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- 214. La Fédération des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (OSSTF) et le Congrès du travail du Canada (CTC) ont présenté une plainte contre le gouvernement du Canada (Ontario) pour violation de la liberté syndicale dans une communication du 1er mars 2001.
- 215. Le gouvernement fédéral a transmis la réponse de la province de l’Ontario dans une communication du 14 septembre 2001.
- 216. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n’a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention ( no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 217. La Fédération des enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (OSSTF), partie plaignante, est affiliée au Congrès du travail du Canada (CTC), l’autre partie plaignante. L’OSSTF a été fondée en 1919 et est l’agent négociateur reconnu de quelque 50 000 membres: enseignants des établissements secondaires publics, enseignants occasionnels, auxiliaires d’enseignement, psychologues, secrétaires, orthophonistes, assistants sociaux, employés de soutien, conseillers scolaires et beaucoup d’autres travailleurs du secteur de l’éducation dans toute la province de l’Ontario. L’OSSTF est l’agent négociateur légalement reconnu pour toutes les unités de négociation d’enseignants du secondaire des conseils scolaires anglophones de la province et est affiliée à la Fédération des enseignants de l’Ontario (OTF).
- Le litige
- 218. La plainte concerne la législation régissant les négociations collectives dans le secteur de l’éducation en Ontario, à savoir la loi modifiant la loi sur l’éducation pour rehausser la qualité de l’éducation, accroître la responsabilité des conseils scolaires devant les élèves, les parents et les contribuables et enrichir l’expérience scolaire des élèves (projet de loi 74, loi sur la responsabilité en éducation). Les plaignants font valoir que les dispositions de la loi sur la responsabilité en éducation qui concernent les «activités complémentaires» des enseignants de la province de l’Ontario porteront gravement atteinte aux droits de négociation collective des enseignants du primaire et du secondaire et modifieront radicalement leurs conditions d’emploi. En particulier, la loi limite le champ d’application de la négociation collective en rendant obligatoires des activités extrascolaires qui, précédemment, ne l’étaient pas et en excluant explicitement ces tâches de la négociation collective. Les plaignants soutiennent que les dispositions incriminées de la loi sur la responsabilité en éducation sont contraires aux conventions nos 87, 98, 151 et 154, et que le recours à cette législation par le gouvernement porte atteinte à la liberté syndicale des enseignants et à leur confiance dans l’équité du régime des relations professionnelles en Ontario.
- Contexte du régime de négociation collective
- pour les enseignants de l’Ontario
- 219. Avant 1975, aucune législation générale ou particulière ne régissait la négociation collective entre les enseignants et les conseils scolaires en Ontario; depuis 1925, toutefois, l’OSSTF représentait informellement tous les enseignants des écoles secondaires de l’Ontario, y compris les directeurs et directeurs adjoints. Les enseignants de l’Ontario ont acquis le droit à la négociation collective en 1975, suite à l’adoption de la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants. En 1997, la loi 160 -- loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation -- a abrogé dans sa totalité la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants et lui a substitué un mécanisme législatif régissant la négociation collective des enseignants par l’interaction de deux lois distinctes: la partie X.1 de la loi sur l’éducation et la loi sur les relations de travail de 1995. Cette dernière s’applique aux enseignants, sous réserve des modifications apportées par la partie X.1 de la loi sur l’éducation. Certains aspects importants de la loi sur les relations de travail ne sont pas applicables à la négociation collective des enseignants mais sont régis par des dispositions spéciales de la partie X.1 de la loi sur l’éducation: le choix des agents négociateurs et la constitution des unités de négociation.
- 220. La loi sur l’amélioration de l’éducation et la loi connexe (loi réduisant le nombre de conseils scolaires) stipulent que les employeurs des enseignants du secondaire et du primaire sont les conseils scolaires de district. Les administrateurs des conseils scolaires de district sont élus par les citoyens de la communauté dont ils ont la charge. Initialement, des pouvoirs d’imposition ont été accordés aux conseils scolaires de district, à l’instar des anciens conseils scolaires locaux, mais, par la suite, les conseils ont fait déclarer «inopérantes» ces compétences. Bien que les conseils scolaires de district ne soient pas financièrement autonomes par rapport au gouvernement provincial et ne disposent dès lors d’aucune capacité effective de maîtrise locale de la gestion et des finances, ils demeurent les employeurs nominaux des enseignants du secondaire et du primaire. De 1975 à 1997, les dispositions législatives limitant la négociation collective pour les enseignants étaient rares en Ontario. Pendant toute cette période, les enseignants avaient le droit de négocier toutes leurs conditions d’emploi avec les conseils scolaires. En réalité, cela était imposé par la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants.
- La loi sur la responsabilité en éducation
- 221. Le 10 mai 2000, le gouvernement a déposé le projet de loi 74 relatif à la loi sur la responsabilité en éducation, qui a reçu la sanction royale le 23 juin 2000 (les articles 2, 3, 17, 18 et 19, qui forment le dispositif de la loi pour ce qui est des activités complémentaires, devaient entrer en vigueur à une date ultérieure à fixer par proclamation). La loi sur la responsabilité en éducation aura un effet non négligeable sur les droits des enseignants du primaire et du secondaire en matière de négociation collective et modifiera radicalement de trois manières leurs conditions d’emploi: en obligeant les enseignants du secondaire à effectuer des heures de travail supplémentaires en dehors des tâches d’enseignement; en rendant obligatoires des activités précédemment libres; en excluant de la négociation collective toutes les questions relatives aux activités complémentaires.
- 222. Sur le premier point (obligation de travail supplémentaire en dehors des tâches d’enseignement), les plaignants contestent les dispositions suivantes de la loi sur la responsabilité en éducation:
- - article 6(2): la norme actuelle de 1 250 minutes de temps d’enseignement est modifiée: chaque conseil doit veiller à ce que les enseignants chargés de cours de ses écoles secondaires soient affectés à l’enseignement aux élèves pendant en moyenne au moins 6,67 cours admissibles d’un programme scolaire de jour pendant l’année scolaire;
- - article 6(9): le ministre a le pouvoir, par le biais de règlements tant généraux que spécifiques, de déterminer de manière détaillée les cours qui seront jugés admissibles pour satisfaire au critère des 6,67 cours. Il dispose de larges compétences pour définir les cours donnant droit à des crédits ou à des équivalences en crédits, pour fixer les règles relatives à la manière de compter les cours donnant droit à des crédits ou des équivalences en crédits pour se conformer au minimum prévu de 6,67 cours admissibles, et pour traiter des moments auxquels les enseignants sont considérés comme étant affectés à l’enseignement dans des cours admissibles. Le ministre peut fixer les nombres moyens maxima qui entrent dans le calcul ci?dessus pour des types déterminés de cours admissibles et fixer des règles particulières régissant la manière de tenir compte, dans ce calcul, de types déterminés de cours admissibles, notamment des règles prévoyant leur exclusion du calcul. Ces règles particulières régissant la manière de comptabiliser les cours admissibles peuvent tenir compte des taux de fréquentation, de l’effectif des classes et des tendances en ce qui concerne les affectations des enseignants;
- - article 6(6): cet article suspend l’application des dispositions des conventions collectives en vigueur en ce qui concerne le temps d’enseignement. En effet, la répartition entre les enseignants peut être effectuée par le directeur malgré toute condition ou restriction applicable d’une convention collective;
- - article 7: le ministre a le pouvoir de vérifier dans le détail le respect de cet article en imposant aux conseils scolaires l’établissement de rapports à ce sujet. Lorsque le ministre a des doutes au sujet du plan d’activités complémentaires, il peut ordonner sa modification et son application selon ses propres directives. Le ministre peut ordonner la tenue d’une enquête sur les affaires d’un conseil s’il estime que celui?ci a fait ou omis de faire quelque chose, en violation de la loi. Le ministre peut être investi du contrôle de l’administration des affaires du conseil s’il estime que le rapport révèle des preuves d’une inobservation d’une exigence et si le lieutenant?gouverneur en conseil l’estime nécessaire et souhaitable.
- 223. En ce qui concerne le second point (rendre obligatoires des activités précédemment bénévoles), les plaignants s’élèvent contre les dispositions suivantes de la loi sur la responsabilité en éducation:
- - article 1(1): la loi sur la responsabilité en éducation modifie la loi sur l’éducation et introduit notamment le concept nouveau d’«activités complémentaires», que la loi définit globalement comme s’entendant des activités qui ne consistent pas à dispenser l’enseignement et qui: a) soit soutiennent le fonctionnement des écoles; b) soit enrichissent l’expérience scolaire des élèves, que ce soit dans le cadre du programme d’enseignement ou en dehors de celui?ci; c) soit aident les élèves à atteindre leurs objectifs en matière de formation et leurs objectifs connexes. En outre, la définition de ces activités inclut, sans s’y limiter, les activités liées aux activités sportives, artistiques et culturelles rattachées à l’école;
- - article 17(2): les enseignants et enseignants temporaires du niveau secondaire sont tenus de participer à des activités complémentaires, de la manière et aux moments que l’ordonne le directeur d’école;
- - article 3(3): pendant l’année scolaire, les enseignants peuvent être affectés à des activités complémentaires à tout moment de la journée, sept jours par semaine, sans maximum précis du nombre d’heures. Cette affectation peut avoir lieu dans les locaux scolaires ou ailleurs;
- - article 3(2): le conseil scolaire doit prévoir des activités complémentaires conformément aux directives du ministre;
- - article 3(6): Le ministre peut exiger des conseils qu’ils présentent un plan d’activités complémentaires pour une année scolaire. Le ministre peut donner les directives qu’il estime appropriées à l’égard de la forme, du contenu et du délai de présentation d’un plan ou d’un rapport, auxquelles les conseils doivent se conformer. S’il estime que le plan n’est pas conforme aux exigences, le ministre peut ordonner au conseil de modifier celui?ci;
- - article 18: le directeur d’école a l’obligation d’élaborer et de mettre en oeuvre un plan d’activités complémentaires pour l’école et d’affecter les enseignants à des activités complémentaires;
- - article 3(5): il incombe exclusivement à l’employeur de déterminer la façon dont les activités complémentaires seront offertes par les enseignants du secondaire, et aucune question se rapportant à ces activités ne peut faire l’objet de négociations collectives ni relever de la compétence d’un arbitre ou d’un conseil d’arbitrage;
- - article 7: le ministre peut ordonner la tenue d’une enquête sur les affaires d’un conseil s’il estime que celui?ci a fait ou omis de faire quelque chose, en violation de la loi. Le ministre peut être investi du contrôle de l’administration des affaires du conseil s’il estime qu’il y a eu inobservation d’une exigence et si le lieutenant?gouverneur en conseil l’estime nécessaire et souhaitable;
- - article 20: toute suppression ou tout ralentissement d’activités complémentaires sera considéré comme une grève au sens de la définition de la loi sur les relations de travail.
- 224. Avant l’adoption de la loi sur la responsabilité en éducation, la participation des enseignants à un large éventail d’activités complémentaires n’était pas réglementée par le gouvernement et n’a jamais fait l’objet de clauses explicites dans les conventions collectives. Dans toute la province de l’Ontario, les enseignants ont effectué volontairement des centaines d’heures de travail prises sur leur temps de loisirs pour organiser des activités complémentaires pour leurs élèves. Ils organisent et supervisent des équipes de basket-ball, des clubs photo, des chorales, des visites sur le terrain et des excursions éducatives à l’étranger qui enrichissent la vie des étudiants. Le vaste éventail d’activités complémentaires qu’assurent depuis toujours les enseignants et qui vont des réunions du personnel à la prise en charge d’équipes d’athlétisme a dépendu dans une grande mesure de leur sens du professionnalisme et d’attentes communes qui reposent sur des conventions non écrites. Les enseignants de l’Ontario n’assurent pas tous et à tous les moments de leur carrière des tâches supplémentaires, mais une écrasante majorité d’entre eux participent à des activités complémentaires. Cela étant, des raisons impérieuses peuvent faire que certains enseignants doivent, à certains moments de leur carrière, limiter les tâches supplémentaires qu’ils peuvent assumer: ils ont des enfants en bas âge, s’occupent d’un membre âgé de leur famille ou font de longs trajets entre le travail et la maison. Jusqu’à présent, ces activités ont été organisées différemment dans chaque école, avec succès. Les enseignants qui ont volontairement consacré beaucoup de temps à des activités complémentaires n’ont pas obtenu ni cherché à obtenir de rémunération additionnelle malgré la charge de travail supplémentaire importante qu’ils ont dû assurer suite aux restrictions budgétaires imposées par la province. Les dispositions précitées de la loi sur la responsabilité en éducation contraindraient les enseignants à assumer des tâches complémentaires obligatoires décidées par le directeur et dont l’exécution peut être obtenue par contrainte d’une tierce partie ou du ministre.
- 225. En ce qui concerne la troisième question (suppression du droit de négociation collective en ce qui concerne les tâches complémentaires), les plaignants font valoir que la législation nouvelle supprimerait explicitement ce droit. L’article 18 de la loi sur la responsabilité en éducation énonce clairement que les enseignants ne peuvent négocier l’adoption, dans leurs conventions collectives, d’une clause qui les protège contre l’affectation arbitraire et déraisonnable d’activités complémentaires et que l’affectation de ces activités ne peut faire l’objet d’un arbitrage. La loi confère ainsi au gouvernement et aux conseils scolaires de district le pouvoir de contrôler sans réserve tous les aspects de la vie de travail d’un enseignant non liés à l’enseignement et n’accorde à celui?ci aucune protection contre une utilisation abusive de ce pouvoir. Par exemple, il n’existe aucune limitation du nombre d’heures de travail que sont tenus d’effectuer les enseignants, s’agissant des activités complémentaires, ni des conditions dans lesquelles ce travail est effectué, et aucune rémunération supplémentaire n’est prévue pour l’exécution de ce travail. La loi sur la responsabilité en éducation n’offre aucune assurance que les circonstances personnelles des enseignants qui les contraignent à limiter leurs tâches supplémentaires hors enseignement seront respectées.
- 226. Enfin, tout refus collectif ou concerté des enseignants d’effectuer des tâches complémentaires qui leur sont assignées constituera désormais une grève au sens de la définition de la loi sur les relations de travail et serait illégal pendant toute la durée d’application d’une convention collective. La loi sur les relations de travail de l’Ontario, à l’instar de toutes les autres lois similaires au Canada, rend illégale toute grève qui ne se déroule pas aux moments fixés par la loi, à savoir après l’expiration d’une convention collective et après la conclusion d’une procédure de conciliation ou de médiation imposée par la loi. En vertu de cette loi, il est illégal pour toute personne liée par une convention collective de participer à une grève ou, pour un syndicat et ses délégués, de décréter, d’autoriser, de menacer de décréter ou d’autoriser ou de conseiller, de favoriser, d’appuyer ou d’encourager une grève illégale.
- 227. Les plaignants soutiennent que la loi sur la responsabilité en éducation enfreint les conventions nos 87, 98, 151 et 154 en ce qu’elle confère au gouvernement le contrôle exclusif des activités complémentaires, qu’elle limite le droit de grève, qu’elle rend nulles toutes les clauses négociées relatives aux activités complémentaires, qu’elle n’a pas été précédée d’une procédure suffisante de concertation et qu’elle présente un caractère répressif.
- 228. En ce qui concerne le premier aspect, les plaignants font valoir que la loi sur la responsabilité en éducation confère au ministère de l’Education, aux conseils scolaires de district et aux directeurs d’école le pouvoir exclusif de contrôler les conditions de travail des enseignants, s’agissant des activités complémentaires. Ce contrôle gouvernemental unilatéral de l’exécution des activités complémentaires et l’exclusion de celles-ci en tant qu’objet de négociation constituent une violation du droit de négociation collective. La loi sur la responsabilité en éducation rend obligatoires des activités que les enseignants ont effectuées volontairement jusqu’ici. L’article 17 stipule que les enseignants du secondaire sont tenus de participer à des activités complémentaires, de la manière et aux moments décidés par le directeur d’école. La loi sur la responsabilité en éducation ne prévoit aucune limite aux conditions dans lesquelles les enseignants sont tenus d’exercer ces activités, notamment le moment, l’endroit et la durée. L’article 3(5) de la loi énonce qu’aucune question se rapportant à ces activités ne peut faire l’objet de négociations collectives ni d’une procédure d’arbitrage. Les conseils scolaires sont tenus d’établir des plans prévoyant des activités complémentaires à l’égard de chaque année scolaire, conformément aux lignes directrices fixées par le ministre de l’Education. Le ministre conserve largement le pouvoir de contrôler et d’orienter le contenu de ces plans. Les directeurs d’école sont tenus d’établir des plans d’activités complémentaires et d’y affecter les enseignants dans le cadre défini par le conseil scolaire et le ministre. Par conséquent, le contrôle unilatéral qu’exerce le gouvernement sur les activités complémentaires n’encourage ni ne favorise le développement et l’utilisation sans réserve du mécanisme de négociations libres entre les organisations d’employeurs et de travailleurs qui vise à réglementer les conditions d’emploi au moyen de conventions collectives, tel que le prévoient l’article 4 de la convention no 98 et l’article 7 de la convention no 151.
- 229. Les plaignants soutiennent que, dès lors que les activités et les cours complémentaires deviennent des éléments qui font partie intégrante des conditions d’emploi, notamment financières, des enseignants, ils doivent faire l’objet de négociations libres et volontaires.
- 230. En ce qui concerne les restrictions frappant le droit de grève, l’article 20 de la loi sur la responsabilité en éducation modifie la définition de la «grève» en y incluant toute cessation ou refus collectif d’exécution d’activités complémentaires. Les plaignants font valoir qu’exclure les activités complémentaires de la négociation tout en assimilant à une grève illégale le non-accomplissement de ce qui est par essence une activité bénévole constitue une mesure draconienne contraire aux principes de la liberté syndicale. Les enseignants ne peuvent se prévaloir des protections de la loi sur les relations de travail en ce qui concerne la négociation des activités complémentaires mais sont soumis à toutes les sanctions prévues par cette loi pour ces mêmes activités. Une telle mesure revient à se servir de la loi sur les relations de travail comme d’une arme contre les enseignants. Le comité a reconnu le droit de grève comme un des moyens légitimes et essentiels par lesquels les travailleurs et leurs organisations peuvent défendre leurs intérêts sociaux et économiques. Il a déclaré que, si une grève dans le secteur de l’éducation peut certes avoir des conséquences funestes, celles?ci ne justifient pas une limitation grave du droit de grève, sauf si ces conséquences mettent en péril la vie, la sécurité personnelle ou la santé de tout ou partie de la population. Le comité a reconnu par ailleurs que les enseignants doivent pouvoir exercer le droit de négocier librement leurs conditions de travail et recourir à la grève comme moyen légitime de défendre leurs intérêts économiques et sociaux.
- 231. S’agissant de la nullité de toute clause négociée relative aux activités complémentaires, l’article 18 de la loi sur la responsabilité en éducation confère aux directeurs d’école le pouvoir d’établir des plans d’activités complémentaires et d’y affecter les enseignants, malgré toute restriction applicable d’une convention collective. Le comité a déclaré qu’une disposition législative qui autorise l’employeur à modifier unilatéralement le contenu de conventions collectives qui ont été conclues ou à exiger leur renégociation est contraire aux principes de la négociation collective libre et volontaire. Il a déclaré par ailleurs que la suspension ou la dérogation par décret -- sans l’accord des parties -- s'agissant de conventions collectives conclues librement entre les parties, est contraire au principe de la négociation collective établi par l’article 4 de la convention no 98. La loi sur la responsabilité en éducation a, en l’espèce, le pouvoir de déclarer nulle toute disposition existante ou négociée qui, dans les conventions collectives, régit l’exercice d’activités complémentaires. Elle enfreint ainsi le principe de la négociation collective libre et volontaire.
- 232. Les plaignants soutiennent par ailleurs que la loi sur la responsabilité en éducation a été adoptée rapidement par l’Assemblée législative de l’Ontario sans réelle concertation avec les syndicats des enseignants, les enseignants, les étudiants ou les parents.
- 233. En ce qui concerne l’aspect répressif de la loi sur la responsabilité en éducation, les plaignants font valoir que les parties de la loi qui traitent des «activités complémentaires» n’ont pas été adoptées en vue de remédier à un manque quelconque de volonté des enseignants de l’Ontario de participer à ces activités. En réalité, le ministre de l’Education a reconnu à maintes reprises que la majorité des enseignants y prenaient part (Hansard de l’Ontario, 18 décembre 2000, 17 octobre 2000, 26 septembre 2000). Les plaignants soutiennent que le gouvernement a adopté cet instrument législatif en tant que réaction répressive à une situation isolée dans la région de Durham, où des enseignants du niveau secondaire ont suspendu l’exécution de leurs activités complémentaires en réaction à un litige entre les travailleurs et la direction relatif au temps d’enseignement (la région de Durham fait partie de la circonscription électorale du ministre de l’Education et du Procureur général). Les enseignants du secondaire de Durham ont refusé d’assurer des activités complémentaires bénévoles parce que leur charge d’enseignement était supérieure à celle de toutes les autres écoles secondaires de la province. Tous les autres conseils scolaires de la province confrontés à une charge de travail supérieure dans les écoles secondaires suite à la loi 160 ont réussi à conclure des accords avec les enseignants parce qu’ils ont pris conscience de la nécessité d’alléger la charge de travail. La région de Durham est la seule où les conseils scolaires n’ont pas négocié d’allègement de cette charge. Les plaignants soutiennent que le gouvernement rend les activités complémentaires obligatoires pour tous les enseignants de l’Ontario, primo, en réaction répressive à la suppression de ces activités à Durham et, secundo, afin d’empêcher que les enseignants des autres régions refusent eux aussi d’effectuer des prestations non rémunérées. En utilisant ainsi un instrument législatif, le gouvernement porte atteinte à la liberté syndicale des enseignants et sape la confiance dans l’équité du régime des relations professionnelles en Ontario. Les plaignants soulignent que l’élément répressif ci?dessus de la loi sur la responsabilité en éducation était également présent dans l’adoption, par le gouvernement, de certaines modifications de la loi 160 face aux actions de protestation des enseignants, une circonstance déjà traitée par le comité dans le cadre du cas no 1951.
- 234. Les plaignants font valoir de manière plus générale que la loi sur la responsabilité en éducation n’est que l’exemple le plus récent d’une longue série d’ingérences du gouvernement dans le droit à la liberté de négociation collective [cas no 1900: exclusion des travailleurs agricoles, des travailleurs domestiques et de certaines professions libérales (loi 7); cas no 1943: ingérence dans l’indépendance des arbitrages de différends (loi 26, loi 136, loi 48); cas no 1975: exclusion de travailleurs bénéficiaires de l’aide sociale (loi 22)] et, en particulier, dans le secteur de l’enseignement [cas no 1951: exclusion de certaines questions de la négociation collective (loi 160); cas no 2025: loi sur le retour au travail après une grève légale et absence de concertation préalable (loi sur le retour à l’école, 1988)].
- 235. Les plaignants affirment que, malgré les décisions passées du comité, le gouvernement a constamment refusé:
- - de reconnaître que le droit de négocier librement les conditions de travail avec l’employeur constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et que les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent;
- - d’encourager et de favoriser la mise en place et l’utilisation sans réserve d’un mécanisme de négociation volontaire entre les organisations d’employeurs et de travailleurs dans le but de réglementer les conditions d’emploi au moyen de conventions collectives;
- - de respecter le principe de non?discrimination dans les questions syndicales, comme l’exige l’article 2 de la convention no 87, qui stipule que la liberté syndicale doit être garantie sans distinction aucune fondée sur la profession ou sur d’autres critères;
- - de respecter le droit de grève des travailleurs et de leurs organisations en tant que moyen légitime de défendre leurs intérêts économiques et sociaux;
- - de se concerter sans réserve avec les syndicats et les organisations d’employeurs afin de déterminer comment promouvoir la confiance dans le système de relations du travail de l’Ontario.
- 236. Les plaignants font valoir que, globalement, aucune suite n’a été donnée aux conclusions et aux recommandations du comité et que le gouvernement de l’Ontario a manifestement fait fi de son obligation de respecter les conventions et principes de la liberté syndicale, tels qu’ils ont été formulés par le comité ces cinq dernières années. Par conséquent, compte tenu:
- - du long passé d’ingérence du gouvernement actuel dans la liberté syndicale et dans le droit de négociation collective en Ontario;
- - du fait que le gouvernement a manifestement et de manière constante ignoré ses obligation de respecter les conventions et principes de l’OIT, nonobstant les décisions du Comité de la liberté syndicale l’invitant à agir différemment;
- - de la gravité des ingérences répétées en question;
- - de l’atteinte portée au régime des relations professionnelles en Ontario,
- les plaignants prient le comité d’envoyer une mission en Ontario en vue de mener une enquête sur la manière dont le gouvernement actuel a systématiquement porté atteinte aux droits au travail.
- B. Réponse du gouvernement
- 237. Dans sa communication du 14 septembre 2001, le gouvernement déclare que son programme de réforme de l’enseignement a pour but principal de veiller à ce que les étudiants aient accès à un enseignement de la meilleure qualité possible. Conformément à cet objectif, la loi sur la responsabilité en éducation visait:
- i) à s’assurer que les conseils scolaires respectent effectivement la norme du temps d’enseignement dans les écoles secondaires, à savoir quatre heures et dix minutes par jour ou un peu moins de 21 heures par semaine;
- ii) à réduire l’effectif moyen des classes aux niveaux primaire et secondaire;
- iii) à veiller à ce que, dans toute la province, les conseils scolaires respectent les normes de qualité en matière d’effectif des classes, de programmes de cours et d’offre d’enseignement spécial;
- iv) à garantir que les conseils scolaires respectent les objectifs du financement axé sur les élèves en consacrant davantage de ressources aux activités en classe.
- 238. La loi sur la responsabilité en éducation comportait également des dispositions traitant des activités complémentaires. Ces activités soutiennent le fonctionnement des écoles, enrichissent l’expérience scolaire des élèves, que ce soit dans le cadre du programme d’enseignement ou en dehors de celui?ci, ou aident les élèves à atteindre leurs objectifs en matière de formation et leurs objectifs connexes. Il s’agit notamment de la participation aux activités sportives, artistiques et culturelles rattachées à l’école, aux rencontres entre parents et enseignants ou entre élèves et enseignants, aux lettres de recommandation pour les élèves, aux réunions du personnel et aux autres activités officielles de l’école. Les dispositions de la loi sur la responsabilité en éducation prévoient que le conseil scolaire et le directeur d’école seraient tenus d’établir et de mettre en oeuvre un plan d’activités complémentaires et d’affecter les enseignants à ces activités. Les tâches des enseignants comprendraient la participation à l’exécution d’activités complémentaires. Le gouvernement souligne toutefois que les dispositions de la loi qui concernent les activités complémentaires n’ont pas été proclamées en vigueur, comme les autres aspects de la loi sur la responsabilité en éducation.
- 239. Le gouvernement soutient que les conseils scolaires représentent un type particulier d’employeurs, en ce sens qu’ils sont tenus de gérer des établissements scolaires pour quelque 2 millions d’élèves de l’Ontario qui jouissent du droit légal de fréquentation scolaire. Le fonctionnement des écoles en tant que lieux de travail doit être compatible avec l’offre de programmes d’enseignement de qualité aux élèves. La loi sur la responsabilité en éducation ne limite pas le droit syndical des travailleurs, reconnu par la loi sur l’éducation R.S.O. 1990, c. E.2, et ses modifications.
- 240. Pour ce qui est du champ de la négociation dans le secteur de l’enseignement, le comité de la liberté syndicale a reconnu la dichotomie qui peut exister entre, d’une part, les questions qui relèvent au premier chef ou essentiellement de la gestion des affaires et qui peuvent être considérées comme étrangères au champ de la négociation collective et, d’autre part, celles qui se rapportent aux conditions d’emploi et qui doivent relever du champ de la libre négociation collective. [Voir 316e rapport, cas no 1951, paragr. 222.] Il a reconnu par ailleurs que les questions qui peuvent être considérées comme étroitement liées à la politique de l’enseignement, notamment l’effectif des classes et le temps d’enseignement, peuvent être exclues du champ d’application de la négociation collective, bien qu’elles soient également susceptibles d’influer sur les conditions d’emploi [ibid., paragr. 223].
- 241. L’organisation d’activités complémentaires dans les écoles touche à certains aspects de la politique générale de l’enseignement. Comme indiqué ci?dessus, ces activités soutiennent le fonctionnement des écoles, enrichissent l’expérience scolaire des élèves, que ce soit dans le cadre du programme d’enseignement ou en dehors de celui?ci, et aident les élèves à atteindre leurs objectifs en matière de formation et leurs objectifs connexes. De nombreuses études ont conclu que les activités complémentaires telles que les activités sportives, musicales et culturelles forment un volet important de l’éducation des étudiants. De même, des activités telles que les réunions du personnel, les cérémonies de remise des diplômes et les réunions entre élèves et enseignants et entre parents et enseignants sont importantes pour le fonctionnement des écoles et l’éducation des étudiants.
- 242. Bien que le gouvernement soutienne que l’organisation d’activités complémentaires est une question qui intéresse la politique d’enseignement au sens large et qu’elle peut dès lors être exclue du champ de la négociation collective, il importe de souligner qu’il n’a pas choisi cette voie. Les dispositions de la loi sur la responsabilité en éducation sur lesquelles s’appuie la plainte n’ont jamais été proclamées en vigueur. En outre, la loi sur la stabilité et l’excellence en éducation, entrée en vigueur le 29 juin 2001, a abrogé les éléments du dispositif de la loi sur la responsabilité en éducation sur lesquels s’appuie la plainte. Les paragraphes suivants, en particulier, de la loi sur l’éducation telle qu’édictés par la loi sur la responsabilité en éducation ont été abrogés par la loi sur la stabilité et l’excellence en éducation: 170(2.1), (2.2), (2.3) et (2.4) (tels qu’édictés par l’article 3 de la loi sur la responsabilité en éducation); 264(1.2) et (1.3) (tels qu’édictés par l’article 17 de la loi sur la responsabilité en éducation); et 265(2), (3) et (4) (tels qu’édictés par l’article 18 de la loi sur la responsabilité en éducation). Les allégations de plaignants selon lesquelles la loi sur la responsabilité en éducation limite le champ de la négociation collective et porte atteinte aux droits de négociation collective sont, comme telles, non fondées en l’espèce.
- 243. Pour ce qui est du temps d’enseignement, le comité a reconnu, et les plaignants ont admis, que ce temps peut être considéré comme un aspect de la politique de l’enseignement et peut, comme tel, être étranger au champ de la négociation collective (cas no 1951, paragr. 223). Bien que le temps d’instruction puisse être considéré comme relevant de la politique de l’enseignement au sens large, le gouvernement attire l’attention sur le fait que, contrairement aux allégations des plaignants, la loi sur la responsabilité en éducation n’impose pas aux enseignants d’effectuer des heures «supplémentaires» d’enseignement. Elle maintient au contraire la norme établie du temps d’enseignement dans les écoles secondaires. Toutefois, pour réduire le risque d’interprétations différentes de la norme et garantir la même application de celle?ci dans toute la province, la loi sur la responsabilité en éducation a modifié la manière de mesurer ce temps. Il n’est plus exprimé en minutes d’enseignement mais bien en moyenne de cours admissibles d’un programme scolaire de jour pendant l’année scolaire. Cette moyenne est celle des cours admissibles affectés aux enseignants chargés de cours employés par le conseil scolaire et est basée sur les affectations pour l’ensemble de l’année scolaire. Le nombre de journées de travail des enseignants n’a pas augmenté. La loi sur la responsabilité en éducation se borne à garantir qu’un temps déterminé soit effectivement consacré à l’enseignement aux élèves. De plus, suite à l’adoption de la loi sur la stabilité et l’excellence en éducation, la définition de ce qui peut être inclus dans le temps d’enseignement a été élargie. Les conseils et les syndicats d’enseignants peuvent toujours négocier la charge de travail des enseignants à l’intérieur des paramètres fixés dans la législation.
- 244. La loi sur la responsabilité en éducation respecte le droit de grève des enseignants. Elle modifie certes la définition de la grève en ce qui concerne le secteur de l’éducation mais ne limite pas l’exercice de ce droit. La nouvelle définition se borne à préciser quel type d’activité constitue une grève. Une «grève», en ce qui concerne le secteur de l’enseignement, s’entend de toute action ou activité collective destinée à restreindre, limiter ou entraver le fonctionnement d’un ou de plusieurs programmes scolaires, y compris les programmes qui comportent des activités complémentaires. Force est toutefois de noter que les enseignants conservent le droit d’entreprendre une grève légale en tant que moyen de défendre leurs intérêts économiques et sociaux.
- 245. Le gouvernement déclare que les parties restent libres de négocier les conditions d’emploi, y compris l’exécution d’activités complémentaires, puisque l’article 18 de la loi sur la responsabilité en éducation -- qui aurait imposé aux directeurs d’écoles d’élaborer et de mettre en oeuvre des plans d’activités complémentaires pour l’école et d’affecter les enseignants à des tâches relatives à ces activités -- n'a jamais été proclamé en vigueur et a été abrogé par le gouvernement. Il s’ensuit que l’allégation, selon laquelle la loi sur la responsabilité en éducation rend nulles ou modifie des dispositions d’une convention collective relatives à l’organisation et à l’exécution d’activités complémentaires, est dénuée de tout fondement. De plus, d’une manière plus générale, les conseils scolaires peuvent continuer à négocier les salaires, les avantages sociaux, les absences autorisées, les ratios élèves/enseignants, l’effectif des classes (dans les limites prescrites), les postes à responsabilité supplémentaire (chefs de département, par exemple), les griefs, les congés syndicaux rémunérés, la protection contre les mesures disciplinaires et les licenciements, l’ancienneté, le rappel de surnuméraires, etc.
- 246. S’agissant de la concertation, le gouvernement fait valoir que la loi sur la responsabilité en éducation fait partie de son initiative de réforme globale de l’enseignement visant à rehausser la qualité de l’éducation pour les élèves de l’Ontario. Tout au long de ce processus, tant avant qu’après l’adoption de la loi sur la responsabilité en éducation, les parties prenantes de l’éducation et le public en général ont pu donner leur avis sur les réformes, tant en communiquant directement avec le gouvernement que par le biais du processus législatif qui est public et démocratique en Ontario. Au cours du processus législatif, le comité permanent de l’Assemblée législative, composé de membres de tous les partis politiques, a tenu des auditions pour recueillir l’avis du public, durant lesquelles les syndicats d’enseignants ont formulé des remarques. En outre, les représentants des syndicats d’enseignants ont rencontré des représentants de haut niveau du gouvernement de l’Ontario pour examiner divers aspects des modifications envisagées, y compris la question des activités complémentaires. Le gouvernement a écouté ces avis et y a réagi. Il a confirmé que les articles de la loi sur la responsabilité en éducation traitant des activités complémentaires n’entreraient pas en vigueur. En outre, les dispositions essentielles relatives aux activités complémentaires ont, depuis, été abrogées par la loi sur la stabilité et l’excellence en éducation. Avant l’adoption de celle?ci, une série de réunions de concertation ont eu lieu avec les représentants des syndicats d’enseignants, et la loi intègre ces concertations.
- 247. Contrairement aux allégations des plaignants, la loi sur la responsabilité en éducation n’avait pas de but répressif. Elle a été adoptée afin de garantir que les conseils scolaires respectent les normes de qualité de la province en matière d’éducation et que les étudiants aient accès à la meilleure éducation possible.
- 248. En ce qui concerne la question des ingérences répétées, le gouvernement affirme sa volonté d’assurer des relations professionnelles équilibrées, stables et productives dans un environnement qui garantit aux étudiants de l’Ontario l’accès à la meilleure éducation possible. Il est tout à fait inexact de dépeindre la loi sur la responsabilité en éducation comme «l’exemple le plus récent d’une longue série d’ingérences du pouvoir dans le droit à la liberté de négociation collective...». Elle ne fait pas obstacle à l’exercice, par les enseignants, du droit syndical, du droit de négociation collective et du droit de grève.
- 249. En résumé, le gouvernement déclare que la plainte est non fondée dès lors que: la loi sur la responsabilité en éducation respecte le droit syndical des enseignants; l’organisation et l’exécution d’activités complémentaires relèvent de la politique de l’enseignement au sens large; en tout état de cause, les éléments du dispositif de la loi sur la responsabilité en éducation sur lesquels s’appuie la plainte n’ont jamais été proclamés et ont été abrogés entre?temps; la loi sur la responsabilité en éducation respecte le droit de grève; la loi a été adoptée afin de garantir aux étudiants de l’Ontario l’accès à la meilleure éducation possible; les syndicats d’enseignants ont eu l’occasion d’exprimer leur avis et de formuler des remarques au sujet de la réforme de l’enseignement, et le gouvernement en a tenu compte et a agi en conséquence.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 250. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de violations de la liberté syndicale résultant de l’adoption de la loi sur la responsabilité en éducation, qui a modifié les relations professionnelles dans le secteur de l’éducation de la province de l’Ontario. Les plaignants allèguent que la loi sur la responsabilité en éducation exclut de la négociation collective certaines questions qui en relevaient précédemment; qu’elle réduit le champ d’application de la négociation collective en ce qui concerne le temps d’enseignement et les activités complémentaires; et que les parties concernées n’ont pas été suffisamment consultées avant l’adoption de la loi.
- Champ d’application de la négociation collective: Temps d’enseignement
- 251. Le comité note que l’article 6(2) de la loi sur la responsabilité en éducation dispose que chaque conseil doit veiller «à ce que dans l’ensemble les enseignants chargés de cours de ses écoles secondaires soient affectés à l’enseignement aux élèves pendant en moyenne au moins 6,67 cours admissibles d’un programme scolaire de jour pendant l’année scolaire» (les cours «admissibles» aux termes de la loi sont ceux qui donnent droit à des crédits ou à des équivalences). De plus, l’article 6(9) habilite le lieutenant?gouverneur en conseil à adopter des règlements détaillés concernant les cours, les programmes et les cours donnant droit à des équivalences en crédits. Le comité prend note de l’allégation des plaignants selon laquelle la loi porte sérieusement atteinte aux droits de négociation collective des enseignants en les obligeant à effectuer des tâches complémentaires à l’enseignement et en modifiant la norme actuelle de 1 250 minutes de temps d’enseignement. Le comité relève par ailleurs que les articles 6(4) et 6(5) de la loi sur la responsabilité en éducation disposent que le directeur doit répartir le temps d’enseignement entre les enseignants et que, en vertu de l’article 6(6), cette répartition peut être effectuée malgré toute condition ou restriction applicable d’une convention collective. Les plaignants soutiennent que les restrictions prévues par la loi pourraient priver de sens les dispositions des conventions collectives existantes. Les plaignants s’élèvent également contre l’article 7 de la loi sur la responsabilité en éducation qui habilite le ministre à ordonner la tenue d’une enquête sur les affaires d’un conseil scolaire s’il craint que celui?ci a fait ou omis de faire quelque chose en violation de la loi. En outre, le ministre peut être investi du contrôle de l’administration des affaires du conseil s’il estime que celui?ci n’a pas respecté une directive.
- 252. Le comité note que, selon le gouvernement, il est justifié d’exclure le temps d’instruction de la négociation collective au motif que le comité a reconnu que le temps d’instruction peut être considéré comme un aspect de la politique de l’éducation et, comme tel, être étranger au processus de négociation collective. En outre, d’après le gouvernement, la loi ne contraint pas les enseignants du secondaire à effectuer des heures de travail en plus de l’enseignement, puisqu’elle s’en tient à la norme établie pour le temps d’enseignement dans les écoles secondaires et se borne à modifier la méthode de calcul du temps d’enseignement.
- 253. Le comité rappelle que le droit de négocier librement les conditions de travail avec l’employeur constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et que les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 782.] Par ailleurs, le comité a déjà attiré l’attention sur l’importance de promouvoir la négociation collective dans le secteur de l’éducation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 804; 310e rapport, cas no 1928 (Canada/Manitoba), paragr. 175.] A cet égard, le comité a reconnu la dichotomie qui peut exister entre les questions qui relèvent essentiellement de la gestion des affaires, notamment la fixation des grandes lignes de la politique de l’éducation, qui peuvent être considérées comme étrangères au champ de la négociation collective et, d’autre part, celles qui se rapportent aux conditions d’emploi et qui doivent relever du champ de la libre négociation. Bien que le comité ait reconnu que le temps d’enseignement puisse présenter certains aspects qui relèvent de la politique générale, il a insisté sur le fait que les gouvernements doivent assurer que les syndicats concernés soient pleinement consultés lors de l’élaboration de cette politique générale. De plus, le comité a insisté sur le fait que, dans tous les cas, les répercussions sur les conditions d’emploi des décisions prises au regard de ces politiques générales devraient pouvoir faire l’objet de libres négociations collectives. [Voir 316e rapport, cas no 1951 (Canada/Ontario), paragr. 223.]
- 254. Le comité note qu’en l’espèce l’affectation du temps d’enseignement aux différents enseignants par le directeur d’école découle de la décision de politique du gouvernement fixant le volume d’heures d’enseignement. Le comité estime que des questions telles que l’affectation du temps d’enseignement ont des répercussions importantes sur les conditions d’emploi des enseignants et ne doivent pas être considérées comme étrangères au champ de la négociation collective. Le comité prie dès lors le gouvernement de modifier sa législation de telle manière que les conséquences des décisions relevant de la politique de l’éducation sur les conditions d’emploi des enseignants et, en particulier, sur l’affectation du temps d’enseignement aux différents enseignants par le directeur puissent faire l’objet d’une libre négociation collective. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 255. Le comité relève par ailleurs la contradiction entre, d’une part, l’allégation du plaignant selon laquelle la loi sur la responsabilité en éducation accroît le temps d’enseignement normal actuel et, d’autre part, l’affirmation du gouvernement selon laquelle la norme établie en matière de temps d’enseignement est maintenue. Compte tenu du fait que cet aspect des conditions d’emploi faisait antérieurement l’objet de négociations collectives, le comité invite le plaignant et le gouvernement à fournir de plus amples informations au sujet des modifications apportées par la loi sur la responsabilité en éducation à la norme établie en matière de temps d’enseignement.
- Champ d’application de la négociation collective: Activités complémentaires
- 256. Le comité note l’allégation du plaignant selon laquelle la loi sur la responsabilité en éducation limite le champ d’application de la négociation collective en rendant obligatoires les activités complémentaires qui, précédemment, n’étaient pas obligatoires pour les enseignants et en excluant explicitement ces tâches de la négociation collective. Le comité note par ailleurs l’avis du gouvernement, à savoir que l’organisation et l’exécution des activités complémentaires relèvent de la politique de l’éducation au sens large et, comme telles, peuvent être exclues du champ d’application de la négociation collective. Tout en rappelant que, d’une manière générale, les sujets qui portent au premier chef sur des questions liées aux conditions d’emploi ne doivent pas être considérés comme étrangers au champ de la négociation collective [voir 325e rapport, cas no 1951 (Canada/Ontario), paragr. 206], le comité relève que les dispositions de la loi sur la responsabilité en éducation qui traitent des activités complémentaires ne sont jamais entrées en vigueur et ont été abrogées suite à l’adoption de la loi sur la stabilité et l’excellence en éducation.
- 257. En ce qui concerne l’affirmation du plaignant selon laquelle la loi sur la responsabilité en éducation limite le droit de grève des enseignants, le comité note que cette loi précise le type d’activité qui constitue une grève sans toutefois limiter l’exercice de ce droit. L’article 20 de la loi sur la responsabilité en éducation modifie la définition de la «grève» en y incluant toute action ou activité collective visant à restreindre, limiter ou entraver le fonctionnement des programmes scolaires comportant des activités complémentaires. Le comité relève en outre que les enseignants conservent le droit d’entreprendre une grève légale en vue de défendre leurs intérêts économiques et sociaux.
- 258. Le comité note que, d’après le plaignant, la loi sur la responsabilité en éducation a été adoptée rapidement par l’Assemblée législative de l’Ontario sans réelle concertation avec les syndicats des enseignants, les enseignants ou les parents. Le comité relève par ailleurs que, d’après le gouvernement, un comité permanent de l’Assemblée législative a organisé des auditions avant et après l’adoption de la loi sur la responsabilité en éducation en vue de recueillir l’avis du public, et que les syndicats d’enseignants ont formulé des remarques à l’occasion de ces auditions. En outre, le gouvernement déclare que des réunions ont eu lieu entre les délégués des syndicats d’enseignants et des représentants de haut niveau du gouvernement en vue d’examiner les changements envisagés, y compris la question des activités complémentaires, et que le gouvernement a confirmé lors de ces réunions que les articles de la loi traitant des activités complémentaires n’entreraient pas en vigueur. Le comité note qu’il y a bien eu concertation en l’espèce, comme le prouve le fait que certaines dispositions de la loi sur la responsabilité en éducation incriminées par le plaignant ne sont jamais entrées en vigueur, mais rappelle l’importance qu’il convient d’accorder à l’organisation de consultations complètes et détaillées avant l’adoption d’instruments législatifs qui affectent la négociation collective ou les conditions d’emploi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 259. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de modifier sa législation de telle manière que les répercussions des décisions relevant de la politique de l’éducation sur les conditions d’emploi des enseignants et, en particulier, sur l’affectation du temps d’enseignement aux différents enseignants par le directeur puissent faire l’objet d’une libre négociation collective. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- b) Le comité invite le plaignant et le gouvernement à fournir de plus amples informations au sujet des modifications apportées par la loi sur la responsabilité en éducation à la norme établie en matière de temps d’enseignement.