DISPLAYINEnglish - Spanish
- 121. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs de la formation professionnelle (SNTFP) en date du 24 février 2009.
- 122. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 4 mars 2010.
- 123. L’Algérie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 124. Dans une communication en date du 24 février 2009, le Syndicat national des travailleurs de la formation professionnelle (SNTFP) dénonce le refus des autorités d’enregistrer l’organisation depuis août 2002, date du premier dépôt d’une demande d’agrément. L’organisation plaignante considère que le gouvernement viole ainsi les dispositions de la convention no 87.
- 125. L’organisation plaignante indique avoir tenu une assemblée constitutive le 11 avril 2002 en présence de représentants de dix wilayas (préfectures) du pays et ainsi adopté le statut du syndicat et procédé à l’élection d’un bureau national. La publicité de la constitution de l’organisation a été faite, comme requise par la loi, dans un quotidien national d’information. Une demande d’agrément du syndicat constitué a ainsi été déposée au ministère du Travail et de la Sécurité sociale le 25 août 2002. Dans une réponse en date du 18 septembre 2002, la Direction de la relation de travail a formulé des observations concernant les statuts du syndicat et demandé des dossiers concernant les trois membres élus du bureau national accompagnés d’attestation de fonction pour chaque membre fondateur. Selon l’organisation plaignante, les formalités requises ont été accomplies le 11 juin 2003 en étroite collaboration avec la direction concernée. Cependant, en l’absence de réponse de la part des autorités, le SNTFP a saisi le ministre du Travail et de la Sécurité sociale le 13 septembre 2003. Une réponse a été reçue le 2 décembre 2003 demandant des dossiers complets de l’ensemble des membres fondateurs du syndicat, ce qui était en contradiction avec la demande initiale du ministère qui s’était limité à demander les dossiers des trois membres du bureau national.
- 126. L’organisation plaignante indique avoir obtempéré avec la demande inattendue du ministère et déposé les dossiers complets des 33 membres fondateurs en juin 2004. Cependant, sans réponse des autorités, l’organisation indique les avoir relancées le 24 novembre 2004 puis le 15 janvier 2005 pour se voir signifier de manière verbale la nécessité de modifier encore une fois les statuts. L’organisation plaignante indique avoir pleinement collaboré avec la sous-direction concernée dans l’exercice de modification des statuts. Cependant l’organisation affirme que, malgré des correspondances régulières au ministère du Travail et de la Sécurité sociale et des lettres ouvertes au chef du gouvernement de 2006 à 2008, les autorités sont demeurées silencieuses.
- 127. L’organisation plaignante indique que, suite à une procédure d’intervention du Bureau international du Travail sur l’affaire auprès du gouvernement en octobre 2008, celle-ci a été contactée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale dans le même mois pour être informée de la nécessité de souscrire une assurance responsabilité civile, ce qui n’est nullement prévu dans les textes de lois. Mais, malgré tout, l’organisation plaignante indique avoir une nouvelle fois obtempéré avec la requête et déposé à la Direction du dialogue social les justificatifs de la souscription de l’assurance le 22 octobre 2008.
- 128. Le SNTFP considère qu’il n’y a pas de volonté de la part du ministère du Travail et de la Sécurité sociale de délivrer l’agrément. En agissant ainsi, le gouvernement viole la convention no 87.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 129. Dans une communication en date du 4 mars 2010, le gouvernement fournit des explications sur le retard pris dans le traitement du dossier d’agrément et fait part de résultats d’investigations menées sur les membres du bureau national de l’organisation plaignante.
- 130. Le gouvernement indique de manière liminaire que les retards observés dans le traitement du dossier sont imputables au nombre d’observations et de remarques faites sur le dossier d’agrément et du temps pris par le syndicat pour en tenir compte et s’y conformer.
- 131. Par ailleurs, le gouvernement indique que des investigations ont été menées sur les membres du bureau national du SNTFP. Ces investigations ont fait ressortir le fait que, sur les 11 membres fondateurs composant le bureau national, sept membres ont des antécédents judiciaires. Ainsi, le gouvernement indique que M. Oukil Djilali, président du SNTFP, a fait l’objet d’une condamnation du tribunal d’El Harrach au paiement d’une amende pour avoir enfreint la loi relative à l’organisation, la sécurité et la police de la circulation routière. D’autres membres fondateurs ont également fait l’objet de condamnation au paiement d’amendes pour coups et blessures et pour injures (MM. Nader Omar, Tolba Boudjemâa). Le gouvernement indique par ailleurs que certains membres fondateurs sont également membres d’une autre organisation syndicale, ce qui laisse entrevoir un manque de loyauté envers les membres du SNTFP.
- 132. Selon le gouvernement, les antécédents judiciaires, dont sont frappés la majorité des membres fondateurs, sont de nature à entacher leur crédibilité et leur bonne foi dans l’exercice de responsabilités syndicales. De plus, le gouvernement indique que les intéressés ont tenté de dissimuler leurs condamnations, ce qui constitue un manque flagrant de transparence.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 133. Le comité observe que, dans le présent cas, les allégations de l’organisation plaignante ont trait au refus du ministère du Travail et de la Sécurité sociale d’enregistrer la demande d’agrément déposée, depuis août 2002, par le Syndicat national des travailleurs de la formation professionnelle (SNTFP), organisation constituée en avril 2002.
- 134. Le comité note, selon les informations fournies par l’organisation plaignante, que le SNTFP a tenu une assemblée constitutive le 11 avril 2002 avec l’adoption de ses statuts et l’élection d’un bureau national. Conformément à la loi, la publicité de la constitution de l’organisation a été faite dans un quotidien national d’information. Le comité observe que le syndicat a déposé une première demande d’agrément au ministère du Travail et de la Sécurité sociale le 25 août 2002, qu’elle a donné lieu à une réponse de la Direction de la relation de travail en septembre 2002 demandant des modifications des statuts du syndicat ainsi que des dossiers concernant les trois membres élus du bureau national accompagnés d’attestation de fonction pour chaque membre fondateur. Selon l’organisation plaignante, les formalités requises ont été accomplies le 11 juin 2003 en étroite collaboration avec la direction concernée. Cependant, le silence une nouvelle fois de l’administration a amené le SNTFP à relancer le ministère en septembre 2003, ce qui a donné lieu à une réponse en date du 2 décembre 2003 demandant au syndicat de fournir des dossiers complets de l’ensemble des membres fondateurs, ce qui, de l’avis de l’organisation plaignante, était en contradiction avec la demande initiale du ministère qui s’était limité à demander les dossiers des trois membres du bureau national. Le comité note que, malgré tout, l’organisation plaignante indique avoir obtempéré avec la nouvelle demande du ministère et déposé les dossiers complets des 33 membres fondateurs en juin 2004. Le comité relève que, suite à une nouvelle relance de l’organisation syndicale, cette dernière se serait vue signifier verbalement la nécessité de modifier encore une fois les statuts et aurait pleinement collaboré avec le ministère dans ce sens. Le comité note que l’organisation dénonce le silence de l’administration malgré des correspondances régulières au ministère du Travail et de la Sécurité sociale et des lettres ouvertes au chef du gouvernement de 2006 à 2008.
- 135. Le comité note l’indication selon laquelle, suite à une procédure d’intervention du Bureau international du Travail sur l’affaire auprès du gouvernement en octobre 2008, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a contacté l’organisation plaignante pour l’informer de la nécessité de souscrire une assurance responsabilité civile, ce qui, selon le SNTFP, n’est nullement prévu dans les textes de lois. L’organisation plaignante indique avoir une nouvelle fois obtempéré avec la requête et déposé à la Direction du dialogue social les justificatifs de la souscription de l’assurance le 22 octobre 2008 (l’organisation plaignante fournit en annexe copie de l’ensemble des correspondances échangées avec l’administration). Enfin, le comité note que, selon le SNTFP, il n’y a pas de volonté de la part du ministère du Travail et de la Sécurité sociale de délivrer l’agrément, cela en violation avec les prescriptions de la convention no 87.
- 136. Le comité observe que, dans sa réponse, le gouvernement se borne à expliquer le retard observé dans le traitement du dossier par le nombre d’observations et de remarques faites sur le dossier d’agrément déposé par l’organisation plaignante et par le temps pris par cette dernière pour en tenir compte et s’y conformer.
- 137. D’emblée, le comité note avec une profonde préoccupation que près de sept années se sont écoulées depuis l’initiative prise par les fondateurs du SNTFP de déposer une demande d’agrément auprès du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, cela sans résultat à ce jour. Le comité rappelle à cet égard que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical, en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement. Aussi, le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Il peut s’agir soit d’une autorisation visant directement la création de l’organisation syndicale elle-même, soit de la nécessité d’obtenir l’approbation discrétionnaire des statuts ou du règlement administratif, soit encore d’une autorisation dont l’obtention est nécessaire avant la création de cette organisation. Il n’en reste pas moins que les fondateurs d’un syndicat doivent observer les prescriptions de publicité et les autres dispositions analogues qui peuvent être en vigueur en vertu d’une législation déterminée. Toutefois, ces prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable ni s’opposer à la création d’une organisation au point de constituer en fait une interdiction pure et simple. Même dans le cas où l’enregistrement est facultatif, s’il dépend de cet enregistrement que les organisations obtiennent les droits fondamentaux nécessaires pour pouvoir «défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres», le simple fait que, dans ce cas, l’autorité chargée de l’enregistrement dispose d’un pouvoir discrétionnaire de le refuser crée une situation qui ne diffère guère de celle qu’entraînerait l’exigence d’une autorisation préalable. Par ailleurs, le comité rappelle que les formalités prescrites par la loi pour créer un syndicat ne doivent pas être appliquées de manière à retarder ou à empêcher la formation des organisations syndicales, et tout retard provoqué par les autorités dans l’enregistrement d’un syndicat constitue une violation de l’article 2 de la convention no 87. Une longue procédure d’enregistrement constitue, de l’avis du comité, un obstacle sérieux à la création d’organisations et équivaut à un déni du droit des travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 272, 279, 295 et 307.]
- 138. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement indique également avoir procédé à des investigations sur les membres du bureau national du SNTFP et que ces dernières ont fait ressortir le fait que, sur les 11 membres fondateurs composant le bureau national, sept membres ont des antécédents judiciaires. Ainsi, le gouvernement indique que M. Oukil Djilali, président du SNTFP, a fait l’objet d’une condamnation du tribunal d’El Harrach au paiement d’une amende pour avoir enfreint la loi relative à l’organisation, la sécurité et la police de la circulation routière. D’autres membres fondateurs ont également fait l’objet de condamnation au paiement d’amendes pour coups et blessures et pour injures (MM. Nader Omar, Tolba Boudjemâa). Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle les antécédents judiciaires dont sont frappés la majorité des membres fondateurs, ainsi que le fait qu’ils aient dissimulé les condamnations dont ils ont fait l’objet, montrent un manque de transparence de leur part et sont de nature à entacher la crédibilité de ces derniers pour exercer des responsabilités syndicales au niveau national. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement indique que certains membres fondateurs seraient également membres d’une autre organisation syndicale, ce qui, de son avis, poserait la question de leur loyauté envers les membres du SNTFP.
- 139. Le comité prend note des informations du gouvernement et relève qu’elles ne concernent nommément que trois membres fondateurs. Le comité souhaite rappeler, s’agissant des remarques du gouvernement sur les antécédents judiciaires et la moralité des membres fondateurs de l’organisation plaignante, que, dans des cas antérieurs, il a eu à rappeler que l’obligation faite à des candidats à des fonctions de dirigeant syndical de se soumettre à une enquête de moralité de la part d’une autorité administrative constitue un agrément préalable des candidats de la part des autorités, incompatible avec la convention no 87. De même, il a indiqué que la condamnation pour une activité qui, par sa nature, ne mettrait pas en cause l’intégrité de l’intéressé et ne saurait constituer un risque véritable pour l’exercice de fonctions syndicales ne doit pas constituer un motif de disqualification pour l’exercice de telles fonctions, et tout texte législatif interdisant ces fonctions aux personnes pour tout type de délit est incompatible avec les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 419 et 422.]
- 140. En outre, le comité, se référant à l’article 6 de la loi no 90-14 du 2 juin 1990, telle que modifiée, portant modalités d’exercice du droit syndical, observe qu’aucun critère avancé par le gouvernement et, en particulier, les antécédents judiciaires, l’appartenance à un autre syndicat ou des considérations relatives à la crédibilité ou la loyauté n’apparaissent comme des critères disqualifiants pour fonder une organisation syndicale. En outre, le comité observe que les dirigeants syndicaux peuvent faire l’objet, d ans l’exercice de leurs activités syndicales, d’accusations pour le délit auquel se réfère le gouvernement (violation de la loi relative à l’organisation, la sécurité et la police de la circulation routière). Cela ne devrait pas constituer un motif pour lui dénier le droit de constituer une organisation. En conséquence, le comité ne peut qu’exprimer sa profonde préoccupation devant les critères présentés par le gouvernement pour expliquer son refus d’enregistrer le SNTFP. Le comité est particulièrement préoccupé par le fait que le raisonnement du gouvernement n’a apparemment jamais été expliqué au SNTFP et que la procédure d’enregistrement a plutôt traîné plusieurs années avec différentes requêtes faites à l’organisation plaignante auxquelles elle s’est dûment pliée dans l’intérêt d’être enregistrée, y compris en souscrivant une assurance.
- 141. Compte tenu des dispositions de la loi no 90-14 concernant la procédure de constitution d’une organisation syndicale, des informations fournies par l’organisation plaignante et de la réponse du gouvernement, le comité en conclut que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a pas donné suite à la demande d’agrément du SNTFP depuis plusieurs années, sans justification. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de procéder sans délai à l’enregistrement du SNTFP et note avec un profond regret que le temps écoulé depuis la demande d’agrément initiale (août 2002) a pu empêcher l’organisation syndicale d’organiser ses activités de manière adéquate. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité s’attend à ce que le gouvernement assure l’application stricte de la loi nationale et des principes rappelés ci-dessus concernant le droit de constituer des organisations syndicales et que les agissements de l’administration, en l’espèce, en violation de la convention no 87 ne puissent plus se reproduire à l’avenir.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 142. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver la recommandation suivante:
- Le comité prie instamment le gouvernement de procéder sans délai à l’enregistrement du Syndicat national des travailleurs de la formation professionnelle (SNTFP) et note, avec un profond regret, que le temps écoulé depuis la demande d’agrément initiale (août 2002) a pu empêcher l’organisation syndicale d’organiser ses activités de manière adéquate. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité s’attend à ce que le gouvernement assure l’application stricte de la loi nationale et des principes qu’il rappelle concernant le droit de constituer des organisations syndicales et que les agissements de l’administration, en l’espèce, en violation de la convention no 87 ne puissent plus se reproduire à l’avenir.