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- 537. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications de la Fédération syndicale mondiale (FSM), datées des 27 janvier, 15 avril et 13 novembre 2000, et dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), datée du 10 mars 2000. Le gouvernement a envoyé ses observations concernant ce cas par des communications datées des 19 mai, 18 juillet et 8 septembre 2000 et du 26 janvier 2001.
- 538. El Salvador n'a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 539. Dans sa communication du 27 janvier 2000, la Fédération syndicale mondiale (FSM) fait savoir que les syndicats STISSS et SIMETRISS, ce dernier réunissant tous les médecins de l'Institut de la santé et de la sécurité sociale (ISSS), mènent depuis 1997 une lutte contre le gouvernement pour améliorer les prestations médicales et la sécurité sociale; il y a d'abord eu un premier conflit qui, en mai 1998, a abouti à la signature de certains accords entre le gouvernement et le corps médical, aux termes desquels ce dernier devrait pouvoir, à l'avenir, participer activement aux travaux politiques concernant le secteur de la santé. Devant la passivité du gouvernement, et compte tenu des demandes réitérées des salariés qui sont demeurées sans réponse du ministère du Travail, le 15 novembre 1999 une grève du zèle a été déclenchée dans tous les centres de sécurité sociale pour exiger que cette dernière respecte les accords signés avec la direction de l'ISSS en décembre 1998, concernant une augmentation de salaire et la non-privatisation des services de santé dans le pays. Le troisième Tribunal du travail a déclaré cette grève illégale, et la directrice de l'ISSS a licencié 221 salariés et 160 employés du Département des fournitures sous prétexte que ces derniers avaient abandonné leurs postes de travail (alors qu'en réalité ils s'étaient heurtés à des portes closes).
- 540. Les affiliés du STISSS et du SIMETRISSS ont paralysé le travail pendant 77 jours parce que le gouvernement met en pratique son projet de privatiser les services de santé publique, et qu'il a donné en concession deux hôpitaux du réseau de la sécurité sociale. Dans le cadre de ses efforts pour privatiser les services de santé, on a licencié les travailleurs mentionnés, on a introduit la police nationale dans les centres de travail pour intimider les salariés, on a retenu le treizième mois et les salaires de novembre et décembre de 1999 à plus de 7 000 travailleurs ainsi que les cotisations syndicales, et on a procédé à des réductions de salaires pour les mois cités ci-dessus. Parallèlement, les plaignants ont recouru à la négociation collective et, en dernière instance, à l'arbitrage qui est disponible selon le ministère du Travail. La FSM signale également que la direction de l'ISSS n'a pas pris en compte le contrat collectif de travail signé entre l'ISSS et le STISSS, lequel exclut tout licenciement, transfert ou suspension des fonctions des travailleurs, sauf en cas de motif justifié, prévoit une protection spéciale pour les membres du bureau du syndicat et interdit la suspension collective des travailleurs à moins que toutes les conditions légales n'aient été remplies.
- 541. Dans sa communication du 15 avril 2000, la FSM indique également que, même si le juge du troisième Tribunal du travail avait d'abord déclaré la grève illégale (en foi de quoi la directrice de l'ISSS a procédé aux licenciements mentionnés ci-dessus), il a ensuite statué que les licenciements étaient légaux, bien que finalement, devant l'appel interjeté par le STISSS, la Chambre du travail ait déclaré que ce licenciement massif constituait une violation des droits élémentaires et des clauses du contrat collectif de travail. Les autorités intermédiaires ont utilisé la contrainte, intimidé les travailleurs et les ont menacés de les licencier s'ils continuaient d'appuyer la grève. Le gouvernement a sévèrement réprimé ce mouvement ouvrier en appliquant des mesures coercitives contre lui et contre les affiliés des syndicats qui s'en étaient solidarisés pour défendre la santé publique.
- 542. Enfin, dans sa communication du 13 novembre 2000, la FSM fait savoir qu'en ce qui concerne les travailleurs licenciés arbitrairement après une bataille juridique à l'instigation du STISSS la Chambre civile de la Cour suprême de justice a condamné l'ISSS à payer des dommages et intérêts aux plaignants, et à respecter les normes du travail auxquelles il avait porté atteinte. Cependant, le Conseil exécutif de l'ISSS n'a respecté ce jugement que partiellement, en faisant en sorte unilatéralement que les travailleurs soient, ou bien réintégrés à leurs postes de travail, ou bien indemnisés, selon leur choix. La FSM ajoute que l'attitude irresponsable des autorités du gouvernement et de l'ISSS, qui ont recouru à des manœuvres dilatoires et évasives pour atteindre leur objectif, pourrait engendrer un nouveau conflit du travail. Il a donc été demandé à l'assemblée législative qu'elle prenne un décret pour obliger les autorités à respecter le jugement et verser les salaires et les prestations dus aux 221 travailleurs concernés.
- 543. Pour sa part, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) fait savoir dans sa communication datée du 10 mars 2000 que les médecins et les travailleurs de l'Institut de la sécurité sociale d'El Salvador (ISSS), en grève depuis la fin de 1999, étaient victimes d'attaques du gouvernement. Ce dernier avait effectivement déclaré l'état d'urgence afin d'appliquer un "nouveau plan de santé" fondé sur l'utilisation des hôpitaux et des médecins militaires pour remplacer les travailleurs en grève. Le 6 mars 2000, le Sous-mandataire officiel de liaison de la police nationale civile (PNC) et les représentants des syndicats en grève, ainsi que du bureau du Procureur pour la défense des droits de l'homme, ont engagé un dialogue concernant l'hôpital médico-chirurgical de l'ISSS (San Salvador), afin de trouver une solution pacifique à la revendication publique des travailleurs susmentionnés, et d'éviter des confrontations inutiles. Devant cette attitude conciliante du gouvernement, un groupe de manifestants des syndicats susmentionnés ont accepté de se retirer à midi, le même jour, d'une avenue extrêmement fréquentée de la ville de San Salvador. Cela n'a pas empêché le directeur de la PNC de confirmer l'ordre donné à l'Unité du maintien de l'ordre (UMO) de faire évacuer la rue, ce qu'elle a fait à 11 h 45, en utilisant une force disproportionnée (gaz lacrymogènes, entre autres moyens); ces méthodes ont notamment porté préjudice aux travailleurs de l'ISSS et aux piétons.
- 544. Selon l'organisation plaignante, le ministre de l'Intérieur a également affirmé qu'on envisageait la possibilité d'annuler la personnalité juridique des Syndicats de médecins et de travailleurs de l'Institut de la sécurité sociale d'El Salvador (SIMETRISSS et STISSS), ainsi que celle du Collège des médecins. Enfin, la directrice de l'ISSS a annoncé qu'elle ne respecterait pas la décision de la première Chambre du travail de réintégrer les travailleurs licenciés dans leurs postes de travail, mais que le gouvernement ferait appel auprès de la Cour suprême de justice, et que cette procédure pourrait durer plus d'un an avant que ne soit prononcée une sentence définitive.
B. Réponses du gouvernement
B. Réponses du gouvernement- 545. En ce qui concerne l'exagération présumée du recours à la force par la police, le gouvernement a fait savoir, par une communication datée du 19 mai 2000, que l'intervention de l'Unité du maintien de l'ordre (UMO), le 6 mars de la même année, avait pour objet de rétablir l'ordre public car les membres du Syndicat des travailleurs de l'ISSS avaient complètement obstrué une avenue de la ville de San Salvador où la circulation est très dense, violant ouvertement le droit de libre circulation des citoyens. En effet, après avoir adressé aux membres du syndicat une demande d'évacuation qui est demeurée lettre morte et après avoir épuisé tous les moyens de persuasion nécessaires pour les convaincre de se retirer volontairement (dialogue, avertissement et conseils), l'UMO n'a pu qu'intervenir pour rétablir l'ordre public, conformément à la procédure de dispersion des manifestants.
- 546. Cette intervention policière a motivé l'ouverture d'une procédure judiciaire contre le directeur de la Police nationale civile (PNC) pour délits et actes arbitraires contre l'administration publique, le 23 mars de la même année auprès du huitième Tribunal de paix de la ville, et qui a abouti à une ordonnance de non-lieu définitive en faveur de l'inculpé. Selon la transcription des débats de ce jugement, envoyée par le gouvernement en annexe à sa réponse, le ministère public a soutenu qu'à 11 h 45 le 6 mars 2000 l'UMO avait outrepassé l'utilisation de la force (gaz lacrymogènes, jets d'eau et violences physiques) face à des personnes désarmées qui manifestaient pacifiquement, et en dépit de l'accord verbal conclu entre les syndicalistes et les policiers selon lequel les artères obstruées seraient rapidement évacuées; à aucun moment on n'a constaté la présence d'armes ni des comportements violents parmi les syndicalistes. Par conséquent, cette répression a constitué une violation des principes constitutionnels de base qui régissent l'action de la PNC, sans parler d'un abus des pouvoirs discrétionnaires des forces de l'ordre qui avait notamment porté préjudice à des travailleurs de l'ISSS et à des piétons. La défense a affirmé que les forces de l'ordre avaient été provoquées et que le fonctionnaire accusé, qui n'avait pas participé directement aux opérations, avait donné l'ordre d'évacuation seulement après avoir épuisé tous les moyens de persuasion nécessaires, et qu'il était convaincu d'agir correctement compte tenu de l'ampleur du chaos provoqué par la manifestation. La défense a donc conclu que l'accusé avait épuisé tous les moyens de persuasion pour que les manifestants évacuent l'artère obstruée, et qu'il avait fait une utilisation rationnelle de la force; elle a demandé au juge de rendre une ordonnance de non-lieu définitif en faveur de l'inculpé, ce que le juge a fait le 19 mai 2000.
- 547. Quant au risque supposé que les syndicats STISSS et SIMETRISSS ainsi que le Collège des médecins de la ville se voient privés de leur personnalité juridique, le gouvernement a indiqué dans une communication du 18 juillet 2000 qu'il s'agissait d'une allégation sans fondement. En effet, le ministère de l'Intérieur n'est pas l'instance compétente pour priver ces entités de la personnalité juridique et, s'il est vrai que le gouvernement a effectivement envisagé la possibilité d'appliquer cette mesure au Collège des médecins, il est également vrai qu'il y a finalement renoncé, bien qu'il eût pu invoquer à cet effet la loi sur les associations et les fondations sans but lucratif, en vertu de laquelle: "les associations et les fondations seront dissoutes par résolution judiciaire s'il est constaté qu'elles se livrent à des activités illicites à des fins lucratives indirectes, contraires à la morale, à la sécurité et à l'ordre public, ou qu'elles gèrent mal les fonds et les biens de l'entité, causant ainsi un dommage grave et irréparable à des tiers ou à l'Etat", et "le ministère public, au même titre que le ministère de l'Intérieur, a compétence d'office ou à la demande d'une autorité publique pour prononcer la dissolution d'une association ou d'une fondation, s'il y a motif de dissolution judiciaire".
- 548. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle la direction de l'ISSS n'entendrait pas respecter la décision judiciaire de réintégration des travailleurs, le gouvernement fait savoir, par des communications du 8 septembre et du 26 janvier 2001, qu'après avoir fait appel contre les jugements de la première Chambre du travail de San Salvador et de la Chambre civile de la Cour suprême, qui étaient toutes les deux favorables au STISSS, le Conseil exécutif de l'ISSS a accordé audience au STISSS pour offrir aux salariés licenciés la possibilité de choisir entre réintégrer leurs postes de travail, dans les mêmes conditions, au 29 novembre 1999, ou ne pas les réintégrer, en échange de l'indemnisation correspondante fixée par la loi. L'employeur a assujetti cette offre à la signature d'une suspension de contrat individuel de travail par accord mutuel des parties, au cours de la période allant du 29 novembre 1999 à la date de réintégration de l'intéressé. L'accord a été signé par l'ISSS et la Commission des ressources humaines et juridiques, déléguée par la STISSS. Dans ces conditions, 187 travailleurs ont opté pour la réintégration et 32 pour la cessation volontaire avec indemnité, aux termes d'un arrangement direct extrajudiciaire avec la partie défenderesse et désistement préalable de toutes les actions intentées contre elle. Enfin, le gouvernement indique que 1) l'Institut de la sécurité sociale d'El Salvador n'est pas tenu de payer les salaires durant le conflit puisque les travailleurs ont sollicité des congés sans solde entre le 29 novembre 1999 et le 6 août 2000, et 2) le conflit a trouvé une issue favorable pour les deux parties.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 549. Concernant les licenciements massifs à l'Institut de la Sécurité sociale d'El Salvador (ISSS) à la fin de 1999 suite au déclenchement d'une grève, le comité note que, selon le gouvernement: 1) le conseil exécutif de l'ISSS a offert aux employés licenciés à l'occasion de ce conflit la possibilité de choisir entre la réintégration à leurs postes de travail, aux mêmes conditions qu'au 29 novembre 1999 ou une renonciation à leur emploi en échange de l'indemnisation légale correspondante et a assujetti l'acceptation de cette offre à la signature par les salariés licenciés d'une suspension de contrat individuel de travail par accord mutuel des parties, au cours de la période allant du 29 novembre 1999 à la date de réintégration de l'intéressé; 2) cet accord a été signé par l'ISSS et la Commission des ressources humaines et juridiques qui représentait le STISSS; et 3) 187 travailleurs ont décidé d'être réintégrés tandis que 32 ont opté pour une cessation volontaire avec indemnisation, moyennant un arrangement direct extrajudiciaire avec la partie défenderesse et désistement préalable de toutes les actions intentées contre elle, ce qui a mis fin au conflit de façon satisfaisante pour les deux parties. Dans ces conditions, le comité décide de ne pas poursuivre l'examen de cette allégation.
- 550. En ce qui concerne l'allégation, selon laquelle les médecins et les travailleurs de l'ISSS, en grève depuis plusieurs mois, avaient été victimes d'attaques du gouvernement, et qu'un groupe de manifestants a été victime d'un recours excessif à la force, le comité note que le gouvernement indique que:
- i) l'Unité de maintien de l'ordre (UMO) a envoyé aux membres du syndicat une requête d'évacuation qui est restée lettre morte et cette unité a utilisé tous les moyens possibles pour que les manifestants se retirent volontairement;
- ii) l'UMO a donc dû intervenir et faire évacuer les manifestants en conformité avec les dispositions sur le maintien de l'ordre public; et
- iii) suite aux agissements de la Police nationale civile (PNC), une procédure judiciaire a été ouverte contre le directeur de la PNC. Dans cette affaire, les autorités judiciaires ont prononcé un non-lieu définitif, après avoir conclu que le directeur de la PNC avait épuisé tous les moyens de persuasion pour que les manifestants évacuent l'artère obstruée et qu'il avait fait une utilisation rationnelle de la force. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l'examen de cette allégation.
- 551. En ce qui concerne l'allégation relative à l'intention du gouvernement d'appliquer un nouveau plan de santé visant à remplacer les travailleurs - médecins et travailleurs de l'Institut de la sécurité sociale d'El Salvador - en grève depuis plusieurs mois par du personnel militaire, le comité observe que le gouvernement n'a envoyé aucun commentaire. Il rappelle par conséquent que l'utilisation des forces armées ou d'un autre groupe de personnes pour remplir des fonctions abandonnées à l'occasion d'un conflit du travail ne saurait, si la grève est par ailleurs légale, être justifiée que par la nécessité d'assurer le fonctionnement de services (…) dont l'arrêt créerait une situation de crise aiguë. L'utilisation par le gouvernement d'une main-d'œuvre étrangère à l'entreprise destinée à remplacer les travailleurs en grève comporte un risque d'atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, op. cit., quatrième édition, 1996, paragr. 574.] A cet égard, considérant que les activités effectuées par les médecins et le personnel médical auxiliaire de l'Institut de la sécurité sociale d'El Salvador (ISSS) font partie des services essentiels au sens strict du terme, puisque les soins médicaux - qu'il s'agisse de ceux qui sont dispensés par le médecin ou, par exemple, de l'autorisation que peut octroyer une institution pour soigner un malade - constituent un service dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des patients, que par ailleurs la grève déclarée dans ce service essentiel dure depuis déjà plusieurs mois, le comité estime que l'utilisation du personnel militaire pour accomplir les fonctions des médecins et du personnel médical auxiliaire de l'ISSS n'enfreint pas les principes de la liberté syndicale.
- 552. A propos de l'allégation concernant le risque de voir les syndicats SIMETRISSS et STISSS ainsi que le Collège des médecins de la ville privés de leur personnalité juridique, le comité observe que le gouvernement déclare que cette allégation est sans fondement puisque le ministère de l'Intérieur n'est pas l'instance compétente pour priver ces entités de leur personnalité juridique, et que, s'il est vrai que le gouvernement a étudié la possibilité d'appliquer cette mesure par voie judiciaire au Collège des médecins de la ville en vertu de la loi des associations et des fondations sans but lucratif, il a renoncé à cette alternative .
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 553. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que ce cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.