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- 382. La plainte est exposée dans une communication datée du 25 avril 2003 émanant du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC).
- 383. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication datée du 28 mai 2003.
- 384. Le Cambodge a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 385. L’organisation plaignante déclare dans sa communication du 25 avril 2003 que la direction de l’usine de vêtements INSM (située dans le district de Chum Chao à Phnom Penh) a licencié MM. Hak Bun Thoeun et Chea Vichea, respectivement secrétaire général et président du FTUWKC, ainsi qu’une trentaine d’autres membres du syndicat pour les punir d’avoir aidé à la création du syndicat dans cette société dont les agissements prouvent la détermination à détruire le syndicat. Les travailleurs concernés ont introduit deux plaintes auprès du gouvernement, lequel non seulement n’a pas protégé leur droit de former un syndicat, mais a au contraire usé de manœuvres dilatoires et incité les dirigeants licenciés à accepter l’argent offert par la direction pour éliminer le syndicat. Les plaignants affirment avoir épuisé les recours qu’offrent les mécanismes nationaux de règlement des différends du travail et avoir attendu six mois que le gouvernement fasse respecter la législation garantissant leur liberté syndicale, ce qu’il n’a pas fait en violation des dispositions de la Constitution et de la législation du travail cambodgiennes ainsi que des conventions de l’OIT.
- 386. Dans une communication datée du même jour, Mme Muth Sour, vice-présidente du FTUWKC dans l’usine de fabrication de vêtements «Top Clothes» (située dans le district d’Ang Snoul, dans la province de Kandal, près de Phnom Penh), déclare avoir été licenciée le 12 février 2003 parce qu’elle avait insisté auprès de la direction pour que quelques militants syndicaux figurent sur la liste des candidats délégués d’ateliers de la société. Or ces mesures contreviennent aux articles 279, 280, 286 et 288 de la législation du travail cambodgienne régissant la représentativité des syndicats et leur droit de participer aux négociations collectives, ainsi qu’aux conventions nos 87 et 98. D’après la plaignante, la direction de l’usine a pris des mesures punitives à l’encontre des travailleurs souhaitant se syndiquer et, en règle générale, n’a pas traité les travailleurs d’une manière correcte. Le 18 février 2003, Mme Muth Sour a introduit une plainte auprès du ministre du Travail et demandé à être réintégrée dans son poste mais elle n’a reçu aucune réponse. Elle a également déposé une plainte auprès du ministre du Commerce qui a le pouvoir de sanctionner les usines portant atteinte aux droits syndicaux mais aucune sanction n’a été prise. L’organisation plaignante déclare avoir épuisé tous les recours qui lui étaient ouverts sans que le gouvernement n’ait protégé le droit des travailleurs à se syndiquer comme il en a le devoir.
- 387. Dans une communication datée du 14 avril 2003, MM. Kim Young, Sorn Mean et Ly Bunseyi, respectivement président du syndicat, vice-président et secrétaire de l’Union démocratique de la coalition des ouvriers de l’habillement du Cambodge (CCAWDU) dans l’usine «Splendid Chance Garment», déclarent que peu après la création du syndicat la direction de l’usine a commencé à user de manœuvres d’intimidation pour les empêcher de jouer un rôle actif dans le syndicat. A la fin du mois de novembre 2002, la direction a demandé à la police de les arrêter et de les traduire devant le tribunal de Phnom Penh. Le tribunal les a relaxés et ils ont poursuivi leurs activités syndicales. Ils ont été renvoyés dès que le syndicat a été créé au début de janvier 2003. Les plaignants ont déposé trois plaintes officielles le 7 janvier 2003 auprès du ministre du Travail, du ministre du Commerce et de l’Assemblée nationale demandant leur réintégration, mais les autorités n’ont pas examiné leurs plaintes et n’ont pas protégé leur droit syndical, violant ainsi la législation et la Constitution cambodgiennes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 388. Dans sa communication du 28 mai 2003, le gouvernement déclare au sujet de la situation dans l’usine de fabrication de vêtements INSM (licenciement du secrétaire général et du président du FTUWKC et de 30 syndicalistes) que le nom figurant dans la plainte est celui de M. Hak Bun Thoeun alors que le cas concerne un dénommé Hak Chan Thoeun. Par conséquent, le Département de l’inspection du travail ne peut pas vérifier si ce nom est correct ou non, et les dispositions protectrices de la législation du travail ne peuvent donc être appliquées. Cela étant, le plaignant est tout à fait en droit d’introduire une plainte auprès du tribunal compétent.
- 389. En ce qui concerne le renvoi de Mme Muth Sour, vice-présidente du FTUWKC à l’usine «Top Clothes Garment», le gouvernement fait valoir que ce cas n’a pas pu être résolu en dépit d’une longue procédure de conciliation. Elle a maintenu sa position sans aucun argument ni fondement réaliste. Elle a été renvoyée parce qu’elle dirigeait le syndicat. Toutefois, la direction de la société maintient fermement sa position selon laquelle Mme Muth Sour aurait commis des fautes graves, cet pourquoi elle ne souhaitait plus l’employer. Le ministre a déjà fait tout ce qui était en son pouvoir mais il ne peut contraindre les parties à suivre son avis et doit donc les laisser poursuivre leur litige devant le tribunal compétent.
- 390. En ce qui concerne le licenciement des dirigeants syndicaux du CCAWDU qui travaillaient dans l’usine «Splendid Chance Garment», le gouvernement déclare que ce cas a fait l’objet d’une enquête le 25 décembre 2002 conduite par un groupe de personnes réunissant des fonctionnaires du ministre des Affaires sociales et du Travail, de la Formation professionnelle et de la Réinsertion des jeunes (MOSALVY) ainsi que du personnel de l’Association des employeurs. Après vérification, ils ont conclu que le cas était dénué de fondement et qu’il s’agissait d’une plainte résultant d’un malentendu ne reposant sur aucune justification réaliste.
- 391. Le gouvernement ajoute que le ministre a fait de son mieux pour protéger les droits des syndicats en appliquant les dispositions de la législation du travail mais qu’il ne peut protéger ceux qui violent les droits de l’autre partie ou ne respectent pas la législation. Dans certains cas, des différends sont survenus et ont été réglés par les parties elles-mêmes; le ministre ne peut en aucune façon s’ingérer dans ces différends. La plainte introduite par M. Chea Vichea est dénuée de tout fondement et les syndicats qu’il dirige ne représentent qu’un petit nombre de travailleurs. Beaucoup d’autres organisations de travailleurs qui sont à l’heure actuelle les syndicats les plus représentatifs du Cambodge respectent tous les règlements émanant du ministère.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 392. Le comité note que la présente plainte concerne diverses allégations de discrimination antisyndicale, de harcèlement et de licenciement qui auraient eu lieu au Cambodge dans trois usines du secteur privé de l’habillement et du textile.
- 393. En ce qui concerne le licenciement par la direction de l’usine de vêtements INSM du secrétaire général du FTUWKC, M. Hak Bun Thoeun, le comité note que, selon celui-ci, il aurait été licencié à titre de sanction parce qu’il avait aidé à fonder un syndicat dans cette usine. Le gouvernement se borne à indiquer que le nom du secrétaire général mentionné dans la plainte diffère de celui concernant un dénommé cité dans «une» affaire Hak Chan Thoeun au sujet de laquelle il ne fournit aucun détail; le gouvernement ajoute que le Département de l’inspection du travail ne peut vérifier l’exactitude de ce nom, que les dispositions protectrices de la législation du travail ne peuvent être appliquées et que le plaignant devrait saisir le tribunal compétent de sa plainte. Notant que ce litige porte sur le licenciement d’un haut responsable syndical qui aurait été licencié pour avoir exercé des droits garantis par les conventions applicables toutes deux ratifiées par le Cambodge, le comité considère qu’étant donné la gravité du cas les autorités ne devraient pas laisser une simple question mineure faire obstacle à la pleine application de dispositions dont l’objectif est précisément de protéger les dirigeants syndicaux et les travailleurs membres de syndicats contre toute discrimination antisyndicale. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en collaboration avec le FTUWKC et l’employeur, pour vérifier l’identité de la personne concernée et de veiller ensuite à ce qu’elle soit réintégrée, en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une telle réintégration n’est pas possible, qu’elle reçoive une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 394. En ce qui concerne le problème de fond que soulève la situation dans l’usine de vêtements INSM, le comité rappelle qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent être protégés de manière adéquate contre tout acte de discrimination antisyndicale susceptible de nuire à leur emploi; cette protection s’impose tout particulièrement dans le cas des responsables syndicaux car, afin de s’acquitter en toute indépendance de leurs responsabilités syndicales, ils doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront aucun préjudice en raison du mandat qui leur a été confié, protection qui leur est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 724.] Le comité rappelle en outre que les mesures nécessaires doivent être prises pour que les syndicalistes qui ont été licenciés en raison d’activités liées à la création d’un syndicat soient réintégrés dans leurs fonctions s’ils le souhaitent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 703.] Par ailleurs, compte tenu des incitations financières qui auraient été offertes dans le but d’éliminer le syndicat, le comité souligne que la protection contre la discrimination antisyndicale est insuffisante si la législation est telle qu’elle permet en pratique aux employeurs, à condition qu’ils versent l’indemnité prévue par la loi pour un licenciement injustifié, de licencier un travailleur, si le motif réel de ce licenciement est son affiliation à un syndicat ou ses activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 707.] Le comité demande instamment au gouvernement de veiller à ce que, en collaboration avec l’employeur concerné, il soit pleinement donné effet à ces principes et de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 395. Concernant le licenciement dans des circonstances analogues et par la même usine de vêtements INSM du président du FTUWKC (M. Chea Vichea) et de 30 autres membres affiliés à ce syndicat, le comité note que le gouvernement ne fournit aucune information; il lui demande par conséquent de lui faire parvenir ses observations à ce sujet après s’être informé de la situation auprès de l’employeur concerné. Le comité rappelle également au gouvernement que les principes susmentionnés s’appliquent également dans ce cas; il lui demande instamment de veiller, en collaboration avec l’employeur concerné, à ce que les travailleurs concernés soient réintégrés en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une telle réintégration n’est pas possible, qu’ils reçoivent une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 396. Concernant le licenciement de Mme Muth Sour par la direction de l’usine de vêtements «Top Clothes», le comité note que les allégations portent également sur le renvoi d’un responsable du FTUWKC, dans un contexte de discrimination antisyndicale. D’après les informations succinctes fournies par le gouvernement, les parties ont des positions diamétralement opposées quant à l’interprétation de la situation: la plaignante soutient qu’elle a été licenciée parce qu’elle dirigeait un syndicat; l’employeur, quant à lui, affirme qu’elle a commis des fautes lourdes et qu’il ne souhaite plus l’employer. Le gouvernement ajoute qu’il a déjà fait tout ce qui était en son pouvoir, qu’il n’était pas en mesure de contraindre les parties à respecter son avis et qu’il devait donc les laisser porter leur litige devant un tribunal. Le comité demande au gouvernement de lui transmettre une copie de la décision du tribunal dès qu’elle aura été prononcée. Si le licenciement est dû aux activités syndicales de Mme Muth Sour, le comité demande au gouvernement de veiller à ce qu’elle soit réintégrée en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une telle réintégration n’est pas possible, qu’elle reçoive une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 397. Concernant la situation à l’usine de vêtements «Splendid Chance» et le renvoi de trois responsables syndicaux du CCAWDU, le comité note que ces responsables ont fait l’objet de mesures d’intimidation très rapidement à la suite de la création du syndicat, qu’ils ont été arrêtés une fois par la police et traduits devant un tribunal et qu’ils ont été licenciés dès que le syndicat a été créé en juin 2003. D’après le gouvernement, ce cas a fait l’objet, en décembre 2002, d’une enquête conduite par un groupe de responsables du ministère et du personnel de l’Association des employeurs; ils ont conclu que cette affaire était dénuée de tout fondement et ne reposait sur aucune base réaliste. Le comité note les faits suivants: les divers actes de discrimination antisyndicale qui ont abouti au renvoi des trois responsables du syndicat ont coïncidé avec la création de celui-ci; seuls des membres de l’Association des employeurs – et aucun représentant du syndicat – n’ont pris part à l’enquête; enfin, celle-ci a eu lieu avant les licenciements. Le comité souligne que les plaintes contre des actes de discrimination antisyndicale doivent, en règle générale, être examinées dans le cadre d’une procédure nationale qui doit non seulement être prompte, mais également impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées, lesquelles doivent participer à la procédure d’une façon appropriée et constructive [voir Recueil, op. cit., paragr. 750], ce qui n’a manifestement pas été le cas en l’espèce. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées afin que les trois responsables syndicaux soient réintégrés, en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une réintégration n’est pas possible, qu’ils reçoivent une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- 398. En ce qui concerne la position du gouvernement selon laquelle les syndicats dirigés par le président du FTUWKC ne représenteraient qu’un petit nombre de travailleurs, le comité souligne l’importance qu’il attache au fait que les travailleurs et les employeurs doivent, en pratique, pouvoir librement constituer des organisations de leur choix et y adhérer. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 274.]
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 399. A la lumière des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité invite le gouvernement à prendre, en collaboration avec le FTUWKC et l’employeur, les mesures nécessaires pour vérifier l’identité du plaignant (secrétaire général du FTUWKC) licencié par l’usine de vêtements INSM et à veiller ensuite à ce que cette personne soit réintégrée, en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une réintégration n’est pas possible, qu’elle reçoive une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- b) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations concernant le licenciement du président et de 30 membres du FTUWKC par l’usine de vêtements INSM, après avoir obtenu les renseignements nécessaires auprès de l’employeur. Le comité demande instamment au gouvernement de veiller, en collaboration avec l’employeur concerné, à ce que les travailleurs intéressés soient réintégrés, en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une réintégration n’est pas possible, qu’ils reçoivent une compensation adéquate, conformément aux conventions nos 87 et 98 ratifiées par le Cambodge. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- c) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer la décision judiciaire relative au licenciement de Mme Muth Sour par l’usine de vêtements «Top Clothes». Si le licenciement est dû à ses activités syndicales, le comité demande au gouvernement de veiller à ce qu’elle soit réintégrée, en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une réintégration n’est pas possible, qu’elle reçoive une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées afin que les trois responsables syndicaux du CCAWDU licenciés par l’usine de vêtements «Splendid Chance» soient réintégrés, en jouissant d’une protection juridique complète contre les actes de discrimination antisyndicale ou, si une réintégration n’est pas possible, qu’ils reçoivent une compensation adéquate. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
- e) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.