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- 312. La Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l’énergie et des industries diverses (UIS-TEMQPIA) a fait parvenir la présente plainte par communication en date du 18 juin 2001.
- 313. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par communication en date du 6 septembre 2001.
- 314. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 315. Dans sa communication en date du 18 juin 2001, la Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l’énergie et des industries diverses (UIS-TEMQPIA) allègue que, sous couvert d’une disposition du Code du travail, l’entreprise FABISA SA (qui produit des bicyclettes Bianchi SA) a embauché des travailleurs pour remplacer certains de ses salariés syndiqués, en grève depuis le 30 avril 2001 pour obtenir une augmentation de salaire.
- 316. L’organisation plaignante ajoute que, le 3 mai 2001, c’est-à-dire après seulement trois jours d’une grève légale et tandis que les membres du syndicat manifestaient pacifiquement à l’entrée de l’entreprise, la direction a donné ordre au chauffeur de l’autocar d’une société de transport extérieure à l’entreprise d’avancer pour contraindre à s’écarter un piquet de grévistes qui lui barraient l’accès à l’usine, l’autocar ayant à son bord des cadres de l’entreprise et des briseurs de grève. L’organisation plaignante précise que, au lieu d’obtempérer à l’ordre de la police de garer son véhicule de telle sorte que ces nouveaux travailleurs puissent entrer à pied dans l’entreprise, le chauffeur a forcé le barrage, causant la mort d’un manifestant, M. Luis Lagos, et des lésions corporelles graves à un autre, M. Donaldo Zamora.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 317. Dans sa communication du 6 septembre 2001, le gouvernement apporte un certain nombre d’éléments: il existait entre l’entreprise FABISA SA et le syndicat de travailleurs une convention collective, laquelle venait à expiration en mai 2001, raison pour laquelle le syndicat a entamé, le 19 mars 2001, un processus de négociation s’appuyant sur un projet de nouvelle convention collective soutenu par 90 travailleurs syndiqués et 22 qui, jusqu’à cette date, n’étaient pas adhérents. L’entreprise a répondu — dans les délais — par un refus du projet avancé par les travailleurs. Le 26 avril, les travailleurs ont procédé à un scrutin, au terme duquel la dernière proposition de la direction a été rejetée et le recours à la grève a recueilli 90 pour cent des suffrages. La grève a pris effet le 30 avril à 8 heures et, sans attendre, l’employeur a embauché d’autres travailleurs pour les affecter aux postes de travail des grévistes, le remplacement qui s’est effectué aux termes de certaines dispositions de la législation en vigueur (plus précisément les articles 380 et 381 du Code du travail), de sorte que la conduite de l’employeur se trouvait juridiquement inattaquable.
- 318. Le gouvernement ajoute que les travailleurs en grève s’étaient réunis pour manifester publiquement au portail d’entrée de l’entreprise, ce qui a aggravé la tension. Devant cette situation, l’entreprise a adressé le 2 mai une demande de bons offices à l’Inspection du travail de Santiago-Nord, initiative qui n’a malheureusement pas pu se concrétiser sur-le-champ du fait que les dirigeants syndicaux étaient impossibles à joindre. C’est le quatrième jour de grève, plus précisément le 3 mai vers 7 h 40, tandis qu’un groupe de grévistes tentait de barrer l’accès à un autocar transportant des travailleurs embauchés pour les remplacer, que l’un d’eux, M. Luis Lagos, a été tué et un autre, M. Donaldo Zamora, blessé, après avoir été renversés par le véhicule conduit par le chauffeur Francisco Curilén Suarez. Le gouvernement précise que ces incidents font l’objet d’une procédure judiciaire, ouverte par le juge aux affaires pénales du 18e district de Santiago sous le no 1086-3 et dans laquelle la Confédération des travailleurs de la métallurgie (CONTRAMET), le Syndicat des travailleurs de l’entreprise FABISA SA, la famille du travailleur tué et celle du travailleur blessé se sont portés parties civiles. Le chauffeur de l’autocar a été accusé «d’homicide simple» (par exemple: lésions corporelles graves ayant entraîné la mort sans intention de la donner). La procédure en est au stade de l’enquête, compte tenu des démarches incidentes, le tribunal étudiant notamment la responsabilité éventuelle du directeur administratif de l’entreprise FABISA SA, qui était à bord de l’autocar lorsque les grévistes ont été renversés, même si les éléments recueillis suffisent à justifier, à ce stade, l’ouverture d’une information contre lui.
- 319. Le gouvernement déclare qu’en raison de l’émotion suscitée dans le public par la mort du travailleur Luis Lagos l’entreprise a suspendu toute activité le lendemain. Les entretiens en cours ont été interrompus et n’ont d’ailleurs repris qu’à l’instigation de la Direction régionale du travail la semaine ayant suivi cette tragédie. L’entreprise a continué de fonctionner avec des travailleurs remplaçants, et les manifestations de grévistes aux abords de l’entreprise et sur les places publiques ont repris, dénonçant cette fois la responsabilité de l’entreprise dans la mort du travailleur.
- 320. Le gouvernement précise en dernier lieu que: 1) le 14 juin 2001, les travailleurs concernés ont décidé de mettre un terme à la grève légale et de reprendre le travail le lendemain, sur la base des conditions définies par l’employeur dans sa première — et dernière — proposition; 2) la semaine suivante, près de 18 travailleurs ont été licenciés (décision contre laquelle les dirigeants du syndicat ont protesté devant la Direction régionale du travail, ce qui a motivé la convocation d’une réunion tripartite, laquelle a permis de s’entendre sur plusieurs aspects, et notamment sur le réexamen de la situation des travailleurs licenciés, l’étude d’un projet de rémunération fondé sur la productivité, la recherche d’une amélioration du climat social par l’intervention d’un cabinet de consultants et l’étude de départs volontaires à la retraite moyennant des indemnités satisfaisantes; 3) marquant l’aboutissement de récents entretiens avec les dirigeants syndicaux, ces accords étaient sur le point d’être appliqués, mais une nouvelle mesure de licenciement frappant cinq travailleurs associés au processus de négociation collective est malencontreusement venue compliquer la situation; 4) l’administration de l’entreprise et les dirigeants syndicaux ont fait de leur mieux pour rétablir les relations, mais un climat de ressentiment et de méfiance persiste chez les travailleurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 321. Le comité constate qu’en l’espèce l’organisation plaignante allègue que l’entreprise FABISA SA a embauché des travailleurs pour remplacer certains de ses salariés syndiqués qui s’étaient mis en grève et qu’un gréviste a été tué et un autre grièvement blessé par un autocar ayant à son bord des cadres de l’entreprise et des travailleurs remplaçants, tandis que les grévistes faisaient barrage à l’accès de l’entreprise.
- 322. S’agissant des allégations relatives au remplacement de grévistes sous couvert de dispositions du Code du travail, le comité note que le gouvernement déclare qu’à la suite du rejet par l’entreprise d’un projet de convention collective les travailleurs se sont mis en grève, que l’employeur a embauché sans attendre d’autres travailleurs pour les affecter aux postes de travail des grévistes et que ce remplacement s’est effectué sous couvert de certaines dispositions juridiques en vigueur. Le comité observe que la réforme récente de la législation a maintenu la possibilité de remplacer les grévistes. En effet, l’article 380 du Code du travail dispose que: «Si une grève intervient dans une entreprise ou un établissement où l’interruption du travail provoque un dommage réel et irréparable à ses biens matériels ou un dommage à la santé des usagers d’un établissement de santé ou d’assistance sociale ou qui fournit des services essentiels, le syndicat ou groupe de négociation a l’obligation de proposer une liste du personnel indispensable pour effectuer le travail dont l’interruption pourrait causer le dommage. Le groupe de négociation doit soumettre à l’employeur, à la demande écrite de ce dernier, le nom des travailleurs qui feront partie de l’équipe d’urgence, et ce dans les vingt-quatre heures suivant cette demande. Dans le cas contraire, l’employeur peut demander à l’inspection du travail de se prononcer sur l’obligation des travailleurs de fournir cette liste. Les dispositions précédentes s’appliquent lorsqu’il y a refus de la part des travailleurs de fournir cette liste, ou lorsqu’il existe des divergences concernant sa composition. La demande à l’inspection du travail doit être soumise par l’employeur dans les cinq jours suivant le refus du côté travailleur ou en cas de désaccord sur la composition de la liste, et la décision doit être exécutée dans les quarante-huit heures suivant le dépôt de cette demande. La décision de l’inspection du travail peut faire l’objet d’un recours devant le juge du tribunal du travail dans les cinq jours suivant la date de ladite décision ou à l’expiration du délai mentionné ci-dessus.» En vertu de l’article 381 du Code du travail: «Il est interdit de remplacer les travailleurs en grève, à moins que la dernière offre ne prévoie au minimum, de la manière et dans les délais indiqués à l’article 372, alinéa 3): a) les mêmes clauses que celles du contrat, de la convention ou de la sentence arbitrale (réajustées en fonction de l’indice des prix à la consommation tel que fixé par l’Institut national des statistiques ou par l’institution compétente en la matière) rendus pendant la période comprise entre la date du dernier réajustement et celle d’échéance de l’instrument pertinent; b) une revalorisation annuelle minimale indexée sur les prix à la consommation pour la période du contrat, exception faite des douze derniers mois; c) un bon de remplacement dont la valeur équivaudra à quatre primes de motivation pour chaque travailleur engagé comme remplaçant. Le montant total de ce bon sera versé à parts égales aux travailleurs participant à la grève, dans un délai de cinq jours compté à partir de la date de fin de la grève. Dans ce cas, l’employeur pourra engager les travailleurs qu’il estimera nécessaires afin qu’ils remplissent les fonctions de ceux participant à la grève, dès le premier jour de celle-ci. De plus, les travailleurs pourront dans ce cas choisir de se réintégrer individuellement à leur poste dès le quinzième jour de grève effective. Si l’employeur ne réalisait pas une offre réunissant les caractéristiques visées à l’alinéa 1) et dans les circonstances y indiquées, il pourra engager les travailleurs qu’il jugera nécessaires aux effets indiqués, dès le quinzième jour de grève effective, sous réserve qu’il offre le bon mentionné à l’alinéa 1) c) de l’article. Toutefois, l’employeur pourra engager les travailleurs qu’il estimera nécessaires afin qu’ils remplissent les fonctions des travailleurs participant à la grève, dès le quinzième jour de celle-ci. Au cas où aucun instrument collectif ne serait en vigueur, l’offre mentionnée à l’alinéa 1) se matérialisera si l’employeur offre au moins une revalorisation annuelle minimale, indexée sur les prix à la consommation pour la durée du contrat, exception faite des douze derniers mois. En application de cet article, l’employeur pourra présenter plus d’une offre, pourvu qu’au moins une des propositions remplisse les conditions fixées dans ledit article et, le cas échéant, prévoie l’utilisation du bon visée à l’alinéa 1) c). Si les travailleurs choisissent de réintégrer individuellement leur poste de travail conformément à cet article, ils le feront au moins dans les conditions indiquées dans la dernière offre de l’employeur. Dès que l’employeur se sera prévalu des droits prévus dans cet article, il ne pourra plus retirer les offres mentionnées dans ledit article.» A cet égard, le comité rappelle que «l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration, quatrième édition, 1996, paragr. 570.] Il constate également que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations s’est prononcée dans le même sens à propos d’une question concernant le Chili. Le comité, déplorant que la fabrique de bicyclettes FABISA SA ait embauché des travailleurs pour remplacer ses travailleurs en grève, prie le gouvernement de faire le nécessaire pour que soient modifiés les articles 380 et 381 du Code du travail permettant de remplacer des travailleurs en grève dans des secteurs qui ne correspondent pas à des services essentiels au sens strict du terme (à savoir ceux dont l’interruption mettrait en danger, pour tout ou partie de la population, la vie, la santé ou la sécurité de la personne).
- 323. S’agissant de la mort de M. Luis Lagos et des lésions corporelles graves dont a été victime M. Donaldo Zamora, tandis qu’ils tentaient de s’opposer, avec d’autres travailleurs, à l’accès à l’entreprise d’un autocar transportant des cadres de l’entreprise et d’autres travailleurs, le comité note que cet aspect fait l’objet d’une procédure judiciaire, qu’à ce titre le chauffeur a été mis en examen pour «homicide simple» (coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner), tandis que l’on étudie la responsabilité éventuelle du directeur administratif qui était à bord de l’autocar. Déplorant vivement que ces événements aient provoqué la mort d’un gréviste et des lésions corporelles graves pour un autre, le comité exprime l’espoir que cette procédure judiciaire déterminera les responsabilités et aboutira rapidement et, dans le cas où le crime serait prouvé, que les coupables seront sanctionnés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 324. En dernier lieu, le comité relève qu’à l’issue de la grève un certain nombre de travailleurs ont été licenciés en deux étapes (d’abord 18 d’entre eux, puis cinq autres) et que, bien que l’administration de l’entreprise et les dirigeants syndicaux aient fait de leur mieux pour rétablir les relations, un climat de ressentiment et de méfiance persiste chez les travailleurs. Le comité note à cet égard que le gouvernement indique qu’après le licenciement de 18 personnes à l’issue de la grève il a été convenu de réexaminer la situation de ces travailleurs mais qu’ultérieurement cinq autres ont encore été licenciés. Le comité rappelle que le «respect des principes de la liberté syndicale exige que l’on ne puisse ni licencier des travailleurs, ni refuser de les réengager, en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication. Que le congédiement soit prononcé pendant ou après la grève n’est pas pertinent dans ce contexte. Logiquement, le fait que le licenciement précède une grève ne devrait pas non plus entrer en ligne de compte si celui-ci a pour objet d’entraver ou de pénaliser l’exercice du droit de grève.» [Voir Recueil, op. cit., paragr. 593.] Déplorant ces licenciements, le comité prie le gouvernement de s’efforcer de faire respecter l’accord prévoyant le réexamen de la situation des travailleurs licenciés dans un premier temps et de réexaminer la situation des autres travailleurs licenciés par la suite et, s’il apparaît que ces licenciements sont liés à l’exercice d’activités syndicales légitimes, de prendre des mesures effectives pour que ces travailleurs soient réintégrés dans leur emploi. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- 325. Le comité porte les aspects législatifs de ce cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 326. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de faire le nécessaire pour que soient modifiés les articles 380 et 381 du Code du travail permettant de remplacer des travailleurs en grève dans des secteurs qui ne correspondent pas à des services essentiels au sens strict du terme (à savoir ceux dont l’interruption mettrait en danger, pour tout ou partie de la population, la vie, la santé ou la sécurité de la personne).
- b) Déplorant vivement qu’un gréviste, M. Luis Lagos, ait été tué et un autre, M. Donaldo Zamora, grièvement blessé lors de la grève à l’entreprise FABISA SA, le comité exprime l’espoir que la procédure judiciaire ouverte à ce titre identifiera les responsables et aboutira rapidement et que, dans le cas où il serait établi qu’un crime a été commis, les responsables soient sanctionnés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité prie le gouvernement de s’efforcer de faire respecter l’accord prévoyant la révision de la situation des travailleurs licenciés à l’issue de la grève dans l’entreprise FABISA SA, entre le 26 avril et le 14 juin 2001, de réexaminer la situation des autres travailleurs licenciés ultérieurement et, s’il apparaît que leur licenciement était lié à l’exercice d’activités syndicales légitimes, de prendre des mesures effectives pour que ces travailleurs soient réintégrés dans leur emploi. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- d) Le comité porte les aspects législatifs de ce cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.