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- 264. La plainte figure dans des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datées des 22 janvier, 11 mai et 26 octobre 2004, ainsi que des 12 janvier et 11 février 2005.
- 265. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des communications datées des 11 mai et 2 juin 2004.
- 266. Le Cambodge a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 267. Dans sa communication du 22 janvier 2004, la CISL fait état de l’assassinat de Chea Vichea, président du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC). Chea Vichea aurait été atteint de deux ou trois balles alors qu’il lisait le journal près d’un kiosque à journaux dans les rues de Phnom Penh. Selon le propriétaire de ce kiosque, il y avait deux agresseurs: l’un s’est approché de Chea Vichea et a tiré sur lui à bout portant pendant que l’autre attendait à moto. Les deux agresseurs ont ensuite pris la fuite à bord de leur véhicule.
- 268. Chea Vichea est mort sur le coup. Il semblerait que les syndicalistes, qui se sont rapidement rendus sur les lieux, ont protesté lorsque les forces policières ont tenté d’emporter le corps afin qu’il soit immédiatement incinéré. Le corps aurait donc été d’abord emmené dans une pagode puis au siège du FTUWKC.
- 269. La CISL indique que Chea Vichea avait reçu plusieurs menaces de mort aux alentours du 27 juillet 2003, date à laquelle ont eu lieu les élections législatives au Cambodge. La CISL avait ouvert une enquête pour essayer de déterminer la nature et l’origine d’une de ces menaces de mort, que Vichea avait reçue sous la forme d’un «sms» (service de messages courts) sur son téléphone portable. Selon le contenu du message, Vichea devait être «tué comme un chien». La CISL a appris de source sûre que Vichea avait réussi à déterminer l’origine de la menace, ce qui l’avait obligé à se cacher à plusieurs reprises. A la suite de cette menace, la police aurait refusé de lui accorder sa protection.
- 270. La CISL explique que Vichea avait déposé une plainte devant les tribunaux contre le chef de la sécurité de «Vinstar», un confectionneur de vêtements, et avait eu gain de cause en septembre 2003. En effet, le chef de la sécurité l’avait agressé physiquement alors qu’il distribuait des tracts invitant les travailleurs à un rassemblement, à l’occasion de la fête du travail le 1er mai suivant. Le défendeur ne s’est pas présenté à la première audience et avait donc été condamné par défaut. A l’issue de la deuxième instruction, le susdit représentant de la société a été condamné à deux mois d’emprisonnement et à une amende équivalant approximativement à 250 dollars. La CISL n’a pu établir le nom exact du défendeur.
- 271. La CISL rappelle que l’organisation de Chea Vichea a déposé, en avril 2003, une plainte auprès du comité, dans laquelle elle indiquait que Chea Vichea ainsi que le secrétaire général et 30 autres membres du FTUWKC avaient été congédiés par la manufacture de vêtements INSM Garment Factory pour avoir essayé de constituer une organisation syndicale. La CISL affirme ne pas disposer, pour le moment, des éléments suffisants pour déterminer s’il existe un lien entre la susdite plainte et l’assassinat de Chea Vichea.
- 272. Dans une communication du 11 mai 2004, la CISL fait état du meurtre, le 7 mai 2004, de Ros Sovannareth, président du syndicat de la manufacture de vêtements Trinonga Komara et membre du comité directeur du FTUWKC. Alors qu’il quittait la manufacture Trinonga Komara pour rentrer chez lui, deux agresseurs auraient surgi derrière lui à moto et auraient tiré deux fois sur lui. Ros Sovannareth est mort à l’hôpital peu de temps après. Il s’agissait du deuxième meurtre, en moins de quatre mois, d’un dirigeant syndical, le premier étant celui de Chea Vichea, l’ancien président du FTUWKC.
- 273. Bien que, d’après ce qui a été rapporté, les autorités locales et la police prétendent que le meurtre de Ros Sovannareth est un acte de vengeance personnelle ou le résultat d’une rivalité entre syndicats, la CISL affirme avoir de bonnes raisons de croire que M. Sovannareth a été tué à cause de ses activités syndicales.
- 274. Dans une communication du 26 octobre 2004, la CISL a présenté des informations supplémentaires dont elle ne disposait pas au moment où la plainte a été déposée.
- Contexte du meurtre de Chea Vichea
- 275. Après les élections de l’Assemblée nationale du Cambodge le 27 juillet 2003, le FUNCINPEC, parti royaliste dirigé par le Prince Norodom Ranariddh, s’est rangé du côté de l’opposition et a conclu une alliance avec le Parti Sam Rainsy (PSR) intitulée «Alliance des démocrates». Cependant, après une année d’impasse politique, le Parti du peuple cambodgien (PPC) et le FUNCINPEC ont formé une coalition, et le Premier ministre par interim du moment, Hun Sen, a été renommé par le Parlement en juillet 2004.
- 276. L’organisation plaignante explique qu’un climat d’intimidation régnait avant et après les élections et que plusieurs opposants politiques au parti au pouvoir, le PPC, ont été assassinés. De plus, la CISL note que de nombreux assassinats politiques ont eu lieu avant et après le meurtre de Chea Vichea, soit le 22 janvier 2004. On compte parmi ces assassinats ceux d’un journaliste de radio et d’un chanteur populaire (tous deux membres du FUNCINPEC) en octobre 2003, d’un juge et d’un greffier en avril 2003, du conseiller principal de Norodom Ranariddh en janvier 2003, et de 13 activistes politiques en juillet 2003, pendant la période précédant les élections. De plus, au moins trois autres membres du parti d’opposition, le PSR, ont été assassinés dans les premières semaines de l’année 2004. Chea Vichea entretenait des liens étroits avec le PSR et s’opposait au PPC. Les observateurs notent que les hauts responsables du PPC n’ont pas assisté à ses funérailles alors que de nombreux autres dirigeants politiques et représentants syndicaux étaient présents.
- 277. Bien que Chea Vichea ait soutenu avec vigueur et véhémence le PSR, il était très connu, au Cambodge et dans le monde entier, pour sa défense des droits syndicaux et des droits de l’homme. Au lendemain de sa mort, le dirigeant du PSR, Sam Rainsy, a déclaré que le défunt avait contrarié à maintes reprises les dirigeants du pays mais qu’il ne pouvait pas dire si le mobile du meurtre était politique. Certains observateurs pensent qu’il est peu probable que le meurtre de Chea Vichea soit directement lié à la politique. En effet, bien qu’il ait été actif politiquement, Chea Vichea n’était pas un homme influent dans le milieu, et les actions qu’il menait de son vivant nuisaient beaucoup moins au PPC que ne le fait sa mort.
- 278. La CISL rappelle que les activités syndicales de Chea Vichea avaient provoqué à plusieurs reprises des conflits entre ce dernier et les directeurs et propriétaires des manufactures de vêtements. En effet, de nombreux propriétaires du secteur du textile, industrie en plein essor, s’étaient fermement opposés à ses activités visant à former des syndicats. De plus, étant donné que sa mort avait de bonnes chances de compromettre les efforts des travailleurs cambodgiens qui tentaient de s’organiser indépendamment des employeurs et des autorités, la CISL pense que sa mort est très probablement liée à ses activités syndicales. Le meurtre du dirigeant syndical Ros Savannareth, moins de quatre mois après celui de Chea Vichea, appuie la thèse de l’organisation plaignante.
- 279. L’organisation plaignante explique que Chea Vichea n’était pas le seul syndicaliste à être pris pour cible. A ce sujet, elle mentionne plusieurs rapports concernant des cas de violations de droits syndicaux. Par exemple, le 29 janvier 2004, plus de 100 travailleurs ont été blessés lorsque la police a essayé de disperser les 2 000 grévistes participant à une action pacifique à la manufacture de vêtements MSI Garment (Cambodia) Ltd. dans la circonscription de Dangkao, à Phnom Penh. Selon le président de la Fédération nationale indépendante des syndicats du textile de Kampuchea (NIFTUK), des forces antiémeute de la police d’intervention ont tiré des balles en l’air et ont matraqué les grévistes. De plus, un gréviste de 24 ans a été assommé puis mis en garde à vue par la police; il n’a été libéré qu’après avoir promis de ne pas inciter les travailleurs à faire grève. Les travailleurs de la manufacture MSI étaient en grève depuis le 25 janvier pour réclamer la réintégration du secrétaire général du syndicat, un jeune homme de 24 ans qui avait été suspendu de ses fonctions après qu’on l’eut accusé d’avoir volé de l’argent dans les caisses de l’usine. Le président du NIFTUK avait déposé une plainte auprès du tribunal municipal. L’adjoint au chef de police de la circonscription de Dangkao, Urn Uk, a nié le fait que les policiers aient battu les grévistes; il prétend que ces derniers ont uniquement empêché les travailleurs de brûler des pneus pour éviter que les flammes ne gagnent les résidences avoisinant la manufacture.
- 280. La police aurait utilisé la violence à une autre occasion, en octobre 2004. En effet, à Sihanoukville, plus de 1 700 travailleurs de la manufacture de vêtements Ruy Yun faisaient la grève depuis au moins quatre jours pour demander la réintégration de 41 de leurs collègues, lorsque les forces de police leur auraient fait front et les auraient aspergés à l’aide de lances à eau. Le 7 octobre, un journal cambodgien affirmait que, selon Chea Money, président actuel du FTUWKC et frère de Chea Vichea, le propriétaire de la manufacture a failli à sa promesse de réintégrer les 41 travailleurs, qui avaient été renvoyés du jour au lendemain. Le gouverneur de Sihanoukville aurait été préoccupé par ces congédiements et aurait demandé une enquête approfondie sur le sujet.
- 281. De plus, l’Association indépendante des enseignants du Cambodge (CITA) a informé la CISL que des policiers avaient empêché, à deux reprises, la tenue de séminaires qu’elle avait organisés.
- 282. La CISL indique également avoir reçu de nombreux rapports concernant des syndicalistes qui ont été victimes de menaces, de harcèlement, d’agressions physiques et de meurtres. L’organisation plaignante est convaincue que Chea Vichea a été assassiné à cause de ses activités syndicales, et le nombre d’incidents qui ont eu lieu avant et après le susdit meurtre ne font que le conforter dans sa conviction. De plus, le gouvernement n’a pas fait le nécessaire pour protéger les dirigeants syndicaux alors qu’ils avaient été victimes de menaces, d’intimidation et d’autres gestes hostiles de la part des employeurs et des représentants gouvernementaux.
- 283. Comme il a déjà été mentionné, le 26 juillet 2003, c’est-à-dire le jour précédant les élections législatives au Cambodge, Chea Vichea a reçu une menace de mort par «sms» sur son téléphone portable. Le message était écrit en anglais et son contenu serait le suivant: «A dog I will kill you» (un chien je te tuerais). Après avoir reçu ce message, Chea Vichea est allé voir la police pour en déterminer l’origine et demander une protection policière. A la suite d’une brève enquête, un policier l’aurait informé qu’un haut représentant du gouvernement souhaitait sa mort et qu’il ferait mieux de quitter le pays. La CISL a reçu des versions légèrement différentes de la mise en garde du policier: d’aucuns prétendent que le policier a découvert que le numéro de téléphone de l’auteur du message était attribué à un haut représentant du gouvernement, et d’autres que les menaces étaient proférées par un policier haut gradé du ministère de l’Intérieur.
- 284. Le chef de l’opposition, Sam Rainsy, prétend que c’est le Premier ministre Hun Sen qui souhaitait la mort de Chea Vichea. Il soutient avoir donné au procureur du tribunal municipal de Phnom Penh une vidéo contenant un entretien dans lequel Chea Vichea aurait dit à un journaliste américain que, selon ce qu’il avait compris, le haut représentant du gouvernement qui voulait le tuer était Hun Sen. Apparemment, le nom de Chea Vichea figurait parmi cinq autres noms sur ce qui constituait, selon les rumeurs, une liste noire des personnes dont le Premier ministre Hun Sen souhaitait la mort. Chea Vichea, qui avait été suivi plusieurs fois, a pris les menaces de mort très au sérieux et s’est caché à plusieurs reprises entre le 28 juillet et le mois de décembre 2003.
- 285. La police n’a annoncé l’arrestation d’un suspect relativement à la menace de mort proférée contre Chea Vichea qu’après le meurtre de ce dernier. En effet, le mardi 27 janvier 2004, la police a arrêté Men Vatana, un homme de 44 ans, qui, selon les policiers, avait envoyé le «sms» de son téléphone portable. Le 30 janvier au matin, la police a présenté l’homme aux journalistes et ce dernier a avoué avoir envoyé le message en juillet. La police affirme avoir trouvé dans sa maison le téléphone portable duquel a été envoyé le message.
- 286. M. Men Vatana, qui dit être membre de longue date du PSR, a déclaré que le secrétaire général du PSR, Eng Chhay Eang, lui avait demandé d’envoyer le message sans lui expliquer pourquoi il devait le faire. Eng Chhay Eang lui aurait fourni le texte en anglais et l’aurait payé 100 dollars pour l’envoi du message. Men Vatana est également apparu sur une chaîne de télévision, soutenue par le Parti du peuple cambodgien, où il aurait répété les faits relatés plus haut et présenté sa carte de membre du PSR.
- 287. Les membres du PSR ont nié les faits relatés par Men Vatana. En effet, selon eux, Eng Chhay Eang faisait campagne pour son parti dans différentes provinces pendant tout le mois de juillet et se trouvait précisément dans la province de Barambang les jours où Vatana prétend l’avoir rencontré au siège du PSR. De plus, Eng Chhay Eang ne parle ni n’écrit l’anglais.
- 288. Le 31 janvier, un journal cambodgien affirmait que la police avait retrouvé plusieurs cartes appartenant à Vatana et prouvant son affiliation au Parti national khmer (précurseur du PSR), au PSR, au FUNCINPEC et à «bien d’autres partis». De plus, Men Vatana aurait appelé Eng Chhay Eang pour lui demander: «et que penses-tu maintenant que tu m’as donné l’ordre de menacer Chea Vichea?» Eng Chhay Eang serait convaincu que cet appel avait été enregistré par la police pour le lier au meurtre.
- 289. Un autre journal cambodgien avait affirmé, dans l’introduction de son article portant sur le sujet, que Vantana «souffrait peut-être de troubles psychiques», mais personne ne semble avoir creusé cette idée. Par ailleurs, le 26 janvier, des journalistes d’un autre journal cambodgien ont essayé d’appeler le numéro de téléphone duquel a été envoyée la menace et ont eu pour toute réponse un message qui les informait que le numéro composé ne pouvait recevoir d’appels, ce qui, semble-t-il, est souvent le cas des téléphones publics. De plus, le FTUWKC prétend qu’en janvier la police avait accusé un autre homme d’avoir envoyé la menace par sms.
- 290. L’organisation plaignante souligne également que différents faits relatifs à la menace de mort reçue en juillet 2003 semblent contradictoires. Par exemple, de nombreux éléments semblent contredire les déclarations de Men Vatana, qui prétend avoir envoyé les menaces de mort. Ainsi, étant donné qu’il pourrait exister un lien entre l’auteur de la menace et celui du meurtre de Chea Vichea, la CISL croit qu’il est nécessaire d’élucider les circonstances dans lesquelles la menace a été envoyée. Par ailleurs, les syndicalistes cambodgiens doutent de la culpabilité de Men Vatana.
- 291. Des témoins ont affirmé qu’immédiatement après le meurtre les autorités voulaient emporter le corps de Chea Vichea pour le faire incinérer. Cependant, ils ont été arrêtés par des syndicalistes et des membres de la famille de la victime qui voulaient qu’une enquête en bonne et due forme soit menée sur le lieu du crime avant que le corps ne soit emporté. Malgré les protestations, la police a déposé le corps de la victime dans le coffre d’une voiture de police à 10 heures et l’a emmené à la pagode Wat Preah Puch, à 3 km de là. Selon un témoin qui a voulu rester anonyme, les amis et la famille de Chea Vichea, ainsi que les syndicalistes, avaient peur que son corps ne soit tout simplement ajouté à une incinération qui était déjà en cours. Chea Money, petit frère de Vichea et représentant de la CITA, et d’autres membres de la famille sont parvenus à faire ramener le corps au siège du FTUWKC.
- 292. A la suite de la mort de Chea Vichea, l’organisation plaignante indique que la police a arrêté deux suspects: Sok Sam Oeun, 36 ans, et Born Samnang, 23 ans. Born Samnang a été arrêté le mardi 27 janvier alors qu’il était chez sa compagne dans la province de Prey Veng, près du point de passage du ferry Neak Leoung. La police a affirmé que les aveux de ce dernier ont permis d’arrêter, le 28 janvier, Sok Sam Oeun et trois autres hommes. Cependant, les trois hommes ont été relâchés le 29 janvier après plus de 24 heures de garde à vue. Selon l’un d’eux, aucun des trois hommes n’a été interrogé et on ne leur a fourni aucune explication quant à leur arrestation. Deux d’entre eux étaient des gardes du corps d’un ancien colonel des forces armées royales du Cambodge de la FUNCINPEC, Suong Sopul, et ont été arrêtés dans sa maison de Tuol Kork. Le troisième, Suong Sokha, est le fils du colonel Suong Sopul et un ami de Sok Sam Oeun, qu’il aurait logé chez lui.
- 293. Avant l’arrestation, la police avait publié un portrait robot du suspect. Cependant, dans un premier temps, on ne savait pas s’il y avait parmi les suspects arrêtés une personne qui correspondait au portrait publié. Il s’est avéré par la suite qu’il s’agissait de Born Samnang. Selon la police, Born Samnang avait tiré et Sok Sam Oeun conduisait la moto à bord de laquelle ils ont pris la fuite. Sok Sam Oeun et Born Samnang ont été présentés à la presse le mardi 29 janvier: lorsqu’ils sont entrés, ils avaient des menottes aux poignets et la tête recouverte d’un sac noir. Aussitôt qu’on leur a retiré les sacs sur la tête, ils ont tous les deux clamé leur innocence et ont déclaré qu’il s’agissait d’un coup monté. Ils ont également prétendu avoir été battus pour signer des aveux. Oeun a également déclaré n’avoir jamais rencontré Samnang avant cette arrestation.
- 294. Cependant, le vendredi 30 janvier 2004, Born Samnang a avoué avoir tiré sur Chea Vichea. Il a déclaré savoir que ses aveux lui permettraient de réduire sa peine. Il aurait également affirmé ne pas avoir avoué son meurtre dans un premier temps parce que Sok Sam Oeun lui avait dit que ses aveux mettraient ses parents, ses frères et ses sœurs en danger. Il a prétendu que le meurtre a été ordonné par un M. Chith, qui a d’abord pris contact avec Sok Sam Oeun, qu’il connaissait personnellement, et qu’il a offert 5 000 dollars pour le travail. Par la suite, Sok Sam Oeun a proposé à Born Samnang de l’aider. A ce moment-là, ils avaient déjà reçu 1 500 dollars qu’ils ont partagés. Born Samnang aurait également déclaré avoir tué Vichea parce qu’il avait désespérément besoin d’argent. De plus, il a affirmé ne pas connaître l’homme qui les a payés pour le meurtre mais savoir seulement qu’on l’appelait Chith. Sok Sam Oeun a toujours nié ces accusations et a prétendu n’avoir jamais entendu parlé de Chea Vichea et n’avoir jamais rencontré Born Samnang avant ces événements.
- 295. Le 30 janvier, le chef de la police de Phnom Penh, Heng Peou, a déclaré que la police avait confisqué aux deux suspects un pistolet chargé de balles K54, des menottes et quatre gaines. La police a déclaré qu’après avoir avoué Born Samnang les a conduits à l’endroit où ils se cachaient. Elle a également affirmé qu’elle recherchait encore l’instigateur du meurtre. Le 31 janvier, Born Samnang est revenu sur ses déclarations de la veille en expliquant qu’il avait été battu et qu’on l’avait forcé à avouer et à apposer ses empreintes digitales sur un document de cinq ou six pages.
- 296. Le 19 mars, le juge d’instruction, M. Hing Thirith, a rejeté la demande pour manque de preuve. Le lendemain, le procureur Khut Sokheng a contesté la décision de M. Thirith et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel. Peu de temps après, le Conseil supérieur de la magistrature, qui, selon la Constitution, doit nommer les juristes à leur poste et agir en qualité de conseil de discipline de la profession, aurait retiré le juge chargé de l’enquête de son poste pour erreur judiciaire, sans précision supplémentaire. Le conseil a également ordonné le transfert du juge dans la province éloignée de Stung Treng.
- 297. L’affaire a ensuite été entendue par la Cour d’appel, le 1er juillet 2004. Devant la Cour d’appel, les deux hommes ont nié les accusations portées contre eux. Born Samnang a déclaré qu’il cueillait des fruits au moment où Chea Vichea a été tué à Phnom Penh le 22 janvier. Il a ajouté qu’il avait été arrêté sans mandat et que sa compagne et lui n’avaient obtenu aucune explication lorsqu’on les a emmenés au siège de la police de la circonscription de Tuol Kok. Il a déclaré à la cour que la police de la circonscription de Tuol Kok l’avait battu et forcé à apposer ses empreintes digitales sur un document qu’il n’a pas eu le droit de lire. Il a également déclaré avoir été menacé et battu par la police alors qu’il était menotté; un policier lui aurait notamment donné plusieurs coups de pied dans la main. C’est donc pour cette raison qu’il a fini par reconnaître sa culpabilité, qu’il avait niée la veille. Il a également déclaré qu’après avoir signé ses aveux la police lui a donné de l’argent, des cigarettes et a amené une femme dans sa cellule. Il aurait sorti un billet de 100 dollars de sa tenue de prison bleue et aurait déclaré que la veille de l’audience le chef de police adjoint de la circonscription de Tuol Kok, Hun Song, lui avait dit que s’il confirmait ses aveux on lui offrirait, en guise de récompense, encore plus d’argent à sa sortie de la cour. Etant donné qu’il n’y avait aucun policier à la cour le 1er juillet, il était impossible de procéder à un contre-interrogatoire. Cependant, un peu plus tard, le chef de police Hun Song a nié les allégations de Born Samnang et a déclaré que ce dernier avait avoué de son plein gré.
- 298. Bien qu’aucune nouvelle preuve n’ait été présentée, le juge Thuong Mony a infirmé la décision du 19 mars du juge du tribunal municipal, Hing Thirith, selon laquelle il fallait abandonner les accusations portées contre les deux prévenus pour manque de preuve, et a déclaré que les deux défendeurs devraient être remis en détention. Il a ordonné le renvoi de l’affaire au tribunal municipal de Phnom Penh pour une enquête plus approfondie «dans le but de trouver des preuves claires démontrant la culpabilité des prévenus».
- 299. Selon l’organisation plaignante, de nombreux témoins du meurtre et des personnes pouvant fournir des alibis aux suspects ont été intimidés et menacés. Le 30 janvier, les médias ont annoncé que Va Sothy, la propriétaire du kiosque à journaux devant lequel Chea Vichea a été assassiné, a été tuée. D’ailleurs, elle avait dit aux journalistes quelques jours avant son décès qu’elle craignait pour sa vie et qu’elle avait demandé la protection des groupes de droits de l’homme et du personnel des Nations Unies. Elle avait nié avoir vu le visage des deux hommes qui ont assassiné Chea Vichea.
- 300. Dans son examen de l’audience, le Centre cambodgien des droits de l’homme (Cambodian Center for Human Rights) a indiqué que la compagne de Born Samnang et la mère de cette dernière ont été emmenées par la police le jour où leur témoignage en faveur de Born Samnang a été rendu public, ce que la police a nié. Par ailleurs, le chef adjoint de la police a rejeté les alibis qu’elles avaient fournis et a affirmé que les aveux de Samnang prouvaient sa culpabilité.
- 301. Au début du mois de février, des membres de la famille de Born Samnang et certains de ses amis lui ont fourni un alibi. En effet, le Comité d’action des droits de l’homme du Cambodge (The Cambodian Human Rights Action Committee, CHRAC) a cité le nom de nombreuses personnes qui avaient témoigné que Born Samnang se trouvait dans leur village de la province de Prey Veng au moment où Chea Vichea a été tué. Aux mois de juin et juillet, trois personnes, qui avaient informé les enquêteurs des organisations des droits de l’homme et les journalistes des alibis des suspects emprisonnés, auraient été arrêtées. Le CHRAC a également indiqué avoir reçu des plaintes de personnes qui affirmaient avoir reçu des menaces depuis qu’elles «ont dit la vérité». Compte tenu des témoignages et du manque de preuves, de nombreuses personnes avaient demandé la libération des prévenus. Au 31 janvier 2004, l’enquête avait déjà été qualifiée de spectacle par plusieurs défenseurs des droits de l’homme, notamment Kern Sokha, chef du Centre cambodgien des droits de l’homme. De nombreuses personnes ont également demandé l’aide de la communauté internationale pour veiller à ce qu’une procédure judiciaire adéquate soit respectée.
- 302. Etant donné que Chea Money, le frère de Vichea, ne croyait pas que les deux prévenus étaient coupables, il a déposé une plainte contre la décision de la Cour d’appel, qui a, par conséquent, interrompu la poursuite de l’instruction. Cependant, le 13 septembre, jugeant que sa plainte n’aurait aucun effet, il a décidé de la retirer. La décision de la Cour d’appel de renvoyer l’affaire au tribunal municipal était donc maintenue.
- 303. Les difficultés rencontrées pour déterminer les auteurs et les raisons du meurtre de Chea Vichea amènent de nombreuses personnes à penser que la lumière n’était pas encore faite sur cette affaire, ce qui a entraîné l’apparition de nombreuses rumeurs. Selon l’une d’elles, les assassins seraient des Vietnamiens qui étaient rentrés dans leur pays après le meurtre. Ainsi, les coupables appartiendraient à un escadron de la mort, similaire à celui qui était à l’origine du meurtre, en octobre 2003, d’un chanteur populaire. Cette rumeur est fondée sur l’hypothèse que défendent certaines personnes et selon laquelle le PPC fait appel à de petits criminels (qui sont eux-mêmes assassinés une fois que le travail est fait dans le but d’éliminer tous les témoins) ou à des agents vietnamiens professionnels (qui ne sont jamais retrouvés une fois qu’ils rentrent au Viet Nam après avoir accompli leur mission au Cambodge) pour commettre des méfaits tels que des meurtres.
- 304. En se fondant sur cette même hypothèse, selon laquelle le PPC fait appel à des escadrons de la mort pour assassiner ses opposants et tue ensuite les auteurs du crime pour empêcher toute enquête, certains sont convaincus que les tueurs ont été éliminés dans la maison de Hun Sen, à Phnom Penh, le 7 février. En effet, à cette date, deux des gardes du corps du Premier ministre ont été tués dans des circonstances obscures. Leurs corps auraient été immédiatement incinérés et la police aurait reçu «l’interdiction d’émettre un rapport», selon un journal daté du 10 février.
- 305. Finalement, selon une autre rumeur, le meurtre de Chea Vichea aurait fait partie d’un plan, conçu par le PPC, qui avait pour cibles principales les dirigeants du PSR et du FUNCINPEC. Ainsi, les véritables cibles auraient donc été le secrétaire général du PSR, Eng Chhay Eang, le président du PSR, Sam Rainsy, et le secrétaire général du FUNCINPEC, Norodom Sirivudh, qu’on voulait impliquer dans le meurtre de Chea Vichea. Selon cette rumeur, Sok Sam Oeun et Born Samnang étaient des soldats ou d’anciens soldats liés au FUNCINPEC qui auraient été forcés de faire de faux aveux. Le portrait robot de Born Samnang, le prévenu qui aurait tiré sur Chea Vichea, aurait prétendument été préparé avant la mort de Chea Vichea. L’arrestation de Men Vatana aurait également fait partie de ce plan parce qu’elle aurait permis au PPC de Hun Sen d’abattre plusieurs cibles, c’est-à-dire Chea Vichea, Eng Chhay Eang, Sam Rainsy et Norodom Sirivudh.
- 306. L’organisation plaignante rappelle que le système judiciaire du Cambodge a été largement condamné pour son manque d’indépendance et de compétence ainsi que pour sa corruption. Les observateurs indépendants ont conclu que, plutôt que d’assurer un équilibre des forces, le Parlement et le système judiciaire étaient très nettement contrôlés par le gouvernement et le parti au pouvoir. En effet, dès qu’un juge n’adhère pas à la politique du gouvernement, il est relevé de ses fonctions. Selon la CISL, les procédures judiciaires relatives au meurtre de Chea Vichea soutiennent les allégations concernant les lacunes du système. La CISL a clairement remis en question l’impartialité des procédures au cours desquelles, d’une part, les témoins, qui avaient en février déclaré aux journalistes que les prévenus étaient ailleurs au moment du meurtre, n’ont pas été entendus par la Cour d’appel en juillet et, d’autre part, le juge du tribunal municipal a été relevé de ses fonctions après avoir classé l’affaire.
- 307. La raison pour laquelle la police de la circonscription de Tuol Kok était impliquée dans l’affaire reste également obscure dans la mesure où le meurtre a eu lieu devant un kiosque à journaux près du monument de l’indépendance, dans la circonscription de Chamkar Mon, deux quartiers différents de la capitale de Phnom Penh. L’enquête de façon générale et les procédures judiciaires semblent viciées et donnent l’impression qu’on ne recherchait pas réellement les véritables coupables. De plus, il est évident qu’aucune enquête supplémentaire n’a été ouverte sur le fait que le meurtre avait été commis sur commande. L’absence d’une telle enquête indiquerait que la personne qui a ordonné ce meurtre est en effet un haut responsable du gouvernement ou de la police et qu’il jouit d’une importante protection et, par conséquent, d’une impunité totale.
- 308. Selon certaines sources citées par l’organisation plaignante, depuis plusieurs années, des centaines de dirigeants syndicaux ont été battus, congédiés ou menacés par des employeurs et des malfaiteurs engagés pour faire ce travail. Ces mêmes sources prétendent que le gouvernement a pour politique d’affaiblir les syndicalistes et d’intimider les dirigeants syndicaux dans les manufactures de vêtements, les hôtels, les casinos et les écoles.
- 309. Le meurtre de Chea Vichea a augmenté la pression exercée sur les syndicalistes dont la sécurité était d’autant plus compromise. Le fait que les auteurs du meurtre n’aient pas été traduits devant la justice a créé un climat d’impunité et a semé la peur parmi les syndicalistes qui sont, par conséquent, de plus en plus pris pour cible.
- 310. Le 25 février 2004, la compagne de Chea Vichea a quitté son pays pour la Thaïlande où elle a déposé une demande d’asile, asile qui lui a été accordé par un pays tiers. Elle était accompagnée de sa fille de deux ans et d’un agent du bureau cambodgien du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. On considérait que sa vie était sérieusement en danger.
- 311. La CISL indique également que le président de la CITA, Rong Chhun, s’est vu contraint de se cacher après avoir adressé une lettre, le 2 février 2004, à l’OIT dans laquelle il disait avoir de graves préoccupations concernant sa sécurité. Dans sa lettre, il a également évoqué le sujet de ce qu’on appelle communément la «liste blanche». Celle-ci contient cinq noms, dont celui de Rong Chhun, qui figureraient sur une liste noire, dressée par le PPC, des personnes qui doivent être assassinées dans un avenir proche. La liste blanche a été rendue publique par un membre du Parlement et elle était imprimée sur du papier portant l’en-tête de l’Assemblée nationale. Sam Rainsy, président du PSR, Eng Chhay Eang, secrétaire général du PSR, Norodom Sirivudh, secrétaire général du FUNCINPEC, et Kern Sokha, président de l’ONG, Centre cambodgien des droits de l’homme, seraient les quatre autres noms figurant sur la liste.
- 312. Après le meurtre de Chea Vichea, des policiers, en uniforme et en civil, ont installé un poste de surveillance devant les bureaux de la CITA. Peu de temps après (au début mars 2004), l’association a dû changer de locaux car le propriétaire ne voulait plus les leur louer. Bien que les autorités connaissent la nouvelle adresse de l’association, parce que cette dernière est obligée de les en informer, les responsables de la CITA n’ont pas remarqué la présence de policiers en civil devant leur siège. Dans sa lettre, Rong Chhun a informé l’OIT qu’il a reçu des menaces orales de la part d’un responsable du gouvernement qui lui aurait dit: «tu es un pauvre homme, combien [peu importe] ta force, Chea a été assassiné et tu seras tué à ton tour». Approximativement une semaine après le meurtre de Chea Vichea, un professeur a également entendu un haut responsable de l’armée dire que deux hommes étaient à l’origine des manifestations qui avaient régulièrement lieu au Cambodge, Chea Vichea et Rong Chhun. Il a ajouté que l’un d’eux avait été tué et que si l’autre l’était aussi il n’y aurait plus ni manifestations ni émeutes. Rong Chhun a informé l’OIT que, pour des raisons de sécurité, il vivait dans un petit appartement au-dessus des bureaux du syndicat. Il a expliqué qu’il avait peur de sortir de chez lui et qu’il était difficile pour lui et la CITA de mener normalement leurs activités depuis l’assassinat de Chea Vichea. En effet, à cause des menaces proférées contre son association et lui-même, il limite sa présence aux réunions syndicales. Ainsi, les menaces ont eu un effet important sur les activités syndicales de la CITA, d’autant plus que ces dernières requièrent beaucoup de déplacements.
- 313. De la même façon, le secrétaire général par interim du FTUWKC, Sum Som Neang, qui craignait pour sa sécurité, a décidé de se cacher à l’étranger pour une période d’au moins trois mois. Par ailleurs, de nombreux dirigeants syndicaux se sont sentis si menacés qu’ils ont renoncé à leurs postes.
- 314. Dans sa communication datée du 26 octobre 2004, l’organisation plaignante fournit de nouvelles informations concernant le meurtre d’un autre dirigeant syndical cambodgien, Ros Sovannareth. Tout comme pour l’affaire de Chea Vichea, les témoins du meurtre de Ros Sovannareth ont été intimidés.
- 315. Les autorités locales et la police prétendraient que la vengeance personnelle ou la rivalité entre syndicats sont les mobiles du meurtre de Ros Sovannareth. En novembre 2003, six membres du FTUWKC, dont Ros Sovannareth, avaient déposé une plainte contre la Fédération des syndicats du Cambodge (CUF) auprès de la direction de la manufacture de vêtements Trinunggal Komara et de la police de la circonsciption de Russei Keo. Après le dépôt de cette plainte, le responsable de la CUF, Khvan Chanlymony, aurait menacé les plaignants et leur aurait déclaré qu’ils «risquaient de disparaître». Au lendemain du meurtre, Khvan Chanlymony a déclaré que les problèmes qui existaient entre lui et Ros Sovannareth avaient été résolus et qu’ils étaient devenus amis. Khvan Chanlymony a également ajouté qu’il n’était qu’un travailleur pauvre de la campagne et qu’«il n’avait pas le pouvoir de faire quelque chose comme ça», c’est-à-dire commettre un meurtre.
- 316. L’organisation plaignante affirme qu’à sa connaissance la police n’avait pas encore arrêté de suspects dans le cadre de cette affaire. Le 17 mai, le chef de la police de Phnom Penh spécialisée dans les questions pénales a informé un journal que les autorités étaient en train de recueillir des informations auprès des travailleurs de la manufacture et qu’elles interrogeaient les témoins oculaires. Il a déclaré que les déclarations des témoins oculaires ne concordaient pas et que ces derniers ne voulaient plus parler à la police parce qu’ils avaient le sentiment d’être en danger. Le 18 mai, il offrait une récompense de 300 dollars à quiconque fournirait des informations qui mèneraient à l’arrestation des meurtriers.
- 317. Etant donné les similarités qui existent entre les meurtres de Chea Vichea et Ros Sovannareth, Chea Money, nouveau président du FTUWKC et frère de Chea Vichea, est convaincu qu’ils ont été tous les deux commis par les mêmes personnes. On dit que les syndicalistes du pays ont le sentiment que ce meurtre a été perpétré pour les effrayer et les dissuader de poursuivre leurs activités.
- 318. Etant donné le nombre de menaces proférées contre les syndicalistes et le meurtre de Chea Vichea, la CISL a de sérieuses raisons de penser que Ros Sovannareth a été assassiné à cause de ses activités syndicales. L’organisation plaignante considère qu’il est peu probable que Khvan Chanlymony ait commis le meurtre ou qu’il ait les moyens d’engager des assassins. De plus, la façon dont les deux meurtres ont été commis semble indiquer qu’ils sont en effet reliés. Par ailleurs, rien n’indique que Khvan Chanlymony et Chea Vichea étaient liés ou en conflit.
- 319. La CISL déclare également que, le 17 mai, un représentant du FTUWKC à la manufacture de vêtements PCCS Garment Ltd. a déposé une plainte pour harcèlement auprès de la police municipale de Phnom Penh, un harcèlement similaire à celui dont avaient été victimes les deux dirigeants syndicaux assassinés. En effet, le 9 février, le représentant a été poursuivi par deux hommes à moto, jusqu’à ce qu’il entre dans une station-service. Cependant, étant donné le nombre de témoins présents, ils n’ont pas tenté de l’agresser. Le 14 mai, il a de nouveau été poursuivi par deux hommes menaçants qui étaient cette fois-ci à pied. Ils l’ont poursuivi à sa sortie de l’usine PCCS jusqu’à ce qu’il se fonde dans la foule des travailleurs.
- 320. Pendant la nuit du 23 juin, Lay Sophead, présidente du syndicat affilié au FTUWKC de la manufacture de vêtements Luen Thai à Phnom Penh, a été attaquée. Deux hommes vêtus d’uniformes ressemblant à ceux des gardes du corps l’ont suivie jusque chez elle, l’ont bâillonnée et lui ont noué un «khrama» autour de la tête. Ils l’ont accusée d’être «une fidèle de Chea Vichea» et l’ont jetée en dessous de son lit où ils l’auraient laissé mourir. Elle était inconsciente pendant un long moment, mais heureusement des collègues syndicalistes l’ont trouvée. En effet, le lendemain de l’agression, ils ont remarqué qu’elle était absente du travail et sont partis à sa recherche. Ils ont donc enfoncé la porte de sa maison et, quand ils l’ont trouvée sous le lit, elle avait des contusions apparentes sur le cou. Selon les sources de la CISL, Lay Sophead s’est rétablie de ses blessures après un séjour à l’hôpital. Le 23 juin, elle avait tenté d’organiser une action de revendication à l’usine Luen Thai qui devait commencer le lendemain matin. Ainsi, les dirigeants syndicaux pensent qu’il s’agit encore une fois d’une syndicaliste qui a été attaquée à cause de ses activités syndicales. De plus, Lay Sophead était candidate à la présidence du FTUWKC. L’affaire a été déclarée à la police qui a établi que le vol était le mobile de l’agression.
- 321. La CISL affirme que les informations ci-dessus illustrent clairement le climat de violence, de terreur et d’impunité dans lequel les mouvements syndicaux cambodgiens mènent leurs activités. L’industrie du vêtement au Cambodge subit des pressions importantes depuis le 31 décembre 2004, date à laquelle, conformément à l’Accord sur les textiles et les vêtements de l’OMC, les quotas relatifs aux vêtements ont été supprimés. En effet, la suppression du système de quotas est considérée par une large majorité comme une mesure mettant en péril les profits de l’industrie et, par conséquent, son existence même. Dans ce contexte, des syndicats dociles conviendraient davantage aux propriétaires des manufactures et au gouvernement. De plus, l’Accord de l’OMC entraînera l’abrogation de l’accord relatif aux quotas qui avait été conclu avec les Etats-Unis et qui incitait le gouvernement cambodgien à respecter les normes internationales de travail.
- 322. Ainsi, le fait que les syndicalistes soient de plus en plus pris pour cible et harcelés ne serait pas le fruit du hasard. En effet, les nombreux cas où l’on a fait état d’intimidation, de menaces, d’attaques physiques voire de meurtres ne peuvent être isolés et indépendants. Au contraire, ils montrent clairement qu’il s’agit d’une méthode d’intimidation et de harcèlement utilisée de façon systématique contre les syndicalistes.
- 323. La CISL indique qu’elle est tout particulièrement préoccupée par les éléments suivants: le fait que plusieurs meurtres aient été précédés de menaces, le nombre de syndicalistes victimes d’intimidation et de harcèlement, la non-fiabilité des enquêtes policières relatives aux meurtres, le fait que les prévenus changent plusieurs fois leur version des faits, les allégations d’aveux forcés, l’intimidation et la disparition des témoins, la non-poursuite ou l’absence d’enquête relative à des preuves décisives, le fait que des juges soient écartés de certaines affaires puis rétrogradés, etc. Les faits énoncés ci-dessus montrent que, dans le meilleur des cas, le gouvernement du Cambodge est incapable de mener des enquêtes approfondies sur les meurtres et de veiller à ce que les procédures judiciaires adéquates soient respectées et, dans le pire des cas, qu’il refuse de le faire. Ces éléments indiquent également que le gouvernement ne voudrait peut-être pas que la vérité soit dévoilée. Quoi qu’il en soit, les faits décrits ci-dessus montrent clairement que le gouvernement n’a pas réussi à assurer aux syndicalistes les conditions qui leur permettent de mener leurs activités sans être intimidés ni qu’ils ne sentent que leur sécurité et leur vie sont en danger. Cette conclusion indique qu’une aide internationale relativement aux enquêtes et aux procédures judiciaires pourrait être profitable.
- 324. Dans une autre communication datée du 12 janvier 2004, la CISL fournit une information supplémentaire qui confirme le sentiment selon lequel le niveau de harcèlement subi par les syndicalistes a augmenté au Cambodge. On a informé la CISL que, le 22 décembre 2004 à 5 h 20, trois hommes avaient agressé au moyen d’une chaîne M. Pul Sopheak, président du syndicat d’entreprise affilié au FTUWKC de la manufacture de vêtements Teratex Garment Factory, alors qu’il se rendait au travail. Il a souffert de blessures à la tête qui ont provoqué des saignements; l’organisation plaignante a fourni des photos de ces lésions. L’agression s’est produite après deux jours de discussions portant sur un accord de négociation collective à la Teratex Garment Factory, située dans la circonscription de Mean Chey, à Phnom Penh. En effet, le 20 décembre 2004 à 8 heures, après de longues discussions, Pul Sopheak et son employeur étaient parvenus à un accord préliminaire qui constituait la première étape du processus de négociation. Un des points de litige de la discussion était le paiement de 5 dollars supplémentaires par mois que, selon les syndicats, les employeurs sont obligés de payer, conformément à la loi cambodgienne. Pour l’étape de négociation suivante, le 21 décembre 2004, Pul Sopheak était accompagné de M. Chea Money, président du FTUWKC, mais ils n’étaient parvenus à aucun accord sur la négociation collective.
- 325. Dans sa communication du 11 février 2005, l’organisation plaignante fait mention de l’interpellation et de la brève garde à vue du président du FTUWKC, Chea Money, le 20 janvier 2005. La police a arrêté Chea Money devant le siège du syndicat. Elle a également arrêté Heng Sophoan, le représentant du FTUWKC à la manufacture de vêtements Su Tong Fang.
- 326. Un peu plus tôt dans la journée, quelque 300 travailleurs de la manufacture Su Tong Fang avaient protesté contre le congédiement d’un de leurs collègues et les prétendus coups qu’un garde de sécurité aurait administrés à un autre. Le conciliateur du ministère du Travail, Khem Ben Chhean, aurait déclaré, le mardi 18 janvier, que le garde de sécurité accusé d’avoir battu le travailleur n’avait pas été congédié mais qu’«un règlement [était] imminent». Les manifestants qui ont commencé leur action le samedi 15 janvier ont été, selon un travailleur, violemment dispersés lorsqu’ils sont arrivés devant le ministère du Commerce parce qu’ils n’avaient pas l’autorisation nécessaire pour organiser une manifestation. Cependant, selon certaines sources, la permission d’organiser une manifestation n’est généralement jamais accordée.
- 327. La CISL indique que, selon ses sources, Chea Money n’avait pas participé à la manifestation. Malgré ce fait, on a empêché Chea Money et 30 autres activistes syndicaux de gagner le siège du syndicat un peu plus tard ce même jour. Les policiers auraient violemment forcé Chea Money et Heng Sophoan à monter dans une voiture de police présente sur les lieux. Selon Pal Chanrat, chef de la police de la commune de Boeung Raing dans la circonscription de Daun Penh, les deux hommes ont été libérés vers 17 heures. Il a ajouté que ces derniers n’avaient pas été arrêtés mais convoqués pour un interrogatoire. Par ailleurs, il soutient que Chea Money appelait au rassemblement dans un mégaphone, ce qui a dérangé les personnes qui étaient près de l’ambassade des Etats-Unis.
- 328. A leur libération, ils ont été forcés d’apposer leurs empreintes digitales sur un document dans lequel ils avouaient, entre autres, avoir perturbé l’ordre public pendant la manifestation qui avait eu lieu dans la matinée et ils promettaient d’inciter les travailleurs du textile à arrêter la grève et à éviter d’organiser d’autres manifestations. Dans un premier temps, ils s’étaient pour ainsi dire engagés à éviter toute grève éventuelle et, même si le document a été reformulé par la suite, ils se voient imposer d’importantes restrictions relativement à leurs activités syndicales habituelles, notamment en ce qui concerne le droit de grève. La CISL a reçu la traduction suivante de ce document:
- Royaume du Cambodge
- Nation, religion et roi
- Accord
- Nous soussignés
- 1. Chea Money, chef du Syndicat libre du Royaume du Cambodge,
- 2. Heng Sophoan, chef du Syndicat libre de la manufacture de vêtements Su Tong Fa,
- convenons devant les autorités compétentes et adéquates ce qui suit:
- – nous éviterons toutes formes d’activités qui porteraient préjudice à l’honneur de la nation,
- – nous garderons le silence,
- – nous éviterons d’enfreindre l’ordre et la sécurité publics,
- – nous nous engageons à respecter à la lettre les lois relatives aux manifestations,
- – à notre retour à la maison, nous annoncerons à tous les travailleurs du textile qu’ils devraient tous rentrer chez eux et ne plus organiser de manifestations.
- Nous apposons l’empreinte de notre pouce droit comme preuve de notre engagement.
- Empreinte du pouce droit: Lu, approuvé, signé
- 329. La CISL se dit également préoccupée par le fait que Sam Rainsy, chef du parti de l’opposition PSR, s’est vu retirer son immunité parlementaire, le 3 février 2005. Cette décision permettra au gouvernement de poursuivre Sam Rainsy pour diffamation à cause des propos qu’il a tenus au lendemain du meurtre de Chea Vichea. En effet, Rainsy avait déclaré que le gouvernement pouvait être impliqué dans le meurtre de Chea Vichea et que les autorités avaient dressé une liste noire dans laquelle figuraient son nom ainsi que ceux de Chea Vichea et de Rong Chhun. Sam Rainsy est le fondateur du FTUWKC et on dit qu’il entretenait des relations étroites avec Chea Vichea et qu’il continue de le faire avec le mouvement syndicaliste et son président actuel, Chea Money, le frère du premier.
- B. Réponse du gouvernement
- 330. Dans sa communication du 11 mai 2004, le gouvernement déclare que, selon le rapport de la police municipale de Phnom Penh, on pouvait arriver à la conclusion que le meurtre de M. Chea Vichea était un homicide volontaire qui n’a aucun lien avec la discrimination syndicale. Le gouvernement a joint à sa réponse les résultats de l’enquête menée par la police de Phnom Penh. Selon le rapport, la police s’est fondée, d’une part, sur l’enquête menée par le Comité de prévention et de répression des crimes (Committee for Prevention and Suppression of Crimes) à Phnom Penh et, d’autre part, sur les informations fournies par plusieurs témoins oculaires pour arrêter deux suspects, Born Samnang et Sok Sam Oeun, saisir un pistolet K59 dont le numéro de série n’était plus visible, une cartouche et trois balles, relever deux douilles sur la scène du crime et prélever une balle du corps de la victime. Des tests balistiques ont montré que les douilles et les projectiles prélevés provenaient effectivement du pistolet K59 dont le numéro de série n’est plus visible. Le rapport de la police municipale de Phnom Penh indique que cette dernière détenait des preuves et des déclarations de témoins qui montraient que les deux prévenus étaient les personnes qui ont tiré sur M. Chea Vichea.
- 331. Dans sa deuxième communication datée du 2 juin 2004, le gouvernement déclare que les institutions compétentes et lui-même portaient une attention particulière à toute infraction ou homicide. Il ajoute que, aussi bien dans le cadre de l’affaire de Chea Vichea que dans celle de Ros Sovannareth, et relativement à toutes les victimes, les enquêtes étaient neutres et menées conformément à la loi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 332. Le comité exprime sa grande préoccupation et son profond regret devant la gravité de cette affaire relative à l’assassinat de deux dirigeants syndicaux, Chea Vichea et Ros Sovannareth, à moins de quatre mois d’intervalle. L’assassinat de deux syndicalistes en si peu de temps engendre de grandes préoccupations quant à la sécurité du mouvement syndical dans le pays. Le comité note également les allégations selon lesquelles il y aurait de bonnes raisons de penser que les deux meurtres sont reliés à la fois entre eux et aux activités syndicales des victimes. Le comité déplore profondément ces événements et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence, qui mène à la mort de dirigeants syndicaux, est un obstacle sérieux à l’exercice des droits syndicaux.
- 333. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les activités syndicales de Chea Vichea ont souvent entraîné des conflits entre ce dernier, d’une part, et les directeurs ou les propriétaires des manufactures de vêtements ainsi que les autorités, d’autre part, des conflits qui avaient pour sujet les actions de revendication. De plus, de nombreux employeurs de l’industrie du textile du pays s’étaient fortement opposés aux activités de Chea Vichea visant à former des syndicats. Le comité croit comprendre que ce dernier avait reçu des menaces de mort qui l’avaient contraint à se cacher à plusieurs reprises. A ce sujet, le comité rappelle que le climat de peur qui résulte des menaces de mort proférées contre des syndicalistes ne peut manquer d’avoir une incidence défavorable sur l’exercice des activités syndicales et que celui-ci n’est possible que dans le cadre du respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces en tout genre. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 63.]
- 334. En ce qui concerne le meurtre de Chea Vichea, le comité note que deux suspects ont été arrêtés et que la décision, prononcée par le juge d’instruction le 19 mars 2004, d’abandonner les accusations contre les prévenus pour manque de preuve a été annulée par la Cour d’appel, qui a ordonné une enquête supplémentaire visant à trouver des preuves claires de leur culpabilité. Relativement à l’assassinat de Ros Sovannareth, le comité note que, selon l’organisation plaignante, la police n’avait arrêté aucun suspect.
- 335. Le comité regrette profondément que, dans sa réponse, le gouvernement n’ait fourni qu’une information incomplète relativement au meurtre de Chea Vichea en ne faisant que brièvement référence au rapport de la police municipale de Phnom Penh. Par ailleurs, le gouvernement n’a envoyé aucune information concernant les dispositions qui ont été prises pour identifier les auteurs du meurtre de Ros Sovannareth.
- 336. Le comité regrette que les autorités n’aient pris aucune disposition pour assurer la protection des dirigeants syndicaux en question et que les enquêtes menées jusque-là n’aient pas permis d’identifier les coupables. A cet égard, le comité rappelle que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. L’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 51 et 55.] Au vu de ces principes, le comité insiste pour que le gouvernement ouvre sans tarder une enquête judiciaire indépendante sur ces meurtres en vue d’identifier non seulement les auteurs de ce crime mais également les instigateurs, et de sanctionner les coupables. Le comité demande au gouvernement de le tenir au courant des résultats de cette enquête.
- 337. De plus, le comité est profondément préoccupé par les allégations selon lesquelles les syndicats seraient de plus en plus harcelés au Cambodge et par le climat social et les faits décrits par l’organisation plaignante, notamment ce qui a trait aux aveux forcés, à l’intimidation et à la disparition de témoins, à l’absence d’enquête, etc. Le comité regrette profondément que le gouvernement n’ait répondu à aucune des autres allégations formulées par l’organisation plaignante.
- 338. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles, le 20 janvier 2005, le nouveau président du FTUWKC, Chea Money, et un représentant de syndicat ont tous deux été interpellés et brièvement mis en garde à vue à la suite d’une manifestation, le comité rappelle d’abord que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et souligne ensuite que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 77 et 132.]
- 339. A cet égard, le comité exprime sa préoccupation concernant l’accord sur l’interdiction de manifester dont il a été fait état, et dans lequel Chea Money et son collègue auraient été forcés d’avouer, entre autres, avoir perturbé l’ordre public pendant la manifestation qui a eu lieu ce jour-là et de promettre d’inciter les travailleurs du textile à arrêter la grève et à éviter d’organiser d’autres manifestations. Tout en reconnaissant que les organisations syndicales doivent respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous et se conformer aux limites raisonnables que pourraient fixer les autorités en vue d’éviter des désordres sur la voie publique [voir Recueil, op. cit., paragr. 141], le comité attend du gouvernement qu’il déclare nul et non avenu cet accord et demande au gouvernement de veiller, à l’avenir, à ce que les travailleurs jouissent du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels.
- 340. Le comité est également préoccupé par le nombre de rapports concernant des cas d’intimidation, de menaces et d’agressions physiques subies par les syndicalistes et qui, selon l’organisation plaignante, ne sont pas le fruit du hasard et révèlent clairement une méthode d’intimidation et de harcèlement. Le comité note tout particulièrement, d’une part, les menaces proférées contre Rong Chhun, président de la CITA, qui figureraient sur une liste noire, dressée par un parti politique, contenant le nom de cinq personnes qui devaient être assassinées dans un avenir proche, et, d’autre part, les agressions dont ont été victimes, en juin 2004, Lay Sophead, présidente du syndicat d’entreprise affilié au FTUWKC de la manufacture de vêtements Luen Thai à Phnom Penh, et, en décembre 2004, Pul Sopheak, président du syndicat d’entreprise également affilié au FTUWKC de la manufacture de vêtements Teratex Garment Factory. Le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer dans un climat de violence et d’incertitude. A ce sujet, le comité considère que, lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 48 et 53.] Le comité demande au gouvernement d’ouvrir des enquêtes indépendantes sur les agressions dont ont été victimes Lay Sophead et Pul Sopheak et de le tenir au courant des résultats.
- 341. Le comité regrette que le gouvernement n’ait fourni des informations détaillées sur aucune des allégations en question et attire encore une fois l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. Il insiste donc pour que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires permettant de veiller à ce que les droits syndicaux des travailleurs du Cambodge soient entièrement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de risques relativement à leur sécurité personnelle et à leur vie.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 342. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité souligne la gravité des allégations relatives au meurtre des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth. Le comité déplore profondément ces événements et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence, qui mène à la mort de dirigeants syndicaux, est un obstacle sérieux à l’exercice des droits syndicaux.
- b) Le comité insiste pour que le gouvernement ouvre sans tarder une enquête judiciaire indépendante sur les meurtres de Chea Vichea et de Ros Sovannareth en vue d’identifier non seulement les auteurs de ce crime mais également les instigateurs. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
- c) Au sujet de l’accord sur l’interdiction de manifester dont il a été fait état, et dans lequel Chea Money et son collègue représentant du FTUWKC ont été forcés de promettre d’inciter les travailleurs du textile à arrêter la grève et à éviter d’organiser d’autres manifestations, le comité attend du gouvernement qu’il déclare cet accord nul et non avenu et demande au gouvernement de veiller, à l’avenir, à ce que les travailleurs jouissent du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels.
- d) En ce qui concerne l’agression physique dont ont notamment été victimes Lay Sophead et Pul Sopheak, tous les deux présidents de syndicats affiliés au FTUWKC, le comité demande au gouvernement d’ouvrir des enquêtes judiciaires indépendantes sur la question et de le tenir informé des résultats.
- e) Finalement, le comité insiste pour que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires pour veiller à ce que les droits syndicaux des travailleurs du Cambodge soient entièrement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de risques relativement à leur sécurité personnelle et à leur vie.