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- 286. La plainte figure dans des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datées du 31 août 2005 et du 2 mars 2006. Dans une communication datée du 7 septembre 2005, la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir (FITTHC) s’est associée à cette plainte.
- 287. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées du 14 novembre 2005 et du 17 octobre 2006.
- 288. Le Cambodge a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 289. Dans sa communication du 31 août 2005, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) déclare que l’employeur, dans le cas présent l’entreprise Fortune Garment and Woolen Knitting Factory (Fortune Garment Co.), donnait une mauvaise image d’elle-même en matière de droits des travailleurs. En 2002, l’OIT a procédé à un contrôle dans 65 usines, y compris celles de Fortune Garment Co. Ce contrôleur portait sur des questions telles que les salaires, la durée du travail, la sécurité et la santé et les relations de travail. Ce contrôle a permis de révéler un certain nombre de violations, et des recommandations appropriées ont été formulées. La compagnie Fortune Garment Co. fait partie des entreprises qui ont commis le plus grand nombre de violations. En outre, il ressort du huitième rapport de projet de l’OIT, daté de 2004, que, sur les 51 recommandations qui ont été adressées à l’entreprise, six seulement ont été suivies d’effet, que quatre recommandations ont été appliquées partiellement et que 41 n’ont pas été appliquées du tout.
- 290. Selon le plaignant, le 30 mai 2004, plus de 1 000 salariés de l’entreprise Fortune Garment Co., qui en compte 2 700, ont signé, par une empreinte de leur pouce, une pétition adressée à la direction de l’entreprise qui demande une augmentation des salaires. Dans cette pétition, les travailleurs menacent de faire grève si aucune suite n’est donnée à leurs revendications. Les travailleurs n’étaient pas syndiqués à l’époque. Ils ont choisi comme représentant M. Sok Vy, un travailleur parlant chinois et qui pouvait, de ce fait, communiquer plus facilement avec le directeur de l’entreprise, de langue chinoise.
- 291. Le 2 juin 2004, la direction a rejeté les revendications et il y eut grève. En représailles, M. Sok Vy fut suspendu puis licencié. Le 5 juin 2004, M. Sok Vy a été convoqué par le tribunal provincial de Kandal sur plainte de l’entreprise Fortune Garment Co., qui lui reprochait d’avoir violé la législation pénale en incitant d’autres travailleurs à commettre un délit et à endommager leurs biens. M. Sok Vy est la seule personne à avoir été convoquée. Ce jour-là, M. Sok Vy et quatre autres travailleurs ont ensuite rencontré les membres de la direction, qui leur ont fait comprendre que l’entreprise abandonnerait toute poursuite s’ils acceptaient de parler aux autres travailleurs pour les convaincre de mettre fin à la grève. Le 6 juin 2004, les travailleurs mettaient fin à leur grève et reprenaient le travail.
- 292. Cependant, le lendemain même, l’entreprise suspendait M. Sok Vy sans même attendre d’avoir l’autorisation du bureau du travail provincial comme l’exige la réglementation du ministère du Travail. Et, le 8 juillet 2004, malgré la promesse de la direction d’abandonner les poursuites, M. Sok Vy était convoqué de nouveau devant le tribunal. M. Sok Vy a immédiatement montré la convocation au directeur de l’entreprise et lui a demandé des explications. Le directeur a alors sorti une lettre de la direction qu’il lui a demandé de signer, ajoutant que, s’il acceptait de le faire, l’entreprise abandonnerait les poursuites et il pourrait garder son travail. Dans cette lettre, il est dit que M. Sok Vy a formulé des revendications déraisonnables et qu’il n’adresserait plus aucune revendication à l’entreprise. Craignant de perdre son emploi, M. Sok Vy a accepté de signer cette lettre, qu’on lui a demandé de recopier de sa propre main.
- 293. Le 8 août 2004, la Coalition des syndicats démocratiques des travailleurs cambodgiens de l’habillement (CCAWDU) a organisé une réunion dans l’entreprise Fortune Garment Co. à l’issue de laquelle M. Sok Vy fut élu président.
- 294. Le 19 décembre 2004, l’entreprise ayant apporté des modifications à la conception des modèles qui permettaient difficilement aux travailleurs de maintenir leur niveau de salaire, le syndicat a réclamé une augmentation des salaires à la pièce. Aucun accord n’ayant pu être trouvé, la question fut renvoyée devant le Conseil d’arbitrage national. Le 20 décembre 2004, le syndicat de branche de la CCAWDU et la direction ont tenu une réunion. Le syndicat a demandé que M. Sok Vy, qui avait été de nouveau suspendu le 13 décembre pour une période indéterminée, soit réintégré dans ses fonctions et qu’il soit mis fin à toute discrimination à l’égard des dirigeants et militants syndicaux.
- 295. Le 23 décembre 2004, un autre syndicat déclenchait une grève dans l’entreprise Fortune Garment Co. Bien que l’arrêt du travail, qui n’avait pas le soutien de la CCAWDU, n’ait duré qu’une dizaine de minutes, la direction, qui reprochait à la CCAWDU d’avoir déclenché la grève, a suspendu 10 membres de son comité exécutif et réclamé une amende de 50 000 dollars.
- 296. Le 27 décembre 2004, M. Sok Vy recevait une citation à comparaître le 31 décembre 2004 en rapport avec la grève du mois de juin.
- 297. Le 31 janvier 2005, l’entreprise a licencié 20 militants de la CCAWDU. Si 17 d’entre eux ont accepté les indemnités de licenciement qui leur ont été proposées, les trois autres militants ont décidé de porter plainte pour discrimination antisyndicale et s’opposent aujourd’hui à leur licenciement.
- 298. Le plaignant explique que, le 7 février 2005, jour où M. Sok Vy s’est présenté au tribunal provincial de Kandal, les forces de police ont empêché 200 travailleurs qui voulaient assister au procès de monter dans les camions qui devaient les emmener au tribunal, violant ainsi le droit de liberté de réunion. A l’audience, l’entreprise n’a pu présenter aucune preuve: aucun témoin n’a déclaré avoir vu M. Sok Vy inciter d’autres travailleurs ou causer des dommages à la propriété de l’entreprise et, bien qu’un des directeurs ait affirmé qu’une des vitres et un tuyau d’eau avaient été endommagés pendant la grève, il n’a pas dit avoir vu M. Sok Vy causer des dégâts. En outre, un autre témoin, qui avait fait une déposition écrite devant le tribunal, est finalement revenu sur sa déclaration pour dire que personne ne l’avait obligé à faire grève. Certains témoins de la défense ont déclaré de leur côté qu’il n’y avait pas de meneur de grève et que les travailleurs étaient simplement sortis de l’entreprise en apprenant que leurs revendications avaient été rejetées, après quoi l’entreprise avait fermé ses portes, ce qui fait qu’ils n’auraient pas pu retourner au travail même s’ils l’avaient voulu. Enfin, d’autres témoins se sont vus interdire l’accès à la salle d’audience, de sorte qu’ils n’ont pas pu témoigner en faveur de M. Sok Vy.
- 299. Le plaignant ajoute que, le 10 février 2005, M. Sok Vy a été jugé coupable d’incitation au délit, en vertu de l’article 60 du Code pénal, et qu’il a été condamné à un an de prison avec sursis. Le juge lui a infligé par ailleurs une peine de deux mois de prison avec sursis pour dommages à la propriété de l’entreprise, et ce bien que, dans son jugement écrit, il ait conclu à l’absence de toute preuve de la culpabilité de M. Sok Vy lors du procès. De plus, le juge a laissé à l’entreprise Fortune Garment Co. la possibilité de poursuivre M. Sok Vy au civil pour les pertes subies pendant la grève du mois de juin; le défenseur de l’entreprise avait affirmé lors du procès que les dommages s’élevaient à 300 000 dollars, mais sans fournir aucune preuve à l’appui de sa déclaration. La CISL allègue que la condamnation de M. Sok Vy, ainsi que les actions en justice à l’encontre des dix membres du comité exécutif de la CCAWDU mentionnées ci-dessus, constituent en quelque sorte une sanction à l’égard des travailleurs qui se sont lancés dans une action collective légitime, sous la forme d’une action en justice pour dommages et intérêts.
- 300. La CISL fait savoir qu’entre-temps la compagnie Fortune Garment Co. a continué de licencier des militants syndicaux. M. Yern Channy et M. Ly Lay ont été licenciés le 4 mai 2005 et Mme Keo Leakena le 18 mai 2005.
- 301. La CISL déclare que les procédures à suivre pour déclencher une grève dans la légalité sont très longues. En cas de différend, une grève ne peut être déclenchée qu’après arbitrage par le ministère du Travail, suivi d’un arbitrage sous les auspices du Conseil d’arbitrage. Etant donné que de nombreuses grèves sont déclenchées par des problèmes immédiats, comme le licenciement de représentants des travailleurs, le harcèlement par des gardiens de la sécurité et le non-paiement des salaires, autant de questions pour lesquelles il n’existe pas de mécanismes de plaintes, il n’est pas surprenant que des salariés mènent des actions non autorisées comme les grèves sauvages au lieu d’attendre 37 jours avant de déclencher une grève légale. La CISL précise qu’il y a eu plus de 60 grèves ces trois dernières années, et qu’aucune n’a été déclenchée selon les règles et procédures applicables.
- 302. Dans une communication datée du 2 mars 2006, le plaignant se réfère à une sentence du Conseil d’arbitrage du 21 avril 2005 qui concerne aussi bien M. Ly Lay que M. Sok Vy. Le plaignant déclare que la question des licenciements de M. Ly Lay et M. Sok Vy et de plusieurs autres salariés de Fortune Garment Co. a été soumise au Conseil d’arbitrage. Tous les travailleurs concernés, des syndicalistes pour la plupart, ont accepté une indemnisation pour leur licenciement, à l’exception de M. Ly Lay, qui a rejeté cette indemnisation au motif que les licenciements étaient motivés par le fait que les travailleurs avaient fait grève à quatre reprises, et, dans son cas, par son activité syndicale. L’entreprise a refusé de réintégrer les travailleurs, mais elle a offert 302 dollars d’indemnités. Compte tenu de cette offre, le Conseil d’arbitrage a estimé que M. Ly Lay devrait accepter l’indemnisation et a rejeté, par conséquent, la demande de réintégration. Toutefois, il n’a pas été établi convenablement si son licenciement était légal, et les raisons du rejet de la demande de réintégration de M. Ly Lay ne sont pas claires.
- 303. En ce qui concerne M. Sok Vy, le plaignant déclare qu’il a été établi dans la sentence que c’est en raison de son inconduite qu’il a été licencié en décembre 2004. La lettre de licenciement a été communiquée au bureau du travail de la province de Kandal, qui a entériné le licenciement le 21 décembre 2004. Le 22 décembre 2004, la CCAWDU a interjeté appel de cette décision. Le silence du ministère du Travail laisse entendre qu’il approuve la décision du bureau du travail de Kandal d’entériner le licenciement de M. Sok Vy. Selon l’entreprise Fortune Garment Co., celui-ci aurait falsifié sa carte d’identité juste avant son élection à la présidence du syndicat en se vieillissant de trois ans et en prétendant avoir 25 ans, ce afin d’obtenir le poste. En effet, en vertu de l’article 286 de la loi sur le travail, les responsables syndicaux doivent avoir 25 ans minimum. Selon le Conseil d’arbitrage, M. Sok Vy a fait savoir que, s’il avait modifié sa carte d’identité, c’était uniquement pour rectifier sa date de naissance qui était fausse. Le Conseil d’arbitrage a estimé que, quelle que soit la date de naissance à retenir pour M. Sok Vy, il avait fourni de fausses informations à son employeur soit au moment de son licenciement, soit au moment de son élection au syndicat, ce qui constitue un délit d’inconduite manifeste. Le Conseil d’arbitrage a conclu, de ce fait, que le licenciement était justifié et a rejeté par conséquent sa demande de réintégration.
- 304. Selon le plaignant, le Conseil d’arbitrage n’aurait pas traité convenablement les divers aspects de la relation qui lie M. Sok Vy à l’entreprise Fortune Garment Co., surtout pour ce qui est du harcèlement qu’il aurait subi avant son élection à la présidence du syndicat, y compris sous forme de suspensions. En outre, il ne lui paraît pas justifié de qualifier d’inconduite grave le changement de date de naissance sur la carte d’identité: M. Sok Vy ne cherchait pas à obtenir quoi que ce soit de l’employeur en changeant sa date de naissance et cet acte n’a, de toute manière, affecté en rien le travail qu’il faisait pour son employeur. La CISL précise que le licenciement de M. Sok Vy ne s’est pas produit immédiatement après la modification de sa carte d’identité, puisqu’il a été élu président du syndicat en août 2004 mais licencié en décembre 2004 seulement. Le Conseil d’arbitrage n’a pas traité tous les aspects de ce cas. La CISL ajoute que l’âge minimum de 25 ans exigé des responsables syndicaux est contraire au droit des travailleurs de choisir librement leurs propres représentants.
- 305. Enfin, dans sa communication du 2 mars 2006, le plaignant déclare que le gouvernement n’a pas fourni d’information au sujet du licenciement de M. Yern Channy, M. Ly Lay et Mme Keo Leakena par l’entreprise Fortune Garment Co.
- B. Réponse du gouvernement
- 306. Dans des communications datées du 14 novembre 2005 et du 17 octobre 2006, le gouvernement déclare que le Conseil d’arbitrage a rejeté la plainte de la Coalition des syndicats démocratiques des travailleurs cambodgiens de l’habillement (CCAWDU), qui demandait à l’entreprise Fortune Garment Co. de réintégrer M. Sok Vy dans ses fonctions. Il a également transmis un exemplaire en khmer de la sentence du Conseil d’arbitrage concernant M. Sok Vy et M. Ly Lay.
- 307. Le gouvernement ajoute que M. Sok Vy a comparu devant le tribunal provincial de Kandal à la suite d’une plainte pénale et qu’il a été reconnu coupable et condamné à quatorze mois de prison le 10 février 2005. C’est ce même verdict qui a indiqué que l’entreprise Fortune Garment Co. pouvait intenter à M. Sok Vy une action au civil pour dommages et intérêts.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 308. Le comité note que les allégations concernent des violations du droit de négociation collective et la suspension et le licenciement de syndicalistes qui ont exercé des activités syndicales. En plus de M. Sok Vy, dix membres de la Coalition des syndicats démocratiques des travailleurs cambodgiens de l’habillement (CCAWDU) ont été suspendus le 20 décembre 2004, et 20 militants de cette coalition ont été licenciés le 31 janvier 2005.
- 309. Le comité note que, selon l’information fournie par le plaignant, et à la suite d’une grève menée par les salariés de Fortune Garment Co. le 2 juin 2004, la direction de cette entreprise a licencié le représentant des travailleurs, M. Sok Vy, et lui a intenté une action au pénal auprès du tribunal provincial de Kandal. Le 8 juillet 2004, M. Sok Vy a par ailleurs été forcé, sous peine de poursuites judiciaires et de licenciement, de signer une lettre déclarant qu’il n’adresserait plus aucune revendication à l’entreprise. Le 13 décembre 2004, M. Sok Vy, alors président de la CCADWU, a été licencié par Fortune Garment Co.
- 310. Le comité prend note de l’information donnée par le gouvernement selon laquelle le Conseil d’arbitrage aurait rendu une sentence rejetant la demande de réintégration de M. Sok Vy. Selon le plaignant et une version traduite de la sentence arbitrale, le Conseil d’arbitrage aurait entériné le licenciement de M. Sok Vy pour inconduite grave, au motif qu’il avait falsifié sa carte d’identité en se disant âgé de 25 ans pour répondre à la condition fixée à l’article 286 de la loi sur le travail du Cambodge, qui veut que les responsables syndicaux aient 25 ans au minimum. A cet égard, le comité rappelle que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs propres représentants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres pour que ce droit soit reconnu pleinement que si les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l’exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement adopté des élections elles-mêmes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 353.] Par conséquent, le comité estime que la conclusion du Conseil d’arbitrage repose sur une condition juridique qui est incompatible avec les principes de la liberté syndicale. Ceci étant, le comité demande au gouvernement de modifier l’article 286 de la loi sur le travail, de manière à supprimer la limitation relative à l’âge apportée au droit des travailleurs d’élire leurs propres représentants en toute liberté, et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 311. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux graves allégations concernant le traitement qu’aurait subi M. Sok Vy de la part de son employeur. Etant donné que le rejet par le Conseil d’arbitrage de la demande de réintégration de M. Sok Vy repose sur une disposition législative qui est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, le comité considère la réintégration comme la solution la plus appropriée, et demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que M. Sok Vy soit pleinement réintégré dans son poste précédent. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 312. En ce qui concerne la condamnation au pénal de M. Sok Vy pour avoir incité à commettre des actes criminels et pour avoir endommagé les biens de la compagnie, le comité prend note avec préoccupation de l’allégation d’une peine de 14 mois de prison avec sursis qui lui a été, semble-t-il, infligée malgré les conclusions du jugement quant à l’absence de preuves suffisantes de la culpabilité de M. Sok Vy ainsi que les doutes soulevés quant à la procédure suivie lors du procès. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas soumis d’information au sujet de cette allégation; il demande au gouvernement de répondre à ces allégations et de lui fournir sans délai une copie de la décision judiciaire. Il demande également au gouvernement d’indiquer si M. Sok Vy jouit d’un droit de recours à l’encontre de ce jugement et, dans l’affirmative, s’il a été fait appel de ce jugement.
- 313. Le comité note que la condamnation de M. Sok Vy est d’autant plus préoccupante que l’article 269(3) de la loi sur le travail empêche toute personne condamnée au pénal d’être élue à un poste administratif ou de direction dans une organisation professionnelle. A ce propos, le comité rappelle qu’une loi interdisant de manière générale l’accès aux fonctions syndicales pour toute sorte de condamnation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, dès lors que l’activité condamnée ne met pas en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer de telles fonctions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 383.] Le comité demande par conséquent au gouvernement de modifier l’article 269(3) afin de le mettre en conformité avec les principes de la liberté syndicale.
- 314. Le comité note que, selon le plaignant et la sentence arbitrale, le Conseil d’arbitrage aurait rejeté la demande de réintégration de M. Ly Lay. Le Conseil d’arbitrage a, en revanche, souscrit à l’offre d’une indemnité d’un montant de 302 dollars, mais il n’a ni établi si ce licenciement était légal ni justifié son rejet de la demande de réintégration. Le comité regrette que le gouvernement se soit contenté de fournir un exemplaire en khmer de la sentence du Conseil d’arbitrage se rapportant à M. Ly Lay et qu’il n’ait pas fourni d’autres informations au sujet de cette allégation. Il regrette également que le gouvernement n’ait pas fourni d’information sur les allégations de suspension et de licenciement des autres syndicalistes mentionnées dans la plainte. Le comité prend note cependant que, selon la sentence arbitrale, environ 100 travailleurs (la plupart membres syndicaux) ont été licenciés sans raisons (fait reconnu par l’employeur) mais que, dans de tels cas, la sentence arbitrale a conclu qu’il était suffisant de verser l’indemnisation prévue par la loi, ce qui a été fait. Ceci étant, et étant donné la gravité de ces allégations, qui concernent le licenciement d’un nombre important de responsables et militants syndicaux sans aucune enquête quant à la possible nature antisyndicale des motifs derrière cet acte, le comité demande au gouvernement de mener promptement une enquête indépendante sur ces allégations de discrimination antisyndicale. Il demande au gouvernement, s’il s’avère que les travailleurs ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes, de faire en sorte qu’ils soient réintégrés dans leurs postes sans perte de salaire ou, si un organisme judiciaire indépendant venait à conclure que la réintégration sous une forme ou une autre n’est pas possible, qu’ils reçoivent une indemnisation allant au-delà de celle prévue par la loi pour licenciement non motivé, c’est-à dire une indemnisation qui représente une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 315. Le comité souligne que ces allégations concernent la suspension ou le licenciement d’un nombre important de syndicalistes à différentes occasions. A cet égard, le comité souligne que le gouvernement est tenu d’empêcher tout acte de discrimination antisyndicale et que la législation doit établir, d’une manière expresse, des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale afin d’assurer l’application pratique des articles 1 et 2 de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 743.] Notant également que, selon les plaignants, sur les 20 militants de la CCAWDU qui auraient été licenciés le 31 janvier 2005, 17 auraient accepté l’indemnité de licenciement qui leur a été offerte, alors que les trois autres ont porté plainte pour licenciement (selon la sentence arbitrale, environ 100 travailleurs, la plupart membres syndicaux, ont été licenciés), le comité se doit de rappeler que la législation n’accorde pas une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 si elle permet en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 707.] Le comité prie le gouvernement de prendre sans délai les mesures appropriées pour que ces principes soient pleinement appliqués et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 316. Enfin, le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 317. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 286 de la loi sur le travail en éliminant la condition d’âge minimum, fixée à 25 ans, pour occuper un poste de responsabilité syndicale, donnant ainsi effet au droit des organisations de travailleurs de choisir leurs représentants en toute liberté.
- b) En ce qui concerne le licenciement de M. Sok Vy par l’entreprise Fortune Garment Co., le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que M. Sok Vy soit pleinement réintégré dans son poste précédent et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- c) En ce qui concerne la condamnation de M. Sok Vy, le comité demande au gouvernement de lui fournir sans délai un exemplaire de la décision du tribunal et de répondre aux allégations du plaignant selon lesquelles une peine de quatorze mois avec sursis a été imposée malgré le fait que le jugement ait conclu à l’insuffisance de preuves pour le trouver coupable et que des préoccupations aient été soulevées quant au respect de la procédure pendant le procès. Il demande également au gouvernement d’indiquer si M. Sok Vy a le droit de faire recours de sa condamnation et, dans l’affirmative, si un recours a été interjeté.
- d) Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 269 3 de la loi sur le travail de manière à n’interdire l’accès à des responsabilités syndicales que lorsque l’activité condamnée met en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer un poste de responsabilité syndicale.
- e) En ce qui concerne les licenciements de M. Ly Lay et d’autres syndicalistes par l’entreprise Fortune Garment Co., le comité prie le gouvernement de mener rapidement une enquête indépendante sur ces allégations en vue de la réintégration pleine et entière ou, si cela n’est pas possible, d’une indemnisation appropriée de manière à représenter une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux, des travailleurs qui auraient été licenciés pour avoir exercé des activités syndicales légitimes.
- f) Le comité prie le gouvernement de prendre sans délai des mesures appropriées pour que les travailleurs bénéficient d’une protection efficace contre tout acte de discrimination antisyndicale, y compris par l’application de sanctions suffisamment dissuasives.
- g) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas.