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- 802. La plainte en question figure dans une communication de l'Association des ouvriers et employés de la Coopérative nationale des producteurs de lait (CONAPROLE/AOEC) du 9 janvier 1999. Le gouvernement a répondu par une communication du 15 décembre 1999.
- 803. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 804. Dans sa communication du 9 janvier 1999, l'Association des ouvriers et employés de CONAPROLE (AOEC) explique que la Coopérative nationale des producteurs de lait (CONAPROLE) est l'entreprise laitière la plus importante du pays et compte 2 300 travailleurs, dont 75 pour cent sont affiliés à l'AOEC.
- 805. Selon l'AOEC, en septembre, octobre et novembre 1997, après des mois de négociations infructueuses menées en vue de conclure une nouvelle convention collective, le syndicat a pris diverses mesures syndicales (arrêts du travail d'une demi-heure, grèves de vingt-quatre heures dans certains cas, etc.). L'entreprise a alors adopté une conduite et une attitude que le plaignant considère comme des violations de la liberté syndicale et des conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Concrètement, selon l'AOEC, CONAPROLE:
- -- a interrompu, le 28 octobre 1997, la pratique, appliquée sans interruption pendant près de cinquante ans, de la retenue à la source des cotisations syndicales des travailleurs; des instances bipartites ou tripartites du ministère du Travail ont été créées au mois de novembre et la situation a été régularisée;
- -- dans le calcul des salaires d'octobre 1997, l'entreprise a déduit davantage d'heures de travail que la durée effective des arrêts de travail; cette mesure concernait 300 travailleurs et porte à penser que l'exercice du droit de grève a ainsi été sanctionné;
- -- entre le 15 et le 30 octobre 1997, de nouvelles sanctions ont été prises contre ceux qui ont respecté les consignes syndicales; des observations ont été faites à 35 travailleurs à cause de leur faible rendement (usine de Tarariras); 15 travailleurs ont été sanctionnés pour une période de un à trois jours; plusieurs travailleurs de l'usine de Tarariras sont demeurés sans affectation (notamment le dirigeant syndical M. Ramón Vitalis, auquel on a demandé "de se tenir à disposition"), ce qui constitue un processus de licenciement indirect;
- -- le 4 novembre 1997, CONAPROLE a porté plainte à la police et des policiers sont venus dans les usines no 2 de Montevideo et no 5 de Tarariras, où ils ont intimidé les travailleurs;
- -- a pris des sanctions pour abandon du travail contre des travailleurs qui ne travaillaient que parce qu'ils respectaient les consignes syndicales;
- -- a recouru aux services d'entreprises particulières pour la réalisation de tâches du personnel qui suivait les consignes syndicales;
- -- le 5 novembre 1997, les dirigeants syndicaux, MM. Ramón Vitalis et Carlos Allegranza, ont été démis de leurs fonctions au sein de CONAPROLE, alors que leur fiche personnelle ne comportait aucun antécédent négatif.
- 806. L'organisation plaignante ajoute qu'un accord conclu entre CONAPROLE et le syndicat régissait les relations professionnelles en matière de procédures disciplinaires et prévoyait que CONAPROLE porterait à la connaissance de tout accusé les antécédents de la procédure intentée contre lui afin qu'il puisse exercer son droit de défense. Or, le 20 novembre 1997, un accord a été signé pour la réinsertion de Carlos Allegranza dans une usine de production différente de celle où il travaillait habituellement, l'entreprise s'engageant seulement à "envisager" dans un délai de quatre-vingt-dix jours la possibilité de le réintégrer dans l'usine où il travaillait avant d'être démis de ses fonctions (réintégration qui n'a pas cependant eu lieu). De même, le travailleur Ramón Vitalis devait être suspendu avec solde pendant une période maximale de soixante jours, et une commission bipartite composée de représentants du ministère du Travail et de la Sécurité sociale et de la Centrale des travailleurs de l'Uruguay (PIT-CNT) devait analyser la conduite de M. Vitalis dans l'accomplissement de ses fonctions, et ses conclusions devaient être examinées par l'entreprise pour régler définitivement ce cas. Néanmoins, par la suite, quand l'AOEC a demandé que l'entreprise porte la décision à la connaissance des travailleurs Ramón Vitalis et Carlos Allegranza, le conseil d'administration n'a accepté de leur présenter ladite décision que sous une forme partielle, à peine deux pages de conclusions sur les faits, et a refusé en outre de donner les noms de ceux qui par leurs déclarations les accusaient d'inconduite. L'entreprise a justifié ce refus en déclarant qu'il s'agissait de témoins de confiance de CONAPROLE, de contremaîtres d'usine et de fonctionnaires spécialement sélectionnés. La commission bipartite (qui comprenait également une représentation du ministère du Travail) est arrivée à la conclusion, le 30 décembre 1997, que l'entreprise devait remettre la décision intégrale à M. Vitalis afin qu'il dispose de toutes les garanties voulues. Le 2 janvier 1998, M. Ramón Vitalis a été convoqué par la direction générale de l'entreprise, qui lui a déclaré qu'elle ne lui remettrait que les conclusions de la décision. M. Vitalis, avec l'avis de conseillers juridiques, a alors choisi de refuser cette décision. C'était la seule solution possible, la totalité des procédures devant être considérées comme nulles et non avenues étant donné les graves irrégularités commises, malgré l'accord conclu. Lors de ce même entretien, la direction générale a proposé de lui "accorder un licenciement", en le menaçant de mesures plus sévères si un accord n'était pas conclu. Le 8 janvier 1998, l'AOEC a été informée par téléphone, donc de manière non officielle, que M. Ramón Vitalis avait été licencié pour "mauvaise conduite notoire". Des assemblées d'information ont alors été organisées dans diverses usines, en suivant les procédures habituelles qui existaient depuis plus de trente ans, comme par exemple dans l'usine no 3 de Canelones; à la suite de cette dernière assemblée, des sanctions ont été prises à l'encontre des trois membres du comité exécutif qui y avaient assisté.
- 807. Enfin, l'organisation plaignante signale qu'après le règlement du conflit les dirigeants de CONAPROLE ont déclaré que si les travailleurs se plaignaient, même devant des tribunaux du travail, il en résulterait une perte de confiance, ou leurs agissements seraient considérés comme un acte de mauvaise foi; ils ont interdit l'organisation d'assemblées et l'entrée de dirigeants syndicaux dans les usines, faisant ainsi fi d'usages et de coutumes existant depuis plus de trente ans.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 808. Dans sa communication du 15 décembre 1999, le gouvernement déclare qu'en date du 29 octobre 1997 il a reçu de l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale une plainte déposée par l'Association des ouvriers et employés de CONAPROLE qui faisait valoir essentiellement deux points: 1) que la décision du Conseil d'administration de CONAPROLE du 28 octobre 1997, suspendant la retenue à la source des cotisations du personnel affilié à l'Association des ouvriers et employés de CONAPROLE (AOEC) et l'application d'autres principes, était un acte et/ou une pratique antisyndicale; et 2) que l'entreprise avait pris des sanctions contre plusieurs travailleurs au motif qu'ils avaient respecté des consignes syndicales.
- 809. Pour ce qui est du premier point, l'Inspection générale du travail et la sécurité sociale ont édicté une décision du 24 novembre 1998 par laquelle elles admonestaient l'entreprise CONAPROLE (une copie de ladite décision est jointe) pour avoir décidé en octobre 1997 de ne pas retenir à la source les cotisations syndicales dudit mois, créaient une table de négociation et de médiation au sein du ministère du Travail chargée de régler ce conflit du travail (au sujet de ces questions, l'organisation plaignante a signalé que la situation a été régularisée en novembre 1997).
- 810. En ce qui concerne le deuxième point (imposition de sanctions à cause de mesures syndicales), la Division de la négociation collective de la Direction nationale du travail signale qu'une table de négociation a été créée pour résoudre le conflit existant depuis le mois de septembre 1997 entre l'entreprise CONAPROLE et son personnel et qu'une convention collective a pu être conclue le 24 novembre 1997 (que le gouvernement annexe).
- 811. Le gouvernement indique que les sanctions appliquées à des travailleurs en raison de faits survenus durant le conflit ont été exposées à la table de négociation, mais que dans tous les cas les plaintes de l'AOEC ont été présentées verbalement, et le nombre des sanctions n'a pas été précisé. Le gouvernement envoie également une copie de l'acte d'enregistrement de la convention collective dans lequel les parties au conflit ont exposé leurs positions.
- 812. La convention collective du 24 novembre 1997 contient notamment des clauses qui assurent le versement intégral du salaire réel moyen de la période concernée et prévoit que si les parties le désirent ladite convention pourra rester en vigueur pendant trois ans. La convention collective prévoit également que "les sanctions prises par CONAPROLE durant le conflit, que le syndicat considère comme étant dues à l'exercice de mesures syndicales, cesseront d'exister trente jours après leur entrée en application et ne créeront pas d'antécédents pour les travailleurs concernés". S'agissant de la situation de MM. Allegranza et Vitalis, les parties conviennent que a) le conseil d'administration accepte de réinsérer M. Carlos Allegranza le 21 novembre 1997 dans une autre unité de production et d'envisager au cours des quatre-vingt-dix jours suivants la réintégration de ce travailleur dans son usine d'origine; b) M. Ramón Vitalis continuera à ne pas assumer sa charge pendant une période maximale de soixante jours, au cours de laquelle les éléments de décision seront analysés par une commission composée de représentants de la DINATRA et de la PIT-CNT. Ladite commission pourra convoquer l'entreprise et/ou le syndicat afin de prendre connaissance de leurs points de vue. Elle pourra également entendre les parties si celles-ci le désirent. Les conclusions auxquelles arrivera cette commission, bien qu'elles n'auront pas un caractère contraignant, seront considérées par le conseil d'administration comme un élément de décision additionnel au moment où il adoptera une décision motivée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 813. Le comité observe que dans le présent cas l'organisation plaignante allègue que l'employeur a pris une série de mesures antisyndicales (interruption de la retenue des cotisations syndicales, déductions salariales supérieures au nombre d'heures de grève, suspension de deux dirigeants de leurs fonctions, intervention de la police dans deux usines, etc.) en raison d'actions organisées par l'AOEC durant un conflit collectif survenu dans l'entreprise CONAPROLE en septembre 1997, après des mois de négociations infructueuses menées pour conclure une nouvelle convention collective. L'organisation plaignante allègue par ailleurs que: 1) des sanctions ont été prises contre trois dirigeants syndicaux après la tenue d'assemblées d'information; et 2) que, par la suite, les représentants de l'entreprise ont déclaré que si les travailleurs se plaignaient - même auprès d'instances de la justice du travail - il en résulterait une perte de confiance et qu'une telle démarche serait considérée comme un acte de mauvaise foi, qu'ils ont interdit l'organisation d'assemblées et l'entrée des dirigeants syndicaux dans les usines, revenant ainsi sur des usages et des coutumes existant depuis plus de trente ans.
- 814. Le comité prend note des déclarations du gouvernement, de la convention collective signée par les parties le 24 novembre 1997, dont il ressort notamment que: 1) le problème de la non-retenue des cotisations par CONAPROLE a été résolu après un mois (comme le reconnaît le plaignant) et que l'inspection du travail a admonesté CONAPROLE à cause de sa conduite, dans une décision datée du 24 novembre 1998; 2) les sanctions que le syndicat considère comme ayant été prises à cause de l'application de mesures syndicales prévues dans la convention collective n'ont pas eu de conséquences pour les travailleurs concernés; 3) aux termes de la convention collective, le conseil d'administration a accepté de réintégrer M. Carlos Allegranza et d'envisager, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, de le réinsérer dans son usine d'origine; 4) quant à l'autre dirigeant syndical, M. Ramón Vitalis, il continuera à être suspendu de sa charge - conformément à la convention collective -, et sa conduite dans l'accomplissement de ses fonctions sera analysée par une commission composée de représentants de la Direction nationale du travail et de la centrale syndicale PIT-CNT, étant entendu que les conclusions de ladite commission n'auront pas force contraignante mais seront considérées comme un élément de décision additionnel par le conseil d'administration.
- 815. Observant que les parties ont signé une convention collective qui a mis fin au conflit survenu durant le processus de négociation visant à conclure une nouvelle convention et tenant compte en particulier que les faits et la convention collective datent de 1997, le comité estime qu'il doit se limiter à prendre note de ladite convention collective et respecter la volonté des parties, et la manière dont elles ont décidé de traiter la question des sanctions, d'autant plus, comme le relève le gouvernement, que le plaignant n'a pas fourni de précisions sur le nombre de personnes ayant été sanctionnées et s'est contenté d'exposer verbalement les cas de sanctions. Le comité a rappelé à plusieurs occasions qu'en ce qui concerne les motifs de licenciement les activités des dirigeants syndicaux doivent être examinées dans le contexte des situations particulières qui peuvent être spécialement tendues et difficiles en cas de différend du travail et de grève. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 731.) Le comité demande en conséquence au gouvernement de s'assurer que les dirigeants syndicaux puissent bénéficier d'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale tels que des suspensions et des licenciements. Notant que, selon l'organisation plaignante, la commission bipartite a donné son accord pour que M. Vitalis ait accès à tous les documents afin de bénéficier d'une protection adéquate, le comité déplore que CONAPROLE l'ait informé qu'il n'aurait accès qu'aux seules conclusions. Le comité exprime le ferme espoir que la commission qui doit revoir le cas de M. Vitalis tiendra compte de ce dernier élément.
- 816. Quant aux allégations du plaignant selon lesquelles a) trois dirigeants syndicaux ont été sanctionnés après la tenue d'assemblées d'information en janvier 1998, et b) par la suite, les représentants de CONAPROLE ont signalé que si des travailleurs se plaignaient - même devant des instances de la justice du travail - il en résulterait une perte de confiance, ou que leur démarche serait considérée comme un acte de mauvaise foi, et qu'ils ont interdit l'organisation d'assemblées ainsi que l'entrée de dirigeants syndicaux dans les usines, revenant ainsi sur des usages et coutumes existant depuis plus de trente ans, le comité relève que le gouvernement n'a pas envoyé ses observations à ce sujet et le prie de le faire.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 817. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant que, selon l'organisation plaignante, la commission bipartite a donné son accord pour que M. Vitalis ait accès à tous les documents afin de bénéficier d'une protection adéquate, le comité déplore que la Coopérative nationale des producteurs de lait (CONAPROLE) l'ait informé qu'il n'aurait accès qu'aux seules conclusions. Le comité exprime le ferme espoir que la commission qui doit revoir le cas de M. Vitalis tiendra compte de ce dernier élément.
- b) S'agissant des allégations du plaignant selon lesquelles 1) des sanctions ont été prises contre trois dirigeants syndicaux parce qu'ils avaient organisé des assemblées d'information, et 2) les représentants de la CONAPROLE ont déclaré par la suite que si des travailleurs se plaignaient - même auprès d'instances de la justice du travail - il en résulterait une perte de confiance, ou que leur démarche serait considérée comme un acte de mauvaise foi, qu'ils ont interdit l'organisation d'assemblées et l'entrée de dirigeants syndicaux dans les usines, revenant ainsi sur des usages et coutumes existant depuis plus de trente ans, le comité relève que le gouvernement n'a pas envoyé ses observations à ce sujet et le prie de le faire.