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- 1071. La plainte figure dans une communication en date du 11 avril 2009 de la Centrale congolaise du travail (CCT).
- 1072. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mars 2010 [voir 356e rapport, paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport (1972), approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
- 1073. La République démocratique du Congo a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 1074. Dans une communication en date du 11 avril 2009, la Centrale congolaise du travail (CCT) dénonce l’enlèvement et la détention illégale, pendant un mois, de deux syndicalistes, MM. Richard Kambale Ndayango et Israël Kanumbaya Yambasa, ainsi que du président de l’organisation, M. Nginamau Malaba. Selon la CCT, ces arrestations et détentions font suite à une série de revendications présentées et d’actions menées par l’organisation. A titre d’exemples d’actions, la CCT fait mention d’une réclamation signée en novembre 2007 par des agents et fonctionnaires du ministère de l’Economie nationale au sujet d’ordres de mission considérés comme discriminatoires, des mémoires adressés respectivement au ministre de l’Economie nationale et au Premier ministre, ce dernier ayant déjà entraîné des menaces d’arrestation à l’encontre des membres du comité syndical CCT/Economie nationale par les services spéciaux.
- 1075. La CCT en conclut que les syndicalistes du ministère de l’Economie nationale et du Commerce extérieur sont harcelés car ils détiennent des informations sur des malversations financières qui ont pour conséquence de constituer un manque à gagner pour l’Etat et de priver les fonctionnaires de leurs salaires et primes diverses.
- 1076. L’organisation plaignante indique enfin avoir porté plainte devant le Procureur général de la République près la Cour suprême de justice pour enlèvement, détention arbitraire et violations des droits fondamentaux reconnus aux particuliers de M. Nginamau Malaba, président de la CCT.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 1077. Le comité déplore le fait que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
- 1078. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session (1972)], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 1079. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 1080. Le comité note que le présent cas porte sur l’arrestation et la détention de trois syndicalistes par les services spéciaux du pays. Le comité souhaite indiquer d’emblée qu’il ne relève pas de sa compétence de se prononcer sur le bien-fondé des accusations de malversations financières faites par l’organisation plaignante à l’endroit de l’administration mais plutôt d’examiner les allégations relatives à la violation de la liberté syndicale et à l’absence d’une procédure judiciaire régulière pour les dirigeants syndicaux dans l’exercice d’activités syndicales légitimes.
- 1081. Le comité note que, selon la Centrale congolaise du travail (CCT), deux syndicalistes, MM. Richard Kambale Ndayango et Israël Kanumbaya Yambasa, ainsi que le président de l’organisation, M. Nginamau Malaba, ont été arrêtés respectivement les 11, 16 et 19 janvier 2009 par des agents de l’Agence nationale des renseignements (ANR). Ils auraient été gardés en détention pendant un mois, sans accès à un avocat ou à leurs familles, avant d’obtenir une décision du tribunal de paix de Kinshasa/Gombe ordonnant leur libération provisoire. Cependant, ils sont demeurés en prison suite à l’appel interjeté par le parquet.
- 1082. Le comité relève, selon les documents annexés à la plainte, que:
- – MM. Malaba, Ndayango et Yambasa, tous trois signataires d’un mémorandum dénonçant des détournements de fonds au ministère de l’Economie nationale, ont été détenus pendant un mois après leur arrestation par des agents de l’ANR en janvier 2009;
- – la régularisation de leur détention n’aurait été faite par l’administration qu’a posteriori;
- – M. Malaba n’aurait été auditionné par un magistrat instructeur que le 19 février 2009 suite à une plainte déposée par le ministre de l’Economie nationale et du Commerce extérieur;
- – les trois syndicalistes sont détenus depuis le 23 février 2009 au centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK);
- – une décision du 26 février 2009 du tribunal de paix de Kinshasa/Gombe a ordonné leur libération provisoire mais qu’ils sont demeurés en détention en raison de l’appel interjeté par le parquet contre la décision de première instance;
- – l’audience en appel, fixée au 13 mars 2009, devait décider de leur maintien en détention ou de leur libération;
- – les trois syndicalistes auraient fait l’objet pendant leur détention de traitements inhumains et dégradants.
- 1083. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, la détention des syndicalistes constitue une mesure de représailles et d’intimidation, dont les membres de la CCT sont victimes depuis juillet 2007, qui fait suite à une série d’actions menées par la CCT pour contester des ordres de mission discriminatoires (réclamation du 27 juin 2007 adressée au ministre de l’Economie nationale, fournie en annexe), pour revendiquer au nom des agents et fonctionnaires du ministère de l’Economie nationale certaines primes et indemnités (mémoire du 26 décembre 2007 au président de l’Assemblée nationale, pétition du 14 novembre 2008 au ministre de l’Economie nationale, fournis en annexe) et pour dénoncer des malversations financières au sein du ministère de l’Economie nationale qui portent préjudice aux fonctionnaires en les privant de salaires et de primes. Le comité rappelle que la liberté d’opinion et d’expression, et notamment le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, est un corollaire essentiel de la liberté syndicale. Les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d’opinion et d’expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales.
- 1084. Compte tenu des informations fournies et en l’absence de réponse du gouvernement, le comité observe qu’aucun élément ne lui permet d’écarter la présomption que les mesures d’arrestation et de détention touchant M. Malaba, président de la CCT, et MM. Ndayango et Yambasa ont un lien avec l’exercice de leurs activités syndicales. Dès lors, le comité souhaite rappeler que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales, en particulier; en outre, l’arrestation et la détention de syndicalistes, sans que leur soit imputé un délit ou sans qu’il existe un mandat judiciaire, constituent une grave violation des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 64 et 69.]
- 1085. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante de nature à expliquer l’arrestation de deux syndicalistes de la CCT, MM. Richard Kambale Ndayango et Israël Kanumbaya Yambasa, ainsi que du président de l’organisation, M. Nginamau Malaba, respectivement les 11, 16 et 19 janvier 2009 par des agents de l’ANR, à déterminer les charges retenues contre ces derniers pour justifier leur détention et, s’il s’avère qu’ils sont détenus uniquement pour des motifs liés à l’exercice légitime d’activités syndicales, de procéder immédiatement à leur libération, de les compenser pour toute perte de rémunération et de sanctionner les responsables de manière suffisamment dissuasive pour que de tels actes antisyndicaux ne puissent plus se reproduire. Le gouvernement est également prié de fournir copie des décisions de justice dans cette affaire, notamment la décision du 26 février 2009 du tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, la décision de la juridiction d’appel dont l’audience était prévue le 13 mars 2009, et d’indiquer les suites données à la décision de justice.
- 1086. Le comité est vivement préoccupé par l’indication selon laquelle non seulement les trois syndicalistes sont demeurés un mois en détention avant d’être auditionnés suite à une plainte déposée par le ministre de l’Economie nationale et du Commerce extérieur, mais que ces derniers auraient fait l’objet de traitements inhumains et dégradants. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête à cet égard et d’en indiquer le résultat. Le comité demande également au gouvernement ou à l’organisation plaignante d’indiquer les suites données à la plainte déposée par la CCT auprès du Procureur général de la République le 28 janvier 2009.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1087. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore le fait que le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
- b) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante de nature à expliquer l’arrestation de deux syndicalistes de la CCT, MM. Richard Kambale Ndayango et Israël Kanumbaya Yambasa, ainsi que du président de l’organisation, M. Nginamau Malaba, respectivement les 11, 16 et 19 janvier 2009 par des agents de l’ANR, à déterminer les charges retenues contre ces derniers pour justifier leur détention et, s’il s’avère qu’ils sont détenus uniquement pour des motifs liés à l’exercice légitime d’activités syndicales, de procéder immédiatement à leur libération, de les compenser pour toute perte de rémunération et de sanctionner les responsables de manière suffisamment dissuasive pour que de tels actes antisyndicaux ne puissent plus se reproduire.
- c) Le gouvernement est prié de fournir copie des décisions de justice dans cette affaire, notamment la décision du 26 février 2009 du tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, la décision de la juridiction d’appel dont l’audience était prévue le 13 mars 2009, et d’indiquer les suites données à la décision de justice.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête concernant le fait que les trois syndicalistes seraient demeurés un mois en détention avant d’être auditionnés et que ces derniers auraient fait l’objet de traitements inhumains et dégradants et d’en indiquer le résultat.
- e) Le comité demande au gouvernement ou à l’organisation plaignante d’indiquer les suites données à la plainte déposée par la CCT auprès du Procureur général de la République le 28 janvier 2009.
- f) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.