirer des archives des bureaux des documents ou affaires confidentiel(le)s ou de toute nature dont les fonctionnaires publics auraient connaissance du fait de leur investiture officielle, le tout sans préjudice des dispositions prévues par la législation.
- […]
- 10. Promouvoir ou participer à des grèves illégales.
- […]
- 412. L’IDAC applique des politiques internes qui favorisent et promeuvent les droits d’association. C’est pourquoi il existe au sein de l’IDAC six organisations d’employés qui, bien qu’elles ne se soient pas constituées en associations de fonctionnaires comme le prescrit la loi no 41-08 relative à la fonction publique, mais aussi la loi no 122-05 relative aux associations à but non lucratif, ont joui et jouissent d’un traitement et d’une reconnaissance envisagés dans le cadre du rôle institutionnel qu’il leur revient de jouer. Cette situation fait ressortir que, au sein de l’IDAC, les droits des membres de l’ADCA sont et ont été respectés en permanence: aucune violation à la liberté syndicale ou d’association n’a existé.
- 413. En ce qui concerne les employés membres de l’ADCA, l’IDAC a agi comme un promoteur du droit à la liberté syndicale et d’association, puisque, loin de mettre des entraves ou des obstacles à son exercice, il a reconnu l’ADCA comme une association de fait, en collaborant à son fonctionnement, en tenant compte de ses revendications et en interagissant avec ses dirigeants, bien que l’ADCA n’ait pas de personnalité juridique, ni comme syndicat ni comme association de fonctionnaires publics.
- 414. De même, dans les procédures disciplinaires dont quelques membres de l’ADCA ont fait l’objet pour avoir commis des fautes du troisième degré définies dans la loi no 41-08 relative à la fonction publique, la garantie d’une procédure constitutionnelle régulière a été donnée, et les membres en question n’ont fait l’objet d’aucune menace ni d’aucun acte arbitraire; dès lors, il n’existe ni n’a existé aucune violation de la liberté syndicale de la part de l’IDAC.
- 415. Dans sa communication en date du 24 mars 2015, le gouvernement remet l’acte de médiation réalisée le 10 juin 2014 au ministère du Travail concernant le présent cas, le jugement no 030-14-00362 du Tribunal supérieur administratif du 24 juin 2014, le jugement no TC/0006/15 du Tribunal constitutionnel de la République dominicaine du 3 février 2015 et le jugement no 0048-2015 du Tribunal supérieur administratif.
- 416. Le gouvernement ajoute que, en République dominicaine, la liberté syndicale est un droit constitutionnel et que, pour cette raison, il déploie tous les efforts nécessaires à sa protection et à sa mise en œuvre.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 417. Le comité note que, dans la présente plainte, les organisations plaignantes allèguent que, en réponse aux revendications et actions syndicales de l’ADCA en 2013 et 2014 (opposition à des modifications de la législation qui lui est applicable; tentatives de privatisation; dénonciation syndicale publique dans la presse des conditions de sécurité des opérations aériennes au niveau des équipements et des réparations; retard dans l’organisation de concours; paiement des revalorisations de salaires et autres prestations, etc.), l’IDAC a suspendu la retenue des cotisations syndicales à la source à partir de juin 2013, a menacé et fait pression sur les contrôleurs pour qu’ils renoncent à leur affiliation sous peine de ne pas être pris en compte dans les entraînements ou pour les promotions, n’a pas accepté les appels au dialogue que lui a adressés l’ADCA (et d’autres organisations syndicales internationales), la direction refusant de recevoir ses représentants, et a adressé le 29 janvier 2014 une circulaire à tout le personnel pour qu’il s’abstienne de participer aux activités syndicales (marches, piquets, sit-in) sous peine d’être passible des sanctions prévues dans la législation, notamment le licenciement. Les organisations plaignantes soulignent que les actions syndicales mises en œuvre ont donné lieu, à titre de représailles antisyndicales, à la suspension de 12 des dirigeants et des membres les plus actifs le 19 février 2014 et à leur licenciement ultérieur, bien qu’aucun d’eux n’ait commis une faute quelconque contre les dispositions de la législation justifiant leur licenciement. Les organisations plaignantes ajoutent que l’IDAC n’a pas tenu compte du jugement rendu le 24 juin 2014 par la première chambre du Tribunal supérieur administratif ordonnant, dans le cadre d’un recours constitutionnel en amparo, la réintégration immédiate des dirigeants et des membres du syndicat licenciés; l’ADCA a de ce fait intenté en justice une action en responsabilité patrimoniale contre le directeur de l’IDAC pour non-respect du jugement en question. Le comité note également les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles l’IDAC ne reconnaît pas l’ADCA comme une association de fonctionnaires publics et proclame son inexistence juridique, prétendant que ses actes sont nuls, mais note que les décisions judiciaires rendues en l’espèce ont rejeté cette demande de l’IDAC.
- 418. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement rappelle que la liberté syndicale est un droit constitutionnel dans le pays et envoie les décisions judiciaires rendues en rapport avec la plainte des organisations plaignantes, ainsi que les commentaires de l’IDAC sur cette même plainte, qui sont résumés ci-après:
- ■ la plainte de l’ADCA déforme les faits, et ses actions sortent du cadre des paramètres établis dans la loi; l’ADCA a intenté des actions en justice contre les faits survenus et contre les procédures disciplinaires mises en œuvre, et l’IDAC respectera les décisions judiciaires définitives; de ce fait, l’IDAC conteste le bien-fondé de la plainte devant le Comité de la liberté syndicale;
- ■ le service de contrôle du trafic aérien est un service essentiel dont la continuité évite de mettre en danger la vie des passagers et de la population, et le Comité de la liberté syndicale l’a inclus dans les services essentiels pour lesquels le droit de grève peut faire l’objet de restrictions importantes, voire d’interdictions. L’IDAC en est venu à reconnaître l’ADCA comme une association de fait et a tenu compte de ses revendications bien qu’elle n’ait pas la personnalité juridique en tant que syndicat. Les membres de l’ADCA qui ont été démobilisés se sont rendus coupables d’actes qualifiés de fautes du troisième degré dans la loi no 41-08 relative à la fonction publique, sanctionnées par le licenciement; les sanctions ont été prononcées à l’issue d’une procédure disciplinaire respectueuse de leur droit à la défense (l’IDAC se réfère de manière générique aux différentes étapes de la procédure suivie). Les fautes comprenaient: 1) de fausses informations devant les médias évoquant un état soi-disant grave des équipements de communication et des radars, augurant d’un «effondrement imminent» du système de navigation aérienne, ainsi qu’un traitement irrespectueux par de fausses informations visant à nuire à la bonne renommée de l’IDAC et de ses dirigeants; et 2) une convocation à des grèves et à des piquets incitant ses membres à abandonner leurs postes et leurs responsabilités, à refuser de coopérer à assurer l’efficacité des services publics et à ne pas collaborer aux politiques administratives de l’IDAC;
- ■ la convocation par l’ADCA à participer à un piquet a été lancée bien que l’IDAC ait effectivement appliqué en janvier 2014 une hausse de 35 pour cent des salaires et que la modification de l’article 37 de la loi no 491-06 (contestée par l’ADCA) (en 2013) ne se soit pas produite;
- ■ les fautes commises par les employés licenciés sont qualifiées dans: 1) l’article 88 du règlement no 523-09 sur les réclamations professionnelles dans l’administration publique, qui interdit aux organisations syndicales de provoquer des grèves dans des services essentiels, d’inciter à abandonner son poste et ses responsabilités ou à refuser sa coopération ou à se livrer à des actions qui contreviennent aux principes et aux règles de l’administration de l’Etat; et 2) l’article 84 de la loi no 41-08 relative à la fonction publique, qui prévoit comme fautes du troisième degré donnant lieu au licenciement les faits de: se livrer à des actes qui portent gravement atteinte aux intérêts de l’Etat ou portent préjudice à sa bonne renommée ou à celle des institutions; tenir des réunions qui entraînent une interruption des tâches; traiter à plusieurs reprises de manière irrespectueuse, agressive, désobligeante ou outrageante ses supérieurs hiérarchiques; promouvoir ou participer à des grèves illégales;
- ■ il ne s’est produit aucune menace ni aucun acte arbitraire au détriment des membres de l’ADCA ni aucune violation de la liberté syndicale; six associations d’employés opèrent au sein de l’IDAC.
- 419. Le comité prend note des trois décisions judiciaires rendues en rapport avec le présent cas qui ont été transmises par les organisations plaignantes et par le gouvernement. Le comité note que le premier jugement (no 00230-2014 du 24 juin 2014) a été rendu par le Tribunal supérieur administratif (première chambre) à la suite d’un recours (constitutionnel) en amparo présenté le 19 mars 2014 par l’ADCA, qui a été déclaré recevable et fondé, et qu’il ordonne d’annuler la suspension des syndicalistes mentionnés dans la plainte et les procédures disciplinaires ouvertes à leur encontre, dans un souci de protéger leur droit fondamental d’association et de liberté syndicale, ordonnant la réintégration immédiate des requérants dans leurs fonctions à l’IDAC. Le deuxième jugement (no TC/0006/15) a été rendu par le Tribunal constitutionnel le 3 février 2015 en réponse à un recours en révision présenté par l’IDAC le 14 août 2014 contre le jugement no 00230-2014 de la première chambre du Tribunal supérieur du travail; ce jugement du Tribunal constitutionnel a infirmé le jugement no 00230-2014 du Tribunal supérieur administratif et a déclaré irrecevable le recours en amparo invoqué par l’ADCA, en particulier aux motifs que: 1) «en l’espèce, il existe une juridiction spécialisée légalement habilitée à garantir les droits qui pourraient se voir affectés par les interventions de l’administration, notamment disciplinaires, comme la juridiction contentieuse administrative»; et 2) le Tribunal supérieur administratif (première chambre) a conclu qu’il y a eu transgression de la liberté syndicale et de la liberté d’association, mais sans déterminer «quels ont été les raisonnements et les preuves évalués lui ayant permis de déterminer que, en l’espèce, la violation des droits en question est constituée». Le troisième jugement (no 0048-2015) du Tribunal supérieur administratif (première chambre) a été rendu le 26 février 2015 en réponse à un recours en date du 30 juin 2014 formé par les 12 contrôleurs aériens suspendus par l’IDAC dans un premier temps et ensuite licenciés pour avoir, selon ce qu’ils indiquent dans leur recours, organisé des actions de protestation légitimes; dans son jugement, le Tribunal supérieur administratif a considéré le recours irrecevable, car les contrôleurs en question l’ont présenté en dehors des délais légaux.
- 420. Le comité conclut que le seul des trois jugements évoqués qui a examiné le fond de l’affaire – qui a ordonné après un recours (constitutionnel) en amparo la réintégration immédiate des contrôleurs aériens licenciés au motif d’une transgression de la liberté syndicale par l’IDAC – a été infirmé par jugement du Tribunal constitutionnel (pour défauts dans la motivation et l’évaluation de la preuve de la part du Tribunal supérieur du travail, et du fait qu’il existe une juridiction contentieuse administrative qui aurait dû être saisie). Le comité note également que l’IDAC n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle il n’aurait fait aucun cas des appels au dialogue formulés par l’ADCA et d’autres organisations syndicales internationales (y compris l’ISP) et refuse de recevoir les représentants de l’ADCA.
- 421. Devant l’état de la procédure décrite, qui a comme conséquence que la légalité des mesures de licenciement prises par l’IDAC n’a été examinée quant au fond par aucune autorité indépendante des parties en conflit, le comité ne dispose pas d’éléments suffisants pour être en mesure d’examiner les allégations et questions concrètes soulevées dans la présente plainte, qui vont au-delà des allégations relatives au droit de grève. Le comité reconnaît que le contrôle du trafic aérien peut être considéré comme un service essentiel [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 585] pour lequel l’exercice du droit de grève peut faire l’objet de restrictions, voire d’interdictions. Le comité observe néanmoins qu’il n’y a pas de détermination spécifique de l’étendue des violations présumées dans l’exercice des droits syndicaux invoquées par l’employeur; ni du type d’action prise et de la légitimité des préoccupations soulevées par les organisations plaignantes en matière de sécurité des passagers. Dans ce sens, le comité prend note des arguments des organisations plaignantes portant sur de graves violations de la garantie d’une procédure administrative régulière qui figurent dans la présente plainte.
- 422. Le comité relève par ailleurs que l’IDAC n’a pas donné d’informations ou d’explications sur les raisons pour lesquelles il a, en juin 2013, privé unilatéralement de la retenue à la source des cotisations syndicales l’ADCA (qui en bénéficiait depuis quelque trente ans); et n’a pas exécuté l’ordonnance de réintégration immédiate des dirigeants licenciés dans leurs fonctions rendue par le Tribunal supérieur du travail le 24 juin 2014 (qui n’a été annulée par le Tribunal constitutionnel que le 3 février 2015); ni n’a fait mention des allégations selon lesquelles les plaintes pour manque de sécurité ont été signées par trois autres associations d’employés (qui, semble-t-il, n’ont pas fait l’objet de sanctions). Le comité note également que l’IDAC n’a pas répondu avec une précision suffisante aux allégations de l’ADCA relatives aux pressions ou intimidations qui auraient été exercées pour que les membres de l’ADCA renoncent à leur affiliation et aux mesures qui auraient été prises par l’employeur pour promouvoir la création d’une organisation parallèle à l’ADCA. En outre, le comité note que l’IDAC n’a pas répondu aux nouvelles allégations des organisations plaignantes selon lesquelles les dirigeants de l’ADCA se voient empêchés d’accéder aux lieux de travail pour qu’ils ne puissent pas entrer en contact avec leurs membres (en étant retenus ou détenus pendant plusieurs heures lorsqu’ils tentent de le faire). Pour conclure, le comité note également que l’IDAC n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle il n’aurait fait aucun cas des appels au dialogue lancés par l’ADCA et d’autres organisations syndicales internationales (y compris l’ISP) et refuse de recevoir les représentants de l’ADCA.
- 423. Observant qu’il n’a pas été possible d’établir le fond de l’affaire et soulignant l’importance fondamentale du dialogue tripartite comme moyen de trouver des solutions à des problèmes qui se posent dans le contexte de relations professionnelles, le comité prie le gouvernement de soumettre les différentes questions soulevées dans cette plainte au dialogue tripartite, en tenant compte des éléments mentionnés ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 424. Au vu des conclusions qui précèdent, le Comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Observant qu’il n’a pas été possible d’établir le fond de l’affaire et soulignant l’importance fondamentale du dialogue tripartite comme moyen de trouver des solutions à des problèmes qui se posent dans le contexte de relations professionnelles, le comité prie le gouvernement de soumettre les différentes questions soulevées dans cette plainte au dialogue tripartite, en tenant compte des éléments mentionnés dans les conclusions.