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- 140. La plainte faisant l’objet du présent cas figure dans des communications du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) des 17 septembre et 15 octobre 2001.
- 141. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 16 octobre 2001.
- 142. L’Algérie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 143. Dans sa communication du 17 septembre 2001, le SNAPAP explique qu’il a été créé en 1990, qu’il représente le secteur de l’administration publique et qu’il compte plus de 400 000 adhérents. Il indique qu’après le coup d’Etat de 1992 il n’a pas pris de position politique, ni envers le pouvoir ni envers les Islamistes. Le SNAPAP affirme que cette prise de position de neutralité lui a valu des représailles allant de mutations arbitraires, de suspensions de salaires, de licenciements et d’internements, ce qui a incité plusieurs de ses membres à s’exiler en France et en Espagne.
- 144. Plus spécifiquement, le SNAPAP explique qu’en date du 20 septembre 2000 il a introduit une demande de constitution d’une confédération dénommée Syndicat national autonome des travailleurs algériens (SNATA). Cette demande a été rejetée par les autorités qui ont invoqué sa non-conformité avec l’article 2 de la loi 90-14 du 2 juin 1990 qui prévoit notamment que les travailleurs de mêmes professions, branches ou secteurs d’activité ont le droit de se constituer en organisations syndicales et que le SNAPAP ne représentait, à la date de sa création, que les travailleurs de l’administration publique. Le SNAPAP explique qu’une seconde demande de création de confédération dénommée Confédération algérienne des syndicats autonomes (CASA) a également été rejetée par les autorités sous prétexte que parmi les syndicats y adhérant figurait un syndicat représentant le secteur privé.
- 145. Le SNAPAP affirme par ailleurs que les autorités algériennes ont toujours fait preuve de favoritisme à l’égard de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), puisque cette organisation est issue du parti unique qui existait avant 1990. Le SNAPAP allègue que, ne pouvant justifier la représentativité du syndicat UGTA, les employeurs, en complicité avec ce syndicat, opèrent une retenue des frais de cotisation d’adhésion à la source des salaires, entravant ainsi la liberté d’adhésion des travailleurs. En outre, le SNAPAP explique qu’il s’est vu refuser la participation aux différents conseils d’administration des caisses de sécurité sociale sous prétexte que seul le syndicat le plus représentatif est autorisé à y siéger et que le SNAPAP n’est représentatif que dans le secteur de l’administration publique.
- 146. Le SNAPAP affirme également qu’il fait face à de nombreuses entraves concernant la tenue d’assemblées générales. En effet, la tenue d’assemblées générales en dehors des heures de travail est constamment refusée par les employeurs, et l’utilisation des locaux après les heures de travail se heurte à des refus motivés par des raisons de sécurité des lieux.
- 147. Dans une communication ultérieure du 15 octobre 2001, le SNAPAP fait état de nombreuses entraves à la liberté syndicale dans différents secteurs d’activité, tels que le secteur de la santé, de l’intérieur et des collectivités locales, de l’hydraulique, des travaux publics, de la douane et de la protection civile. Ces entraves sont constituées essentiellement d’interdictions d’installations de section syndicale dans des centres hospitaliers, de sanctions, de suspensions, d’agressions physiques, de mutations et d’intimidations de syndicalistes et dirigeants syndicaux, d’interdictions d’assemblées générales et de fermeture de bureau syndical (les noms des personnes victimes de ces mesures ainsi que les secteurs d’activité et les lieux de ces violations sont annexés à la plainte). Enfin, le SNAPAP indique que, depuis le dépôt de la plainte devant le BIT, le gouvernement en général et le ministère du Travail en particulier lui ont refusé tout contact et se sont totalement désengagés des promesses faites au SNAPAP durant la récente grève de la faim menée par les dirigeants de ce dernier.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 148. Dans sa communication du 16 octobre 2001, le gouvernement explique que, suite à l’adoption de la Constitution de 1989 qui consacre le pluralisme syndical, et conformément à la loi 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités du droit syndical, des organisations syndicales, dont le SNAPAP fait partie, ont vu le jour. Le gouvernement exprime son étonnement devant le fait que le SNAPAP, qui bénéficie d’une représentation légale et exerce librement son activité syndicale sans ingérence des autorités, avance des allégations non fondées, d’autant plus qu’il dispose de toutes les voies de recours en Algérie qu’il n’a pas encore épuisées. Le gouvernement précise que le SNAPAP jouit, à l’instar des autres organisations syndicales, d’une liberté dans ses activités au niveau national pour élire ses représentants ainsi que pour l’organisation et la gestion de ses activités.
- 149. Le gouvernement explique que le 20 septembre 2000 le SNAPAP a introduit une demande de constitution d’une confédération des syndicats de l’administration publique dénommée «Syndicat national autonome des travailleurs algériens (SNATA)». Cette demande a fait l’objet d’une réponse négative de la part du gouvernement en février 2001, en vertu de sa non-conformité avec l’article 2 de la loi 90-14 du 2 juin 1990. Il a été par ailleurs précisé au SNAPAP que, pour la création d’une nouvelle confédération syndicale, il était nécessaire d’obtenir au minimum l’adhésion de deux associations syndicales ayant des activités distinctes et œuvrant dans des secteurs différents. Le 31 mars 2001, le SNAPAP a réintroduit une demande d’agrément d’une nouvelle organisation syndicale dénommée la «Confédération algérienne des syndicats autonomes (CASA)». Une nouvelle réponse négative a été transmise au SNAPAP en date du 30 avril 2001 conformément aux dispositions de la loi précitée. Le gouvernement précise que le traitement réservé à la demande de modification des statuts à travers la création de nouvelles organisations syndicales (SNATA, CASA) s’est fait en conformité avec les articles 2 et 4 de la loi 90-14 de 1990.
- 150. Le gouvernement déclare qu’il y a lieu de considérer sans objet les allégations du SNAPAP sur les menaces présumées d’interdictions d’installer des sections syndicales, de fermetures de locaux, de licenciements, de mutations, de suspensions des salaires et d’interdictions de tenue d’assemblées générales. En ce qui concerne l’organisation d’assemblées générales, il a été précisé au SNAPAP que celles-ci sont organisées librement et sans accord préalable de l’employeur, sauf si elles doivent se tenir sur les lieux de travail pendant les heures de travail.
- 151. S’agissant de la représentation au sein des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale, le gouvernement précise que l’article 39 de la loi 90-14 de 1990 accorde ce droit aux organisations syndicales suivant leur représentativité à l’échelle nationale. Ce même article fixe par ailleurs les critères de représentativité. Le gouvernement affirme qu’en vertu de ces dispositions le SNAPAP ne peut se prévaloir de la représentativité à l’échelle nationale et par conséquent ne peut siéger au sein desdits conseils.
- 152. Enfin, le gouvernement souligne la pleine disponibilité qu’a manifestée le ministère du Travail et de la Sécurité sociale dans la poursuite du dialogue avec le SNAPAP. En effet, plusieurs réunions ont été tenues entre le SNAPAP et le ministère du Travail ainsi que les responsables du secteur concerné.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 153. Le comité observe que ce cas concerne de nombreuses allégations d’entraves à la constitution de confédérations syndicales, de favoritisme à l’égard d’une organisation syndicale, d’entraves à la tenue d’assemblées générales et de nombreux actes de harcèlement antisyndical.
- 154. S’agissant des demandes du SNAPAP de former des confédérations (sous l’appellation SNATA, puis CASA), le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle ces demandes ont fait l’objet de réponses négatives en vertu de leur non-conformité avec les articles 2 et 4 de la loi 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical. A cet égard, le comité estime approprié de rappeler le contenu de ces dispositions. L’article 2 dispose que «les travailleurs salariés, d’une part, et les employeurs, d’autre part, de mêmes professions, branches ou secteurs d’activité ont le droit de se constituer en organisations syndicales à l’effet de défendre leurs intérêts matériels et moraux». Pour sa part, l’article 4 dispose que «les unions, fédérations et confédérations d’organisations syndicales sont régies par les mêmes dispositions que celles qui s’appliquent aux organisations syndicales». De l’avis du comité, ces dispositions ne posent pas de problème au regard des principes de la liberté syndicale puisqu’elles peuvent être appliquées aux organisations de base et que celles-ci peuvent librement constituer des organisations interprofessionnelles et s’affilier à des fédérations et à des confédérations selon les modalités jugées les plus appropriées par les travailleurs ou les employeurs concernés sans qu’une autorisation préalable soit nécessaire.
- 155. Toutefois, il semble que ce soit l’interprétation donnée par le gouvernement à ces dispositions qui pose problème dans le présent cas. En effet, à la lumière des informations disponibles, le comité observe que le gouvernement, en invoquant diverses exigences de la législation, empêche en fait les travailleurs du secteur public de se constituer en confédération. Le comité rappelle que le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations de leur choix est un des aspects fondamentaux de la liberté syndicale. Il implique notamment le droit de prendre librement les décisions suivantes: choix de la structure et de la composition des organisations; création d’une ou plusieurs organisations pour une entreprise, une profession, une branche d’activité; constitution de fédérations et confédérations. Ainsi, le principe énoncé à l’article 2 de la convention no 87, selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier, implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et confédérations de leur choix. En outre, le comité a toujours considéré que les droits préférentiels accordés aux syndicats les plus représentatifs ne devraient pas leur octroyer le droit exclusif de constituer des fédérations et confédérations et de s’y affilier. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 606 et 619.] En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que les travailleurs membres du SNAPAP puissent constituer des fédérations et confédérations de leur choix et de s’y affilier. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 156. S’agissant des allégations de favoritisme du gouvernement à l’égard du syndicat UGTA, le comité note que le gouvernement n’a pas fourni d’observations spécifiques à ce sujet. Le comité rappelle au gouvernement que, en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, ce dernier pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir. En outre, un gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait aussi atteinte au principe établi dans la convention no 87, selon lequel les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l’exercice légal. Le comité veut croire que le gouvernement tiendra pleinement compte de ces principes à l’avenir.
- 157. S’agissant des allégations selon lesquelles le SNAPAP s’est vu refuser la participation aux différents conseils d’administration des caisses de sécurité sociale sous prétexte que seul le syndicat le plus représentatif est autorité à y siéger, le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles, en vertu de l’article 39 de la loi 90-14 de 1990, seules les organisations représentatives à l’échelle nationale peuvent siéger au sein de ces conseils et que le SNAPAP ne peut se prévaloir de cette représentativité nationale. A cet égard, le comité rappelle qu’il a toujours admis que certains avantages, notamment en matière de représentation, peuvent être accordés aux syndicats en raison de leur degré de représentativité. Toutefois, la détermination du syndicat le plus représentatif devra toujours se faire d’après des critères objectifs et préétablis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. Le comité note à cet égard que, dans le cas présent, l’organisation plaignante ne semble pas remettre en cause le caractère d’organisation la plus représentative à l’UGTA.
- 158. S’agissant des allégations relatives aux entraves concernant la tenue d’assemblées générales, le comité note que, selon le gouvernement, ce dernier a précisé au SNAPAP que les assemblées générales peuvent être organisées librement et sans accord préalable de l’employeur, sauf si elles doivent se tenir sur les lieux de travail pendant les heures de travail. Toutefois, selon le SNAPAP, la tenue d’assemblées générales même en dehors des heures de travail est constamment refusée par les employeurs pour des motifs liés à la sécurité des lieux. A cet égard, le comité rappelle aux parties concernées que le droit des organisations professionnelles de tenir des réunions dans leurs propres locaux pour y examiner des questions professionnelles, sans autorisation préalable ni ingérence des autorités, constitue un élément essentiel de la liberté d’association, et les autorités devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice, à moins que cet exercice ne trouble l’ordre public ou ne le menace de manière grave ou imminente. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 130.]
- 159. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement rejette d’emblée toutes les allégations relatives aux menaces présumées d’interdiction d’installer des sections syndicales, de fermetures de locaux, de licenciements, de mutations et de suspensions de salaires de syndicalistes. Toutefois, le comité observe que, dans une communication récente du 15 octobre 2001, le SNAPAP fait à nouveau état de nombreuses entraves à la liberté syndicale dans différents secteurs d’activité: interdiction d’installation de section syndicale dans des centres hospitaliers, de sanctions, de suspensions, d’agressions physiques, de mutations et d’intimidations de syndicalistes et de dirigeants syndicaux et de fermeture de bureau syndical. Le SNAPAP fournit une liste détaillée de personnes victimes de ces mesures ainsi que les secteurs d’activité et les lieux où ces violations auraient eu lieu. Par ailleurs, le SNAPAP n’ayant pas fourni de précisions sur les allégations concernant les licenciements, internements et autres mesures arbitraires prises à l’encontre de ses membres, les ayant incités à s’exiler, le comité demande au SNAPAP de fournir tout complément d’informations qu’il juge utile à ce sujet. En conséquence, le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir sans tarder ses observations relatives aux allégations spécifiques du SNAPAP à ce sujet.
- 160. Enfin, le comité note que le gouvernement déplore dans sa communication du 16 octobre 2001 le fait que le SNAPAP n’ait pas épuisé toutes les voies de recours disponibles en Algérie avant de s’adresser au BIT. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que, si le recours à la procédure judiciaire interne quel qu’en soit le résultat constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n’est pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales de recours. [Voir Recueil, op. cit., annexe I, paragr. 33.] En outre, le comité exprime sa vive préoccupation devant l’allégation du SNAPAP selon laquelle, depuis que ce dernier a déposé plainte devant le BIT, les autorités algériennes lui auraient refusé tout contact et se seraient totalement désengagées de promesses faites antérieurement au SNAPAP. Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir sans tarder ses observations à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 161. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que les travailleurs membres du SNAPAP puissent constituer des fédérations et confédérations de leur choix et de s’y affilier. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir sans tarder ses observations relatives aux allégations spécifiques du SNAPAP concernant l’interdiction d’installation de section syndicale dans des centres hospitaliers, de sanctions, de suspensions, d’agressions physiques, de mutations et d’intimidations de syndicalistes et dirigeants syndicaux et de fermeture de bureau syndical. Par ailleurs, s’agissant des allégations de licenciement, internements et autres mesures arbitraires prises à l’encontre de ses membres, les ayant incités à s’exiler, le comité demande au SNAPAP de fournir tout complément d’informations qu’il juge utile à ce sujet.
- c) Exprimant sa vive préoccupation devant l’allégation du SNAPAP selon laquelle, depuis le dépôt de la plainte devant le BIT, les autorités algériennes lui auraient refusé tout contact et se seraient désengagées de promesses faites antérieurement à ce dernier, le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir sans tarder ses observations à cet égard.