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- 145. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à ses réunions de mars et novembre 2002, et mars 2004, lors desquelles il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 327e rapport, paragr. 140-161; 329e rapport, paragr. 160-174; 333e rapport, paragr. 182-215; approuvés par le Conseil d’administration lors de ses 283e, 285e et 289e sessions.]
- 146. L’organisation plaignante a transmis de nouvelles allégations et des informations complémentaires dans des communications des 3 mai, 8 et 27 juin 2004.
- 147. Le gouvernement a transmis ses réponses dans des communications des 3 septembre et 3 novembre 2004.
- 148. L’Algérie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Elle n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas - 149. Lors du dernier examen du cas, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 333e rapport, paragr. 215]:
- a) Le comité demande au gouvernement de préciser les raisons pour lesquelles le recours du SNAPAP contre la décision de fermer le local d’Oran était, à son avis, sans fondement, d’indiquer si les décisions de suspendre l’organisation plaignante et de fermer le local d’Oran sont toujours en vigueur et, si tel est le cas, de révoquer lesdites décisions.
- b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les sept travailleurs licenciés de la préfecture d’Oran soient réintégrés sans délai dans leurs fonctions sans perte de salaire et que, si une réintégration n’est pas possible, une compensation adéquate leur soit versée. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- c) En ce qui concerne la représentativité de l’organisation plaignante, le comité invite le gouvernement à prendre des mesures législatives ou autres permettant de déterminer la représentativité de l’organisation plaignante sur une base objective et préétablie sans pour autant que l’identité de ses adhérents ne soit dévoilée tel que, par exemple, par l’organisation de scrutins. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que les travailleurs membres du SNAPAP puissent constituer des fédérations et confédérations de leur choix et s’y affilier. Il lui demande également de le tenir informé en ce qui concerne la reconnaissance effective de la CASA et de l’Union des fonctionnaires de la protection civile. Le comité rappelle au gouvernement que le Bureau est à sa disposition pour lui fournir aide et assistance dans ce cadre.
- e) En ce qui concerne les allégations d’actes de violence perpétrés par les autorités publiques le 29 janvier 2003 alors que des syndicalistes qui tenaient un sit-in ont été matraqués, le comité demande au gouvernement de lui fournir sans délai ses observations sur ces allégations.
- f) S’agissant des allégations d’arrestations et de détentions arbitraires de M. Salim Mecheri, secrétaire national du SNAPAP, MM. Fodhil Agha et Djilali Bensafi, membres du bureau de la section syndicale du CHU d’Oran, pour avoir affiché des communiqués ayant trait à la tenue d’une grève générale légale du secteur de la santé, et de la convocation par la sûreté nationale de MM. El Hachemi Belkhir, Mohamed Benahmed, Rabeh Mebarki, Mokhtar Mesbah, Benchâa Benatia, Mohamed Bekhil et Djeloul Amar Behida, le comité demande au gouvernement de lui fournir sans délai ses observations sur ces nouvelles allégations.
- g) S’agissant de MM. Bourada et Himer qui, selon le gouvernement, ont tenté de forcer la porte du bureau du directeur du CHU d’Oran tout en proférant des insultes et des menaces de mort à son encontre, le comité demande au gouvernement de lui fournir copie du jugement par lequel ils ont été condamnés.
- h) Concernant la décision d’annuler les détachements des syndicalistes de l’Union nationale de la formation professionnelle, le comité demande au gouvernement de lui fournir ses observations sur ces nouvelles allégations.
B. Nouvelles allégations
B. Nouvelles allégations - 150. Dans sa communication du 3 mai 2004, le SNAPAP allègue que M. Khaled Mokhtari, Secrétaire général de l’Union nationale du personnel de la justice (UNPJ), a fait l’objet de mesures disciplinaires en violation des droits syndicaux. Lors de son conseil national du 11 décembre 2003, l’UNPJ a présenté un cahier de revendications dont l’un des points essentiels concernait l’ouverture de négociations avec le ministère de tutelle, ainsi qu’une motion de principe prévoyant la tenue d’un sit-in devant le ministère. Ce dernier ne répondant pas aux revendications, le bureau exécutif de l’UNPJ a décidé le 23 avril 2004 de tenir le sit-in le 5 mai suivant. Le 27 avril, M. Mokhtari a été suspendu de ses fonctions pour absence durant la journée du 24 avril, alors qu’il était en convalescence. Le 28 avril, M. Mokhtari a été placé sous contrôle judiciaire (présentation devant les autorités quatre fois par semaine, avec interdiction de sortie du territoire de la commune) pour motif d’incitation à attroupement. Le SNAPAP considère qu’il s’agit là de sanctions injustifiées et disproportionnées constituant des actes d’intimidation contre ses adhérents et les syndicalistes en général.
- 151. Dans sa communication du 8 juin 2004, l’organisation plaignante déclare que sept syndicalistes du siège de la Wilaya d’Oran ont été placés sous contrôle judiciaire, condamnés à six mois de prison avec sursis et amende de 5 000 DA. Six syndicalistes du Centre hospitalier universitaire ont été placés en garde à vue durant quatre jours, condamnés avec sursis puis révoqués de leurs fonctions. Le Wali d’Oran incite les travailleurs à retirer leur confiance au SNAPAP et à dénoncer l’immixtion du BIT dans les conflits opposant le SNAPAP aux autorités algériennes.
- 152. Dans sa communication du 27 juin 2004, l’organisation plaignante dénonce le parti pris des services du ministère du Travail, qui ont déclaré dans une communication du 22 juin 2004 avoir pris acte du renouvellement des instances dirigeantes du SNAPAP et de l’élection de M. Belkacem Felfoul comme président de cette organisation, nominations qui auraient été faites lors d’un pseudo «congrès extraordinaire» tenu à Sidi Fredj les 25 et 26 mai 2004, et dont l’organisation plaignante conteste la régularité. L’organisation plaignante souligne qu’une conférence des cadres du SNAPAP s’est tenue à Alger le 19 juin, qui a confirmé M. Malaoui dans ses fonctions de Secrétaire général; son mandat s’achève en mars 2005 et un congrès doit se tenir au courant du premier trimestre 2005 en vue d’une élection.
C. Nouvelles réponses du gouvernement
C. Nouvelles réponses du gouvernement - 153. Dans sa communication du 3 septembre 2004, le gouvernement présente ses observations détaillées en réponse aux recommandations et demandes contenues dans le 333e rapport du comité.
- 154. S’agissant du recours du SNAPAP contre la fermeture du local d’Oran et des questions connexes [recommandation 215 a) du 333e rapport], le gouvernement fait observer qu’il a fait parvenir au comité les raisons ayant motivé la fermeture du local et rappelle que celle-ci a été décidée sur la base du procès-verbal d’un huissier de justice constatant que la section syndicale du SNAPAP de la Wilaya d’Oran n’est plus représentative au sens des articles 34 à 37 bis de la loi no 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical, et ne pouvait donc continuer d’exercer ses activités syndicales au lieu de travail. La fermeture du local est la conséquence de sa non-représentativité. Cela concerne exclusivement la section d’Oran mais pas l’organisation elle-même, qui continue d’exercer librement ses activités au niveau national. Pour que cette section syndicale rouvre un bureau dans les locaux de cette administration, elle devra prouver sa représentativité au sein de cette administration par le biais d’élections démontrant qu’elle recueille l’adhésion d’au moins 20 pour cent de l’effectif total des travailleurs concernés (art. 35 de la loi no 90 14 du 2 juin 1990). Cette loi permet au SNAPAP de saisir la juridiction compétente, démarche qu’elle n’a pas effectuée, consciente qu’elle ne peut réunir les conditions légales requises.
- 155. En ce qui concerne les sept travailleurs licenciés de la Wilaya d’Oran [recommandation 215 b)], le gouvernement rappelle avoir indiqué que les sanctions prises contre ces syndicalistes étaient motivées par la commission de fautes professionnelles graves au sein d’une administration publique, sous forme de comportements de nature à perturber gravement la continuité du service public. Il s’agissait d’une manifestation à l’intérieur des locaux de la Wilaya avec panneaux et pancartes, suivie d’entraves à la liberté du travail, de troubles à l’ordre public et de dégradations de biens publics, qui ont conduit l’employeur à saisir la justice. Celle-ci a condamné les auteurs à trois mois de prison avec sursis et 5 000 DA d’amende. Suite à ces condamnations, l’employeur les a convoqués en commission paritaire siégeant en conseil de discipline qui a décidé de les licencier. La relation de travail ne pouvait donc subsister entre ces travailleurs et l’administration qui les employait.
- 156. Concernant la représentativité de l’organisation plaignante [recommandation 215 c)], la législation énonce que sont considérées représentatives au sein d’un même organisme employeur les organisations syndicales regroupant au moins 20 pour cent de l’effectif total des travailleurs (art. 34 à 37 bis de la loi no 90-14 du 2 juin 1990). En vertu de l’article 40 de la même loi, toute organisation peut créer une structure dans toute entreprise, institution ou administration pour assurer la représentation des travailleurs couverts si elle réunit au moins 30 adhérents. L’organisme employeur est tenu de vérifier l’application de ces conditions sans aucune distinction ou exception. Aucune organisation syndicale se considérant représentative n’a présenté à la Wilaya d’Oran les éléments permettant d’apprécier sa représentativité en vue de constituer une structure syndicale au lieu de travail. Malgré cela, le SNAPAP a bénéficié de l’aide financière de l’Etat dans le cadre de la promotion du dialogue social. Le gouvernement rappelle que la loi no 90-14 a été reconnue conforme à la convention no 87.
- 157. S’agissant de la possibilité de constituer des fédérations et confédérations, de la reconnaissance effective de la Confédération algérienne des syndicats autonomes (CASA) et de l’Union des fonctionnaires de la protection civile [recommandation 215 d)], le gouvernement déclare que le SNAPAP est enregistré comme organisation syndicale des personnels de l’administration publique et non comme confédération d’organisations syndicales. Il a été rappelé au SNAPAP, par correspondance du 20 avril 2003, la teneur de l’article 4 de la loi no 90-14 du 2 juin 1990, qui dispose: «Les unions, fédérations et confédérations sont régies par les mêmes dispositions que celles qui s’appliquent aux organisations syndicales». Cette disposition ne fait aucunement entrave à la constitution d’unions ou de fédérations. Les fonctionnaires de la protection civile peuvent se constituer en organisation syndicale s’ils le souhaitent; dès enregistrement, leur organisation pourra s’affilier à une confédération de leur choix. En ce qui concerne la CASA, le gouvernement a fait parvenir ses observations au comité en temps opportun et l’autorité compétente, le 30 avril 2001, a adressé ses observations aux initiateurs de la constitution de la confédération projetée (copie jointe en annexe 2 de la communication du gouvernement); ceux-ci, y compris le SNAPAP, n’ont pas répondu à ces observations à ce jour, ce qui dénote qu’il s’agit d’une initiative isolée émanant d’une seule organisation syndicale et non d’une volonté collective des organisations syndicales qui la composent. En tout état de cause, l’autorité compétente attend la réponse afin de parachever l’examen du dossier.
- 158. Quant aux allégations d’actes de violence commis le 29 janvier 2003 contre des syndicalistes ayant tenu un sit-in [recommandation 215 e)], le gouvernement déclare que les personnes concernées ont troublé l’ordre public et mis en danger des biens publics et privés, ce qui a conduit les autorités à intervenir pour maintenir l’ordre et protéger les biens et les personnes. Cette intervention n’avait aucun lien avec de prétendues entraves à la liberté syndicale mais s’inscrivait dans le cadre de la mission des autorités de maintien de l’ordre public et de la protection des personnes et des biens.
- 159. S’agissant des allégations relatives à l’arrestation et la détention de MM. Salim Mecheri, Fodhil Agha et Djilali Bensafi, et à la convocation par la Sûreté nationale de MM. El Hachemi Belkhir, Mohamed Benahmed, Rabeh Mebarki, Mokhtar Mesbah, Benchâa Benatia, Mohamed Bekhil et Djeloul Amar Behida [recommandation 215 f)], le gouvernement déclare que MM. Mecheri, Agha et Bensafi ont utilisé la force et proféré des insultes et des menaces contre le Directeur du CHU d’Oran, qui a demandé l’intervention des agents en faction à l’hôpital. Dans un souci d’apaisement, le directeur a refusé de porter plainte contre les personnes concernées, en dépit de leur comportement irresponsable; elles ont été relâchées et le dossier classé. Quant aux sept autres syndicalistes, employés de la protection civile de la Wilaya d’Oran, ils ont lancé le 4 janvier 2004 des actions de protestation par une grève de la faim et des incitations des travailleurs à faire grève, avec entrave à la liberté du travail, ce qui constitue une violation grave de l’article 34 de la loi no 90-02 du 6 février 1990, relative à la prévention et au règlement des conflits du travail et à l’exercice du droit de grève, violation passible de poursuites pénales. Par ailleurs, il a été établi par procès-verbal d’huissier que le SNAPAP ne jouit pas de la représentativité requise par la loi pour lancer un mouvement de grève. Aucune mesure administrative n’a été prise contre les intéressés mais une plainte a été déposée auprès du tribunal compétent pour les faits précités.
- 160. Le gouvernement fournit copie de la décision de justice rendue contre MM. Bourada et Himer [recommandation 215 g)].
- 161. Concernant la décision d’annuler les détachements de certains syndicalistes de l’Union nationale de la formation professionnelle (UNFP) [recommandation 215 h)], le gouvernement indique que cette question est régie par la loi no 90-14 du 2 juin 1990, selon laquelle seules les organisations syndicales enregistrées et représentatives à l’échelle nationale peuvent prétendre au détachement et à la négociation collective avec l’organisme employeur. N’ayant déposé aucune demande de déclaration de constitution auprès de l’autorité compétente, l’UNFP n’a aucune existence légale aux termes de l’article 4 de la loi no 90-14.
- 162. Le gouvernement ajoute que des conflits ont éclaté ces derniers temps au sein des instances dirigeantes du SNAPAP, qui ont tenu plusieurs congrès à la direction, sur lesquels la justice ne s’est pas encore prononcée. Ainsi, M. Rachid Malaoui a été Secrétaire général du SNAPAP de 2001 jusqu’au congrès extraordinaire de décembre 2003, dont les travaux ont abouti à l’élection de M. Hamna Boumkhila comme Secrétaire général. Le SNAPAP a tenu les 24 et 25 mai 2004 un autre congrès extraordinaire, qui a élu M. Belkacem Felfoul (membre fondateur du SNAPAP) comme Secrétaire général. De plus, il ressort d’un rapport parvenu le 2 août 2004 à l’Inspection générale du travail qu’une plainte a été déposée auprès du Tribunal d’El Harrach (Wilaya d’Alger) par M. Felfoul contre M. Malaoui pour différents faits en relation avec la gestion financière du SNAPAP et pour sa reconnaissance en qualité de Secrétaire général légitime de cette organisation. Le gouvernement fera parvenir copie de la décision de justice une fois rendue. On se trouve à l’heure actuelle en présence de trois instances dirigeantes, chacune prétendant être légitime. Les luttes intestines que connaît le SNAPAP lui ont fait perdre de son audience et ont nui à sa capacité de mobilisation ainsi qu’à son degré de représentativité. Le renouvellement des organes dirigeants des organisations syndicales est régi par l’article 14 de la loi no 90-14, qui dispose: «Les organes dirigeants des organisations syndicales sont élus et renouvelés selon les principes démocratiques et conformément aux statuts qui les régissent.» En cas de conflit interne, les parties intéressées peuvent se pourvoir devant les juridictions concernées qui détiennent compétence exclusive à cet égard. L’administration observe pour sa part une totale neutralité et s’interdit de privilégier une quelconque tendance jusqu’à ce que la justice se prononce sur cette affaire.
- 163. Dans sa communication du 3 novembre 2004, le gouvernement déclare en rapport avec les allégations du SNAPAP concernant M. Khaled Mokhtari que ce dernier, qui prétend être syndicaliste de «l’Union nationale des fonctionnaires de la justice», ne possède pas cette qualité et que les membres fondateurs de cette prétendue organisation syndicale n’ont déposé aucune demande de déclaration de constitution d’organisation syndicale, comme prévu par les articles 4 et 10 de la loi no 90-14. Comme tout fonctionnaire, M. Mokhtari est régi par un statut et des règlements qui définissent ses droits et obligations, et la mesure administrative prise contre lui obéit aux règles de discipline au sein des institutions et administrations publiques. Son employeur, le tribunal d’El Amria (Wilaya d’Aïn Temouchent), a engagé des poursuites contre lui pour attroupement et entraves à la liberté du travail dans l’enceinte du tribunal, comportement réprimé par l’article 100 du Code pénal et l’article 34 de la loi no 90-02 relative à la prévention et au règlement des différends collectifs du travail et à l’exercice du droit de grève. M. Mokhtari a été suspendu en application de l’article 131 du décret no 85-59 qui stipule: «Compte tenu de la nature particulière des missions dévolues aux institutions et administrations publiques, et des conséquences qui en découlent en matière d’obligations professionnelles des travailleurs concernés, lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales ne permettant pas son maintien en fonction, il est immédiatement suspendu. Sa situation n’est définitivement réglée qu’une fois que la décision judiciaire sanctionnant les poursuites pénales est devenue définitive.» La suspension de M. Mokhtari résulte donc du manquement à ses obligations professionnelles et n’a aucun lien avec l’exercice d’activités syndicales et l’appartenance syndicale qu’il invoque; il s’agit d’une mesure conservatoire en attendant que la justice se prononce. La qualité de syndicaliste dont il se prévaut ne le dispense pas de se conformer à la réglementation régissant les relations de travail dans les administrations publiques, et particulièrement celles régissant le statut de greffier qui lui impose des obligations spécifiques. Le gouvernement ajoute que le SNAPAP continue d’entretenir sciemment un amalgame entre, d’une part, les activités syndicales exercées dans le respect des lois et, d’autre part, les comportements individuels de fonctionnaires n’ayant pas accompli leurs obligations professionnelles. Une fois encore, le SNAPAP démontre sa légèreté en saisissant le Comité de la liberté syndicale sans s’assurer au préalable de la véracité des informations fournies. Comme toute organisation syndicale, le SNAPAP a toute latitude pour saisir les juridictions compétentes s’il estime avoir fait l’objet de mesure indue de la part de l’administration, ce qu’il n’a jamais fait. A titre de rappel, la loi no 90-14 garantit la protection des délégués syndicaux et leur accorde des facilités. Le gouvernement souligne enfin qu’en agissant de la sorte le SNAPAP s’est érigé indûment en «confédération» en violation du droit algérien en la matière; de plus, en prenant la défense d’un «syndicaliste» relevant d’une union elle-même non enregistrée et avec laquelle il n’a pas de relations structurelles, le SNAPAP s’est attribué une prérogative dont il n’est pas investi, ce qui dénote une fois de plus sa désinvolture a l’égard des lois nationales en la matière.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité - 164. Le comité rappelle que ce cas, qu’il examine pour la quatrième fois depuis le dépôt de la plainte en septembre 2001, concerne des allégations: d’entraves à la constitution d’organisations et de confédérations syndicales, ainsi qu’à l’exercice des droits syndicaux; de suspensions et licenciements antisyndicaux; d’actes de harcèlement par les autorités; et d’arrestations et de détentions arbitraires de syndicalistes.
- Différends internes au SNAPAP
- 165. S’agissant des conflits internes au SNAPAP, le comité note que trois congrès ont été récemment tenus par les diverses factions en présence (décembre 2003, élection de M. Boumkhila; 25-26 mai 2004, élection de M. Felfoul; 19 juin 2004, confirmation de l’élection de M. Malaoui) et que, selon les informations communiquées par M. Malaoui au nom du SNAPAP dans sa communication du 27 juin 2004, un congrès doit se tenir au courant du premier trimestre 2005 en vue d’une élection. Le comité rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur les conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement intervient d’une manière qui pourrait affecter l’exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d’une organisation, et que l’intervention de la justice peut permettre de clarifier la situation du point de vue légal et de normaliser la gestion et la représentation de l’organisation en cause. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 965.] Tout en notant les assurances de neutralité du gouvernement dans cette affaire, le comité relève cependant les allégations de l’organisation plaignante, selon qui le gouvernement aurait démontré un parti-pris en faveur de M. Felfoul en prenant acte par écrit de son élection au congrès de Sidi Fredj. Notant qu’un recours a été introduit à ce sujet auprès du Tribunal d’El Harrach, le comité invite instamment le gouvernement à maintenir une attitude de totale neutralité dans cette affaire et lui demande de lui faire parvenir dès que possible copie du jugement rendu en la matière.
- 166. Le comité note que plusieurs des allégations, et des réponses qu’apporte le gouvernement, sont étroitement liées à la question de représentativité, par exemple: la fermeture du local d’Oran; l’annulation du détachement de certains syndicalistes de l’Union nationale de la formation professionnelle; et la non-reconnaissance de l’Union nationale des fonctionnaires de la justice (voir ci-après les conclusions du comité en rapport avec ces divers sujets). Le comité note par ailleurs l’affirmation du gouvernement selon laquelle toute organisation au sens des articles 34 à 37 bis de la loi no 90-14 du 2 juin 1990 peut, aux termes de l’article 40 de cette loi, créer une structure dans toute entreprise, institution ou administration pour assurer la représentation des travailleurs couverts si elle regroupe 20 pour cent de l’ensemble des travailleurs de l’entité concernée. Le comité rappelle les principes applicables à cet égard: d’une part, la création d’un syndicat peut être considérablement gênée ou même rendue impossible lorsque la législation fixe le nombre minimum des membres d’un syndicat à un niveau manifestement trop élevé [voir Recueil, op. cit., paragr. 255]; d’autre part, le fait de fixer dans la législation un pourcentage pour déterminer le seuil de représentativité des organisations et conférer certains privilèges aux organisations les plus représentatives (notamment aux fins de négociation collective) ne pose pas de difficulté dans la mesure où il s’agit de critères objectifs, précis et préétablis, afin d’éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 309-315.] Le comité note cependant l’exigence supplémentaire posée dans la pratique par les autorités d’obtenir une liste nominative de tous les adhérents d’une organisation et une copie de leur carte d’adhésion pose en revanche problème par rapport à ces principes. Le comité renvoie à ses commentaires précédents concernant les risques d’actes de représailles et de discrimination antisyndicale inhérents à ce type d’exigence [voir notamment 333e rapport, paragr. 207] et demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures voulues afin que les décisions permettant de constater la représentativité de telle ou telle organisation puissent être prises sans que l’identité de leurs adhérents soit dévoilée; tant le comité que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations ont estimé qu’un scrutin secret constituait une méthode particulièrement appropriée à cet égard. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises en ce sens.
- 167. S’agissant de la fermeture du local du SNAPAP à Oran, le comité note d’après les dernières précisions apportées par le gouvernement que la décision de fermer ce local, situé sur le lieu de travail, a été prise après qu’un huissier eut constaté par procès-verbal que le SNAPAP n’était pas considéré comme représentatif dans la Wilaya en question. Le comité demande au gouvernement de donner instruction aux autorités locales de mettre de nouveau un local à la disposition du SNAPAP sur les lieux de travail si la représentativité est établie dans le cadre d’une procédure respectant les principes exposés ci-dessus.
- 168. En ce qui concerne l’annulation du détachement de certains syndicalistes de l’Union nationale de la formation professionnelle (UNFP), le statut de l’Union nationale des fonctionnaires de la justice (UNFJ) et celui statut de l’Union des fonctionnaires de la protection civile (UFPC), le comité note également que la question déterminante en l’espèce est la non-reconnaissance par les autorités de la représentativité de ces organisations. Le comité rappelle que les organisations minoritaires auxquelles sont déniés les droits de négocier collectivement doivent pouvoir mener leur action et avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter en cas de réclamation individuelle. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 313.] Au vu des circonstances, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour déterminer la représentativité de l’UNFP, de l’UNFJ et de l’UFPC, si ces organisations en font la demande, le tout dans le cadre d’une procédure respectant les principes exposés ci-dessus et, dans l’affirmative, de leur reconnaître tous les droits allant de pair avec l’octroi du statut syndical.
- Constitution de fédérations et confédérations
- 169. S’agissant de la possibilité de constituer des fédérations et confédérations et de la reconnaissance de la Confédération algérienne des syndicats autonomes (CASA), le comité note les commentaires du gouvernement et en particulier l’annexe 2 jointe à la communication du gouvernement, soit la réponse des autorités, en date du 30 avril 2001, à la demande de constitution de la CASA. Le comité note que, outre certaines demandes de précisions concernant les membres fondateurs et de nombreuses remarques et demandes concernant les statuts internes de l’organisation projetée, l’autorité responsable précise que l’application conjointe des articles 2 et 4 de la loi no 14/90 fait en sorte que «… le cumul de deux secteurs différents, comme c’est le cas pour l’adhésion du Syndicat national de la navigation aérienne à cette confédération englobant le secteur de l’administration publique, n’est pas conforme à l’article 2 susmentionné». La lettre se conclut par le rejet de la demande.
- 170. Le comité rappelle que le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et confédérations de leur choix, ainsi que celui de s’y affilier [voir Recueil, op. cit., paragr. 606] et qu’une disposition d’une loi nationale qui interdit aux organisations de fonctionnaires publics de s’affilier à des fédérations ou des confédérations de l’industrie paraît difficilement conciliable avec l’article 5 de la convention no 87. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 615.] Le comité invite donc le gouvernement à amender rapidement les dispositions législatives en question, afin de permettre aux organisations de travailleurs, quel que soit le secteur auquel elles appartiennent, de constituer des fédérations et confédérations de leur choix, et de le tenir informé des mesures prises en ce sens.
- 171. S’agissant des autres aspects relatifs à la question de représentativité, le comité rappelle ses conclusions antérieures à ce propos, et souligne notamment que le gouvernement affirmait – dès avril 2002 – avoir entamé une série de réunions afin d’aider le SNAPAP dans la constitution de la CASA et qu’un examen des textes relatifs à la liberté syndicale devait être entrepris en concertation avec les partenaires sociaux, afin de lever les difficultés pouvant surgir de l’interprétation de certaines dispositions de la loi no 90-14 du 2 juin 1990. [Voir 329e rapport, paragr. 166; 333e rapport, paragr. 210.] Force est de constater qu’aucun progrès n’a été accompli dans la pratique. Le comité rappelle que l’acquisition de la personnalité juridique par les fédérations et confédérations ne peut être soumise à des conditions de nature à limiter le droit de constituer ces organisations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 606-607.] Tenant compte du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, et notant que le gouvernement déclare attendre la réponse du SNAPAP pour parachever l’examen du dossier, le comité invite instamment le gouvernement à initier rapidement une concertation avec les partenaires sociaux afin de lever toutes les difficultés pouvant surgir en pratique de l’interprétation de certaines dispositions législatives sur la constitution des fédérations et confédérations et pouvant notamment, en l’espèce, entraver la reconnaissance de la CASA. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises en ce sens et du résultat des discussions engagées.
- 172. En ce qui concerne l’arrestation et la détention de MM. Salim Mecheri, Fodhil Agha et Djilali Bensafi, le comité note la déclaration du gouvernement, selon qui ces travailleurs étaient accusés d’avoir proféré des menaces et des insultes contre le directeur du CHU d’Oran, qui n’a toutefois pas porté plainte, dans un souci d’apaisement; ces travailleurs ont été relâchés et le dossier classé. Le comité prend note de cette information.
- 173. Quant à la convocation de MM. El Hachemi Belkhir, Mohamed Benahmed, Rabeh Mebarki, Mokhtar Mesbah, Benchâa Benatia, Mohamed Bekhil et Djeloul Amar Behida par la Sûreté nationale, le comité note que, selon le gouvernement, ces travailleurs ont déclenché le 4 janvier 2004 une grève de la faim et ont incité d’autres travailleurs à faire grève, avec entrave à la liberté du travail; le gouvernement soutient également que le SNAPAP ne jouit pas de la représentativité requise par la loi pour faire grève. Le comité rappelle tout d’abord que le droit de grève est un moyen légitime de défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs. Par ailleurs, si le fait de réserver le droit de déclencher une grève aux seules organisations syndicales ne semble pas incompatible avec la convention no 87, encore faut-il que les travailleurs, et en particulier leurs dirigeants, soient protégés contre des actes éventuels en raison d’une grève exercée en vue de promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels, et qu’ils puissent constituer des syndicats sans être en butte à des pratiques antisyndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 477.] Le comité renvoie en outre à ses conclusions ci-dessus en rapport avec les principes relatifs à la représentativité. Notant qu’une plainte a été déposée auprès du tribunal compétent à cet égard, le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir copie du jugement relatif à ces sept travailleurs dès qu’il aura été rendu.
- 174. Quant aux sept travailleurs licenciés de la Wilaya d’Oran, le comité note que, selon le gouvernement, les sanctions ont été prises contre ces travailleurs parce qu’ils avaient manifesté à l’intérieur des locaux de la préfecture, s’étaient rendus coupables d’entraves à la liberté du travail, de troubles à l’ordre public et de dégradations de biens publics; ils ont été condamnés par les tribunaux à trois mois de prison avec sursis et 5 000 DA d’amende, à la suite de quoi une commission paritaire siégeant en conseil de discipline a décidé de les licencier. Pour le gouvernement, la relation d’emploi ne pouvait donc se poursuivre entre ces travailleurs et leur administration. Tout en convenant que les personnes menant des activités syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la législation pénale, le comité rappelle que toute sanction infligée en raison d’abus dans l’exercice du droit de grève devrait être proportionnée au délit ou à la faute commis. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 599.] Renvoyant à sa recommandation précédente à cet égard, le comité demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de lui indiquer si un recours judiciaire a été intenté contre la décision de la commission paritaire et, dans l’affirmative, de le tenir informé de l’issue de cette procédure.
- 175. En ce qui concerne les actes de violence qui auraient été commis le 29 janvier 2003 contre des syndicalistes ayant tenu un sit-in, le comité note que selon le gouvernement, les forces de l’ordre sont intervenues pour maintenir l’ordre et protéger les biens et les personnes, et non pour faire entrave à la liberté syndicale comme il est allégué par le SNAPAP. Le comité rappelle à cet égard que l’intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 582.]
- 176. S’agissant du cas de M. Mokhtari, le gouvernement répond: que l’Union nationale des fonctionnaires de la justice (UNFJ) n’a pas d’existence légale, n’ayant pas déposé de demande de constitution; que M. Mokhtari n’a pas la qualité de syndicaliste de cette organisation et que sa suspension conservatoire, dans l’attente de l’issue des poursuites pénales dont il fait l’objet, résulte de manquements graves à ses obligations professionnelles. Le comité renvoie aux conclusions formulées ci-haut en ce qui concerne l’UNFJ et demande au gouvernement de lui faire parvenir le jugement relatif au cas de M. Mokhtari dès qu’il sera rendu.
- 177. En ce qui concerne MM. Bourada et Himer, il ressort du jugement que ces derniers ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 DA d’amende pour outrage à un fonctionnaire en service (le directeur du CHU d’Oran) et avoir investi son bureau alors qu’il était en réunion officielle avec des fonctionnaires du ministère de la Santé, mais acquittés des chefs d’accusation pour insultes et injures, infraction moindre et incluse dans celle d’outrage à fonctionnaire. Le comité rappelle de nouveau à cet égard que les sanctions prises par les autorités doivent être proportionnées à la faute commise.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 178. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité invite instamment le gouvernement à maintenir une attitude de totale neutralité dans le différend opposant les diverses factions au sein du SNAPAP, et à lui faire parvenir copie du jugement relatif à cette affaire dès qu’il aura été rendu.
- b) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures voulues, d’ordre législatif ou autre, permettant de déterminer la représentativité des organisations syndicales sans que l’identité de leurs adhérents soit dévoilée, par exemple au moyen d’un scrutin secret.
- c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour vérifier la représentativité de l’UNFP, de l’UNFJ et de l’UFPC, si ces organisations en font la demande, le tout dans le cadre d’une procédure respectant les principes exposés ci-dessus et, dans l’affirmative, de leur reconnaître tous les droits allant de pair avec l’octroi du statut syndical.
- d) Le comité demande au gouvernement d’amender rapidement les dispositions législatives empêchant les organisations de travailleurs, quel que soit le secteur auquel elles appartiennent, de constituer des fédérations et confédérations de leur choix. Il invite instamment le gouvernement à initier rapidement une concertation avec les partenaires sociaux afin de lever toutes les difficultés pouvant surgir en pratique de l’interprétation de certaines dispositions législatives sur la constitution des fédérations et confédérations et notamment, en l’espèce, pouvant entraver la reconnaissance de la Confédération algérienne des syndicats autonomes (CASA). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises en ce sens.
- e) Le comité demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de lui indiquer si les sept travailleurs licenciés de la Wilaya d’Oran ont intenté un recours judiciaire contre la décision de licenciement rendue par la commission paritaire et, dans l’affirmative, de le tenir informé de l’issue de cette procédure.
- f) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir, dès qu’il aura été rendu, copie du jugement concernant MM. El Hachemi Belkhir, Mohamed Benahmed, Rabeh Mebarki, Mokhtar Mesbah, Benchâa Benatia, Mohamed Bekhil et Djeloul Amar Behida.
- g) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir le jugement concernant M. Khaled Mokhtari dès qu’il aura été rendu.