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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO371, March 2014

CASE_NUMBER 2749 (France) - COMPLAINT_DATE: 20-OKT-09 - Follow-up

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent le refus de la direction de l’entreprise La Poste de reconnaître la représentativité du Syndicat CDMT-Postes et de lui permettre d’exercer ses activités au sein de l’entreprise, ainsi que la sanction disciplinaire antisyndicale dont a fait l’objet son secrétaire général

  1. 482. La plainte figure dans des communications en date du 20 octobre 2009, des 14 janvier, 15, 23 et 30 mars et 19 avril 2010, du 31 janvier 2011, du 1er août 2012 et du 14 janvier 2013 de la Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs (CDMT) et de son syndicat affilié, la CDMT-Postes.
  2. 483. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en date du 11 août 2010.
  3. 484. La France a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 485. Dans leurs communications successives, les organisations plaignantes dénoncent la discrimination antisyndicale subie par le Syndicat CDMT-Postes, organisation affiliée à la Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs (CDMT), depuis sa création dans l’entreprise La Poste (ci-après «l’entreprise»). Elles rappellent que le Syndicat CDMT-PTT existait depuis 1979 au sein de l’entreprise. Ledit syndicat a été reconstitué sous le nom de «la CDMT-Postes» en février 2008 sous la direction d’un secrétaire général, M. Hervé Pinto. M. Pinto est agent titulaire depuis 1990 et exerce les fonctions de chef d’équipe courrier-colis à la Plate-forme de préparation et de distribution du courrier-colis (PPDC) de Fort-de-France en Martinique depuis 2004. Ce dernier a exercé des activités syndicales au sein de plusieurs syndicats (secrétaire départemental de la FNSA PTT, puis secrétaire d’établissement à Sud PTT Martinique) avant d’être élu secrétaire général du Syndicat CDMT-Postes en février 2008.
  2. 486. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, au motif qu’elle ne considérait pas la CDMT (deuxième syndicat aux élections des Prud’hommes en décembre 2008 en Martinique) comme un syndicat représentatif dans l’entreprise, la hiérarchie de M. Pinto s’est opposée de manière systématique à l’exercice de ses activités syndicales sous toutes ses formes. Les organisations plaignantes indiquent que l’entreprise avait, via la conclusion d’un accord-cadre relatif à l’exercice du droit syndical du 27 janvier 2006, limité l’exercice des droits syndicaux en son sein aux seules organisations représentatives, à savoir celles ayant recueilli au moins 10 pour cent de suffrages aux élections professionnelles. Or la CDMT-Postes qui venait d’être constituée n’avait pas encore participé à la moindre élection et ne pouvait donc pas se prévaloir d’être une organisation représentative au sein de l’entreprise.
  3. 487. Ainsi, à titre d’exemple, les organisations plaignantes dénoncent le fait que la CDMT Postes a été tenue à l’écart de la première réunion du directeur départemental de l’entreprise avec l’ensemble des organisations syndicales suite à sa nomination. L’organisation a également été exclue de la rencontre avec la directrice de La Poste de l’outre-mer en visite en Martinique en novembre 2008 ainsi que des discussions concernant notamment la réorganisation du site où travaillait pourtant son secrétaire général. En réponse aux demandes d’explication et de participation de la CDMT-Postes, la direction de l’entreprise a invariablement opposé le fait que le syndicat ne peut être considéré comme représentatif et qu’il ne peut en conséquence bénéficier des avantages et prérogatives reconnus aux syndicats représentatifs, comme l’accès aux bureaux de l’entreprise et aux services postaux. Dans le même sens, après le dépôt d’un préavis de grève en décembre 2008, l’organisation a reçu la réponse de la direction de l’entreprise selon laquelle elle se voit dans l’obligation de refuser un tel préavis d’une organisation non représentative.
  4. 488. La CDMT-Postes indique avoir saisi les juridictions administratives pour dénoncer le déni de ses droits, mais ses recours ont été rejetés, notamment par le juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France ou encore le Bureau des référés du Conseil d’Etat, au motif de l’existence de l’accord-cadre du 27 janvier 2006 et d’un défaut d’urgence à agir.
  5. 489. Cependant, les organisations plaignantes indiquent que, par un important arrêt du 15 mai 2009, le Conseil d’Etat a finalement annulé, dans son ensemble, l’accord-cadre du 27 janvier 2006 (CE, 15 mai 2009, Fédération CNT-PTT). Selon les organisations plaignantes, il en découle automatiquement que toutes les interdictions opposées par la direction de l’entreprise à M. Pinto d’exercer ses fonctions syndicales étaient illégales. Ainsi, dès le 2 juin 2009, la CDMT-Postes a demandé à la direction de l’entreprise de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’Etat sans qu’aucune suite favorable n’y soit donnée. Selon les organisations plaignantes, le conflit entre la CDMT-Postes et l’entreprise conduira à une action disciplinaire à l’encontre du secrétaire général du syndicat en septembre 2009. En octobre 2009, ce dernier s’est vu notifier une suspension de fonctions et de traitement pendant deux années comme mesure disciplinaire. Ce dernier, qui avait déjà été suspendu pendant quatre mois en décembre 2008, a intenté de nombreux recours en justice contre les décisions de suspension, en particulier contre celle du Conseil central de discipline de l’entreprise.
  6. 490. A cet égard, les organisations plaignantes considèrent que M. Pinto a été sanctionné injustement pour avoir simplement tenté d’exercer ses fonctions syndicales. Elles rappellent que la Martinique a connu un séisme important en novembre 2007 qui a gravement endommagé certaines installations de l’entreprise. De ce fait, le service de la PPDC de M. Pinto a été relocalisé en urgence au centre de tri postal de Dillon. Les conditions de travail sur le site en question, en zone urbaine sensible, se sont révélées extrêmement difficiles. En sa double qualité d’encadrant et de responsable syndical, M. Pinto n’a cessé d’alerter sa hiérarchie sur les graves insuffisances en matière de sécurité et de santé pour son équipe en sollicitant l’amélioration des conditions de travail de son équipe. Entre janvier et décembre 2008, ce dernier a rédigé 29 notes adressées à sa hiérarchie pour l’alerter de ces insuffisances.
  7. 491. Entre-temps, les organisations plaignantes dénoncent le fait que, malgré un arrêt du 15 mai 2009 du Conseil d’Etat annulant l’accord-cadre de 2006 entre l’entreprise et les organisations syndicales, la direction de l’entreprise a continué de refuser d’octroyer à la CDMT-Postes les mêmes facilités que les autres organisations syndicales présentes. Les différents recours intentés contre la position de l’entreprise n’avaient pas encore fait l’objet d’une décision en juillet 2012.
  8. 492. Par ailleurs, les organisations plaignantes affirment que, lors d’élections aux comités techniques tenues en octobre 2011, la CDMT-Postes a pu prouver sa représentativité en obtenant plus de 10 pour cent des suffrages dans deux établissements (FDF-CTC et FDF PDC1). Les procès-verbaux de dépouillement en attestaient. Or la direction de l’entreprise n’a pas eu la même lecture des résultats et continue de ne pas reconnaître la représentativité du syndicat dans ces établissements. Entre-temps, la situation du dialogue social dans l’entreprise s’est dégradée. Ainsi, l’intersyndicale de l’entreprise a été amenée à dénoncer «l’agressivité, le mépris, l’autoritarisme et les menaces de la direction de l’entreprise» (octobre 2012).
  9. 493. S’agissant de la situation de M. Pinto, les organisations plaignantes ont indiqué que, suite à sa plainte pour déni de ses droits syndicaux, une enquête préliminaire avait été ordonnée par le Procureur de la République en mai 2010 et les protagonistes de l’affaire avaient été auditionnés, notamment le directeur de l’entreprise et son entourage. Cependant, selon les organisations plaignantes, les suites réservées à la procédure du Parquet demeurent inconnues à ce jour. Les organisations plaignantes indiquent que finalement la justice a donné raison à M. Pinto en annulant la décision d’exclusion temporaire de deux années qui le frappait (jugement du 14 novembre 2011 du Tribunal administratif de Fort-de-France). Cependant, la CDMT-Postes dénonce le fait que, suite à cette décision de justice et sa réintégration, l’entreprise l’ait de nouveau notifié d’une suspension de fonctions pour deux ans dès décembre 2011. De même, les organisations plaignantes regrettent que la Cour administrative d’appel de Bordeaux ait rejeté le recours de M. Pinto tendant à confirmer le jugement de première instance mais aussi à juger qu’il a été sanctionné pour ses activités syndicales.
  10. 494. Enfin, dans une communication en date d’août 2013, la CDMT-Postes dénonçait le harcèlement antisyndical à l’encontre de son secrétaire général. Ainsi, lors d’une manifestation pacifique du syndicat à l’occasion de la visite du Premier ministre (juin 2013), M. Pinto a été victime d’une agression par les forces de l’ordre et il fait l’objet d’une convocation devant le Tribunal correctionnel prévue en mai 2014.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 495. Dans une communication en date du 11 août 2010, le gouvernement rappelle que La Poste (ci-après «l’entreprise») est, depuis le 1er janvier 1991, un «exploitant autonome de droit public» sous la forme juridique d’un établissement public industriel et commercial (EPIC), et l’entreprise et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions d’intérêt général et exerce des activités concurrentielles en bénéficiant du régime spécifique prévu par le Code des postes et des communications électroniques. Les personnels de l’entreprise sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’Etat et de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.
  2. 496. S’agissant du droit syndical, l’entreprise a été soumise au décret no 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique. En outre, l’entreprise et plusieurs organisations syndicales avaient conclu, le 27 janvier 2006, un accord-cadre précisant les modalités d’exercice du droit syndical et de répartition des moyens alloués aux organisations syndicales représentatives. Toutefois, le gouvernement confirme que cet accord-cadre a été annulé en totalité par un arrêt rendu par la juridiction administrative (Conseil d’Etat, 15 mai 2009). II y a donc lieu de se référer désormais aux dispositions du décret de 1982. Initialement proches de celles prévues par le Code du travail, elles en diffèrent sensiblement depuis que la loi du 20 août 2008 a modernisé celui-ci.
  3. 497. Le gouvernement rappelle que la liberté syndicale est garantie comme valeur constitutionnelle. Par ailleurs, selon 1’article L.2141-4 du Code du travail: «L’exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail.» La mission première des syndicats consiste à défendre les salariés. Elle s’exprime notamment par leur action revendicative et par l’action en justice des syndicats, dans l’intérêt du syndicat ou dans l’intérêt individuel des salariés. Selon 1’article L.2142-3 du Code du travail, l’affichage des communications syndicales s’effectue librement sur des panneaux réservés exclusivement à cet usage et distincts de ceux affectés aux communications des délégués du personnel et du comité d’entreprise. Les panneaux sont mis à la disposition de chaque section syndicale, suivant des modalités fixées par un accord avec l’employeur. L’affichage ne nécessite pas d’autorisation préalable; un exemplaire des communications syndicales doit être transmis à l’employeur, simultanément à l’affichage (art. L.2142-3). Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux salariés de l’entreprise, dans l’enceinte de celle-ci, aux heures d’entrée et de sortie du travail (art. L.2142-4). Pour prévenir les discriminations antisyndicales, la loi prévoit dans 1’article L.1132-1 du Code du travail un principe général de non-discrimination qui inclut notamment la non-discrimination antisyndicale: «Aucune personne ne peut [...] faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, [...] de ses activités syndicales ou mutualistes [...].» Puisque, selon 1’article L.1132-4 du même code: «Toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul», la mesure défavorable à un salarié en raison de son activité syndicale doit demeurer sans effet. En complément, 1’article L.2141-5 du Code du travail consacre le principe de non-discrimination antisyndicale. Ce principe de non-discrimination s’applique à deux niveaux: d’une part, du point de vue du salarié car sa liberté syndicale est protégée notamment contre le pouvoir de direction de l’employeur et, d’autre part, du point de vue du syndicat car ce dernier ne doit faire l’objet d’aucune pression de la part de l’employeur. Ces dispositions sont d’ordre public; toutes mesures contraires qui sont prises par l’employeur sont considérées comme abusives et donnent lieu à des dommages et intérêts (art. L.2141-8 du même code). L’article L.2146-2 du Code du travail prévoit en outre des sanctions pénales pour toute infraction aux articles L.2141-5 à L.2141-8 du même code relatifs aux discriminations affectant l’exercice du droit syndical.
  4. 498. Le gouvernement rappelle aussi que, selon la loi, nul ne peut faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées. De même, nul ne peut être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes. Selon l’article L.1134-1 du Code du travail, il appartient au salarié de soumettre au juge «des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte» et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de «prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination», le juge formant alors sa conviction après avoir ordonné toute mesure d’instruction nécessaire à ses yeux. Enfin, selon l’article L.2141-5 du Code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre des mesures de discipline en fonction de l’appartenance syndicale des salariés. La sanction d’une telle mesure est l’annulation de cette dernière et la réparation du préjudice subi. La protection contre les actes de discrimination antisyndicale s’applique aux salariés, membres des syndicats, aux anciens responsables syndicaux et aux représentants syndicaux en place, qui bénéficient d’une protection particulière renforcée.
  5. 499. La représentativité des syndicats est définie par le Code du travail aux articles L.2121-1 et suivants. Elle confie certaines prérogatives supplémentaires aux syndicats représentatifs. Ces derniers sont par exemple habilités à conclure des conventions et accords collectifs de travail (art. L.2231-1) et ont également le monopole du déclenchement de la grève dans les services publics.
  6. 500. Le gouvernement relève que, dans les observations qu’elle formule, la CDMT-Postes s’interroge sur la faculté pour une organisation syndicale légalement constituée de devenir représentative si lui sont interdites «la liberté de propagande, la liberté de défendre des travailleurs qui l’auraient mandatée, la liberté d’actions syndicales» pour mieux se faire connaître des salariés. A cet égard, l’article 3 du décret no 82-447 du 28 mai 1982 impose à l’administration «de mettre à la disposition des organisations syndicales les plus représentatives dans l’établissement considéré, ayant une section syndicale, un local commun aux différentes organisations lorsque les effectifs du personnel d’un service ou d’un groupe de service [...] supérieurs à 50 agents. Dans toute la mesure possible, 1’administration met un local distinct à la disposition de chacune de ces organisations [...] les locaux mis à la disposition des organisations syndicales comportent les équipements indispensables à l’exercice de l’activité syndicale [...].» En outre, selon l’article 8 du décret de 1982, «l’affichage des documents d’origine syndicale s’effectue sur des panneaux réservés à cet usage et aménagés de façon à assurer la conservation de ces documents. Ces panneaux doivent être placés dans des locaux facilement accessibles au personnel mais auxquels le public n’a pas normalement accès.»
  7. 501. Selon son analyse, la direction de l’entreprise appliquait le Code du travail en matière de droit syndical via l’accord-cadre de 2006 désormais caduc, réservant aux seuls syndicats représentatifs l’ensemble des prérogatives du droit syndical. Selon le gouvernement, quoique syndicat non représentatif dans l’entreprise, la CDMT-Postes a néanmoins le droit de mener campagne et de diffuser des documents d’origine syndicale. Ce droit de communication entre dans le cadre de son activité et dans celui de la liberté syndicale, ce qu’a confirmé le Conseil d’Etat dans sa décision du 15 mai 2009. Pour le gouvernement, l’entreprise a décidé de se mettre en conformité avec les dispositions en vigueur.
  8. 502. S’agissant de la capacité du syndicat plaignant à participer aux élections du fait de sa non-représentativité, le gouvernement rappelle que, aux termes de l’article 9bis de la loi no 83 634 du 13 juillet 1983: «Sont regardés comme représentatifs de l’ensemble des personnels soumis aux dispositions de la présente loi les syndicats ou unions de syndicats de fonctionnaires qui: 1) disposent d’un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs [...]; 2) ou recueillent au moins 10 pour cent de l’ensemble des suffrages exprimés lors des élections [...].» De plus, selon l’article 14 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984, sont regardées comme représentatives les organisations affiliées aux organisations définies précédemment et celles satisfaisant les dispositions de l’article L.2121-1 du Code du travail.
  9. 503. Le gouvernement ajoute que le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique est assez proche de la loi no 2008-789 du 20 août 2008 applicable au secteur privé. II traduit les objectifs et engagements énoncés précédemment en élargissant les conditions d’accès aux élections et ne conditionnant plus la présentation de listes à certains critères de représentativité ou au bénéfice d’une présomption de représentativité. Pourront alors se présenter aux élections professionnelles tous les syndicats qui, dans la fonction publique où celles-ci sont organisées, sont légalement constitués depuis au moins deux ans et satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance. Ces nouvelles règles d’accès aux élections sont déclinées pour toutes les élections professionnelles dans la fonction publique.
  10. 504. Enfin, le gouvernement souligne que les droits reconnus à une organisation syndicale légalement constituée ne se confondent pas avec les prérogatives découlant de la représentativité. D’une part, l’absence de représentativité d’un syndicat ne remet nullement en cause son existence ainsi que les droits qui en découlent et, d’autre part, la représentativité d’un syndicat s’analyse comme une aptitude et non un droit.
  11. 505. S’agissant du dispositif applicable aux personnels de l’entreprise, la loi no 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique a été adoptée. Celle-ci prévoit: i) le développement du dialogue social national dans la fonction publique et un élargissement des thèmes susceptibles de négociation, une redéfinition des modalités d’accès aux élections professionnelles avec la suppression de la condition de représentativité préalable des syndicats; ii) la création d’un «Conseil supérieur de la fonction publique», nouvelle instance consultative commune aux trois fonctions publiques; iii) des garanties pour les représentants syndicaux en termes de carrière (les compétences acquises dans l’exercice d’un mandat syndical seront prises en compte au titre des acquis de l’expérience professionnelle). Le gouvernement souligne que la loi no 2010-751 du 5 juillet 2010 offre ainsi des droits nouveaux et garanties supplémentaires à l’exercice des droits syndicaux dans le secteur public et une protection complémentaire contre les risques de discrimination antisyndicale.
  12. 506. Le gouvernement rappelle que les droits du Syndicat CDMT-Postes ont été confortés après l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 mai 2009, conformément aux dispositions du décret no 82 447 du 28 mai 1982. Le syndicat plaignant a été informé par la direction de l’entreprise dans un courrier du 30 juillet 2009 de son choix d’appliquer pleinement cette décision. Aucun élément porté à la connaissance du gouvernement ne permet d’affirmer que La Poste n’a pas respecté cet engagement de se mettre en conformité avec les dispositions légales et les décisions de justice sur ce point.
  13. 507. Le gouvernement observe que l’organisation plaignante a fait usage de son droit au recours juridictionnel par rapport à des décisions de nature administrative, devant les juridictions de l’ordre administratif de premier ressort (Tribunal administratif), d’appel (Cour administrative d’appel) et de cassation (Conseil d’Etat). L’impartialité de la justice ne saurait être remise en cause. Depuis la décision du Conseil d’Etat du 15 mai 2009, les différentes décisions juridictionnelles de 2009 et 2010 ont rejeté les requêtes de la CDMT Postes. Par ailleurs, M. Pinto a engagé de multiples procédures sur son cas. Le Tribunal administratif de Fort-de-France a, dans une décision du 13 janvier 2010, rejeté la requête en référé de M. Pinto, considérant que la condition d’urgence, au sens de l’article L.521-1 du Code de justice administrative, n’était pas remplie. Par ailleurs, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), autorité administrative indépendante saisie par M. Pinto, a décidé de clore le dossier et en a informé la CDMT-Postes dans un courrier du 5 mars 2010, ne considérant pas établis les faits de discrimination antisyndicale invoqués. Enfin, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, dans une décision du 11 mai 2010, rejeté la requête de M. Pinto d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Fort-de-France du 5 février 2009 rejetant ses demandes dirigées contre les deux décisions de sanction disciplinaire le frappant.
  14. 508. En conclusion, le gouvernement considère que son arsenal juridique est suffisant pour respecter les normes de l’Organisation internationale du Travail et pour mettre fin à toute situation susceptible d’être regardée comme restrictive de la liberté syndicale ou comme discriminatoire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 509. Le comité note que la plainte porte sur des allégations de refus par la direction de l’entreprise La Poste (ci-après «l’entreprise») de reconnaître la représentativité du Syndicat CDMT-Postes et de lui permettre ainsi d’exercer ses activités au sein de l’entreprise ainsi que des allégations de discrimination antisyndicale à l’encontre du secrétaire général du syndicat.
  2. 510. S’agissant des allégations relatives au refus de la direction de l’entreprise de reconnaître la représentativité de la CDMT-Postes et de lui permettre d’exercer ses activités dans ses locaux, le comité note que, selon les organisations plaignantes, le Syndicat CDMT-PTT existait depuis 1979 au sein de l’entreprise et qu’il a été renommé «la CDMT-Postes» en février 2008 sous la direction d’un secrétaire général, M. Hervé Pinto. Le comité note que l’entreprise avait, via la conclusion d’un accord-cadre relatif à l’exercice du droit syndical du 27 janvier 2006, limité l’exercice des droits syndicaux en son sein aux seules organisations représentatives, à savoir celles ayant recueilli au moins 10 pour cent de suffrages aux élections professionnelles. Or la CDMT-Postes, qui venait de se reconstituer, n’avait pas encore participé à la moindre élection et ne pouvait donc se prévaloir d’être une organisation représentative dans l’entreprise. En conséquence, la CDMT-Postes dénonce avoir été tenue à l’écart des réunions entre la direction et les partenaires sociaux et des réunions d’organisation. En réponse à ses demandes d’explications, la direction de l’entreprise a invariablement opposé le fait que le syndicat ne peut être considéré comme représentatif et qu’il ne peut en conséquence bénéficier des avantages et prérogatives reconnus aux syndicats considérés comme tels, notamment l’accès aux bureaux de l’entreprise et aux services postaux.
  3. 511. Le comité note que le syndicat a saisi les juridictions administratives (juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France ou encore bureau des référés du Conseil d’Etat) qui ont toujours rejeté les recours au motif de l’existence de l’accord-cadre du 27 janvier 2006 et d’un défaut d’urgence à agir. Cependant, le comité observe que, dans un arrêt en date du 15 mai 2009, le Conseil d’Etat a finalement annulé, dans son ensemble, l’accord-cadre du 27 janvier 2006 (CE, 15 mai 2009, Fédération CNT-PTT). Le comité note que, selon les organisations plaignantes, la CDMT-Postes a demandé sans succès à la direction de l’entreprise de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’Etat.
  4. 512. Le comité note que, selon le gouvernement, l’entreprise était soumise au décret no 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique. En outre, l’entreprise et plusieurs organisations syndicales avaient conclu, le 27 janvier 2006, un accord-cadre précisant les modalités d’exercice du droit syndical et de répartition des moyens alloués aux organisations syndicales représentatives. Toutefois, le gouvernement confirme que cet accord-cadre a été annulé en totalité par l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 mai 2009. Désormais, le dispositif applicable aux personnels de l’entreprise est la loi no 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social. Cette loi offre ainsi des droits nouveaux et garanties supplémentaires à l’exercice des droits syndicaux dans le secteur public et une protection complémentaire contre les risques de discrimination antisyndicale.
  5. 513. Enfin, le comité note que le gouvernement souligne que les droits reconnus à une organisation syndicale légalement constituée ne se confondent pas avec les prérogatives découlant de la représentativité. D’une part, l’absence de représentativité d’un syndicat ne remet nullement en cause son existence ainsi que les droits qui en découlent et, d’autre part, la représentativité d’un syndicat s’analyse comme une aptitude et non un droit.
  6. 514. Tout en accueillant favorablement la position du gouvernement et le nouveau cadre régissant désormais les activités des syndicats au sein de l’entreprise, le comité note toutefois que les organisations plaignantes font encore état, trois ans après et documents à l’appui, d’obstacles de la part de l’entreprise au libre exercice des activités syndicales de la CDMT-Postes. Le comité rappelle, en ce qui concerne les facilités à accorder aux représentants des travailleurs, que la convention no 135 (ratifiée par la France) demande que des facilités soient accordées dans l’entreprise aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions, et ce sans entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. A cet égard, les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation. Les représentants syndicaux qui ne sont pas employés dans une entreprise, mais dont le syndicat compte des membres parmi son personnel, devraient avoir accès à celle-ci. L’octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1098, 1104 et 1105.] En outre, l’octroi de facilités aux représentants des travailleurs peut également inclure, entre autres, l’octroi de temps libre. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que, conformément à la réglementation en vigueur, la CDMT-Postes puisse bénéficier des mêmes facilités accordées aux autres organisations syndicales légalement constituées, notamment la liberté d’accès aux locaux et à ses membres et d’organisation de réunions. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations aux allégations faisant état d’obstacles de la part de l’entreprise au libre exercice des activités de la CDMT-Postes.
  7. 515. Le comité note les allégations de l’organisation plaignante concernant les élections aux comités techniques tenues en octobre 2011, où la CDMT-Postes aurait recueilli plus de 10 pour cent des suffrages dans deux établissements (FDF-CTC et FDF-PDC1), et le refus de la direction de reconnaître la représentativité du syndicat dans ces établissements. Le comité relève, d’après les procès-verbaux de dépouillement communiqués par l’organisation plaignante, que la liste commune CDMT-Postes/FNSA-PTT a obtenu un total de deux sièges (sur 47 au total répartis entre dix listes de syndicats). Relevant en outre les protestations de la CDMT-Postes sur les modalités de répartition des sièges à l’issue du scrutin, le comité prie le gouvernement d’indiquer si la CDMT-Postes a la possibilité de participer aux réunions des comités techniques dans les établissements où elle a obtenu la représentativité requise par le suffrage des travailleurs.
  8. 516. S’agissant des allégations de discrimination antisyndicale à l’encontre du secrétaire général de la CDMT-Postes, le comité relève l’indication des organisations plaignantes selon laquelle c’est en sa qualité d’encadrant, mais également de dirigeant syndical, que ce dernier a interpellé sa hiérarchie sur les besoins d’améliorer la sécurité et l’hygiène dans son environnement de travail. Le comité observe que M. Pinto a toujours dénoncé le fait qu’il faisait l’objet de sanctions en raison de ses activités syndicales dans son argumentation devant les conseils de discipline et les juridictions saisies et qu’il a ainsi systématiquement rejeté les motifs avancés concernant son comportement envers ses collaborateurs et sa hiérarchie.
  9. 517. Le comité note que, par une décision du 14 novembre 2011, le Tribunal administratif de Fort-de-France a annulé la décision d’exclusion temporaire de fonctions prise à l’encontre de M. Pinto par le conseil central de discipline. Il note que M. Pinto a saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux pour confirmer le jugement de première instance, mais également pour juger que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis. Le comité observe que la Cour administrative d’appel a confirmé le jugement de première instance invalidant la décision du conseil de discipline pour des motifs de forme. Cependant, la Cour administrative d’appel a refusé de juger que M. Pinto a été sanctionné pour ses activités syndicales en considérant qu’il ne lui appartenait pas d’examiner si les faits reprochés à M. Pinto étaient établis.
  10. 518. Le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles M. Pinto a engagé de multiples procédures sur son cas personnel. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), autorité administrative indépendante saisie par M. Pinto, a décidé de clore le dossier et en a informé la CDMT-Postes dans un courrier du 5 mars 2010, ne considérant pas établis les faits de discrimination antisyndicale invoqués. Enfin, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a, dans une décision du 11 mai 2010, rejeté la requête de M. Pinto d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Fort-de-France du 5 février 2009 rejetant ses demandes dirigées contre les deux décisions de sanction disciplinaire le frappant.
  11. 519. En outre, le comité note avec regret qu’en décembre 2011, suivant sa réintégration, l’entreprise a de nouveau notifié M. Pinto d’une décision de suspension de deux années. Tout en observant avec regret que, compte tenu des circonstances, une décision de cette nature prise si promptement ne contribue pas à instaurer des relations apaisées au sein de l’entreprise, le comité a pris note des motifs avancés pour une telle décision qui reprennent intégralement ceux ayant motivé la décision de suspension précédente, à savoir le comportement inapproprié de M. Pinto dans le cadre de ses fonctions.
  12. 520. De manière plus générale, le comité prend note des nombreux éléments d’information soumis à son analyse relatifs aux mesures disciplinaires à l’encontre de M. Pinto. Les échanges de notes au sein de l’entreprise entre M. Pinto et sa hiérarchie révèlent des difficultés à communiquer sereinement; les appréciations de la hiérarchie sur le travail d’encadrement de M. Pinto sont centrées sur ses tâches et les manquements et ne font pas mention de sa fonction syndicale, à l’exception d’une allusion; les débats au sein du Conseil central de discipline en septembre 2008 révèlent cependant des avis divergents entre les représentants du personnel et de l’entreprise sur la relation entre les sanctions et sa fonction syndicale, mais une majorité considère qu’un effort est à faire dans sa relation avec l’entourage de travail; M. Pinto a saisi un grand nombre de juridictions et d’instances d’appel; or aucune des juridictions saisies n’a retenu sa fonction syndicale comme motif des sanctions prononcées; la HALDE n’a pas donné suite à son recours. En conséquence, le comité ne peut conclure, sur la base de ces constats, que M. Pinto a fait l’objet de mesures disciplinaires en raison de ses activités syndicales.
  13. 521. Enfin, le comité note avec préoccupation les récentes allégations concernant l’intervention violente des forces de l’ordre en juin 2013 lors d’une manifestation pacifique de la CDMT Postes à l’occasion de la visite du Premier ministre et l’agression dont aurait été victime M. Pinto. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 522. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que, conformément à la réglementation en vigueur, la CDMT-Postes puisse bénéficier des mêmes facilités accordées aux autres organisations syndicales légalement constituées en activité dans l’entreprise, notamment la liberté d’accès aux locaux et à ses membres et d’organisation de réunions. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations aux allégations faisant état d’obstacles de la part de l’entreprise au libre exercice des activités de la CDMT-Postes.
    • b) S’agissant de la reconnaissance de la représentativité syndicale à l’issue des élections aux comités techniques tenues en octobre 2011, le comité prie le gouvernement d’indiquer si la CDMT-Postes a la possibilité de participer aux réunions des comités techniques dans les établissements où elle a obtenu la représentativité requise par le suffrage des travailleurs.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations concernant les allégations d’agression du secrétaire général de la CDMT-Postes au cours d’une manifestation pacifique en juin 2013.
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