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- 1000. La plainte figure dans des communications de l’Union marocaine du travail (UMT) datées des 20 avril et 23 mai 2005.
- 1001. Le gouvernement a transmis sa réponse dans des communications datées des 24 juin et 20 juillet 2005.
- 1002. Le Maroc a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971. Il n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1003. Dans ses communications des 20 avril et 23 mai 2005, l’Union marocaine du travail (UMT) explique que la plainte concerne un différend collectif dans la société Valeo (équipementier automobile – province de Benslimane) installée dans la ville de Bouznika. La plainte a pour cause la non-reconnaissance de la section syndicale de l’UMT dans l’entreprise et le licenciement discriminatoire du secrétaire général du bureau syndical, ce qui a déclenché un mouvement général de solidarité de l’ensemble des travailleurs de l’usine, et a conduit à une intervention brutale des forces de l’ordre ainsi qu’à l’arrestation de neuf membres du Conseil syndical de l’usine.
- 1004. Le 30 mars 2005, l’élection de neuf représentants des travailleurs s’est tenue, après que les travailleurs de l’usine ont décidé de s’affilier à l’UMT. Le 12 avril 2005, le secrétaire national de l’UMT a adressé à la direction de l’usine un message l’assurant de son engagement en faveur de relations professionnelles basées sur le respect mutuel et le dialogue social.
- 1005. Dans la soirée du 19 avril 2005, le secrétaire général du syndicat de l’usine, M. Essemlali Abdelghafour, n’a pu rejoindre son poste de travail, la direction l’ayant informé à la porte de l’usine qu’il était suspendu. L’UMT allègue que la suspension s’est opérée en dehors de toute information préalable et de toute procédure réglementaire. Suite à cet événement et en guise de protestation l’équipe de nuit a décidé de déclencher un arrêt de travail à partir de 22 heures.
- 1006. Le 19 avril, à 23 heures, le gouverneur de la ville de Bouznika s’est personnellement rendu sur le site de l’usine à la tête des forces d’intervention appelées par la direction de l’usine suite à l’arrêt de travail. En outre, l’organisation plaignante allègue que, selon de nombreux témoignages, le gouverneur de la ville, brandissant une arme contre les travailleurs, était manifestement en état d’ébriété. Pour l’organisation plaignante, cette intervention était brutale, plusieurs travailleuses et ouvriers ayant été blessés et hospitalisés. En outre, l’UMT souligne que l’appui personnel du gouverneur de Bouznika à cette escalade était d’une extrême gravité et de nature à engager directement la responsabilité du gouvernement marocain.
- 1007. Cette intervention a aussi mené à l’arrestation de neuf membres du Conseil syndical de l’usine: Mme Nadia Raihan, M. Jawad Gennoni, M. Khairat Hassan, M. Hassan Elkafi, M. Aziz Rzouzi, M. Jilali Fawdsi, M. Wardi Echouali, M. Abdellah Zarouf et M. Saïd Janati. Le 25 avril 2005, ces derniers ont été déférés devant le tribunal de première instance de Benslimane pour délit «d’entrave à la liberté de travail», puni par l’article 288 du Code pénal marocain d’un mois à deux années de prison et une amende. Selon l’organisation plaignante, cette accusation est souvent préfabriquée pour poursuivre et incarcérer les syndicalistes; c’est pourquoi l’UMT ne cesse de dénoncer cet article du Code pénal qu’elle considère contraire aux conventions nos 87 et 98. Finalement, face à la fragilité de l’accusation et au poids des preuves soumises par les avocats des syndicalistes poursuivis, le tribunal a reporté l’audience au 2 juin 2005.
- 1008. A la date de la dernière communication de l’organisation plaignante (le 23 mai 2005), le délégué du ministère du Travail de la province de Benslimane avait émis un avis consultatif dans lequel il reconnaît l’illégalité du licenciement du délégué syndical. L’organisation plaignante avait aussi saisi la maison mère de la compagnie (qui se trouve à Paris) à ce sujet, des séances de négociation avaient été organisées entre les deux parties et une solution au volet social avait été trouvée avec la signature d’un protocole d’accord (copie jointe à la communication). L’organisation plaignante souligne que les poursuites judiciaires contre les neuf syndicalistes sont en suspens et dans les mains des autorités.
- 1009. Plus généralement, l’organisation plaignante allègue que le recours aux forces de l’ordre en représailles contre l’ensemble des travailleurs du site, lors de la grève de solidarité qui a suivi la suspension du secrétaire général du syndicat UMT de l’usine, constitue une violation flagrante des conventions fondamentales de l’OIT concernant la liberté syndicale et le droit de négociation collective.
- B. Réponse du gouvernement
- 1010. Dans une communication datée du 24 juin 2005, le gouvernement a joint une lettre du 6 juin 2005 signée par le délégué provincial de l’emploi de Benslimane et adressée au ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle; il s’agit d’un rapport relatif au conflit collectif de travail survenu à l’usine Valeo de Bouznika. L’usine compte un effectif de 1 800 personnes, dont 60 pour cent de femmes.
- Le recours à la force et arrestations
- lors des événements du 19 avril 2005
- 1011. Le délégué provincial explique que, le 19 avril 2005 après minuit, le gouverneur de la ville lui a demandé par téléphone de le rejoindre au site de la société. Sur les lieux, il a constaté que les six cents salariés de la 3e équipe, travaillant de 22 heures à 6 heures, avaient débrayé en guise de protestation contre la décision de licenciement notifiée, le soir même, à M. Essemlali Abdelghafour, secrétaire général de la section syndicale UMT de l’usine. Les grévistes scandaient des slogans réclamant la réintégration du responsable syndical congédié et refusant tout dialogue avant la satisfaction de ce point. Devant cette situation et pour garantir la liberté de travail, le gouverneur a demandé l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer les lieux. En conséquence, neuf salariés ont été arrêtés par la police, puis relâchés le 20 avril 2005; neuf salariés ont été poursuivis pour entrave à la liberté de travail.
- 1012. Le 21 avril, à 22 heures, il y a finalement eu reprise du travail par l’équipe de nuit. Dans son rapport, le délégué provincial souligne que ce débrayage a causé la perte de 7 488 heures de travail, soit 936 jours.
- L’enquête et la conciliation des parties organisées
- par la délégation de l’emploi de Benslimane
- 1013. Afin de trouver une solution au conflit, la délégation de l’emploi de Benslimane a organisé des réunions dans le cadre d’une commission provinciale d’enquête et de conciliation. Lors de la réunion du 25 avril 2005 présidée par le gouverneur de la province, en présence de la délégation provinciale de l’emploi, des responsables de la société Valeo, de la direction générale de l’UMT et des représentants de la délégation du commerce et de l’industrie, les parties ont exprimé leurs points de vue quant au conflit collectif de travail.
- 1014. Selon le délégué provincial de l’emploi, le gouverneur a confirmé que l’intervention des autorités était indispensable pour sauvegarder la liberté de travail qui était gravement menacée par les événements du 19 avril 2005, notamment parce que les grévistes refusaient catégoriquement d’ouvrir la discussion sur les lieux de débrayage. La direction de la société a mis l’accent sur le comportement inacceptable du premier secrétaire du syndicat, qui a fait l’objet de plusieurs avertissements durant la période où il dirigeait une section syndicale affiliée à l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM); la mesure du licenciement n’aurait été qu’une question de temps et ne visait pas à porter atteinte au droit syndical, pas plus qu’à l’UMT en tant que syndicat.
- 1015. Les représentants de l’UMT ont fait valoir que le dossier de constitution du bureau syndical du personnel de l’usine a été déposé le 30 mars 2005 auprès de l’autorité locale du travail de Bouznika, qui a cherché à esquiver l’obligation de délivrer un récépissé ou de viser l’exemplaire du dossier. En outre, ils ont vigoureusement dénoncé l’intervention des autorités et la position agressive de l’employeur, qui ont entraîné une atteinte au droit syndical, à la liberté syndicale et au droit légitime des travailleurs de recourir à la grève. Enfin, ils ont demandé la réintégration du syndicaliste licencié et le respect de la liberté syndicale, conditions sine qua non de l’assainissement du climat social au sein de l’usine.
- 1016. De son côté, la délégation provinciale de l’emploi a relaté les différentes étapes du conflit aux parties et leur a précisé qu’elle considérait que la décision du licenciement du secrétaire général du bureau syndical était entachée d’irrégularités, parce qu’elle n’avait pas respecté la procédure prescrite par l’article 62 (droit de se défendre) et l’article 65 (mention du délai de recours devant le tribunal) du Code du travail. En outre, la délégation provinciale a attiré l’attention de l’employeur sur l’obligation de se conformer aux dispositions de l’article 1 de la convention nº 135 concernant la protection des représentants des travailleurs contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice.
- La reconnaissance de la section syndicale UMT de l’usine Valeo
- 1017. Quant à la légitimité de la section syndicale en question, la délégation provinciale reconnaît qu’elle a bien reçu, le 1er avril 2005, un exemplaire des documents de constitution de la section syndicale déposés le 30 mars dans le bureau de l’autorité locale de Bouznika, conformément aux articles 414 et 415 du Code du travail. En application des recommandations de la réunion du 25 avril 2005, la commission provinciale a tenu une deuxième séance de travail le 3 mai 2005 au siège de la province de Benslimane, sous la présidence du gouverneur de la province. A l’issue de cette rencontre, un protocole d’accord régissant les relations professionnelles, les mécanismes de dialogue et de concertation entre la section syndicale UMT de l’usine Valeo et la direction a été conclu entre les parties. Cet accord, qui a pris effet le 5 mai 2005, garantit aux travailleurs l’exercice du droit syndical, et porte notamment sur les facilités accordées aux représentants des travailleurs pour leur permettre de s’acquitter de leurs fonctions.
- Le licenciement du secrétaire général
- du syndicat de l’usine Valeo
- 1018. A la fin de la réunion du 25 avril 2005, la commission provinciale d’enquête et de conciliation a confié à la délégation provinciale de l’emploi le soin d’émettre un avis sur le licenciement du responsable syndical. Le 2 mai 2005, la délégation a rendu l’avis sollicité selon lequel la décision de licenciement du secrétaire général du syndicat de l’usine le 19 avril 2005 n’avait pas respecté la procédure applicable en ce cas. En conséquence, le 3 mai 2005, lors de la deuxième séance de travail de la commission provinciale, un accord prévoyant sa réintégration, à compter du 6 mai 2005, a été conclu entre les parties. De plus, l’intéressé a signé un document définissant ses obligations en tant que salarié et ses droits en tant que syndicaliste.
- Les poursuites contre les dirigeants syndicaux
- arrêtés le 19 avril lors du conflit à l’usine Valeo
- 1019. Dans une communication du 20 juillet 2005, le gouvernement a transmis une lettre du 2 juillet 2005 du délégué provincial de l’emploi, adressée au ministre de l’Emploi, concernant les verdicts rendus quant aux neuf salariés poursuivis pour entrave à la liberté de travail (dossiers nos 876 et 877, tribunal de Benslimane). Ce dernier indique que, le 16 juin 2005, le tribunal de première instance de Benslimane a rendu deux verdicts au sujet des neuf salariés de la société Valeo incriminés par le ministère public pour entrave à la liberté de travail.
- 1020. Le premier verdict (nº 877) acquittait les huit salariés inculpés d’entrave à la liberté du travail. Quant au deuxième verdict (nº 876), rendu le même jour, M. Hassan Elkafi a aussi été acquitté de l’accusation d’entrave à la liberté de travail, mais a été condamné à un mois de prison avec sursis et une amende de 200,00 dirhams pour vol de rubans adhésifs appartenant à l’employeur qui ont été trouvés dans sa maison et dans ses poches. Le 21 juin, le Procureur du roi a fait appel de ces deux jugements; pour sa part, la défense a interjeté appel de la décision reconnaissant M. Elkafi coupable.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1021. Le comité note que les allégations dans la présente plainte concernent la non-reconnaissance de la section syndicale UMT de l’usine Valeo et des actes de discrimination antisyndicale, notamment le licenciement du secrétaire général du syndicat UMT de l’usine, ce qui a mené à une grève de protestation déclenchée par le syndicat local pour s’opposer à cette mesure intervenue peu après la constitution dudit syndicat, sans avis préalable et en violation de la procédure existante. L’organisation plaignante allègue également que, armé d’un pistolet, le gouverneur de la ville a mené l’intervention policière, qui a fait plusieurs blessés et entraîné l’arrestation de neuf membres du Conseil syndical de l’usine Valeo. Le gouvernement, pour sa part, reconnaît l’intervention des forces de l’ordre le 19 avril 2005 et fait valoir qu’il a pris des mesures pour rapprocher les parties, les amener à négocier et assainir le climat social au sein de l’usine.
- La non-reconnaissance de la section syndicale UMT
- par la direction de l’usine
- 1022. S’agissant de la reconnaissance de la section syndicale UMT de l’usine, le comité note que selon les allégations de l’organisation plaignante, malgré le dépôt des documents de constitution à l’autorité locale du travail et une communication du secrétaire national de l’UMT en vue d’amorcer un dialogue, le syndicat a eu beaucoup de difficultés à se faire reconnaître par l’employeur et engager des discussions avec celui-ci. Tout en notant que la délégation provinciale de l’emploi est intervenue pour permettre un dialogue entre les parties et pour garantir la reconnaissance du syndicat UMT de l’usine, notamment par la conclusion d’un protocole d’accord régissant les relations professionnelles, les mécanismes de dialogue et de concertation entre le bureau syndical UMT de l’usine et la direction, le comité rappelle que les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives des travailleurs qu’ils occupent, puisque cette reconnaissance constitue la base même de toute procédure de négociation collective des conditions d’emploi au niveau de l’établissement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 821-822.] Le comité veut croire que la section locale de UMT de l’usine Valeo pourra continuer d’exercer sans problème ses fonctions syndicales.
- Le licenciement du secrétaire général du syndicat UMT de l’usine
- 1023. S’agissant du licenciement du secrétaire général du syndicat UMT de l’usine, le comité note que l’organisation plaignante allègue que la mesure en question avait un caractère discriminatoire parce qu’elle est survenue peu de temps après l’élection et la constitution du bureau syndical de l’usine. Le comité note en outre que le gouvernement ne nie pas la concomitance entre l’élection de la section syndicale de l’usine et le licenciement de son secrétaire général ni que cette décision était liée aux activités syndicales de l’intéressé. Tout en notant que M. Essemlali Abdelghafour a été réintégré dans ses fonctions à compter du 6 mai 2005, notamment grâce à l’intervention de la délégation provinciale, le comité rappelle que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales [voir Recueil, op. cit., paragr. 690], et qu’une véritable protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les dirigeants syndicaux pour assurer le principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.] Le comité veut croire que ces principes seront respectés à l’avenir.
- L’intervention des forces de l’ordre le soir du 19 avril 2005
- 1024. S’agissant des allégations d’usage par les forces policières d’une violence superflue, le comité note que, d’après le rapport du délégué provincial de l’emploi, le gouverneur de la province a considéré que l’intervention des autorités était indispensable pour sauvegarder la liberté de travail qui était, selon lui, gravement menacée par les événements du 19 avril 2005. Le comité note en outre que le gouvernement indique que les grévistes se contentaient de scander des slogans réclamant la réintégration du responsable syndical congédié, et refusaient de reprendre le travail et de dialoguer avant la satisfaction de ce point. Le comité rappelle que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l’ordre public serait sérieusement menacé [voir Recueil, op. cit., paragr. 580], et que l’intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 582.] Le comité demande au gouvernement de s’assurer que ces principes seront respectés à l’avenir.
- 1025. Le comité observe que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante à l’effet qu’il y aurait eu plusieurs blessés lors des incidents du 19 avril 2005, dont certains auraient dû être hospitalisés. Rappelant que les gouvernements devraient prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public [voir Recueil, op. cit., paragr. 582], le comité demande au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur ces incidents et de le tenir informé des résultats.
- La grève de protestation du 19 avril 2005
- 1026. En ce qui concerne la légalité de la grève déclenchée par les travailleurs de l’usine Valeo le soir du 19 avril 2005, le comité rappelle qu’il a toujours reconnu que la grève était un des droits fondamentaux des travailleurs et leurs organisations, dans la mesure où il constitue un moyen de défense des intérêts économiques et sociaux de leurs membres. En l’espèce, le déclenchement par les travailleurs de l’usine de Valeo d’un arrêt de travail en guise de protestation contre les mesures discriminatoires prises contre le secrétaire principal du syndicat UMT de l’usine constituait une action syndicale légitime. Le comité note que, selon les informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement, l’intervention des forces de l’ordre de même que les arrestations et les poursuites qui ont suivi, avaient pour fondement l’article 288 du Code pénal relatif au crime «d’entrave à la liberté de travail». Le comité note que, selon les termes de l’article 288 du Code pénal, «est puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 120 à 5 000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir, une cessation concertée du travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail». Notant que cette disposition peut recevoir une application pratique de nature à restreindre la liberté syndicale et le droit de négociation collective, le comité demande au gouvernement de s’assurer que l’article 288 du Code pénal ne sera pas utilisé à l’avenir de manière incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
- L’arrestation des neuf membres du Conseil syndical de l’usine
- 1027. S’agissant de l’arrestation des syndicalistes lors des événements du 19 avril 2005, le comité souligne que l’arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l’exercice d’activités syndicales légitimes, même si c’est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 70.] Soulignant que de telles mesures comportent de graves risques d’abus et de sérieux danger à la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de s’assurer qu’à l’avenir les autorités n’usent pas de mesures d’arrestation et d’emprisonnement en cas d’organisation ou de participation à une grève pacifique.
- 1028. Le comité note que les syndicalistes arrêtés ont été poursuivis pour «entrave à la liberté de travail» et acquittés le 16 juin 2005. Il note en outre que, à cette occasion, M. Elkafi a été reconnu coupable de vol simple et condamné à une sentence d’un mois de prison avec sursis ainsi qu’à une amende de 200,00 dirhams. Notant que le Procureur du roi a fait appel de ces deux jugements, et que la défense a interjeté appel de la décision reconnaissant M. Elkafi coupable, le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir les décisions en appel dès qu’elles seront rendues.
- 1029. Le comité note que, selon les informations communiquées, il semble y avoir eu un problème en ce qui concerne les relations professionnelles au sein de la société Valeo, mais que le climat social au sein de l’usine s’est maintenant assaini, notamment en raison de l’intervention du gouvernement qui a permis la conclusion d’un protocole d’accord entre les parties et la réintégration du secrétaire général de la section syndicale UMT de l’usine. Le comité veut croire qu’à l’avenir les dirigeants et les membres de la section syndicale en question pourront exercer leurs activités syndicales légitimes dans le respect des principes de la liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1030. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante en vue de déterminer si, lors de l’intervention des forces de l’ordre le 19 avril 2005, il y a effectivement eu des blessés, dont certains auraient dû être hospitalisés, et le prie de le tenir informé des résultats.
- b) Le comité demande au gouvernement de s’assurer que l’article 288 du Code pénal relatif au crime «d’entrave à la liberté de travail» ne sera pas utilisé à l’avenir de manière incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
- c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des jugements en appel qui seront rendus par les tribunaux compétents concernant les neuf membres du Conseil syndical poursuivis pour «entrave à la liberté de travail», ainsi que l’appel de la décision reconnaissant M. Elkafi coupable de vol simple.