DISPLAYINEnglish - Spanish
- 235. Le comité a examiné le présent cas sur le fond à sa session de juin 2005, à l’issue de laquelle il a publié un rapport intérimaire, approuvé par le Conseil d’administration à sa 23e session. [Voir 337e rapport, paragr. 264 à 342.]
- 236. Le gouvernement n’ayant fourni aucune réponse à sa réunion de mars 2006 [voir 340e rapport, paragr. 10], le comité a lancé un appel pressant et attiré l’attention du gouvernement sur le fait qu’en vertu des règles de procédure énoncées au paragraphe 17 du 127e rapport approuvé par le Conseil d’administration le comité pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire, même si les observations ou les informations attendues du gouvernement n’étaient pas reçues en temps voulu. A ce jour, le gouvernement n’a pas communiqué ses observations.
- 237. Le plaignant a présenté de nouvelles allégations dans une communication datée du 8 septembre 2005.
- 238. Le Cambodge a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 239. Lors de son précédent examen du cas, le comité a formulé les recommandations ci-après [voir 337e rapport, paragr. 342]:
- a) Le comité souligne la gravité des allégations relatives au meurtre des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth. Le comité déplore profondément ces événements et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence, qui mène à la mort de dirigeants syndicaux, est un obstacle sérieux à l’exercice des droits syndicaux.
- b) Le comité insiste pour que le gouvernement ouvre sans tarder une enquête judiciaire indépendante sur les meurtres de Chea Vichea et de Ros Sovannareth en vue d’identifier non seulement les auteurs de ce crime mais également les instigateurs. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
- c) Au sujet de l’accord sur l’interdiction de manifester dont il a été fait état, et dans lequel Chea Mony et son collègue représentant du FTUWKC ont été forcés de promettre d’inciter les travailleurs du textile à arrêter la grève et à éviter d’organiser d’autres manifestations, le comité attend du gouvernement qu’il déclare cet accord nul et non avenu et demande au gouvernement de veiller, à l’avenir, à ce que les travailleurs jouissent du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels.
- d) En ce qui concerne l’agression physique dont ont notamment été victimes Lay Sophead et Pul Sopheak, tous deux présidents de syndicats affiliés au FTUWKC, le comité demande au gouvernement d’ouvrir des enquêtes judiciaires indépendantes sur la question et de le tenir informé des résultats.
- e) Finalement, le comité insiste pour que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires pour veiller à ce que les droits syndicaux des travailleurs du Cambodge soient entièrement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de risques relativement à leur sécurité personnelle et à leur vie.
- B. Nouvelles allégations du plaignant
- 240. Dans sa communication datée du 8 septembre 2005, l’organisation plaignante indique que, le 3 août 2005, elle a protesté auprès du gouvernement cambodgien contre les peines de 20 ans d’emprisonnement qui ont été prononcées à contre Born Samnang et Sok Sam Ouen dans l’affaire sur le meurtre de Chea Vichea. La CISL souligne que l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea a été marquée par de nombreuses irrégularités de procédure en ce qui concerne l’enquête et l’accusation: arrestation des accusés sans mandat, absence de preuves contre ces derniers, aveux formulés dans un premier temps par l’un des accusés, dont il est allégué qu’ils ont été obtenus sous la contrainte après qu’il eut été battu et reçu des promesses. Comme l’a déclaré le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’homme au Cambodge, de nombreux éléments indiquaient que les deux hommes avaient été choisis pour porter la responsabilité des meurtres, sans que les éléments de preuves n’aient été pris en considération.
- 241. Il est en outre indiqué que le propriétaire du kiosque à journaux où Chea Vichea a été assassiné, qui pouvait identifier les vrais meurtriers, était trop effrayé pour assister au procès; et les témoins dont la police avait affirmé qu’ils avaient vu les meurtriers et en avaient fait une description n’ont même pas été invités au procès. Chea Mony, le frère de Chea Vichea, qui a remplacé ce dernier à la présidence du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) après son meurtre, a expliqué dans une déclaration datée du 3 août 2005 que le juge avait accordé trop d’importance aux éléments vagues des accusations et avait négligé les témoignages en faveur des deux hommes.
- 242. L’organisation plaignante fait observer qu’en plus des 20 ans d’emprisonnement Sok Sam Ouen et Born Samnang ont été condamnés à verser 5 000 dollars américains chacun à titre de dédommagement à la famille de Chea Vichea. Chea Mony a déclaré qu’il n’accepterait pas le moindre sou de ces deux innocents.
- 243. L’organisation plaignante indique également que le FTUWKC et l’ancien roi du Cambodge, Norodom Sihanouk, ont fait des déclarations officielles soutenant que Born Samnang et Sok Sam Ouen ne sont pas les véritables meurtriers et que le gouvernement devrait relâcher ces deux innocents, trouver les vrais meurtriers et laisser les autorités judiciaires les traduire en justice sans ingérence de sa part. Selon l’organisation plaignante, l’ancien roi du Cambodge, Norodom Sihanouk, considérait que le procès était «une honte pour le pays». Il a également déploré les mesures prises à l’encontre de Hing Thirith, le juge qui avait été chargé de l’instruction au début, et qui a été transféré au tribunal de la province éloignée de Stung Trend après avoir ordonné que toutes les charges qui pesaient contre ces deux hommes soient levées, faute de preuves.
- 244. La CISL indique également qu’elle partage les graves préoccupations de la famille au sujet de la sécurité des deux hommes injustement condamnés, y compris la crainte qu’ils soient maltraités ou empoisonnés pendant leur détention.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 245. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis le dernier examen de ce cas, le gouvernement n’ait pas répondu aux recommandations du comité alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires en observations sur ce cas. Le comité insiste fermement pour que le gouvernement se montre plus coopératif à l’avenir.
- 246. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 247. Le comité rappelle que le but de l’ensemble de la procédure établie par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations en violation de la liberté syndicale est d’assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité continue de croire que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance qu’il y a à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre.
- 248. Le comité exprime une fois de plus sa grande préoccupation et son profond regret devant la gravité de cette affaire relative à l’assassinat des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth, à moins de quatre mois d’intervalle. L’assassinat de deux syndicalistes en si peu de temps engendre de grandes préoccupations quant à la sécurité du mouvement syndical dans le pays. Le comité déplore profondément ces événements et attire une fois de plus l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence, qui mène à la mort de dirigeants syndicaux, est un obstacle sérieux à l’exercice des droits syndicaux.
- 249. Le comité note avec une profonde préoccupation les allégations formulées par l’organisation plaignante le 8 septembre 2005 selon lesquelles de nombreux éléments, confirmés par d’autres sources indépendantes telles que le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’homme au Cambodge, donnent à penser que les deux hommes, qui ont été condamnés à 20 ans d’emprisonnement, Born Samnang et Sok Sam Ouen, ne sont pas les véritables meurtriers du dirigeant syndical Chea Vichea, ce qui remet clairement en question l’impartialité des instances judiciaires dans cette affaire. Le comité note les allégations selon lesquelles l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea a été marquée par de nombreuses irrégularités de procédure en ce qui concerne l’enquête et l’accusation (arrestation des accusés sans mandat, absence de preuves contre ces derniers, aveux formulés dans un premier temps par l’un des accusés, dont il est allégué qu’ils ont été obtenus sous la contrainte après qu’il ait été battu et reçu des promesses, témoignages clés n’ayant pas été pris en considération, etc.). Le comité note également que le juge Hing Thirith avait été transféré dans une province éloignée après qu’il eut ordonné que les charges retenues contre les deux hommes soient levées, faute de preuves.
- 250. Le comité souligne l’importance qui devrait être accordée au droit de tout individu à la liberté et à la sûreté de ne pas être arbitrairement arrêté ou détenu et d’être entendu équitablement par un tribunal indépendant et impartial, conformément aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
- 251. Compte tenu de la particularité du présent cas, et en l’absence de toute nouvelle information fournie par le gouvernement, le comité se trouve obligé d’émettre de sérieux doutes quant à la régularité du procès concernant le meurtre de Chea Vichea et des procédures y relatives. Rien n’indique, selon les informations dont dispose le comité, que sa mort a fait l’objet d’enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales visant à établir les faits et à trouver les auteurs du crime, ainsi que ses instigateurs.
- 252. En outre, le comité regrette profondément l’absence totale de toute information émanant du gouvernement au sujet de l’ouverture d’une enquête judiciaire indépendante sur le meurtre du dirigeant syndical Ros Sovannareth. Le comité demande instamment au gouvernement d’ouvrir une telle enquête sans tarder et de le tenir informé des résultats.
- 253. Au vu des éléments dont il dispose, le comité est contraint une fois de plus d’attirer l’attention du gouvernement sur le fait que les enquêtes et procédures menées jusqu’à présent n’ont pas permis d’identifier les responsables des assassinats des deux dirigeants syndicaux et surtout n’ont pas permis de recueillir la moindre information menant aux instigateurs de ces actes odieux. Le comité doit souligner avec la plus grande fermeté que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. L’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 51 et 55.] A la lumière de ces principes, le comité invite fermement le gouvernement à prendre des dispositions afin de rouvrir l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea et de s’assurer que nul n’est privé de sa liberté sans avoir bénéficié d’une procédure normale devant une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 254. Le comité déplore que, malgré plusieurs rappels, le gouvernement n’ait pas fourni de réponse concernant les autres aspects de l’affaire et ses précédentes recommandations, qu’il réitère ici, au sujet du droit de grève dans l’industrie textile et des rapports concernant des cas d’intimidation, de menaces et d’agressions physiques contre Lay Sophead et Pul Sopheak, tous deux présidents de syndicats affiliés au FTUWKC.
- 255. Enfin, le comité se dit très préoccupé par l’extrême gravité du cas et invite le Conseil d’administration à accorder une attention particulière à la situation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 256. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore l’absence de réponse du gouvernement à ses précédentes recommandations et l’exhorte à faire preuve d’une meilleure coopération à l’avenir.
- b) Le comité souligne une fois de plus la gravité des allégations relatives au meurtre des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth. Le comité déplore profondément ces événements et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence, qui mène à la mort de dirigeants syndicaux, est un obstacle sérieux à l’exercice des droits syndicaux.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures en vue de rouvrir l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea et de s’assurer que nul n’est privé de sa liberté sans avoir bénéficié d’une procédure normale devant une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- d) Le comité insiste pour que le gouvernement ouvre sans tarder une enquête judiciaire indépendante sur le meurtre de Ros Sovannareth et le tienne informé des résultats de cette enquête.
- e) Au sujet de l’accord sur l’interdiction de manifester dont il a été fait état, et dans lequel Chea Mony et son collègue représentant du FTUWKC ont été forcés de promettre d’inciter les travailleurs du textile à arrêter la grève et à éviter d’organiser d’autres manifestations, le comité attend du gouvernement qu’il déclare cet accord nul et non avenu et demande au gouvernement de veiller, à l’avenir, à ce que les travailleurs jouissent du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels.
- f) En ce qui concerne l’agression physique dont ont notamment été victimes Lay Sophead et Pul Sopheak, tous deux présidents de syndicats affiliés au FTUWKC, le comité demande au gouvernement d’ouvrir des enquêtes judiciaires indépendantes sur la question et de le tenir informé des résultats.
- g) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour veiller à ce que les droits syndicaux des travailleurs du Cambodge soient entièrement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de risques relativement à leur sécurité personnelle et à leur vie.
- h) Le comité se dit très préoccupé par l’extrême gravité du cas et invite le Conseil d’administration à accorder une attention particulière à la situation.