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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO371, March 2014

CASE_NUMBER 2908 (El Salvador) - COMPLAINT_DATE: 15-AUG-11 - Closed

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent la fermeture soudaine d’une entreprise du secteur de la confection sous douane [«maquila»] pour empêcher la signature d’une convention collective; et la circulation d’une «liste noire» rendant impossible le recrutement des travailleurs par d’autres entreprises du secteur de la confection sous douane

  1. 270. La plainte figure dans une communication en date du 15 août 2011 présentée par le Syndicat des travailleurs de l’entreprise de confection Gama (STECG) et appuyée par la Fédération des syndicats des travailleurs d’El Salvador (FESTES) par une communication en date du 30 septembre 2011.
  2. 271. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 21 août 2012 et du 20 septembre 2013.
  3. 272. El Salvador a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 273. Les organisations plaignantes allèguent que la tentative du Syndicat des travailleurs de l’entreprise de confection Gama (STECG) de négocier une première convention collective avec l’entreprise Confecciones Gama, S.A. de C.V. (ci-après «Gama») a entraîné la fermeture brutale de l’entreprise textile et le licenciement consécutif de ses 270 travailleurs.
  2. 274. Le STECG, constitué le 31 octobre 2009, a présenté le 5 avril 2011 un cahier de revendications auprès du directeur général du travail du ministère du Travail et de la Prévision sociale pour engager la négociation d’une première convention collective d’entreprise qui réglementera les relations professionnelles entre employeur et employés. Le 26 avril, Gama a fait part au ministère du Travail de son refus d’entrer en pourparlers avec le STECG, prétextant que le syndicat ne réunissait pas le nombre d’affiliés exigé par le Code du travail en matière de négociation collective. Le ministère du Travail a alors demandé au STECG de lui présenter la liste nominative de ses membres, laquelle a été remise à l’entreprise sans consultation par le ministère.
  3. 275. Une fois confirmée la compétence du STECG à négocier une convention collective, le ministère, mettant de côté la phase de négociation directe qui, selon la législation nationale, devait constituer la première phase de la négociation collective, a convoqué directement les parties pour l’étape suivante de conciliation du conflit collectif. Du 6 au 17 juin 2011, quatre réunions de conciliation se sont tenues, au cours desquelles le STECG et l’entreprise sont parvenus à approuver 17 clauses de la convention collective en préparation.
  4. 276. Le 18 juin 2011, les travailleurs de l’entreprise ont constaté que celle-ci commençait à retirer de l’usine une partie des machines et de la matière première. Le 20 juin, l’entreprise a informé le ministère du Travail qu’elle avait pris la décision de cesser ses opérations pour cause de manque de rentabilité et qu’elle disposait seulement des fonds suffisants pour régler 70 pour cent du passif salarial des travailleurs. Les organisations indiquent que ces déclarations sont en contradiction avec les données disponibles au registre du commerce d’El Salvador où, le 23 février 2010, le comptable de l’entreprise avait présenté des documents faisant apparaître une augmentation importante des bénéfices de l’entreprise pour l’année 2008. Ce même jour, pendant que les représentants du STECG et de l’entreprise continuaient de négocier le projet de convention collective, le directeur général du travail et le directeur général de l’inspection du ministère du Travail se sont présentés pour signaler que la poursuite des négociations n’avait plus de sens compte tenu de la fermeture de l’entreprise.
  5. 277. Le 18 juillet 2011, devant les menaces de l’entreprise de ne pas payer le passif salarial de tous les travailleurs, le STECG s’est vu contraint de présenter un document dans lequel il renonçait au processus de négociation de la convention collective en échange dudit paiement.
  6. 278. Les organisations plaignantes allèguent que, depuis lors, les employés de Gama ne parviennent pas à trouver un nouveau travail, étant donné que les autres entreprises du secteur leur disent ouvertement que leur précédent emploi rend leur recrutement impossible. Selon les organisations plaignantes, la remise à l’entreprise de la liste nominative des affiliés au STECG a un rapport avec la situation en question.
  7. 279. Les organisations plaignantes considèrent que la fermeture soudaine et injustifiée de l’entreprise au milieu de la négociation de ce qui aurait dû constituer la première convention collective du secteur de la confection sous douane en El Salvador viole directement les articles 1 et 4 de la convention no 98 puisque les 270 travailleurs de l’entreprise ont été licenciés pour avoir exercé leur droit à la négociation collective, lequel a été bafoué.
  8. 280. Elles soutiennent en outre que la pratique du ministère du Travail, basée sur la législation salvadorienne, consistant à demander les données personnelles relatives à chacun des membres des syndicats d’une entreprise et à fournir lesdites données à l’entreprise pour prouver que les conditions requises légales en matière de compétence à négocier collectivement ont été remplies, constitue une intervention des pouvoirs publics contraire à l’article 3, paragraphe 2, de la convention no 87. Ladite pratique décourage l’exercice de la liberté syndicale et ouvre la porte à la circulation de «listes noires» qui expliqueraient l’impossibilité, pour les travailleurs de Gama, d’être embauchés par d’autres entreprises.
  9. 281. Sur la base des allégations susmentionnées, les organisations plaignantes demandent la réintégration de tous les travailleurs de l’entreprise Gama, laquelle devrait continuer à fonctionner, l’indemnisation des préjudices subis, et la relance du processus de négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 282. Dans sa réponse en date du 21 août 2012, le gouvernement d’El Salvador indique que le ministère du Travail a reçu du STECG le 4 avril 2011 un cahier de revendications, qui a été transmis à l’entreprise Gama. Le 26 avril, l’entreprise a fait part par écrit de son refus d’entamer une négociation avec le STECG, estimant que ledit syndicat, qui était l’un des trois présents dans l’entreprise, ne rassemblait pas la majorité des travailleurs, cette condition étant exigée par l’article 271 du Code du travail. Le lendemain, l’entreprise a présenté une nouvelle communication écrite dans laquelle elle demandait de comparer la liste des travailleurs affiliés au STECG avec l’état du personnel actuel de l’entreprise. En constatant que le STECG remplissait effectivement les conditions requises légales pour négocier, l’entreprise a fait montre d’une totale disponibilité pour entamer la négociation d’une convention collective de travail.
  2. 283. En ce qui concerne l’interruption du processus de négociation collective, le gouvernement indique que, dans un premier temps, ce processus a été suspendu du fait que la partie patronale avait allégué la fermeture de l’entreprise et que, finalement, il a été définitivement classé à la suite du désistement du STECG, présenté par écrit le 18 juillet 2011 en application de l’accord obtenu avec l’entreprise par lequel le syndicat acceptait de renoncer au processus de négociation en cours en échange du paiement aux travailleurs de la totalité du passif salarial. Le 13 septembre 2011, le STECG a présenté un recours en annulation contre la décision de classer le processus de négociation collective. Ledit recours a été déclaré irrecevable par le ministère du Travail.
  3. 284. Le gouvernement indique en outre que, lorsque s’est produite la fermeture de l’entreprise au milieu de la négociation de la convention collective, le ministère du Travail a informé le syndicat de la possibilité de demander son intervention en vue d’une conciliation ou de présenter une requête judiciaire et, du fait que, à la table de négociation mise en place pour tenter de trouver une solution au conflit surgi par suite de la fermeture de l’entreprise, le ministère a rappelé à la partie patronale son obligation légale de payer la totalité du passif salarial à tous les travailleurs.
  4. 285. Concernant les pratiques antisyndicales présumées et la réintégration des travailleurs de Gama, le gouvernement indique que le STECG a demandé, par une communication écrite du 13 février 2012, de confirmer le licenciement avéré des dirigeants syndicaux. Lors d’une visite réalisée le 14 février, l’inspection du travail a constaté que le secteur de la manufacture textile sous douane de l’entreprise n’était pas en fonctionnement, alors que fonctionnait une activité de fabrication de serpillères dans laquelle travaillaient 22 personnes. Les inspecteurs ont par ailleurs constaté que les dirigeants syndicaux du STECG avaient signé leur notification de résiliation de contrat et perçu le règlement de leur passif salarial; ils ont donc conclu qu’il n’existait pas d’infraction.
  5. 286. Dans sa communication du 20 septembre 2013, le gouvernement confirme que, lors de sa visite du 14 février 2012, l’inspection du travail a constaté la cessation des activités de confection sous douane et le maintien d’une activité réduite de production de tissu brut avec des machines différentes. Le gouvernement indique que le licenciement de tous les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non, à la suite de la fermeture, est un élément qui a fait entrave aux travaux de l’inspecteur lorsque celui-ci a cherché à vérifier l’existence de la discrimination antisyndicale alléguée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 287. Le comité rappelle que le présent cas concerne, d’une part, des allégations relatives à la fermeture soudaine d’une entreprise du secteur de la confection sous douane, au milieu d’une négociation collective, pour empêcher la signature d’une convention collective, entraînant le licenciement antisyndical de 270 travailleurs; et, d’autre part, des allégations relatives à la circulation d’une «liste noire» qui rendrait impossible le recrutement des travailleurs de l’entreprise par d’autres sociétés du secteur.
  2. 288. Le comité prend note des observations du gouvernement indiquant que: pour s’assurer que le syndicat STECG était compétent pour négocier collectivement, l’entreprise Gama a demandé de comparer la liste des membres du STECG avec sa liste nominative de travailleurs en activité; la fermeture soudaine de l’entreprise s’est produite au milieu du processus de négociation d’une convention collective et le syndicat s’est finalement désisté dudit processus de négociation en échange du paiement par l’entreprise de la totalité du passif salarial aux travailleurs; l’inspection du travail a enregistré le maintien d’une activité réduite dans le centre de travail et n’a pas constaté de licenciement antisyndical à l’encontre des dirigeants syndicaux, ces derniers ayant en effet signé la notification de résiliation de leur contrat et perçu le règlement de leur passif salarial; le STECG a présenté un recours en annulation contre la décision de la Direction générale du travail de classer le processus de négociation collective, recours qui a été déclaré irrecevable par le ministère du Travail.
  3. 289. Concernant les allégations selon lesquelles la liste nominative des membres du STECG a été remise à l’entreprise par le ministère du Travail, le comité constate que le gouvernement indique que l’entreprise a demandé de comparer la liste des membres du STECG avec sa liste nominative de travailleurs en activité. A cet égard, le comité tient à rappeler que la protection des informations relatives aux adhérents des syndicats est un élément essentiel des droits de la personne, et notamment du droit au respect de la vie privée [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 350] et que la volonté de s’assurer du caractère représentatif d’un syndicat ou de le vérifier se concrétise le mieux lorsqu’il existe de fortes garanties en matière de secret et d’impartialité. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 351.] En ce sens, en vue d’éviter d’éventuels actes de discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris d’ordre législatif, pour garantir que les listes nominatives de travailleurs syndiqués ne soient pas communiquées à l’employeur et de le tenir informé à cet égard.
  4. 290. Le comité constate que le gouvernement n’a pas envoyé ses observations au sujet des allégations selon lesquelles, à la suite de la remise de la liste nominative des membres du syndicat, les employés de l’entreprise seraient victimes de discrimination antisyndicale de la part des autres entreprises du secteur de la confection sous douane, rendant impossible toute nouvelle embauche desdits travailleurs. Le comité observe que ces allégations s’inscrivent dans un contexte où le syndicat en question était, semble-t-il, en train de négocier une convention collective avec l’entreprise. En rappelant que les travailleurs des zones franches d’exportation doivent comme tous les autres travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, jouir des droits syndicaux prévus par les conventions sur la liberté syndicale [voir Recueil, op. cit., paragr. 264] et que la pratique consistant à établir des «listes noires» de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux et que, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques [voir Recueil, op. cit., paragr. 803], le comité prie le gouvernement de diligenter sans délai une enquête sur les allégations susmentionnées et de le tenir informé de ses résultats.
  5. 291. Le comité observe que tant les allégations de l’organisation plaignante que les observations du gouvernement précisent de manière concordante que la fermeture de l’entreprise s’est produite de manière soudaine le 18 juin 2011, au milieu des réunions de négociation de la convention collective menées à bien du 6 au 20 juin 2011. Au vu des procès-verbaux des quatre réunions de négociation de la convention collective dressés par le ministère du Travail, le comité constate que les réunions tenues les 6, 10, 13 et 17 juin ont donné lieu à des négociations substantielles sur la teneur d’une convention collective de travail, avec l’approbation de 17 clauses destinées à réglementer les relations et les conditions de travail au sein de l’entreprise. Le comité observe en outre que lesdites négociations ne font mention ni de la fermeture prochaine de l’entreprise ni de ses éventuelles difficultés économiques. Enfin, à la lumière des informations fournies par le gouvernement, le comité constate que, lors de la visite organisée à la suite du licenciement des 270 travailleurs de l’entreprise, l’inspection du travail s’est contentée de constater la cessation des activités de confection sous douane dans l’établissement et leur remplacement par une activité réduite de production de tissu brut et qu’aucune enquête exhaustive n’a été ouverte en vue de vérifier si cette cessation d’activité répondait à des motifs antisyndicaux.
  6. 292. Au vu des éléments précédemment indiqués, le comité rappelle l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles [voir Recueil, op. cit., paragr. 934] et que, bien que la nécessité objective de fermer une entreprise puisse ne pas être contraire au principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s’efforcer de parvenir à un accord, cette fermeture et le licenciement d’employés directement en réponse à l’exercice de leurs droits syndicaux équivalent à un déni de ce droit. [Voir cas no 2745, 360e rapport, juin 2011, paragr. 1056.]
  7. 293. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête exhaustive sur le caractère antisyndical éventuel de la cessation d’activité et de le tenir informé des conclusions de cette enquête. Si le caractère antisyndical allégué de cette cessation est avéré, et puisqu’il apparaît que l’entreprise a maintenu une activité réduite, le comité prie le gouvernement de rechercher, en fonction du volume d’activité actuel de l’entreprise, la réintégration des travailleurs licenciés et de veiller à ce que ceux d’entre eux pour lesquels une telle réintégration n’est pas possible reçoivent une indemnité adéquate constituant une sanction suffisamment dissuasive, en tenant compte de toute indemnité déjà perçue dans le cadre de l’accord signé entre le syndicat et l’entreprise en juillet 2011.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 294. Au vu des conclusions qui précédent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris d’ordre législatif, pour garantir que les listes nominatives de travailleurs syndiqués ne soient pas communiquées à l’employeur et de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité prie le gouvernement de diligenter sans délai une enquête sur les allégations de discrimination antisyndicale qui empêcheraient le recrutement des travailleurs de Gama dans le secteur de la confection sous douane et de le tenir informé de ses résultats.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête exhaustive sur le caractère antisyndical éventuel de la cessation d’activité au sein de l’entreprise en question et de le tenir informé des conclusions de cette enquête. Si le caractère antisyndical allégué de cette cessation est avéré, et puisqu’il apparaît que l’entreprise a maintenu une activité réduite, le comité prie le gouvernement de rechercher, en fonction du volume d’activité actuel de l’entreprise, la réintégration des travailleurs licenciés et de veiller à ce que ceux d’entre eux pour lesquels une telle réintégration n’est pas possible reçoivent une indemnité adéquate constituant une sanction suffisamment dissuasive, cela en tenant compte de toute indemnité déjà perçue dans le cadre de l’accord signé entre le syndicat et l’entreprise en juillet 2011.
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