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- 957. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 12 décembre 2002. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 2 janvier 2003.
- 958. Le Zimbabwe a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 959. Dans sa communication du 12 décembre 2002, la CISL déclare que, le 9 décembre 2002, neuf dirigeants syndicaux ont été arrêtés alors qu’ils participaient à un colloque organisé par le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU). Ils ont été placés en détention jusqu’au 11 décembre, date à laquelle ils ont été relâchés sur ordonnance des tribunaux. Ces personnes sont: MM. Wellington Chibebe, Tambaoga Nyazika et Timothy Kondo (respectivement secrétaire général, responsable régional et coordonnateur pour la sensibilisation du ZCTU) et Mme Patience Mandozana, ainsi que MM. Settlement Chikwinya, David Shambare, Thomas Nyamanza, Gideon Shoko et Hwinya Matambo (dirigeants de divers syndicats affiliés au ZCTU).
- 960. Monsieur Chibebe a été victime de manœuvres d’intimidation pendant sa détention. Il a reçu des coups, même s’ils n’étaient pas violents, et a été sommé de mettre fin à toutes ses activités syndicales. On l’a menacé, s’il persistait dans ses activités, de le licencier ou de l’«éliminer».
- 961. Selon le plaignant, ce n’était que la dernière de toute une série de manœuvres de harcèlement qui ont suivi une tentative d’intimidation moins d’une semaine plus tôt, date à laquelle les forces de police anti-émeutes avaient réussi à disperser les manifestants lors d’un rassemblement organisé par le ZCTU le 4 décembre à Harare Gardens. Les organisateurs avaient alors essayé de tenir ce rassemblement dans un autre endroit (Gorlon House), mais les forces de police anti-émeutes avaient escaladé la barrière de sécurité et attaqué brutalement les travailleurs au moment où ils arrivaient. M. Collin Gwiyo, secrétaire général adjoint du ZCTU, avait été arrêté, avant d’être relaxé sur intervention des avocats du ZCTU.
- 962. Le plaignant déclare que le gouvernement du Zimbabwe continue de violer les droits syndicaux fondamentaux, notamment par des manœuvres de harcèlement constantes de la part de la police à l’égard des dirigeants syndicaux.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 963. Dans sa communication du 2 janvier 2003, le gouvernement déclare que M. Chibebe et ses collègues ont été emmenés au poste de police le 9 décembre pour un simple interrogatoire portant sur un arrêt de travail généralisé que l’Assemblée constitutionnelle nationale avait envisagé de déclencher, et qu’ils ont été relaxés le lendemain, 10 décembre.
- 964. Les personnes en question sont membres de la NCA, une organisation politique de quasi-opposition qui vise à renverser le gouvernement légitime du Zimbabwe. C’est pourquoi elles ont été soumises à un interrogatoire portant sur des activités qui ne sont pas directement liées à la mission du ZCTU, à savoir un arrêt de travail généralisé qui avait été planifié, ce que le peuple du Zimbabwe ignorait.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 965. Le comité note que cette plainte concerne des allégations relatives à l’arrestation de dirigeants syndicaux du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement antisyndicales sous forme d’interventions répétées de la part des autorités et de la police. Le comité note par ailleurs que les arrestations du 9 décembre sont venues s’ajouter à des incidents semblables qui s’étaient produits la semaine précédente, date à laquelle le ZCTU avait été empêché de tenir deux rassemblements du fait de l’intervention violente de la police et où son secrétaire général adjoint avait été arrêté. Selon le gouvernement, les arrestations et les interrogatoires auxquels les neuf membres du ZCTU ont été soumis n’ont rien à voir avec le mandat du syndicat, mais avec un arrêt de travail généralisé que la NCA, une organisation politique de quasi-opposition à laquelle appartenaient toutes ces personnes, avait envisagé de déclencher.
- 966. Le comité note que, selon les allégations de l’organisation plaignante, M. Chibebe aurait été victime de manœuvres d’intimidation et a reçu des coups pendant sa détention, et qu’il a été sommé, s’il ne voulait pas être licencié ou «éliminé», de mettre fin à toutes ses activités syndicales. Le comité note par ailleurs que ces incidents se sont produits neuf mois à peine après les événements de mars 2002, où il y a eu également intervention de la police et ingérence dans les activités du ZCTU, et à la suite de quoi le comité avait prié le gouvernement de faire preuve d’une plus grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats. [Voir 329e rapport du comité, paragr. 818-831, approuvé par le Conseil d’administration à sa 285e session.]
- 967. S’agissant de la question politique soulevée par le gouvernement, le comité rappelle que les activités syndicales ne peuvent pas être limitées à des questions professionnelles uniquement, car les politiques et les choix du gouvernement ont forcément un impact sur les travailleurs; les organisations de travailleurs devraient donc pouvoir exprimer leur opinion sur des questions politiques au sens large du terme. Si, d’un côté, les organisations syndicales ne doivent pas abuser de leur activité politique en outrepassant leurs fonctions propres et en promouvant des intérêts essentiellement politiques, d’un autre côté, une interdiction générale de toute activité politique par les syndicats (outre qu’elle serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale) manquerait du réalisme nécessaire à son application pratique. En effet, les organisations syndicales peuvent vouloir exprimer publiquement, par exemple, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 454 et 455.]
- 968. Indépendamment des considérations ci-dessus, le comité souligne que, dans le cas d’espèce, aussi bien le colloque du 9 décembre 2002 que les rassemblements que le syndicat avait tenté d’organiser le 4 décembre 2002 étaient des activités syndicales légitimes; il n’a pas été prouvé que ces rassemblements avaient des objectifs autres que ceux d’une activité syndicale normale; de plus, selon les allégations, M. Chibebe aurait été victime de manœuvres d’intimidation pendant sa détention et a été menacé des pires conséquences s’il ne mettait pas fin à «toutes ses activités syndicales», ce qui confirme que son arrestation et sa détention étaient bien liées à ses activités syndicales. Le comité rappelle que le droit d’organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 464] dans lequel le gouvernement ne devrait pas s’ingérer. Il demande une fois de plus au gouvernement de s’abstenir à l’avenir de s’ingérer dans les activités syndicales du ZCTU, y compris dans l’organisation de rassemblements publics.
- 969. En ce qui concerne la détention des neufs dirigeants du ZCTU et l’incarcération, auparavant, de M. Collin Gwiyo, le comité rappelle que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales, en particulier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 71.] Le comité est d’autant plus préoccupé que ce type d’ingérence gouvernementale semble être récurrent dans ce pays, et peut créer un climat d’intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 76.] Tout en notant que les dirigeants syndicaux en question ont été relaxés sur ordonnance des tribunaux, le comité demande au gouvernement de s’abstenir à l’avenir de recourir à de telles mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales. Le comité demande également au gouvernement de prendre les mesures voulues pour diligenter une enquête indépendante approfondie sur ces faits, et de sanctionner les personnes responsables de ces détentions.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 970. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant avec une grave préoccupation les allégations de l’organisation plaignante dans le cas d’espèce et le caractère répété et sérieux des ingérences gouvernementales dans les affaires syndicales, le comité demande une fois de plus au gouvernement de s’abstenir à l’avenir de toute ingérence dans les activités syndicales du ZCTU, y compris dans l’organisation de rassemblements publics, et de ne plus recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales.
- b) S’agissant de la détention des dirigeants syndicaux, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour diligenter une enquête indépendante approfondie sur les faits en question, et de sanctionner les personnes responsables de ces détentions.