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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO370, October 2013

CASE_NUMBER 2983 (Canada) - COMPLAINT_DATE: 27-AUG-12 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que la loi sur la protection des services aériens enfreint les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective des travailleurs du transport aérien en imposant la prorogation d’une convention collective, en interdisant des grèves, en imposant le recours à l’arbitrage des offres finales, en exigeant qu’un tel arbitrage soit fondé sur des critères législatifs prédéterminés, en forçant les syndicats à acquitter les frais d’arbitrage obligatoire et en imposant des sanctions punitives à l’AIMTA (et à l’Association des pilotes d’Air Canada) et à leurs représentants pour non-respect de la loi

  1. 227. La plainte figure dans une communication de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) en date du 27 août 2012. Dans une communication en date du 9 août 2012, le Congrès du travail du Canada (CTC) s’est associé à la plainte.
  2. 228. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 8 mai 2013.
  3. 229. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 230. Dans sa communication en date du 27 août 2012, l’AIMTA, une organisation affiliée au CTC, explique qu’elle représente plus de 40 000 travailleurs canadiens, dont plus de 8 000 employés d’Air Canada. L’AIMTA allègue que la loi sur la protection des services aériens (projet de loi C-33 intitulé «Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens») enfreint les droits de liberté syndicale et de convention collective. L’AIMTA souligne que, en tant que Membre de l’OIT, le Canada est tenu de se conformer à la Constitution de l’OIT, qui reconnaît le principe de la liberté syndicale. Bien qu’il n’ait pas encore ratifié la convention no 98, le Canada est également tenu de se conformer aux principes des droits fondamentaux garantis par cet instrument. Le Canada a ratifié la convention no 87, laquelle, selon l’AIMTA, protège le droit de grève. L’AIMTA estime que, en vertu des articles 3 et 10 de la convention, l’interdiction de grèves empêche les syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs et le droit des syndicats d’organiser librement leurs activités.
  2. 231. L’AIMTA explique que la loi sur la protection des services aériens a été déposée au Parlement le 12 mars 2012 et, après approbation par la Chambre des communes et le Sénat, elle a été adoptée le 15 mars 2012. L’organisation plaignante allègue que cette loi enfreint la liberté d’association et les principes du droit à la négociation collective pour deux groupes particuliers d’employés d’Air Canada: les employés du groupe Exploitation technique, entretien et soutien opérationnel, représentés par l’AIMTA; et les pilotes, représentés par l’Association des pilotes d’Air Canada (APAC). Elle allègue que la loi nie expressément la liberté d’association et le droit de négociation collective en imposant la prorogation de conventions collectives, en interdisant des grèves par ailleurs légales, en imposant le recours à l’arbitrage des offres finales, en exigeant que l’arbitrage soit fondé sur des critères législatifs prédéterminés, en forçant les syndicats à acquitter les frais d’arbitrage obligatoire et en imposant des sanctions punitives à l’AIMTA (et à l’APAC) et à leurs représentants pour non-respect de la loi.
  3. 232. Le syndicat affirme, en particulier, que la loi force unilatéralement et obligatoirement les travailleurs à continuer «ou reprendre sans délai … leur travail» (alinéa 6(b) de la loi). Elle impose également au syndicat l’obligation d’informer les employés de la nécessité de reprendre le travail. L’article 8 de la loi stipule à cet égard:
    • 8. Le syndicat ainsi que ses dirigeants et représentants sont tenus:
      • (a) dès l’entrée en vigueur de la présente loi, d’informer sans délai les employés que, en raison de cette entrée en vigueur, la prestation des services aériens doit continuer ou reprendre, selon le cas, et qu’ils doivent continuer ou reprendre sans délai leur travail lorsqu’on le leur demande;
      • (b) de prendre toutes les mesures raisonnables pour garantir le respect de l’alinéa 6(b) par les employés;
      • (c) de s’abstenir de tout comportement pouvant inciter les employés à ne pas se conformer à l’alinéa 6(b).
  4. 233. En outre, l’article 9 de la loi impose la prorogation de la convention collective en vigueur contre le gré de l’une des parties:
    • 9(1) La convention collective est prorogée à compter du 1er avril 2011 jusqu’à la prise d’effet de la nouvelle convention collective à intervenir entre l’employeur et le syndicat.
    • (2) Malgré toute disposition de la convention collective ou de la partie I du Code canadien du travail, la convention collective prorogée par le paragraphe (1) a effet et lie les parties pour la durée de la prorogation. Cette partie s’applique toutefois à la convention ainsi prorogée comme si cette durée était celle de la convention collective.
  5. Par ailleurs, la loi déclare illégal le droit de grève:
    • 10. Pendant la durée de la convention collective prorogée par le paragraphe 9(1), il est interdit: …
      • (b) au syndicat ainsi qu’à ses dirigeants et représentants de déclarer ou d’autoriser une grève à l’égard de l’employeur;
      • (c) aux employés de participer à une grève à l’égard de l’employeur.
  6. 234. L’AIMTA souligne que les travailleurs du transport aérien qui sont assujettis à la loi n’appartiennent à aucune catégorie de travailleurs dont le droit de grève puisse être restreint: ils sont non pas des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, mais des employés du secteur privé; ils ne fournissent pas non plus de services rentrant dans la définition de services essentiels. Invoquant le Recueil de décisions du comité, l’AIMTA indique que l’interruption des services par ces travailleurs ne risquerait pas «de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans l’ensemble ou dans une partie de la population» et que les travailleurs des transports et les pilotes de ligne ne rentrent pas dans la définition de services essentiels. L’AIMTA souligne en outre que les services ferroviaires, qui sont très analogues aux services aériens, sont également exclus de la définition de services essentiels. Par ailleurs, selon l’organisation plaignante, une grève des travailleurs en question n’engendrerait ni n’aggraverait une situation d’urgence nationale. Elle estime en outre que, contrairement aux affirmations du gouvernement, une grève des travailleurs ne causerait pas un désordre économique tel qu’il équivaudrait à une «situation d’urgence nationale». Air Canada opère dans un secteur du transport aérien compétitif; là où ses employés exercent leur droit fondamental de faire grève, il y a une multitude d’autres transporteurs aériens que les passagers peuvent utiliser. La dernière grève de l’AIMTA, en 1987, a entraîné la fermeture de la compagnie pendant dix-sept jours, sans répercussions spectaculaires sur l’économie. A cette époque, la présence et la part du marché de la compagnie dans le secteur canadien du transport aérien étaient beaucoup plus importantes qu’aujourd’hui.
  7. 235. L’AIMTA allègue en outre que la loi porte atteinte à la liberté syndicale et au droit de négociation collective en prévoyant un arbitrage obligatoire, sans égards à la volonté des parties. L’organisation plaignante fait référence, en particulier, à l’article 11 qui prévoit un arbitrage obligatoire requérant de chaque partie la présentation d’une offre finale concernant les questions faisant toujours l’objet d’un différend et requérant de l’arbitre le choix d’une offre pour régler les questions en suspens. Selon l’organisation plaignante, l’article 11 empêche les parties de choisir un arbitre, en investissant le pouvoir de nomination au ministre du Travail. En outre, selon l’AIMTA, le paragraphe 14(2) de la loi limite sérieusement le pouvoir de décision de l’arbitre en énonçant des critères préétablis que l’arbitre doit prendre en compte pour choisir l’offre qui deviendra la convention collective imposée unilatéralement. Les parties sont alors tenues d’acquitter les frais d’arbitrage obligatoire. L’AIMTA souligne que le Recueil de décisions du comité fait effectivement référence aux cas où les coûts sont à la charge des parties, mais ces cas supposent un arbitrage «volontaire» et se distinguent de la loi en question, qui rend l’arbitrage obligatoire et qui donne au gouvernement le pouvoir de nommer l’arbitre. L’AIMTA estime que les extraits suivants de la loi suscitent des préoccupations concernant la liberté syndicale et le droit de négociation collective:
    • 11. Le ministre nomme à titre d’arbitre des offres finales la personne qu’il juge qualifiée.
    • 14(1) Sous réserve de l’article 16, dans les quatre-vingt-dix jours suivant sa nomination ou dans le délai supérieur que peut lui accorder le ministre, l’arbitre:
      • (a) détermine les questions qui, à la date fixée pour l’application de l’alinéa 13(1)(a), faisaient l’objet d’une entente entre l’employeur et le syndicat;
      • (b) détermine les questions qui, à cette date, faisaient toujours l’objet d’un différend;
      • (c) choisit, pour régler les questions qui font toujours l’objet d’un différend, soit l’offre finale de l’employeur, soit celle du syndicat;
      • (d) rend une décision sur les questions visées au présent paragraphe et en transmet une copie au ministre ainsi qu’à l’employeur et au syndicat.
    • (2) Pour choisir l’offre finale, l’arbitre tient compte de l’accord de principe que l’employeur et le syndicat ont conclu le 10 février 2012 et du rapport du commissaire-conciliateur mis à la disposition des parties et daté du 22 février 2012, et se fonde sur la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles d’autres transporteurs aériens et qui fourniront à l’employeur la souplesse nécessaire:
      • (a) à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long terme;
      • (b) à la viabilité de son régime de pension, compte tenu de ses contraintes financières à court terme.
    • (3) Si l’une des parties – employeur ou syndicat – ne remet pas à l’arbitre son offre finale en conformité avec l’alinéa 13(1)(c), celui-ci est tenu de choisir celle de l’autre partie.
    • (4) La décision de l’arbitre est rédigée de façon à pouvoir servir de nouvelle convention collective entre l’employeur et le syndicat; elle incorpore, dans la mesure du possible, le libellé mentionné à l’alinéa 13(1)(a) et celui de l’offre finale que l’arbitre choisit.
    • 15. Il n’est admis aucun recours ou aucune décision judiciaire visant:
      • (a) soit à contester la nomination de l’arbitre;
      • (b) soit à réviser, empêcher ou limiter toute action ou décision de celui-ci.
    • 17(1) Malgré la partie I du Code canadien du travail, la décision de l’arbitre tient lieu de nouvelle convention collective entre l’employeur et le syndicat qui prend effet et lie les parties à compter de la date à laquelle la décision est rendue. Cette partie s’applique toutefois à la nouvelle convention comme si elle avait été conclue sous son régime.
    • (2) La nouvelle convention collective peut prévoir que telle de ses dispositions prend effet et lie les parties à compter d’une date antérieure ou postérieure à celle à laquelle elle prend effet et lie les parties.
    • (3) La présente partie n’a pas pour effet de restreindre le droit des parties de s’entendre pour modifier toute disposition de la nouvelle convention collective, à l’exception de sa durée, et pour donner effet à la modification.
    • 33. Tous les frais que Sa Majesté du chef du Canada engage à l’occasion de la nomination d’un arbitre et de l’exercice des attributions que confère à celui-ci la présente loi sont des créances de Sa Majesté recouvrables à ce titre devant toute juridiction compétente, à parts égales, dans le cas de la partie 1, auprès de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale et de l’employeur et, dans le cas de la partie 2, auprès de l’Association des pilotes d’Air Canada et de l’employeur.
  8. L’organisation plaignante souligne que, dans sa décision (jointe à la plainte), l’arbitre adopte la position de l’employeur. Dans un communiqué de presse, l’AIMTA a commenté la décision arbitrale en ces termes: «La façon dont la loi a été rédigée … ne laissait que peu ou pas de marge de manœuvre à l’arbitre pour en arriver à une décision autre que celle qu’il a rendue…»
  9. 236. Enfin, l’organisation plaignante considère que les pénalités imposées pour violation de la loi sont discriminatoires à l’endroit des représentants syndicaux et constituent en elles-mêmes une atteinte à la liberté syndicale et au droit de négociation collective. Elle explique à cet égard que, outre de lourdes amendes, des amendes encore plus lourdes sont infligées à quiconque agit à titre de représentant de l’AIMTA ou de l’APAC. L’article 34 stipule en la matière:
    • 34(1) Le particulier qui contrevient à la présente loi est coupable d’une infraction punissable par procédure sommaire et encourt, pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l’infraction:
      • (a) une amende maximale de 50 000 $, dans le cas d’un dirigeant ou d’un représentant de l’employeur, de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale ou de l’Association des pilotes d’Air Canada qui agit dans l’exercice de ses fonctions au moment de la perpétration;
      • (b) une amende maximale de 1 000 $, dans les autres cas.
    • (2) L’employeur, s’il contrevient à la présente loi, ou l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale ou l’Association des pilotes d’Air Canada, si elle contrevient à la présente loi, est coupable d’une infraction punissable par procédure sommaire et encourt, pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l’infraction, une amende maximale de 100 000 $.
    • 36. En cas de défaut de paiement de l’amende infligée pour une infraction prévue à l’article 34, le poursuivant peut, en déposant la déclaration de culpabilité auprès de la cour supérieure de la province où le procès a eu lieu, faire homologuer la décision relative à l’amende, y compris les dépens éventuels; l’exécution se fait dès lors comme s’il s’agissait d’un jugement rendu contre la personne par le même tribunal en matière civile.
  10. L’AIMTA considère que le fait de punir les travailleurs pour avoir déclenché une grève par ailleurs légale porte atteinte aux droits fondamentaux; elle juge préoccupant que la loi mentionne expressément l’AIMTA et le syndicat des pilotes et les représentants des syndicats, et les rendent passibles d’amendes encore plus lourdes.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 237. Dans sa communication en date du 8 mai 2013, le gouvernement fournit un complément d’information sur le régime juridique canadien de négociation collective, présente un profil d’Air Canada et de sa position dans le secteur du transport aérien dans le pays, ainsi qu’un survol de l’histoire récente de la négociation collective dans l’entreprise, dont les conflits du travail de 2011-12. Il décrit ensuite le contexte économique à l’époque du conflit et évoque les conséquences d’un arrêt de travail et la nécessité d’adopter la loi sur la protection des services aériens en tant que mesure exceptionnelle requise pour protéger l’économie et la population.

    Le régime juridique canadien de négociation collective

  1. 238. Au Canada, la responsabilité de la réglementation des questions concernant le travail est répartie aux termes de la Constitution entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. La majorité de la population active canadienne, qui s’élève à environ 19 millions de personnes, est assujettie à tout un ensemble de lois provinciales sur le travail qui régissent des activités intraprovinciales comme la fabrication, le commerce, l’emploi provincial et municipal. Bien que seulement 6 pour cent de la population active relève de la compétence fédérale, la nature essentielle de l’infrastructure et d’autres secteurs d’activité relevant de la compétence fédérale a une importance capitale pour l’économie canadienne. Les secteurs d’activité qui sont assujettis aux lois fédérales régissant les relations professionnelles dans le secteur privé sont notamment: le transport international et interprovincial terrestre et maritime, y compris par chemin de fer, bateau, camion et autocar; les aéroports et les compagnies aériennes; les communications et la radiodiffusion, dont les télécommunications, la radiodiffusion et la télédiffusion; les banques à charte fédérale; les activités portuaires et le secteur du débardage; les sociétés d’Etat et les entreprises que le Parlement a déclarées d’intérêt national pour le Canada, comme les installations de manutention des grains et les entreprises d’extraction de l’uranium. La partie I du Code canadien du travail est le texte législatif qui régit les employés travaillant dans ces secteurs d’activité. Actuellement, environ 800 000 employés sont assujettis à la partie I du code. Le ministre du Travail est responsable devant le Parlement de l’application du code.
  2. 239. Le Service fédéral de médiation et de conciliation (SFMC), qui relève du Programme du travail de ressources humaines et développement des compétences Canada (RHDCC), applique les dispositions du code relatives au règlement des conflits. Les procédures englobent toutes les fonctions de conciliation et de médiation prévues par la loi. Un agent conciliateur est chargé de favoriser l’établissement de relations harmonieuses entre les syndicats et les employeurs en offrant son aide dans le cadre de la négociation et du renouvellement des conventions collectives et de la gestion des relations qui découlent de leur mise en œuvre. En outre, le SFMC mène à bien des programmes de médiation préventive et de médiation des différends non prescrits par la loi. Le Conseil canadien des relations industrielles est responsable, quant à lui, des aspects quasi judiciaires de l’application des dispositions du code.
  3. 240. La partie I du code établit le cadre général suivant pour la négociation collective dans les entreprises du secteur privé sous réglementation fédérale:
    • (1) Des droits de négociation exclusifs sont accordés aux agents négociateurs représentant les employés dans une unité de négociation donnée, généralement sous réserve d’obtenir l’appui de la majorité. Le Conseil canadien des relations industrielles vérifie l’accréditation des agents négociateurs et les questions relatives à l’appui des membres. En outre, le conseil se prononce sur des points tels que l’habileté à négocier collectivement et la structure de l’unité de négociation, et peut trancher des questions relatives au statut d’employé ou aux exclusions. La reconnaissance volontaire des agents négociateurs et des unités qu’ils représentent est également permise.
      • (a) Statut du syndicat: Pour être accrédité, un syndicat requérant doit démontrer qu’il a le statut de syndicat. Le conseil requiert généralement qu’une association d’employés requérante démontre qu’elle est une organisation constituée aux fins de négociation collective et qu’elle a adopté des statuts et règlements prévoyant l’élection de dirigeants. L’association doit également être exempte de toute ingérence ou domination de l’employeur. Une fois reconnu par le conseil, un syndicat n’a pas à redémontrer son statut dans des demandes ultérieures, bien que son accréditation puisse être révoquée s’il est établi qu’il est dominé par l’employeur.
      • (b) Accréditation: Une fois que son statut est établi, le syndicat requérant doit démontrer qu’il représente la majorité des employés de l’unité de négociation que le conseil juge habilitée à négocier collectivement.
      • (c) Révocation et tentatives de prise de contrôle: Pendant des périodes déterminées, l’accréditation peut être révoquée, à la demande de la majorité des employés de l’unité de négociation, ou un syndicat concurrent peut supplanter l’agent négociateur en présentant une demande au conseil et en démontrant qu’il représente la majorité des employés de l’unité.
      • (d) Unités de négociation: Le conseil a compétence exclusive pour établir que l’unité est habilitée à négocier collectivement. La nature du secteur d’activité, l’organisation de l’entreprise, les compétences des employés et les groupes professionnels auxquels ils appartiennent sont autant de facteurs pris en considération. Géographiquement, l’unité de négociation qui en résulte peut désigner un seul établissement de l’employeur, ou englober plusieurs établissements de l’employeur dans une zone municipale, provinciale ou régionale, ou tous les établissements de l’employeur dans le pays.
    • (2) Les agents négociateurs et les employeurs ont le devoir de se rencontrer et de négocier de bonne foi et de faire tous les efforts raisonnables requis pour conclure une convention collective. Le conseil peut se prononcer sur des allégations pour défaut de négocier de bonne foi.
    • (3) Les conventions doivent être d’une durée déterminée d’au moins un an.
    • (4) Les grèves et lock-out sont interdits pendant la durée d’une convention. Lorsqu’une grève ou un lock-out se produit effectivement pendant la durée d’une convention, le syndicat ou l’employeur peut demander au conseil d’émettre une ordonnance déclarant l’arrêt de travail illégal et exigeant la reprise immédiate des activités normales.
    • (5) Un avis de négociation en vue de la reconduction et de la révision de la convention collective existante peut être signifié par l’une ou l’autre des parties à la négociation dans les quatre mois précédant immédiatement sa date d’expiration.
    • (6) Si les parties à la négociation ne parviennent pas à conclure ou à reconduire leur convention collective, l’une ou l’autre peut en informer le ministre en lui envoyant un avis de différend. Le ministre peut alors nommer un conciliateur, un commissaire ou une commission de conciliation. Le ministre peut également aviser les parties par écrit de son intention de s’abstenir de procéder à aucune des mesures précitées.
    • (7) Le ministre peut à tout moment nommer un médiateur chargé d’aider les parties à régler leur différend. Une telle nomination ne change en rien l’acquisition de droits de grève ou de lock-out.
    • (8) Au cours d’une grève ou d’un lock-out, le syndicat et les employés de l’unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités – prestation de services, fonctionnement d’installations ou production d’articles – dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public. Le code énonce les dispositions relatives à la négociation de cette entente de maintien de services et à la résolution de questions liées à son contenu.
  4. 241. Le gouvernement indique qu’en 2011, lorsque la ministre du Travail recevait un avis de différend et que le SFMC était chargé d’offrir son aide aux parties, les différends liés à la négociation collective étaient résolus sans arrêt de travail dans près de 94 pour cent des cas.

    Profil du transport aérien et d’Air Canada

  1. 242. Le Canada est le deuxième plus grand pays au monde. Il s’étend sur six fuseaux horaires. Son secteur du transport aérien est défini par les caractéristiques uniques du marché canadien: les plaques tournantes multiples; les grandes distances entre des populations clairsemées; les hivers rigoureux qui incitent les gens à prendre des vacances dans le sud; l’importance du réseau de transport aérien dans le nord; la nature saisonnière des déplacements; le climat et la proximité de l’un des plus grands marchés du monde, soit les Etats-Unis. Le Canada compte un certain nombre de transporteurs aériens internationaux, dont Air Canada, et de plus petits transporteurs régionaux et des transporteurs de fret. Le secteur canadien du transport aérien peut compter sur ses 1 889 aérodromes, dont 26 aéroports qui font partie du Réseau national d’aéroports (RNA); 570 aéroports certifiés, héliports et hydroaérodromes qui accueillent des vols réguliers et non réguliers; 1 297 aéroports enregistrés et 22 autres aérodromes. Les 26 aéroports du RNA accueillent environ 90 pour cent de tous les passagers réguliers et du fret au Canada, et ils revêtent une importance particulière pour les échanges commerciaux et le tourisme, en plus de contribuer à la prospérité nationale et à la compétitivité internationale. Le Canada compte par ailleurs de plus petits aérodromes enregistrés et certifiés et des héliports certifiés, dont certains desservent des localités inaccessibles par la route, là où le transport aérien est le seul moyen de transport accessible tout au long de l’année.
  2. 243. Le gouvernement indique qu’en 2011 le trafic passagers dans les aéroports canadiens a augmenté de 2,5 pour cent par rapport à 2010, pour atteindre un total de 78,4 millions de voyageurs. Au fil des ans, le trafic intérieur, transfrontalier (Canada-E.-U.) et le reste du trafic international ont augmenté de 2,4 pour cent, 1,6 pour cent et 0,4 pour cent, respectivement. Le fret aérien au Canada a augmenté de 9,2 pour cent en 2011 par rapport à 2010 pour atteindre 110 milliards de dollars (dollars canadiens ici et tout au long du texte), le volume de fret payant à destination et au départ des aéroports canadiens s’élevant à 739 tonnes, soit une baisse de 9,1 pour cent par rapport à l’année précédente. Pour ce qui est des résultats des transporteurs, la compagnie et ses filiales régionales ont transporté près de 34 millions de passagers et affiché en moyenne un coefficient de remplissage de 81,6 pour cent. Les transporteurs aériens de services réguliers et nolisés ont enregistré dans l’ensemble un coefficient de remplissage de 73 pour cent en 2011 comparativement à 74,1 pour cent en 2010.
  3. 244. Air Canada est de loin le plus important transporteur aérien du Canada et le plus grand fournisseur de services passagers réguliers sur le marché canadien, le marché transfrontalier et le marché international à destination et en provenance du Canada. La compagnie est le quinzième plus grand transporteur aérien mondial quant au nombre de passagers (chiffres de 2010) et a une flotte de 205 aéronefs, auxquels il faut ajouter 157 appareils exploités sous la raison sociale d’Air Canada Express. En 2011, elle a transporté près de 34 millions de passagers et a assuré des services passagers vers 180 destinations directes sur cinq continents. En moyenne, plus de 100 000 personnes par jour utilisent pour se déplacer cette compagnie ou l’un de ses partenaires régionaux. En 2011, la compagnie et d’autres transporteurs aériens régionaux opérant au nom d’Air Canada ou en vertu d’accords commerciaux sous le nom d’«Air Canada Express» ont effectué en moyenne 1 506 vols réguliers quotidiens vers 60 destinations au Canada, 57 destinations aux Etats-Unis et 63 destinations en Europe, dans la région du Pacifique, dans les Antilles, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Les vols intérieurs, transfrontaliers et internationaux correspondaient à environ 67 pour cent, 25 pour cent et 8 pour cent, respectivement, des 1 506 départs quotidiens moyens. En outre, Air Canada assure certains services passagers nolisés.
  4. 245. La compagnie a également une division de services de fret, Air Canada Cargo, qui fournit des services de fret directs vers plus de 150 destinations canadiennes, transfrontalières (Canada-E.-U.) et internationales et compte des représentants commerciaux dans plus de 50 pays. Air Canada Cargo est le plus important fournisseur de services de fret aérien au Canada en termes de capacité de chargement, qu’il assure sur les vols intérieurs et transfrontaliers (Canada-E.-U.) ainsi que sur les vols internationaux entre le Canada et les principaux marchés de l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique du Sud et de l’Australie.
  5. 246. Sur le plan financier, en 2011, la compagnie a déclaré une perte nette de 249 millions de dollars sur des revenus de 11,6 milliards de dollars. Son bénéfice avant intérêts, impôts sur les bénéfices, amortissement et loyers (BAIIAL) a été de 1,2 milliard de dollars et son bénéfice d’exploitation de 179 millions de dollars. En revanche, Chorus Aviation, la société mère de Jazz Aviation, a déclaré un bénéfice net de 68,1 millions de dollars sur des revenus de 1,7 milliard de dollars. Son BAIIAL a été de 38 millions de dollars et son bénéfice d’exploitation de 102 millions de dollars.
  6. 247. En outre, la compagnie est assujettie à des conditions de fonctionnement en vertu de la loi sur la participation publique au capital Air Canada qui ne sont pas imposées aux autres transporteurs aériens canadiens. Ainsi, cette loi prévoit des dispositions concernant l’emplacement de centres opérationnels et d’entretien et de révision et l’obligation de veiller à ce que les voyageurs puissent communiquer et recevoir des services dans l’une ou l’autre des langues officielles du Canada.

    Historique de la négociation collective à Air Canada

  1. 248. En 2011, l’effectif de la compagnie s’élevait à environ 26 000 employés (23 000 employés à temps plein et équivalents temps plein) dans l’ensemble du Canada. L’immense majorité des employés sont syndiqués et sont représentés par les syndicats suivants:
    • ■ Association des pilotes d’Air Canada (APAC);
    • ■ Canadian Air Line Dispatchers Association (CALDA) (Association canadienne des régulateurs de vols);
    • ■ Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l’automobile (TCA) représentant les préposés à l’affectation des équipages des opérations aériennes et les horairistes de trajets;
    • ■ Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada) représentant les agents de la billetterie et du service à la clientèle;
    • ■ Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) représentant les agents de bord;
    • ■ Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) représentant les employés du groupe Exploitation technique, entretien et soutien opérationnel (ATESO);
    • ■ AIMTA représentant les employés de bureau (agents financiers).
  2. 249. Depuis 1984, on a dénombré 35 arrêts de travail dans le secteur du transport aérien, dont six impliquant Air Canada. Dans cette dernière entreprise, le plus récent est survenu en juin 2011: les agents de la billetterie et du service à la clientèle ont fait grève pendant trois jours. Auparavant, le dernier arrêt de travail à Air Canada remonte à 1998, lorsque les pilotes ont fait grève pendant treize jours. Selon des analystes financiers, la compagnie a dû annuler ses vols, et l’arrêt de travail lui a fait perdre environ 300 millions de dollars. En revanche, en 1998, le Canada avait deux grandes compagnies intérieures: Air Canada et Lignes aériennes Canadian International Limited, de sorte que l’arrêt de travail a eu moins d’impact sur l’économie et sur les voyageurs. Lignes aériennes Canadian International Limited a cessé ses activités en 2001.
  3. 250. En 2003, la compagnie s’est placée sous la protection de la loi sur les faillites. Elle a demandé à être libérée de ses obligations contractuelles et a mis à pied environ 6 500 employés. Les conventions collectives en vigueur pour la période allant du 1er juin 2003 au 30 juin 2009 ont été renégociées sous la supervision d’un facilitateur nommé par le tribunal, et les coûts de main-d’œuvre ont été réduits de plus de 1,3 milliard de dollars. Les dispositions du régime de retraite et les prestations de retraite figuraient parmi les questions essentielles abordées lors de cette ronde de négociations. Les conventions collectives qui avaient expiré en juin 2009 contenaient une clause autorisant la réouverture des conventions en 2006 en vue de la négociation d’augmentations salariales. Les parties sont convenues de renvoyer l’affaire à un arbitrage exécutoire dans l’éventualité où un accord ne pourrait être conclu. Le 24 août 2006, un arbitre a rendu une décision accordant des augmentations salariales de 1 pour cent à compter de juillet 2006, de 1,75 pour cent à compter de juillet 2007 et de 1,75 pour cent à compter de juillet 2008 aux employés ATESO représentés par l’AIMTA.
  4. 251. En 2009, la compagnie a déclaré avoir de sérieuses difficultés financières et a semblé sur le point de requérir la protection de la loi sur les faillites pour une seconde fois en six ans. Les négociations collectives ont été accélérées, et la compagnie a demandé une prorogation de douze à vingt et un mois des conventions collectives existantes. Il s’agissait d’une condition préalable pour l’accès au financement qui permettrait à la compagnie de poursuivre ses activités et d’éviter une procédure de faillite. Les dispositions du régime de retraite et les prestations de retraite étaient des questions essentielles pour les deux parties. La compagnie a proposé l’exclusion de la question de la retraite du processus de négociation et un moratoire sur les cotisations au régime de retraite pour l’aider à conserver le régime de pension à prestations déterminées. Les syndicats de la compagnie cherchaient à récupérer certaines concessions en matière de salaires et d’avantages sociaux qu’ils avaient acceptées lors de la restructuration effectuée en 2003 pour éviter la faillite. La valeur des concessions était estimée à plus de 1 milliard de dollars.
  5. 252. Le 4 juin 2009, le ministre des Finances a annoncé que l’on avait demandé à l’honorable James Farley d’agir en qualité de médiateur auprès de la compagnie, de ses syndicats et de ses associations de retraités pour les aider à s’entendre sur un plan qui assurerait la viabilité du régime de pension. Le 17 juin 2009, la ministre du Travail a nommé un médiateur pour aider le juge Farley dans ses efforts en vue de la prorogation des conventions collectives. Avec l’assistance des médiateurs, les conventions collectives pour toutes les unités de négociation de l’entreprise, y compris les employés du groupe Exploitation technique, entretien et soutien opérationnel, ont été renouvelées pour vingt et un mois, et un moratoire temporaire sur la capitalisation du régime de retraite a été établi.
  6. 253. En 2011, l’entreprise a conclu des conventions collectives avec la majorité des syndicats représentant ses employés, à l’exception de trois agents négociateurs. En faisaient partie les employés ATESO représentés par l’AIMTA, dont la convention collective d’une unité de 8 193 employés expirée depuis le 31 mars 2011. Le groupe ATESO représenté par l’AIMTA est le plus grand groupe d’employés syndiqués dans l’entreprise. Ses employés sont responsables de l’entretien et de la révision de tous les appareils de l’entreprise basés à Vancouver, Winnipeg, Montréal et Toronto. Ils sont mécaniciens de révision majeure et de maintenance en ligne, mécaniciens d’automobiles, monteurs de machinerie, électriciens, inspecteurs et rédacteurs techniques. L’unité de négociation du groupe ATESO représenté par l’AIMTA inclut également les préposés à l’entretien cabine, préposés au nettoyage d’aéronefs, manutentionnaires de bagages et de fret, agents aux bagages et agents de fret, agents masse et centrage, instructeurs et planificateurs. Les membres de l’ATESO sont aussi responsables de tous les achats faits au nom de la compagnie aérienne et de la distribution des pièces et accessoires.
  7. 254. Le 21 mars 2011, le syndicat a signifié un avis de négociation à l’employeur en vue de la reconduction de la convention collective. Du 6 avril au 19 août 2011 et pendant le week end du 31 octobre 2011, les parties ont négocié directement. Les questions essentielles pour le syndicat étaient les salaires, les pauses déjeuner payées, les vacances, la souplesse des horaires et des heures de travail. Les modifications au régime de retraite et les salaires étaient les questions essentielles pour l’employeur. Après plusieurs mois de négociations directes, les parties ont abouti à une impasse.
  8. 255. Le 6 décembre 2011, le SFMC a reçu un avis de différend. Le 21 décembre 2011, la ministre du Travail a nommé l’ancienne juge Louise Otis commissaire-conciliatrice et l’a chargée d’aider les parties dans les négociations. Les 3, 4, 9-13, 16-21 janvier et du 30 janvier au 8 février 2012, la commissaire-conciliatrice a rencontré les parties. Le 10 février 2012, les parties ont conclu un accord de principe avec l’aide de cette dernière. L’accord a été soumis à un vote de ratification par les membres du syndicat. Le 19 février 2012, le processus de conciliation a été interrompu. Selon la commissaire-conciliatrice, bien que le processus ait été stressant et laborieux, l’accord de principe était l’aboutissement de négociations équitables et productives par des négociateurs compétents.
  9. 256. Le 22 février 2012, le syndicat a annoncé que ses membres avaient voté à 65,6 pour cent pour le rejet de l’accord de principe et à 78 pour cent en faveur de la grève. Le même jour, la commissaire-conciliatrice a présenté son rapport final à la ministre du Travail, et une copie du rapport a été envoyée aux parties le lendemain. La commissaire-conciliatrice a commenté le rejet de l’entente de principe par le syndicat en ces termes: «Compte tenu de la situation de chaque partie, l’entente de principe est raisonnable et équitable. Les négociations ont été menées avec diligence et compétence, mais nous sommes allés au bout du processus. Je ne recommande ni la reprise des négociations ni la nomination d’un médiateur. Dans la situation actuelle, j’estime que l’entente est satisfaisante.» Les parties avaient eu la possibilité, jusqu’à midi le 28 février 2012, d’examiner le rapport et de formuler leurs observations.
  10. 257. Les 5 et 6 mars 2012, des réunions de négociation ont eu lieu avec l’aide du SFMC. Le 6 mars 2012, le syndicat a émis un avis de grève indiquant que ses membres entameraient une grève légale le 12 mars 2012 à 00 h 01. Le 8 mars 2012, la ministre du Travail en a référé au Conseil canadien des relations industrielles pour qu’il se prononce sur la question de l’accord de maintien des activités, pour faire en sorte que la sécurité et la santé du public soient protégées dans l’éventualité d’un arrêt de travail.
  11. 258. Le 9 mars 2012, la ministre du Travail a inscrit le projet de loi C-33 intitulé «Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens» au Feuilleton du Parlement. Le 12 mars 2012, le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 14 mars, par le Sénat le 15 mars et a reçu la sanction royale ce même jour. La loi sur la protection des services aériens est entrée en vigueur le 16 mars 2012. Le projet de loi C-33 prévoyait le recours à l’arbitrage des offres finales comme mécanisme de règlement des différends. En vertu des dispositions de ce projet de loi, la ministre du Travail nommerait un arbitre en vue de la conclusion d’une convention collective. L’arbitre était chargé, dans un délai de quatre-vingt-dix jours ou le délai supérieur que peut lui accorder la ministre, de déterminer les questions faisant l’objet d’une entente entre l’employeur et le syndicat, et les questions restant en litige, de choisir, pour régler les questions qui font toujours l’objet d’un différend, soit l’offre finale de l’employeur, soit celle du syndicat et de rendre une décision sur la résolution des questions visées. Le projet de loi C-33 contenait une clause indiquant que rien n’empêchait l’employeur et le syndicat de conclure une nouvelle convention collective négociée à tout moment avant que l’arbitre ne rende une décision et, dans l’éventualité où ils le feraient, cela mettrait fin aux obligations de l’arbitre aux termes du projet de loi à compter de la date de l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective (art. 16).
  12. 259. Les 22 et 23 mars 2012, un certain nombre de bagagistes à l’aéroport international Pearson de Toronto et à l’aéroport international Montréal-Trudeau ont arrêté de travailler. La compagnie a demandé à l’arbitre nommé pour les parties, l’arbitre Teplitsky, d’émettre une ordonnance d’urgence de cessation et d’abstention afin de mettre fin à l’arrêt de travail prétendument illégal. Le 23 mars 2012, l’arbitre Teplitsky a émis une ordonnance de cessation et d’abstention, et tous les employés ont repris le travail. Le même jour, le Conseil canadien des relations industrielles a émis une ordonnance dans laquelle il jugeait que les actions des membres de l’AIMTA des 22 et 23 mars 2012 constituaient une grève illégale. Le 2 avril 2012, le syndicat a déposé une demande auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour que le projet de loi C-33 soit déclaré inconstitutionnel. L’affaire est en instance devant la cour.
  13. 260. Dans le cadre du processus de négociation et en prévision de la nomination par la ministre du Travail d’un arbitre conformément au projet de loi C-33, les parties ont conclu un mémorandum d’accord en date du 1er mai 2012 qui prévoyait dix jours de négociation à compter de la nomination d’un arbitre. Le 1er mai 2012, la ministre du Travail a nommé M. Michel G. Picher comme arbitre en vertu de l’article 11 de la loi sur la protection des services aériens, et les parties ont négocié du 8 au 22 mai avec l’aide de ce dernier en qualité de médiateur. Le 22 mai 2012, les parties ont annoncé qu’elles n’avaient pas réussi à parvenir à un accord et qu’elles optaient pour l’arbitrage. Conformément aux alinéas 14(2)(a) et (b) de la loi, pour choisir l’offre finale, l’arbitre devait tenir compte de l’accord de principe que l’employeur et le syndicat avaient conclu le 10 février 2012 et du rapport de la commissaire-conciliatrice daté du 22 février 2012, des conditions de travail dans d’autres compagnies aériennes, de la viabilité économique et de la compétitivité de l’employeur, et de la viabilité du régime de pension de l’employeur. Le 17 juin 2012, l’arbitre a rendu sa décision définitive et exécutoire. Tout en ayant choisi l’offre finale de l’employeur, l’arbitre indiquait dans sa décision que les membres du syndicat avaient obtenu non seulement la sécurité pour leur retraite, mais également des avantages supplémentaires à ceux qui avaient été négociés dans l’accord de principe initial non ratifié. La convention collective était prorogée pendant cinq ans et arrivera à expiration le 31 mars 2016.

    Contexte économique

  1. 261. Le gouvernement explique que, depuis la crise financière de 2007-08, l’économie mondiale a traversé une période de turbulence caractérisée par une récession majeure suivie d’une reprise déséquilibrée dont les effets se font sentir dans le monde entier à des degrés divers. Le gouvernement fait référence à une publication de l’OIT selon laquelle la crise financière mondiale a profondément affecté l’aviation civile et que ses répercussions sur ce secteur éclipsent celles du 11 septembre 2001 (Bureau international du Travail (2009), Sectoral coverage of the global economic crisis: The impact of the financial crisis on labour in the civil aviation industry). Les gouvernements et les banques centrales ont réagi au ralentissement par des mesures de relance budgétaires et monétaires sans précédent. Le Plan d’action économique du Canada, présenté le 27 janvier 2009, a été la réponse du gouvernement à la crise; il visait à protéger les emplois et les revenus en injectant 62 milliards de dollars dans l’économie. Dès 2010-11, les signes d’une modeste reprise globale sont apparus. Lorsqu’en mars 2011 l’AIMTA a signifié un avis de négociation à l’employeur, une reprise économique générale incertaine et fragile était en cours. En avril 2011, un rapport du Fonds monétaire international (FMI) indiquait que la reprise était en train de s’affermir, mais que le chômage demeurait élevé dans les économies avancées et que de nouveaux risques macroéconomiques apparaissaient dans les économies de marché émergentes. Les conditions financières continuaient de s’améliorer bien qu’elles demeuraient anormalement fragiles. Toutefois, seulement six mois plus tard, le FMI avertissait que l’économie mondiale était entrée dans une nouvelle phase dangereuse: une récession à double creux était à craindre.
  2. 262. Dans ses projections budgétaires et économiques de novembre 2011, le ministère des Finances a souligné que, même si le Canada avait mieux résisté à la récession mondiale que la plupart des autres pays industrialisés, l’économie mondiale avait ralenti et l’incertitude entourant les perspectives à court terme avait considérablement augmenté. Le Canada n’était pas à l’abri de ce changement de contexte mondial. Les économistes du secteur privé avaient revu à la baisse leurs prévisions de croissance de l’économie canadienne depuis le budget de 2011, particulièrement pour 2011 et 2012. On prévoyait maintenant que le produit intérieur brut (PIB) réel croîtrait de 2,2 pour cent en 2011 et de 2,1 pour cent en 2012. En outre, la détérioration de la situation économique mondiale avait commencé à influer sur l’emploi au Canada, dont le niveau est demeuré presque inchangé, à 7,3 pour cent, depuis juillet 2011.
  3. 263. En novembre 2011, le gouvernement a annoncé qu’il poursuivrait la mise en œuvre de la phase suivante de son Plan d’action économique à l’appui des emplois et de la croissance économique. En outre, il a annoncé des mesures visant à réduire la hausse potentielle maximale du taux de cotisation de l’assurance-emploi en 2012 et à prolonger temporairement la bonification du Programme de travail partagé. Le gouvernement était disposé à soutenir l’emploi et la croissance de manière souple et mesurée, tout en continuant d’appliquer son plan de réduction du déficit afin de réaliser des économies annuelles d’au moins 4 milliards de dollars d’ici à 2014-15.

    Conséquences d’un arrêt de travail

  1. 264. Compte tenu du contexte économique canadien et mondial incertain, un arrêt de travail aurait été lourd de conséquences non seulement pour les activités et la viabilité à long terme de l’entreprise, mais également pour l’économie nationale, pour les partenaires de l’entreprise, pour les voyageurs et pour les Canadiens vivant dans des régions éloignées. La portée du travail fourni par les employés représentés par l’AIMTA, plus particulièrement les mécaniciens, s’étend à toutes les activités de l’entreprise. En l’absence d’un plan de contingence, un arrêt de travail impliquant l’AIMTA entraînerait la fermeture de l’entreprise. On ne savait pas si l’entreprise avait un plan de contingence en place. Selon Transports Canada, pour des raisons de sécurité et d’assurance, on s’attendait à ce que l’entreprise ait pu commencer la mise en œuvre de protocoles de fermeture dans les 24 heures d’un arrêt de travail. De cette manière, les appareils déjà en transit retourneraient à leur base dès que possible, clouant au sol des voyageurs et du fret. Les tiers transporteurs aériens opérant sous la raison sociale Air Canada Express auraient également pu être soumis au protocole de fermeture de l’entreprise, les membres de l’unité de négociation de l’AIMTA assurant l’entretien et la révision de leurs appareils. En l’absence des manutentionnaires de bagages et d’agents de fret représentés par l’AIMTA de l’entreprise, l’acheminement efficace des bagages et du fret aérien aurait connu un fort ralentissement pour les transporteurs comme pour les clients. Les membres de l’AIMTA employés par l’entreprise fournissant également des services aux transporteurs aériens partenaires Star Alliance, les activités de ces derniers s’en seraient trouvées affectées. Un arrêt de travail à l’entreprise aurait également entraîné la mise à pied temporaire de certains des autres employés de la compagnie, comme les pilotes, les agents de bord, les horairistes d’équipages, les répartiteurs, les agents de la billetterie et du service à la clientèle, ainsi que d’éventuelles pertes d’emploi indirectes pour les tiers fournisseurs de services comme les traiteurs, les fournisseurs de carburants et les agents de voyage.
  2. 265. Le gouvernement indique également que, selon la publication de l’OIT citée plus haut, le secteur de l’aviation civile est un pilier social et économique de l’économie mondiale. Pour chaque emploi perdu dans une compagnie aérienne, de quatre à dix autres emplois seront également perdus à l’intérieur du périmètre de l’aéroport et un minimum de trois autres emplois par compagnie aérienne seront perdus à l’extérieur de ce périmètre. Le gouvernement souligne en outre, en se référant au paragraphe 621 du Recueil de décisions du comité, que le comité lui-même a reconnu que le transport de voyageurs et de marchandises est un service public d’une importance primordiale ou fondamentale.
  3. 266. Le gouvernement considère que l’arrêt de travail de l’AIMTA aurait eu des répercussions financières importantes pour l’économie (coût estimé de 1 à 22,4 millions de dollars par semaine pendant la durée de l’arrêt de travail). Les estimations financières varient selon la valeur des voyages (passagers) et des expéditions (fret) qui auraient été annulés, reportés ou pris en charge par un autre transporteur. Selon les estimations du gouvernement, s’il n’y avait pas d’annulation de voyages ni d’expéditions de fret résultant de l’arrêt de travail, le PIB aurait baissé de 0,003 pour cent (1 million de dollars) par semaine pendant la durée de l’arrêt de travail. Si 10 pour cent du chiffre d’affaires d’Air Canada et d’Air Canada Express en demande équivalente n’avaient pas été pris en charge par d’autres transporteurs (du Canada, des Etats-Unis ou d’autres pays) ou d’autres modes de transport (comme le rail) et n’avaient pas été reportés, le PIB du Canada aurait baissé de 0,025 pour cent (8 millions de dollars). De même, si 20 pour cent du chiffre d’affaires avaient été perdus, le PIB aurait baissé de 0,048 pour cent (15,3 millions de dollars); si 30 pour cent avaient été perdus, le PIB aurait décliné de 0,07 pour cent (22,4 millions de dollars). Outre les pertes à court terme qu’il aurait entraînées, un arrêt de travail aurait pu porter atteinte encore davantage à la réputation de l’entreprise auprès des voyageurs et ébranler la confiance des fournisseurs, ainsi que des marchés de crédit et des investisseurs potentiels concernant ses perspectives à long terme. Toute réduction des activités aurait eu des effets néfastes sur les aéroports canadiens dans la mesure où plus de 50 pour cent des revenus des aéroports sont attribuables à Air Canada et à ses activités connexes. Les aéroports ont fait des investissements importants dans les infrastructures et ont contracté des dettes, en comptant sur les revenus prévus générés par les compagnies aériennes. Si les aéroports ne recevaient pas ces revenus prévus, cela aurait de lourdes conséquences financières sur leurs activités.
  4. 267. Le gouvernement évoque ensuite les conséquences financières pour l’entreprise et sa viabilité et, à cet égard, indique que le secteur du transport aérien a des frais fixes élevés et une faible marge de profit même en période de croissance économique. L’entreprise a eu de sérieuses difficultés financières au cours des dix dernières années et sa position financière n’est pas solide aujourd’hui. En avril 2003, les pressions financières qui pesaient sur Air Canada étaient telles que la société s’est mise sous la protection de la loi sur la faillite. En septembre 2004, elle n’a plus eu besoin de cette protection en vertu d’un plan approuvé par les tribunaux qui prévoyait qu’elle serait dépouillée de ses actifs et restructurée sous la dénomination Gestion ACE Aviation Inc. Après la crise financière mondiale de 2008, les sociétés qui offraient des régimes de retraite à prestations déterminées se sont soudainement retrouvées avec des obligations de financement beaucoup plus élevées. L’effet combiné de la récession, de la diminution des vols et des obligations contractuelles de la compagnie a occasionné d’autres difficultés financières. En 2008, afin d’éloigner encore une fois la menace de la faillite, l’entreprise a contracté d’autres prêts pour poursuivre ses activités. En plusieurs occasions ces dernières années, elle a restructuré et réduit ses ressources humaines et financières pour assurer sa viabilité.
  5. 268. Après l’avis de grève émis par l’AIMTA le 6 mars 2012, l’entreprise a indiqué que, du fait du climat d’incertitude qui régnait relativement à son personnel, elle avait dû annuler des vols quotidiennement et que des expéditions de fret étaient supprimées. Elle a indiqué également qu’elle opérait déjà près du seuil de la rentabilité. Un arrêt de travail prolongé aurait pu avoir de graves répercussions sur le retour à la rentabilité de la compagnie, sans compter les risques de faillite – 26 000 emplois directs auraient été menacés et 250 000 autres travailleurs indirectement liés à l’entreprise auraient été touchés. Un tel arrêt de travail aurait donc eu de graves répercussions sur l’économie en général.
  6. 269. L’entreprise fait toujours face à la concurrence croissante de transporteurs aériens intérieurs et à la concurrence internationale, particulièrement pour le transport de fret. D’autres pressions financières pèsent sur elle, comme le peu de prise sur les prix élevés de produits comme les carburants, qui représentent jusqu’au tiers de ses frais de fonctionnement, et sur les taux de change. Ces hausses de prix, conjuguées à une économie anémique et à une concurrence intérieure accrue, ont entraîné pour la compagnie une perte en 2011, qui s’est chiffrée à 80 millions de dollars pour le seul quatrième trimestre. Selon le rapport annuel 2011 de l’entreprise, les résultats d’exploitation pour 2011 comparativement à 2010 incluaient un bénéfice d’exploitation de 179 millions de dollars, soit 53 millions de dollars de moins qu’en 2010, et un BAIIAL de 1 242 millions de dollars, soit 144 millions de dollars de moins qu’en 2010, ces deux résultats avant un ajustement favorable de 46 millions de dollars à une provision pour enquêtes sur le fret en 2010. Les frais d’exploitation s’élevaient à 879 millions de dollars, soit une augmentation de 8 pour cent comparativement à 2010, dont 723 millions de dollars étaient attribuables à une hausse des dépenses en carburants. La compagnie a enregistré une perte nette de 249 millions de dollars, soit 0,92 dollar par action après dilution, un recul de 24 millions de dollars par rapport aux 225 millions de dollars de perte nette, soit 0,12 dollar par action après dilution, enregistrés en 2010. Le flux de trésorerie disponible s’est chiffré à 366 millions de dollars, soit 380 millions de dollars de moins comparativement aux 746 millions de dollars enregistrés en 2010, baisse due pour l’essentiel à une diminution des flux de trésorerie opérationnels nets de 210 millions de dollars et à une augmentation des prestations de retraite de 129 millions de dollars.
  7. 270. Quant aux conséquences pour les voyageurs, le gouvernement déclare que l’arrêt de travail impliquant les membres de l’AIMTA aurait pu effectivement clouer au sol les appareils d’Air Canada et d’Air Canada Express, alors qu’une période de pointe de déplacements liés aux vacances était imminente. Au Canada, au cours du mois de mars, de nombreux établissements d’enseignement prévoient un congé scolaire d’une semaine et bien des gens en profitent pour se rendre à leur destination par avion. Plus d’un million de passagers devaient voyager à bord des appareils de la compagnie au cours de la semaine du 12 mars 2012. L’immensité même du pays fait que les Canadiens dépendent du transport aérien davantage que les citoyens de la plupart des autres nations. Vu la marge de capacité limitée dont disposent les transporteurs concurrents et l’absence possible d’un plan de contingence, un grand nombre de voyageurs auraient été cloués au sol. Les compagnies concurrentes auraient sans doute envisagé la possibilité d’ajouter des vols pour répondre aux besoins des passagers; mais, selon Transports Canada, la capacité d’autres transporteurs aériens d’augmenter le nombre de vols dans l’éventualité d’un arrêt de travail aurait été limitée, particulièrement à court terme. Les règles de travail et le nombre maximum d’heures de vol pour le personnel navigant (pilotes et agents de bord) auraient également empêché d’autres transporteurs aériens d’accroître sensiblement les services. Tout service supplémentaire fourni par d’autres transporteurs aériens aurait été limité aux liaisons déjà desservies, aux liaisons desservant des zones à forte densité de population, ou à celles qui sont exploitées par le transporteur principal de la compagnie (par exemple Toronto-Vancouver). Dans les zones urbaines, les voyageurs ont souvent accès à d’autres modes de transport (voiture, bus, train et différents transporteurs aériens d’autres plaques tournantes). Toutefois, nonobstant ces diverses solutions de rechange, dans l’éventualité d’un arrêt de travail, les voyageurs auraient sans doute dû engager des dépenses supplémentaires ou seraient arrivés à leur destination avec du retard.
  8. 271. Un arrêt de travail aurait pu perturber gravement les services aériens régionaux et transfrontaliers de l’entreprise, particulièrement d’Air Canada Express qui aurait été clouée au sol. En effet, Air Canada Express assure l’exploitation de vols au nom d’Air Canada en tant que transporteur contractuel. Environ 43 des 145 liaisons intérieures et 19 des 41 liaisons transfrontalières sont assurées uniquement par Air Canada Express. Bien que d’autres transporteurs aériens étaient disponibles, qui auraient pu prendre à leur bord au moins certains des passagers affectés par un arrêt de travail, certaines collectivités auraient été touchées de façon disproportionnée en raison du nombre limité d’autres compagnies aériennes et de places disponibles (notamment Sault Ste Marie, Kamloops, Québec, Sydney, Timmins, Fort St. John, North Bay, Mont-Joli, Baie-Comeau, Moncton, Gander, Saint John, Cranbrook, Whitehorse, Charlottetown et Val-d’Or). En outre, Air Canada Express est le seul transporteur aérien pour 12 collectivités, dont sept en Colombie-Britannique (Castlegar, Nanaimo, Penticton, Prince Rupert, Sandspit, Smithers, Terrace), trois au Québec (Gaspé, Iles de la Madeleine, Rouyn-Noranda) et deux au Nouveau-Brunswick (Bathurst, Fredericton). Un arrêt de travail aurait cloué au sol certains passagers (notamment ceux des collectivités éloignées). Les tiers transporteurs opérant sous la raison sociale Air Canada Express et d’autres membres de Star Alliance auraient pu être sérieusement affectés puisque les membres de l’AIMTA d’Air Canada assurent l’entretien et la révision de leurs appareils.
  9. 272. En ce qui a trait aux conséquences d’un arrêt de travail pour le fret aérien, le gouvernement indique que le transport aérien est un maillon crucial des chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier dans le cas des produits périssables et des produits pharmaceutiques. La compagnie est le principal transporteur de fret aérien du Canada; elle assure 22 pour cent de la capacité de transport intérieur, 4 pour cent de la capacité de transport transfrontalier et 49 pour cent de la capacité de transport international. A Toronto (aéroport Pearson), la plus grande plaque tournante du Canada, la compagnie assure environ 68 pour cent et 40 pour cent du transport aérien intérieur et international de fret, respectivement. L’entreprise transporte l’équivalent d’environ 466 million de dollars de fret chaque année, un service essentiel pour bien des secteurs d’activité clés, dont ceux de l’aérospatiale, des produits pharmaceutiques et des métaux précieux. L’acheminement efficace du fret aérien est vital pour une nation commerçante comme le Canada. Une perturbation du service de l’entreprise aurait eu d’importantes répercussions sur les chaînes d’approvisionnement, et donc sur les fabricants et les détaillants canadiens parce que les solutions de remplacement au transport aérien sont limitées lorsqu’il faut acheminer des produits essentiels dans des délais très courts. En cas d’arrêt de travail, l’acheminement du fret aérien serait devenu très, pour ne pas dire trop, lent pour les expéditeurs et les clients. Les marchandises auraient pu être clouées au sol, ce qui aurait été lourd de conséquences financières pour les secteurs d’activité qui dépendent de la livraison rapide de marchandises ou dont les produits sont périssables. Dans un monde régi par la livraison «juste-à-temps», les fournisseurs ne peuvent se permettre d’immobiliser inutilement leurs capitaux dans l’inventaire.

    Projet de loi C-33: Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens (loi sur la protection des services aériens)

  1. 273. C’est dans ce contexte économique inquiétant qu’en mars 2012, lorsqu’il est devenu évident qu’il n’y avait aucune chance raisonnable de conclure une convention collective dans le conflit de travail en question, le gouvernement a fait le nécessaire pour assurer le maintien des services aériens. Pour protéger l’économie canadienne et les familles canadiennes, la ministre du Travail a présenté une mesure législative d’urgence pour permettre la reprise et le maintien des services aériens et pour régler le conflit de travail par un arbitrage exécutoire. La ministre a souligné que:
    • L’achèvement de la reprise économique demeure la priorité première de notre gouvernement et des avions cloués au sol signifient des occasions ratées pour les entreprises canadiennes et de la frustration pour les voyageurs coincés. Un arrêt de travail à Air Canada ébranlerait sérieusement notre économie déjà fragile, ce que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre. L’imposition d’une loi est toujours le derniers recours.
  2. La loi visait également à protéger d’autres employés qui auraient été touchés par l’arrêt de travail. La compagnie emploie 26 000 personnes, mais ses activités ont une incidence indirecte sur 250 000 employés et leurs familles.
  3. 274. La loi sur la protection des services aériens prévoyait le maintien et la reprise des services aériens pour les employés du groupe Exploitation technique, entretien et soutien opérationnel de la compagnie. A l’entrée en vigueur de la loi, l’employeur et les syndicats étaient tenus de poursuivre ou de reprendre leurs fonctions sans délai. La loi prévoyait également le règlement du différend par arbitrage exécutoire (choix d’une offre finale) et énonçait des principes directeurs, dont la nécessité de définir des conditions de travail qui soient compatibles avec celles d’autres transporteurs aériens et qui soient suffisamment souples pour assurer la viabilité économique de la compagnie et sa compétitivité à court et à long terme, ainsi que la viabilité de son régime de retraite, compte tenu des contraintes financières à court terme de l’employeur. L’arbitre devait tenir compte de l’accord de principe conclu par les parties le 10 février 2012 et du rapport de la commissaire-conciliatrice daté du 22 février 2012.
  4. 275. L’arbitrage a été choisi comme solution de remplacement privilégiée, ce mécanisme étant communément utilisé pour sortir d’une impasse dans les négociations collectives et ayant fait ses preuves dans le passé. La loi prévoyait que la procédure d’arbitrage serait basée sur le choix d’une offre finale en ce sens que l’arbitre choisirait la proposition de l’employeur ou celle du syndicat pour résoudre le conflit. Le choix d’une offre finale incite les parties à présenter à l’arbitre des propositions raisonnables et permet un règlement définitif et exécutoire d’un différend. Comme l’a affirmé M. Douglas Stanley, un arbitre du travail éminent au Canada, dans une décision rendue en 2012 au sujet de la compagnie et de l’Association des pilotes d’Air Canada:
    • (Traduction)
    • A mon sens, le choix d’une offre finale vise théoriquement à obliger les deux parties à aboutir à un compromis, à évaluer la position de chacun et à modifier leurs propres propositions de telle manière à incorporer les préoccupations de l’autre partie et à reconnaître ses intérêts légitimes.
  5. 276. Dans la loi, le gouvernement donnait également aux parties une nouvelle possibilité de reprendre les négociations et de parvenir à une convention collective mutuellement acceptable. La loi prévoyait que, si les parties concluaient une convention négociée avant que l’arbitre n’ait rendu sa décision, la convention négociée entrerait en vigueur. Les amendes pour non-conformité aux dispositions énoncées dans la loi sont prévues depuis 1991 dans les mesures législatives fédérales imposant le retour au travail dans les entreprises du secteur privé relevant de la compétence fédérale. Elles sont assez élevées pour décourager les tentatives d’infraction. Toutefois, aucune peine d’emprisonnement ne serait infligée en cas de défaut de paiement d’une amende.
  6. 277. Selon le gouvernement, la libre négociation collective est le meilleur moyen pour les employeurs et les agents négociateurs de parvenir à une convention collective. Au Canada, une telle option est favorisée par un cadre complet régissant les relations professionnelles étayé par des mécanismes de résolution de conflits par une tierce partie qui sont destinés à aider les employeurs et les syndicats du secteur privé relevant de la compétence fédérale à résoudre les conflits liés à des négociations collectives. Toutefois, lorsque les parties sont incapables de régler leurs différends et recourent à une grève ou à un lock-out qui a des répercussions très néfastes sur l’économie nationale ou sur le public, le gouvernement doit parfois intervenir pour protéger l’intérêt général.
  7. 278. Dans le conflit en question, l’intervention législative était nécessaire compte tenu de la situation économique difficile et des conséquences néfastes à craindre pour les Canadiens. La loi sur la protection des services aériens a été présentée au Parlement seulement après que toutes les autres tentatives en vue de résoudre le conflit avec l’aide d’un tiers eurent échoué. Pour aider au règlement du conflit lié à la convention collective, les parties avaient reçu l’assistance d’une commissaire-conciliatrice nommée par la ministre du Travail, ainsi qu’un soutien considérable de la part des médiateurs du gouvernement. Avant de se décider à présenter une mesure législative d’urgence, le gouvernement a soigneusement mis en balance le droit des parties prescrit par la loi de recourir à un arrêt de travail légal, d’une part, et la situation économique fragile du pays et les conséquences à prévoir pour le public canadien, d’autre part. L’intervention législative du gouvernement s’est limitée à la ronde de négociation collective de 2011-12 et visait à remédier aux circonstances particulières qui ont mené à une impasse.
  8. 279. Comme il est énoncé dans le préambule du Code du travail, «il est depuis longtemps dans la tradition canadienne que la législation et la politique du travail soient conçues de façon à favoriser le bien-être de tous par l’encouragement de la pratique des libres négociations collectives et du règlement positif des différends». La liberté syndicale et la libre négociation collective sont les fondements de relations de travail saines. Le préambule de la partie I du code confirme que «le Parlement du Canada désire continuer et accentuer son appui aux efforts conjugués des travailleurs et du patronat pour établir de bonnes relations et des méthodes de règlement positif des différends». C’est pour cette raison que le gouvernement envisage rarement le recours à une mesure législative d’urgence. La décision de faire adopter une mesure législative d’urgence n’est pas prise à la légère et survient seulement dans les cas où un arrêt de travail risque d’avoir de graves répercussions, comme dans le cas présent où les conséquences se seraient étendues bien au-delà des parties.
  9. 280. Le gouvernement conclut en soulignant que, dans le cadre législatif solide de la partie I du Code du travail, il a fourni une aide considérable à la compagnie et au syndicat en matière de résolution du conflit pendant les négociations pour la reconduction de la convention collective. La ministre du Travail a notamment nommé une commissaire-conciliatrice qui a travaillé intensivement avec les parties; les fonctionnaires du SFMC ont apporté leur appui et la ministre du Travail est intervenue personnellement. Le gouvernement demeure fermement engagé dans le processus de libre négociation collective, le meilleur moyen selon lui pour les employeurs et les agents négociateurs de parvenir à une convention collective. En 2011, 407 négociations collectives ont eu lieu dans le secteur privé relevant de la compétence fédérale et, dans l’immense majorité de ces cas, les parties sont parvenues à un accord sans arrêt de travail. Au cours des cinq dernières années, 94 pour cent des conflits de travail ont été résolus sans arrêt de travail lorsque le SFMC est intervenu. Le gouvernement recommande vivement que toutes les parties prenantes à la négociation collective assument leurs responsabilités en ayant la possibilité de régler leurs différends de manière consensuelle. Le gouvernement souligne qu’il ne prend pas à la légère la décision d’adopter une mesure législative d’urgence. Il agit ainsi seulement dans des circonstances exceptionnelles lorsqu’il y va de l’intérêt public et économique. Au cours des douze dernières années, le gouvernement n’a promulgué de telles dispositions législatives que quatre fois. Au cours de la même période (2000-2012), 37 lock-outs légaux et 124 grèves légales sont survenus dans des secteurs relevant de la compétence fédérale.
  10. 281. Le gouvernement a renouvelé son engagement à l’appui de solides relations patronales-syndicales en affectant, dans le cadre du budget 2011, un montant supplémentaire de 1 million de dollars étalé sur deux ans à l’expansion des services de médiation préventive non prescrits par la loi, sous la forme d’ateliers de formation sur l’établissement de relations basées sur la collaboration, et non plus l’affrontement, sur la convention collective et sur la résolution conjointe de conflits. Tous les services de médiation préventive sont offerts simultanément aux employeurs et aux syndicats par des médiateurs ayant une longue expérience des méthodes conventionnelles et nouvelles utilisées en relations du travail. Ces services sont gratuits et peuvent être adaptés aux besoins particuliers d’un lieu de travail donné. Cette option est offerte à Air Canada et à l’AIMTA au cas où les deux parties souhaiteraient participer à des activités de médiation préventive.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 282. Le comité note que les allégations dans le présent cas se rapportent à l’adoption de la loi sur la protection des services aériens. Il note par ailleurs qu’il n’y a pas de désaccord quant aux faits ni aux événements dans le présent cas, qui peuvent se résumer de la manière suivante. Le 21 mars 2011, le syndicat de l’organisation plaignante a signifié un avis de négociation à l’employeur en vue de la reconduction de la convention collective. Du 6 avril au 19 août 2011 et pendant le week-end du 31 octobre 2011, les parties ont négocié directement. Les questions essentielles pour le syndicat étaient les salaires, les pauses déjeuner payées, les vacances, la souplesse des horaires et des heures de travail. Les modifications au régime de retraite et les salaires étaient les questions essentielles pour l’employeur. Après plusieurs mois de négociations directes, les parties ont abouti à une impasse. Le 6 décembre 2011, le SFMC a reçu un avis de différend. Le 21 décembre 2011, la ministre du Travail a nommé une commissaire-conciliatrice et l’a chargée d’aider les parties dans les négociations. Le 10 février 2012, les parties ont conclu un accord de principe avec l’aide de la commissaire-conciliatrice. L’accord a été soumis à un vote de ratification par les membres du syndicat. Le 22 février 2012, le syndicat a annoncé que ses membres avaient voté à 65,6 pour cent pour le rejet de l’accord de principe et à 78 pour cent en faveur de la grève. Les 5 et 6 mars 2012, des réunions de négociation ont eu lieu avec l’aide du SFMC. Le 6 mars 2012, le syndicat a émis un avis de grève indiquant que ses membres entameraient une grève légale le 12 mars 2012 à 00 h 01. Le 8 mars 2012, la ministre du Travail en a référé au Conseil canadien des relations industrielles pour qu’il se prononce sur la question de l’accord de maintien des activités, afin que la sécurité et la santé du public soient protégées dans l’éventualité d’un arrêt de travail. Le 9 mars 2012, la ministre du Travail a inscrit le projet de loi C-33 intitulé «Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens» au Feuilleton du Parlement. Le 12 mars 2012, le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 14 mars, par le Sénat le 15 mars et a reçu la sanction royale ce même jour. La loi sur la protection des services aériens est entrée en vigueur le 16 mars 2012. Le projet de loi C-33 prévoyait le recours à l’arbitrage des offres finales comme mécanisme de règlement des différends. Dans le cadre du processus de négociation et en prévision de la nomination par la ministre du Travail d’un arbitre conformément au projet de loi C-33, les parties ont conclu un mémorandum d’accord en date du 1er mai 2012 qui prévoyait dix jours de négociation à compter de la nomination d’un arbitre. Le 1er mai 2012, la ministre du Travail a nommé un arbitre en vertu de l’article 11 de la loi, et les parties ont négocié du 8 au 22 mai avec l’aide de ce dernier en qualité de médiateur. Le 22 mai 2012, les parties ont annoncé qu’elles n’avaient pas réussi à parvenir à un accord et qu’elles optaient pour l’arbitrage. Le 17 juin 2012, l’arbitre a rendu sa décision définitive et exécutoire en choisissant l’offre finale de l’employeur. La convention collective était prorogée pendant cinq ans et arrivera à expiration le 31 mars 2016.
  2. 283. Le comité note que, selon l’AIMTA, la loi porte atteinte aux droits à la liberté syndicale et à la négociation collective des travailleurs parce que les services exécutés par les travailleurs qui sont visés par la loi ne rentrent dans aucune des exceptions prévues par les principes du comité. En particulier, l’organisation plaignante estime que les travailleurs concernés ne sont pas des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ni ne fournissent de services essentiels au sens strict du terme. Elle considère également que l’arrêt de travail n’aurait pas engendré de situation d’urgence nationale aiguë. Le gouvernement, pour sa part, explique que la loi constituait une mesure exceptionnelle et a été adoptée dans l’intérêt public dans le contexte d’une économie intérieure fragile. Le comité prend note des précisions très détaillées fournies par le gouvernement sur le contexte économique et les conséquences d’un arrêt de travail sur l’économie canadienne pour la compagnie, les passagers et le fret aérien.
  3. 284. Avant tout, le comité souhaite rappeler que la négociation volontaire des conventions collectives et donc l’autonomie des partenaires à la négociation sont des principes fondamentaux de la liberté syndicale et que la négociation collective doit, pour conserver son efficacité, revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet d’altérer ce caractère. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 925 et 926.] Sauf dans les cas impliquant des services essentiels, le comité rappelle que l’arbitrage obligatoire visant à mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève n’est acceptable que s’il a lieu à la demande des deux parties au différend, ou si la grève en question peut être limitée, voire interdite, par exemple dans le cas d’un différend survenant dans la fonction publique et mettant en cause des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Il considère qu’un système d’arbitrage obligatoire pouvant être imposé par l’autorité du travail peut avoir pour effet, lorsqu’un conflit n’a pas été résolu par d’autres moyens, de restreindre considérablement le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et, notamment, d’imposer de manière indirecte une interdiction absolue de la grève, en contradiction avec les principes de la liberté syndicale. En outre, le comité souligne que les dispositions selon lesquelles, à défaut d’accord entre les parties, les points de la négociation collective restés en litige seront réglés par l’arbitrage de l’autorité ne sont pas conformes au principe de la négociation volontaire. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 564, 568 et 993.]
  4. 285. Le comité note que, dans le présent cas, le syndicat plaignant représente deux groupes d’employés sous une convention collective unique: les employés des services d’entretien mécanique et les employés des services aéroportuaires dans les activités de la compagnie à l’échelle du Canada. Ils sont mécaniciens de révision majeure et de maintenance en ligne, mécaniciens d’automobiles, monteurs de machinerie, électriciens, inspecteurs et rédacteurs techniques, préposés à l’entretien cabine, préposés au nettoyage d’aéronefs, manutentionnaires de bagages et de fret, agents aux bagages et agents de fret, agents masse et centrage, instructeurs et planificateurs. Le comité a toujours considéré que ces catégories de travailleurs ne constituaient pas des services essentiels au sens strict du terme. Tout en étant sensible aux préoccupations du gouvernement énoncées ci-dessus, le comité estime que le fait d’établir un lien entre les restrictions aux actions revendicatives et l’entrave aux échanges et au commerce pouvait porter atteinte à une large gamme d’actions légitimes. Certes, l’impact économique de ces actions et leurs effets sur les échanges sont regrettables, mais ne suffisent pas à rendre le service «essentiel», et le droit de grève devrait être maintenu. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 592.] Par ailleurs, le comité a souligné dans le passé que les considérations économiques ne devraient pas être invoquées pour justifier des restrictions au droit de grève mais que, cependant, en cas de paralysie d’un service non essentiel au sens strict du terme dans un secteur de très haute importance dans le pays, l’imposition d’un service minimum peut se justifier. [Voir cas no 2841, 362e rapport, paragr. 1041.] Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de déployer tous les efforts possibles pour ne pas recourir à la loi pour imposer la reprise du travail dans un service non essentiel et de n’intervenir que pour veiller au respect du service minimum conformément aux principes de la liberté syndicale.
  5. 286. Le comité note l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle l’article 11 de la loi, aux termes de laquelle «le ministre nomme à titre d’arbitre des offres finales la personne qu’il juge qualifiée», empêche les parties de choisir un arbitre. Tout en notant le caractère explicite de cette disposition et en rappelant que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs pour que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties et dont dépend le succès de l’action, même s’il s’agit d’arbitrage obligatoire, soit maintenue [voir Recueil, op. cit., paragr. 598], le comité croit comprendre, d’après la sentence arbitrale même, que, dans le cas présent, l’arbitre a été nommé après que le ministère eut consulté les parties et obtenu leur accord mutuel:
    • Après une consultation avec les parties, il a été convenu par accord mutuel, le 1er mai 2012, de me nommer comme arbitre selon les dispositions de l’article 11 de la loi pour assurer la poursuite et la reprise des opérations des services aériens. Cette nomination m’accorde le pouvoir, autant que le devoir, de régler tous les points en litige.
  6. 287. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, les critères énoncés au paragraphe 14(2) de la loi «ne laissaient que peu ou pas de marge de manœuvre à l’arbitre pour en arriver à une décision autre que celle qu’il a rendue». En vertu de cette disposition, dans le choix d’une offre finale, l’arbitre doit se laisser guider par «la nécessité de conditions de travail qui sont compatibles avec celles d’autres transporteurs aériens et qui fourniront à l’employeur la souplesse nécessaire: a) à sa viabilité économique et sa compétitivité à court et à long terme; et b) à la viabilité de son régime de pension, compte tenu de ses contraintes financières à court terme». Le comité prend note des extraits suivants de la sentence arbitrale, qui semble confirmer la position de l’organisation plaignante:
    • Je dois signaler que cet arbitrage est hors du commun. Il est sujet aux dispositions de la loi C-33 qui impose à l’arbitre des obligations clairement définies. … En général, les arbitres au Canada accordent peu de valeur, dans les arbitrages de différends, aux plaidoiries patronales de l’incapacité de payer. Je crois que cette approche est appropriée en matière de différend dans le secteur public autant que dans le secteur privé. Mais, en l’espèce, je suis obligé de reconnaître que cette loi et la juridiction qu’elle m’accorde sont nettement contraignantes. Ceci est surtout vrai du plan de pension de la compagnie, qui est un facteur énorme relativement à la survie de la société à long terme...
    • Et plus loin:
    • A mon avis, l’offre de la compagnie répond plus justement aux contraintes que je dois respecter d’après l’article 14(2) de la loi… . L’offre finale du syndicat, cependant, ne se compare pas si favorablement. Elle placerait sur le dos de l’employeur un fardeau en compensation monétaire et en perte de productivité qui n’est ni réaliste ni sensible aux contraintes énoncées dans l’article 14(2) de la loi.
  7. Le comité rappelle à cet égard que, pour obtenir et conserver la confiance des parties, tout système d’arbitrage doit être véritablement indépendant, ce qui signifie que les résultats des arbitrages ne doivent pas être prédéterminés par des critères législatifs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 995.]
  8. 288. En ce qui a trait aux pénalités imposées pour non-conformité à la loi, le comité note que, en vertu de l’article 34 de la loi:
    • Le particulier qui contrevient à la présente loi est coupable d’une infraction punissable par procédure sommaire et encourt, pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l’infraction, une amende maximale de 50 000 $, dans le cas d’un dirigeant ou d’un représentant de l’employeur, de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale ou de l’Association des pilotes d’Air Canada qui agit dans l’exercice de ses fonctions au moment de la perpétration.
    • L’employeur, s’il contrevient à la présente loi, ou l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale ou l’Association des pilotes d’Air Canada, si elle contrevient à la présente loi, est coupable d’une infraction punissable par procédure sommaire et encourt, pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l’infraction, une amende maximale de 100 000 $.
  9. Le comité note que, tout en reconnaissant que ces pénalités sont assez élevées, le gouvernement indique qu’elles découragent les tentatives d’infraction. Le comité rappelle que, si un mandat syndical ne confère pas à son titulaire une immunité lui permettant de violer les dispositions en vigueur, celles-ci, à leur tour, ne doivent pas porter atteinte aux garanties fondamentales en matière de liberté syndicale ni sanctionner des activités qui, conformément aux principes généralement reconnus en la matière, devraient être considérées comme des activités syndicales licites. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 40.] Le comité exprime sa préoccupation concernant les pénalités élevées prévues par la loi, qui pourraient infliger une lourde charge financière aux syndicats et à leurs représentants.
  10. 289. Tout en reconnaissant les efforts déployés par le gouvernement pour appuyer et aider les parties dans le règlement du différend, y compris la nomination d’une commissaire-conciliatrice et la contribution du SFMC, le comité prie instamment le gouvernement de privilégier la négociation collective à l’avenir pour réglementer les conditions d’emploi dans les services non essentiels.
  11. 290. De plus, prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle, le 2 avril 2012, le syndicat a déposé une demande auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour que le projet de loi C-33 soit déclaré inconstitutionnel, et que l’affaire est en instance devant la cour, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette action.
  12. 291. De façon plus générale, le comité accueille favorablement l’indication selon laquelle le gouvernement a renouvelé son engagement à l’appui de solides relations patronales-syndicales en affectant, dans le cadre du budget 2011, un montant supplémentaire de 1 million de dollars étalé sur deux ans à l’expansion des services de médiation préventive non prescrits par la loi.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 292. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de privilégier à l’avenir la négociation collective en tant que moyen de réglementer les conditions d’emploi dans les services non essentiels.
    • b) Prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle, le 2 avril 2012, le syndicat a déposé une demande auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour que le projet de loi C-33 soit déclaré inconstitutionnel, et que l’affaire est en instance devant la cour, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette action.
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