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Definitive Report - REPORT_NO370, October 2013

CASE_NUMBER 2956 (Bolivia (Plurinational State of)) - COMPLAINT_DATE: 11-MAI-12 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante conteste la restriction du droit de grève dans le secteur de la santé et dénonce le fait que les arrêts de travail et grèves menés à la suite de l’adoption d’un décret suprême portant modification de la journée de travail des professionnels et travailleurs de la santé aient été déclarés illégaux par l’autorité administrative; elle allègue aussi que, suite aux arrêts de travail et grèves, des licenciements ont été prononcés dans le secteur de la santé

  1. 130. La plainte figure dans des communications de la Fédération des syndicats du secteur médical et activités connexes de la Caisse nationale de santé (FESIMRAS) en date des 23 avril et 11 mai 2012. La FESIMRAS de la Caisse pétrolière de santé a fait parvenir des allégations liées à la plainte dans une communication en date du 26 juin 2012. De même, la FESIMRAS a fait parvenir des informations complémentaires dans une communication en date du 13 juillet 2012.
  2. 131. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 21 septembre 2012.
  3. 132. L’Etat plurinational de Bolivie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 133. Dans ses communications en date des 23 avril, 11 mai et 13 juillet 2012, la Fédération des syndicats du secteur médical et activités connexes de la Caisse nationale de santé (FESIMRAS) fait savoir que le gouvernement a approuvé le décret suprême no 1126, en date du 24 janvier 2012, qui allonge la durée journalière du travail des professionnels et travailleurs de la santé. L’organisation plaignante ajoute que la réglementation correspondante (RM no 0250) du décret a été publiée le 26 mars 2012 et confirme que l’allongement de la journée de travail ne s’accompagnera pas d’une rétribution proportionnelle. La FESIMRAS considère que ledit décret suprême et son règlement portent directement atteinte à un droit acquis né de chaque contrat de travail préexistant et contreviennent au mandat constitutionnel qui prévoit que les droits acquis sont inaliénables. L’organisation plaignante fait savoir qu’elle a introduit un recours en révocation contre le décret, sans obtenir de réponse du gouvernement, et qu’elle a également demandé à la Caisse nationale de santé (CNS) de ne pas appliquer ledit décret.
  2. 134. L’organisation plaignante indique que, devant l’absence de mécanismes étatiques devant qui chercher une solution à la violation des droits au travail et constitutionnels, elle s’est vue dans l’obligation d’organiser une série de manifestations et d’arrêts de travail en signe de protestation (un arrêt du travail de 24 heures le 15 mars; un arrêt du travail de 48 heures les 20 et 21 mars; et une grève qui a duré du 28 mars au 4 avril 2012, date à laquelle une trêve a été signée avec le ministère de la Santé et des Sports). L’organisation plaignante ajoute que le ministère de la Santé et des Sports n’ayant pas respecté la trêve, le collège des médecins de l’Etat plurinational de Bolivie a organisé une cessation générale du travail pour une durée indéfinie à partir du 10 avril 2012 pour obtenir l’abrogation du décret suprême no 1126. L’organisation plaignante allègue que, en réponse à ces mesures, l’autorité administrative, agissant comme juge et partie, a déclaré illégales les cessations du travail ainsi que la grève. De plus, l’organisation plaignante allègue qu’à partir du 13 avril 2012 le ministère de la Santé a commencé à signer les premiers mémorandums de licenciement. L’organisation plaignante estime que la déclaration d’illégalité des grèves tout comme les mesures d’intimidation et de persécution par le biais du licenciement des membres ayant participé aux cessations du travail constituent des violations de la liberté syndicale. La FESIMRAS de la Caisse pétrolière de santé fait référence aux mêmes questions dans sa communication en date du 26 juin 2012.
  3. 135. Dans sa communication en date du 13 juillet 2012, la FESIMRAS fait savoir qu’une solution temporaire a été trouvée en ce qui concerne l’atteinte à la journée de travail (la FESIMRAS a envoyé copie d’un décret portant suspension de l’application du décret suprême no 1126 dans l’attente que le Sommet national pour la révolution de la santé publique et universelle se réunisse pour réaliser une analyse, discuter et convenir d’un nouveau système national de santé acceptable par tous les acteurs). La FESIMRAS envoie également copie de l’accord interinstitutionnel signé entre le ministère du gouvernement et la Commission nationale de la santé – signé entre autres par la FESIMRAS – d’où il ressort que: les professionnels du système national de santé, du système public et de la sécurité sociale qui ont été licenciés à cause de la mobilisation qui a donné lieu à l’accord seront réintégrés à leurs postes de travail avec effet immédiat et les mémorandums de licenciement seront nuls et non avenus et les droits et les garanties au travail préservés; en outre, une fois ledit accord signé, le gouvernement national s’engage à ne pas poursuivre ni continuer de poursuivre les dirigeants syndicaux, les membres de base, les professionnels et le personnel administratif qui ont participé aux mouvements de protestation contre le décret suprême no 1126. Enfin, la FESIMRAS allègue qu’il n’y a pas eu de solution en ce qui concerne l’exercice du droit de grève dans le secteur de la santé qui continue d’être restreint.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 136. Dans sa communication en date du 21 septembre 2012, le gouvernement fait savoir tout d’abord, après analyse de la plainte, qu’on peut conclure que, pendant toute la durée de la grève organisée par les médecins et les travailleurs de la santé de l’Etat plurinational de Bolivie, en avril et mai 2012, le gouvernement n’a commis aucune violation du mandat syndical ou des droits syndicaux des dirigeants de l’organisation plaignante. Selon le gouvernement, les principes établis par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT n’ont pas été violés, pas plus que la réglementation nationale concernant la protection du mandat syndical.
  2. 137. Le gouvernement déclare que, à la suite des cessations du travail et des grèves décidées par le secteur de la santé, le ministère de la Santé et des Sports a demandé au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale de déclarer, de leur propre initiative, l’illégalité des actions, eu égard au fait que la réglementation concernant la déclaration de grève n’a pas été respectée. C’est pourquoi, dans la stricte application de la réglementation prévue au paragraphe II de l’article 38 de la Constitution politique de l’Etat, qui prévoit que les services de santé seront assurés de manière ininterrompue – conformément aux dispositions de l’article 118 de la loi générale du travail, qui interdit la suspension du travail dans les services à caractère public, et à celles de l’alinéa d) de l’article 1 du décret suprême no 1958 du 16 mars 1950, qui interdit les grèves dans les services de santé –, les grèves susmentionnées ont été déclarées illégales par les résolutions administratives respectives émanant de la Direction générale du travail de l’hygiène et de la sécurité au travail. Le gouvernement ajoute que la FESIMRAS a introduit des recours en révocation contre les résolutions administratives précitées, recours prévus par la loi et qui ont été rejetés, confirmant ainsi la déclaration d’illégalité des grèves.
  3. 138. Le gouvernement ajoute que, malgré cela, pendant toute la durée du conflit, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale et le ministère de la Santé et des Sports, principalement, ont laissé ouvert un espace de négociation non seulement avec les syndicats des travailleurs de la santé et les associations professionnelles de médecins de l’Etat plurinational de Bolivie, mais également avec la Centrale ouvrière bolivienne pour parvenir à une solution satisfaisante pour les travailleurs comme pour les usagers des services publics de santé. Suite à ces négociations et comme le montrent les documents envoyés par la FESIMRAS elle-même à l’OIT, le gouvernement a décidé de suspendre l’application du décret suprême no 1126 concernant les huit heures de travail dans le secteur de la santé jusqu’à ce qu’un accord global soit obtenu en matière de santé. En conséquence, il a été convenu de tenir un Sommet national pour la révolution de la santé publique et universelle qui est en cours d’organisation (ordre du jour, méthodologie, date de tenue et lieu) en coordination avec le gouvernement, la Centrale ouvrière bolivienne, les syndicats des travailleurs de la santé, les médecins et le Comité exécutif de l’université bolivienne. Le gouvernement ajoute que ce sommet visera à définir une nouvelle politique de la santé prenant en considération les intérêts et les nécessités des membres des services publics de santé du pays et à apporter des solutions à court, moyen et long termes à tous les problèmes du secteur de la santé de l’Etat plurinational de Bolivie. Il est prévu que ce sommet se tiendra au dernier trimestre de cette année. Le gouvernement souligne que l’accord prévoit aussi que les mémoranda de licenciement seront annulés et qu’une procédure sera mutuellement convenue pour la compensation des jours non travaillés pendant le conflit.
  4. 139. Le gouvernement déclare qu’ainsi il n’est pas démontré que les droits des travailleurs ont été violés, pas plus que ceux des dirigeants syndicaux, dans la mesure où la déclaration d’illégalité des grèves déclarées par la FESIMRAS s’inscrit dans la loi et qu’ainsi il n’y a pas eu violation du mandat syndical ni des normes socioprofessionnelles en vigueur dans le pays.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 140. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que, à la suite de l’adoption du décret suprême no 1126 portant modification de la journée de travail des professionnels et travailleurs de la santé, des interruptions du travail et des mouvements de grève ont été déclarés illégaux par l’autorité administrative (l’organisation plaignante proteste contre les restrictions du droit de grève dans le secteur de la santé et contre le fait que l’autorité administrative a déclaré illégales les mesures mises en œuvre) et que par la suite de nombreux travailleurs du secteur ont été licenciés.
  2. 141. A cet égard, le comité prend note avec intérêt tout d’abord du fait que l’organisation plaignante et le gouvernement font parvenir un accord interinstitutionnel conclu entre le ministère du gouvernement et la Commission nationale de santé – accord signé entre autres par la FESIMRAS – d’où il ressort que: les professionnels du système national de santé, du système public et de la sécurité sociale qui ont été licenciés en raison de la mobilisation qui a donné lieu à l’accord seront réintégrés à leurs postes de travail avec effet immédiat, les mémoranda de licenciement seront déclarés nuls et non avenus, et les droits et garanties au travail seront respectés; et que, dès la signature dudit accord, le gouvernement national s’engage à ne pas poursuivre ni continuer de poursuivre les dirigeants syndicaux, les membres de base et le personnel administratif qui ont participé aux mouvements de protestation contre le décret suprême no 1126. De même, le comité prend bonne note du fait que le gouvernement et l’organisation plaignante ont fait parvenir une copie du décret suspendant l’application du décret suprême no 1126 – qui a donné lieu au conflit dans le présent cas – jusqu’à la tenue du Sommet national pour la révolution de la santé publique et universelle qui réalisera une analyse, discutera et conviendra d’un nouveau système national de santé avec tous les acteurs. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
  3. 142. Enfin, en ce qui concerne les allégations selon lesquelles le droit de grève reste restreint dans le secteur de la santé, le comité prend note du fait que le gouvernement fait savoir que la législation nationale interdit les grèves dans le secteur de la santé. A cet égard, le comité tient à rappeler que le droit de grève peut être restreint, voire interdit, dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 576] et estime que le service de la santé peut être considéré comme un service essentiel. Toutefois, le comité souhaite aussi rappeler que, lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate, de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d’action pendant les différends survenus dans lesdites entreprises ou lesdits services, et que, en ce qui concerne la nature des «garanties appropriées» en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 595 et 596.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 143. Au vu des conclusions qui précèdent, tout en rappelant que, en cas de restriction du droit de grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation de ce droit devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’exige pas un examen plus approfondi.
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