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Definitive Report - REPORT_NO313, March 1999

CASE_NUMBER 1987 (El Salvador) - COMPLAINT_DATE: 26-AUG-98 - Closed

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85. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Internationale des communications (IC) du 26 août 1998.

  1. 85. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Internationale des communications (IC) du 26 août 1998.
  2. 86. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications datées des 2 novembre et 17 décembre 1998.
  3. 87. El Salvador n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 88. Dans sa communication du 26 août 1998, l'Internationale des Communications (IC) signale que l'Association salvadorienne des travailleurs de l'Administration nationale des télécommunications ANTEL (ASTA), l'une de ses organisations affiliées, lui a demandé de présenter une plainte contre le gouvernement d'El Salvador pour violation des droits syndicaux.
  2. 89. L'IC indique que, le 27 août 1997, les syndicats ASTA-ASTTEL ont demandé au ministère du Travail de reconnaître l'existence juridique du Syndicat national des travailleurs des télécommunications et apparentés (ATANTEL) et que, le 2 septembre de la même année, ledit ministère a refusé d'accorder cette reconnaissance, au motif que l'Administration nationale des télécommunications (ANTEL) était une institution autonome de droit public et qu'il était illégal de reconnaître des syndicats ne se trouvant pas dans le champ de l'"entreprise". A cet égard, les membres d'ATANTEL ont interjeté un recours en révision de la situation auprès dudit ministère, qui a été rejeté. Au cours des mois de septembre et d'octobre 1997, le projet de loi sur la privatisation d'ANTEL a fait l'objet de diverses modifications, ce qui a retardé les décisions relatives aux nouvelles demandes déposées par ATANTEL en vue d'obtenir sa reconnaissance juridique. Au cours de cette période, l'Internationale des communications et ses organisations affiliées de la région ont adressé aux autorités d'El Salvador divers messages de solidarité pour soutenir les travailleurs des télécommunications et notamment pour qu'ils obtiennent le droit syndical.
  3. 90. Selon l'IC, le processus de liquidation d'ANTEL a débuté le 29 décembre 1997. A cette occasion, tous les travailleurs de l'ancienne ANTEL ont été payés puis licenciés, et ensuite ils ont été embauchés à nouveau par la nouvelle Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador (CTE, S.A. à C.V.). Néanmoins, le 2 janvier 1998, 72 travailleurs, tous dirigeants ou anciens dirigeants des syndicats ASTA-ASTTEL, ATTES et SINTEL, ont été licenciés. L'entreprise a déclaré que ces travailleurs étaient opposés au processus de privatisation, et justifié ces licenciements en invoquant l'inefficacité des travailleurs en question, étant donné que ces derniers consacraient leur temps à des activités incompatibles avec ses nouvelles fonctions (c'est-à-dire des activités syndicales). L'organisation plaignante ajoute qu'un groupe de travailleurs membres des syndicats ASTA-ASTTEL a convoqué une assemblée aux fins de constituer un syndicat au sein de l'entreprise. Par le décret no 53, amendé, l'Administration nationale des télécommunications (ANTEL) a été dissoute et liquidée. Tous ses actifs et obligations en cours ont été transférés à la Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, société anonyme à capital variable (CTE, S.A. à C.V.), et à l'Internacional de Telecomunicaciones, société anonyme à capital variable (INTEL, S.A. à C.V.). Le 13 février 1998, le ministère du Travail a rejeté la demande déposée par les travailleurs d'ASTA-ASTTEL. En conséquence, le 22 février 1998, 39 travailleurs se sont réunis en assemblée et ont approuvé la constitution d'un syndicat dénommé ASTTEL. La nouvelle demande a également été rejetée par le ministère du Travail, au motif que le sigle ASTTEL n'avait rien à voir avec le nom officiel du syndicat (Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications). Le 1er mai 1998, 44 travailleurs se sont réunis et ont approuvé la création du "Syndicat Unité des travailleurs de l'entreprise Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V. (SUTTEL)". Toutefois, le 24 juin de la même année, le ministère du Travail a refusé d'accorder la reconnaissance légale à ce syndicat, au motif que la législation nationale n'autorise la consultation d'un syndicat que lorsque six mois se sont écoulés depuis la précédente demande de reconnaissance.
  4. 91. L'IC souligne que, bien que les travailleurs aient utilisé tous les moyens prévus par la loi, les autorités ont toujours trouvé des arguments pour refuser d'accorder leur reconnaissance au syndicat. L'IC fait savoir que les travailleurs ont déposé un recours judiciaire auprès de la Cour suprême de justice d'El Salvador.
  5. 92. Selon l'IC, les agissements du ministère du Travail d'El Salvador dans le présent cas -- et peut-être aussi la législation nationale pertinente -- sont incompatibles avec le droit des travailleurs de constituer, sans autorisation préalable, les organisations de leur choix. En outre, le licenciement des travailleurs de l'entreprise constitue un acte de discrimination antisyndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 93. Dans sa communication du 2 novembre 1998, le gouvernement déclare que, le 7 août 1997, le président du comité exécutif provisoire du syndicat dénommé Syndicat des travailleurs de l'industrie des télécommunications et apparentés (ATANTEL) a demandé par écrit la reconnaissance de la personnalité juridique. Ce dernier, selon son acte de fondation, a été constitué le 31 juillet 1997 par 46 travailleurs de l'Administration nationale des télécommunications, quatre travailleurs de l'Agence de presse et d'information d'El Salvador et deux travailleurs de la radio de l'Université centraméricaine José Simeón Cañas. Le 2 septembre 1997, cette demande de personnalité juridique a été déclarée non recevable, au motif que les travailleurs des institutions officielles autonomes -- telles que l'Administration nationale des télécommunications (ANTEL) -- ne peuvent constituer d'autres syndicats que "des syndicats d'entreprise", conformément à l'alinéa 20 de l'article 209 du Code du travail, dont le texte est le suivant: "Est considéré comme syndicat d'entreprise tout syndicat constitué par des travailleurs qui exercent leur fonction au sein d'une même entreprise, société commerciale ou institution officielle autonome". Le recours en annulation de cette décision présenté par le comité exécutif provisoire du syndicat a été déclaré irrecevable, non parce que le droit de constituer un syndicat était refusé aux travailleurs de l'Administration nationale des télécommunications (ANTEL), mais parce qu'il leur était indiqué que le Code du travail exigeait qu'ils s'organisent en syndicat d'entreprise. Par décision du 27 avril 1998, le procureur chargé de la défense des droits de l'homme a exempté le ministère du Travail et de la Sécurité sociale de toute responsabilité dans cette affaire.
  2. 94. Le gouvernement signale que le texte de l'article 2 de la loi sur la privatisation de l'Administration nationale des télécommunications (ANTEL) est le suivant: "Il sera procédé à la liquidation d'ANTEL par le transfert de ses biens, de ses droits et de ses obligations en cours aux sociétés Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, société anonyme à capital variable, abrégée ci-après CTE, S.A. à C.V., qui pourra faire usage de la marque d'ANTEL, et Internacional de Telecomunicaciones, société anonyme à capital variable, abrégée ci-après INTEL, S.A. à C.V." Ces deux entreprises sont chargées du service public des télécommunications. Elles sont considérées, du point de vue juridique, comme des entités de droit privé réglementées par les dispositions de la loi susmentionnée, du Code du commerce et des autres lois pertinentes de la République. Le texte de loi en question désigne ces entreprises comme "les sociétés".
  3. 95. Le texte de l'article 43 de la loi susmentionnée est le suivant: "Une fois effectuée la procédure indiquée par les deux articles précédents, la société CTE, S.A. à C.V. établira des contrats de travail avec les ex-employés d'ANTEL, excepté ceux de l'hôpital d'ANTEL, le nouvel employeur étant tenu de maintenir les salaires à leur niveau antérieur au minimum. Si, après l'établissement de ces contrats, des travailleurs engagés sous ce nouveau régime venaient à être licenciés pour les motifs dits "de cessation de contrat sous la responsabilité de l'employeur", motifs définis par le Code du travail, l'employeur versera à chaque travailleur concerné une indemnité extraordinaire équivalant à la somme des salaires mensuels correspondant au temps restant à courir pour que la durée de son emploi atteigne 18 mois. Les travailleurs employés à l'hôpital d'ANTEL non réembauchés par l'ISSS toucheront une gratification supplémentaire correspondant à 25 pour cent de l'indemnité définie par l'article 41 de la présente loi."
  4. 96. Le gouvernement ajoute que, le 5 janvier 1998, le président du comité exécutif provisoire du Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador, dont le sigle est ASTTEL, a demandé que soit octroyée la personnalité juridique au syndicat en question, lequel, selon son acte de fondation, a été créé le 2 janvier 1998 par 43 travailleurs de CTE, S.A. à C.V. A la suite de cette demande, il a été procédé à une inspection du travail dans cette entreprise afin de vérifier si les fondateurs du syndicat se trouvaient à leur travail le 2 janvier 1998 à 9 heures. Les éléments réunis par le rapport établi à l'issue de cette inspection ont permis d'établir pleinement les faits suivants: a) le Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador (ASTTEL) a été constitué devant notaire (en l'occurrence, Mme Lilian Guadrón) dans les locaux de l'Association salvadorienne des travailleurs des télécommunications; b) à la date de l'établissement de cet acte notarié (2 janvier 1998), date à laquelle ont débuté les activités de la société CTE, S.A. à C.V., dix des fondateurs du syndicat n'avaient exercé aucune fonction auprès de ladite société, et en conséquence il n'y avait pas de relation de travail étant donné que les dix personnes en question ne se sont pas présentées à leur poste de travail au jour indiqué, raison pour laquelle la législation du travail ne s'applique pas à ces personnes, qui ne pouvaient être considérées comme des travailleurs; c) vingt autres fondateurs du syndicat n'étaient pas présents, le 2 janvier 1998 à 9 heures, dans les locaux où, selon l'acte notarié, s'est tenue l'assemblée constitutive du syndicat; de ce fait, et vu que ces personnes ont affirmé catégoriquement avoir signé l'acte en question à des dates et en des lieux différents de ceux indiqués sur ce dernier mais que, sur ce document, leurs signatures figurent comme si elles avaient été présentes, et vu que le même document présente d'autres anomalies et irrégularités, celui-ci semble présenter des signes évidents d'inexactitude; d) de plus, il est établi que cinq des fondateurs ont touché l'indemnité extraordinaire prévue par l'article 43 de la loi sur la privatisation de l'Administration nationale des télécommunications, suite au licenciement dont ils ont fait l'objet le 2 janvier 1998, selon ce qu'il ressort des bordereaux correspondants, délivrés conformément aux dispositions de l'article 402, alinéa 20, du Code du travail; par conséquent, ces personnes n'avaient plus qualité de salariés de la CTE, S.A. à C.V. à la date où cette société a présenté le certificat joint au rapport.
  5. 97. Par ailleurs, l'acte notarié susmentionné présente diverses irrégularités au regard de la législation, en particulier les suivantes: a) la profession ou qualité des signataires supposés n'a pas été consignée, contrairement aux dispositions de l'alinéa 40 de l'article 32 de la loi sur le notariat; b) dans le préambule de cet acte, le notaire, au lieu de consigner la profession ou qualité des signataires, indique que ceux-ci sont des employés de la CTE, S.A. à C.V., contrairement à l'alinéa 60 de l'article 32 suscité, qui précise que "le notaire ne peut porter aucune sorte d'indication concernant les signataires sans l'accord exprès de ces derniers"; or, selon le document lui-même, à aucun moment les fondateurs n'ont manifesté un tel accord au notaire; c) l'alinéa 90 du même article 32 a également été enfreint; en effet, celui-ci dispose que "les brouillons, modifications, annotations portées entre les lignes, en-têtes et corrections de quelque nature que ce soit doivent être reportés et conservés intégralement à la fin du document, en présence des intéressés et avant que leurs signatures soient apposées"; or, dans l'acte notarié dont il est ici question, les brouillons du notaire et du syndicat n'ont pas été conservés, ce qui suffit à invalider le document, conformément aux dispositions de l'article 263 du Code de procédure civile, applicable au droit du travail en ce qu'il renvoie expressément à l'article 602 du Code du travail; d) l'alinéa 10 de l'article 32 suscité a également été enfreint; cet alinéa dispose que "le notaire doit exposer aux signataires les effets juridiques de l'acte ou du contrat concerné et mentionner qu'il l'a fait dans le document"; or, l'acte notarié lui-même indique que les effets juridiques de l'acte de fondation du syndicat n'ont pas été expliqués aux signataires, et rien n'a été consigné à cet égard; e) les dispositions de l'article 51 de la loi sur le notariat n'ont pas davantage été respectées; en effet, la signature du notaire ne figure dans aucun des feuillets que compte l'acte notarié et, de plus, son sceau manque au feuillet numéro 3.
  6. 98. Sur la base des considérations qui précèdent et des dispositions légales, et compte tenu de ce que le quorum fixé par la loi pour constituer une association professionnelle, ainsi que le prescrit l'article 211 du Code du travail, n'a pas été atteint, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale déclare que "l'octroi de la personnalité juridique au Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador est sans objet".
  7. 99. Le gouvernement indique que, le 23 février 1998, le président du comité exécutif provisoire du Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador ASTTEL (syndicat constitué devant notaire le 22 février 1998 à 9 heures) a demandé que soit concédée la personnalité juridique à ce syndicat. Une décision a été prise à ce sujet le 30 mars 1998, décision dont voici une partie du texte: "selon ce qui est consigné, des démarches ont été effectuées le 2 janvier 1998 en vue de fonder le Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador; l'octroi de la personnalité juridique à ce syndicat a été déclaré non recevable pour les raisons figurant dans le texte de la décision de ce ministère, datée du 11 février 1998; le 22 février 1998, des démarches similaires ont été effectuées en vue de constituer un deuxième syndicat, ayant le même nom et le même siège social que le premier; la demande de personnalité juridique de ce deuxième syndicat a été présentée au ministère le 23 février 1998 par une autre personne agissant en tant que président du comité exécutif provisoire. Or cette démarche enfreint les dispositions de l'article 248 du Code du travail, selon lequel "aucune démarche ne pourra être effectuée en vue de constituer un nouveau syndicat lorsque l'intervalle écoulé depuis sa précédente demande de reconnaissance est inférieur à six mois".
  8. 100. De plus, ce deuxième syndicat a été fondé par 39 personnes, parmi lesquelles 14 avaient participé à la création du premier; quatre autres personnes sont des employés de confiance et une dernière est un représentant patronal de la Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, société anonyme à capital variable. Pour ces deux raisons (l'une seule de ces raisons suffisant d'ailleurs à justifier ce qui suit), le nombre des membres fondateurs se réduit à moins de 35 personnes, ce qui contrevient à l'article 211 du Code du travail, lequel dispose que "tout syndicat de travailleurs doit compter, en vue de sa constitution et de son fonctionnement, 35 membres au minimum".
  9. 101. Par conséquent, pour les raisons invoquées ci-dessus et conformément aux dispositions légales susmentionnées, le secrétariat d'Etat au Travail a refusé l'octroi de la personnalité juridique au Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador.
  10. 102. Toujours selon le gouvernement, trois membres du comité exécutif provisoire du Syndicat Unité des travailleurs de l'entreprise Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V. (SUTTEL) ont demandé, le 28 mai 1998, que soit accordée la personnalité juridique à ce syndicat. Le 17 juin 1998, la décision administrative suivante a été rendue: "en application des dispositions légales susmentionnées, la constitution du syndicat en question n'a pas été autorisée car l'intervalle écoulé depuis la demande de reconnaissance du Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador est inférieur à six mois, et les buts du syndicat SUTTEL n'ont pas été indiqués. Par conséquent, conformément à ce qui précède et aux dispositions légales susmentionnées, le secrétariat d'Etat a refusé l'octroi de la personnalité juridique au syndicat SUTTEL.
  11. 103. Le 30 juin 1998, une décision administrative a déclaré irrecevable la demande déposée par trois membres du comité exécutif provisoire de SUTTEL en vue d'obtenir la révocation du refus de l'octroi de la personnalité juridique au syndicat, étant donné que cette demande, conformément au Code de procédure civile, aurait dû être déposée le jour même ou le lendemain de la décision contestée.
  12. 104. En dernier lieu, le gouvernement déclare que, le 7 septembre 1998, le président et le vice-président du comité exécutif provisoire du Syndicat d'entreprise des travailleurs des télécommunications d'El Salvador, dont le sigle est "SITTEL", fondé le 23 août 1998 à 9 heures, ont demandé que soit concédée la personnalité juridique à ce syndicat. Cette demande est actuellement en cours d'examen.
  13. 105. En ce qui concerne les allégations relatives au licenciement de 72 travailleurs, tous dirigeants ou ex-dirigeants des syndicats ASTA, ASTTEL, ATTES et SINTEL, licenciement effectué le 2 janvier 1998, le gouvernement, par une communication du 17 décembre 1998, renvoie à une communication de la Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V., dont le résumé figure ci-après.
  14. 106. Conformément à la loi sur la privatisation de l'Administration nationale des télécommunications, les contrats de travail de l'ensemble des employés d'ANTEL ont pris fin le 31 décembre 1997, date à laquelle les biens, droits et obligations en cours d'ANTEL ont été transférés à la société CTE, S.A. à C.V., et tous les employés ont perçu les indemnités, primes et congés proportionnels dont la forme et les montants ont été établis par la loi sur la privatisation. Ces différents versements ont été consignés dans des documents où chacun des travailleurs indemnisés a accepté la cessation de son contrat de travail et déclare qu'ANTEL avait pleinement appliqué les obligations créées par la loi sur la privatisation de l'Administration nationale des télécommunications; les travailleurs ont déclaré celle-ci libre de toute responsabilité relevant du droit du travail et attestent amplement de sa bonne conduite. En conséquence de ce qui précède, l'ensemble des travailleurs d'ANTEL ont été considérés comme démissionnaires à compter du 31 décembre 1997; tous ont été indemnisés conformément à la loi et, à la même date, ANTEL a mis fin à l'ensemble de ses activités. Le versement des indemnités a été contrôlé par la Cour des comptes de la République, étant donné qu'aucun versement non conforme à la loi ne pouvait être effectué. ANTEL a mis fin à toutes ses activités.
  15. 107. Les 72 personnes mentionnées par l'organisation plaignante ont touché les indemnités en question pour un montant total de 7 353 113 colones et 91 centimes. L'article 43 de la loi sur la privatisation précise qu'une fois "accomplie la procédure indiquée par les deux articles précédents la société CTE, S.A. à C.V. passera des contrats de travail avec les ex-employés d'ANTEL. Au cas où, après l'établissement de ces contrats, de travailleurs ainsi engagés venaient à être licenciés pour les motifs dits "de cessation de contrat sous la responsabilité de l'employeur", motifs définis par le Code du travail, l'employeur versera à chaque travailleur concerné une indemnité extraordinaire équivalant à la somme des salaires mensuels correspondant au temps restant à courir pour que la durée de son emploi atteigne 18 mois". C'est en vertu de cette loi que CTE, S.A. à C.V. a engagé la totalité des ex-employés d'ANTEL par l'établissement d'un nouveau contrat de travail, entièrement distinct et sans aucun lien avec le contrat précédent. Parmi les travailleurs engagés figuraient ceux mentionnés par l'organisation plaignante. Etant donné que ces derniers ont été licenciés, chacun a touché la compensation extraordinaire correspondant à 18 mois de salaire, excepté deux travailleurs qui ne se sont pas présentés, bien que les sommes qui leur sont dues se trouvent à leur disposition. C'est ainsi que CTE, S.A. à C.V. a versé aux 72 travailleurs concernés la somme de 5 185 226 colones et 90 centimes. Chacun des travailleurs concernés a signé le reçu correspondant sur le feuillet que la Direction générale de l'Inspection du travail présente à cet effet, conformément à l'article 402, alinéa 2, du Code du travail, faisant ainsi foi de la cessation de son contrat individuel de travail et de ce que CTE, S.A. à C.V. a appliqué totalement les dispositions de l'article 43 susmentionné. De cette manière, chacun des travailleurs a déclaré ladite société libre de toute responsabilité relevant du droit du travail. L'institution du licenciement en tant que cause de cessation du contrat individuel de travail est réglementée par les articles 55 et suivants du Code du travail et se fonde sur l'article 38, alinéa 11, de la Constitution de la République, selon lequel le Code du travail "comprendra en particulier les droits suivants (...) 11. L'employeur qui licencierait un travailleur sans motif justifié est obligé de l'indemniser conformément à la loi."
  16. 108. Il ressort de tout ce qui précède qu'aucune violation des droits syndicaux n'a été commise.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 109. Le comité observe que, dans le cadre du processus de privatisation de l'Administration nationale des télécommunications (ANTEL), l'organisation plaignante allègue les faits suivants: 1) refus de reconnaître le syndicat ATANTEL en septembre 1997; 2) refus de reconnaître un autre syndicat constitué par un groupe de travailleurs d'ASTA-ASTTEL le 13 février 1998; 3) refus de reconnaître un autre syndicat nommé ASTTEL, qui avait été constitué le 22 février 1998; 4) refus de reconnaître le syndicat SUTTEL, le 24 juin 1998; 5) licenciement de 72 travailleurs, tous dirigeants ou ex-dirigeants des syndicats ASTA-ASTTEL, ATTES et SINTEL, le 2 janvier 1998 (le processus de privatisation d'ANTEL s'est terminé fin décembre 1997) par l'entreprise Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V., à laquelle ont été transférés les biens, droits et obligations en cours de l'entreprise privatisée (ANTEL).
  2. 110. Le comité prend note de ce que, selon le gouvernement: 1) le syndicat ATANTEL n'a pas été reconnu par les autorités au motif que les travailleurs de l'ancienne ANTEL ne s'étaient pas constitués en syndicat d'entreprise, ce qui était obligatoire étant donné qu'ANTEL était une institution officielle autonome; sur les 52 fondateurs, six étaient employés dans des entreprises autres qu'ANTEL; 2) le syndicat ASTTEL n'a pas été reconnu pour les raisons suivantes: à la date de la constitution du syndicat, 10 de ses fondateurs n'avaient exercé aucune fonction au sein de l'entreprise considérée; 20 fondateurs n'étaient pas présents dans les locaux où l'assemblée constitutive s'est tenue; cinq fondateurs ont touché l'indemnité extraordinaire prévue par la loi sur la privatisation d'ANTEL et ont perdu, de ce fait, la qualité de salariés; de plus, l'acte notarié comportait diverses infractions au regard de la législation (la profession ou qualité des signataires n'a pas été consignée, les brouillons n'ont pas été joints aux noms du notaire et du syndicat, la signature du notaire ne figure pas sur les feuillets de l'acte notarié et son sceau manque à l'un de ces feuillets); de plus, le quorum des travailleurs-fondateurs n'était pas atteint; 3) le syndicat ASTTEL s'est vu, plus tard, refuser une deuxième fois la personnalité juridique, faute du quorum légal, fixé à 35 membres par l'article 211 du Code du travail (sur les 39 fondateurs, 14 avaient participé à la fondation du premier syndicat, quatre étaient des employés de confiance et un autre était un représentant patronal), ainsi qu'au motif que l'article 248 du Code du travail précise "qu'aucune démarche ne pourra être effectuée en vue de constituer une nouveau syndicat lorsque l'intervalle écoulé depuis sa précédente demande de reconnaissance est inférieur à six mois"; 4) les démarches effectuées en vue de la constitution du syndicat SUTTEL ont été considérées comme non conformes à la loi, et la personnalité juridique a été refusée, au motif que l'intervalle écoulé depuis la demande de reconnaissance du syndicat ASTTEL (auquel la personnalité juridique avait été refusée) était inférieur à six mois; par la suite, la demande effectuée par trois membres fondateurs de SUTTEL en vue d'obtenir la révocation de cette décision administrative a été déclarée irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été faite dans les délais fixés par la loi. Le comité prend également note de ce que la demande d'octroi de la personnalité juridique au syndicat SITTEL, présentée le 7 septembre 1998, se trouve actuellement en cours d'examen, mais constate que ce fait n'a pas été signalé par l'organisation plaignante.
  3. 111. Le comité constate qu'entre septembre 1997 et juin 1998 les autorités ont refusé de concéder la personnalité juridique à plusieurs syndicats qui ont tenté de se constituer au sein d'ANTEL ou de l'une des deux entreprises auxquelles, suite à sa privatisation, ont été transférés ses droits et obligations (Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V.); l'un de ces syndicats en cours de constitution s'est vu refuser par deux fois la personnalité juridique. Le comité constate que les motifs suivants figurent parmi ceux invoqués pour refuser la personnalité juridique: tentative de création d'un syndicat ne relevant pas de la catégorie dite des "syndicats d'entreprise" (mais constitué par des travailleurs issus de plusieurs entreprises) au sein d'une institution officielle autonome où seuls sont autorisés les "syndicats d'entreprise"; non-respect du quorum prévu par la loi pour constituer un syndicat (35 travailleurs); impossibilité de constituer un nouveau syndicat lorsque l'intervalle écoulé depuis sa précédente demande de reconnaissance est inférieur à six mois (même si cette précédente demande a été rejetée); et vice de forme de l'acte notarié établi lors de l'assemblée constitutive du syndicat. De l'avis du comité, il s'agit d'entraves graves à l'enregistrement des syndicats. A cet égard, le comité signale à l'attention du gouvernement que les prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable, ni s'opposer à la création d'une organisation au point de constituer en fait une interdiction pure et simple. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 244.)
  4. 112. A cet égard, le comité a déjà indiqué que "s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 248.) Le comité estime qu'il ressort du présent cas que la législation d'El Salvador impose une série de conditions excessives à la reconnaissance et à l'acquisition de la personnalité juridique d'un syndicat, contraires au principe de libre constitution des organisations syndicales (l'obligation faite aux syndicats des institutions officielles autonomes d'appartenir à la catégorie des "syndicats d'entreprise"), entravant la constitution des syndicats (quorum fixé à 35 travailleurs pour constituer un syndicat d'entreprise) ou, dans tous les cas, rendant provisoirement impossible la constitution d'un syndicat (nécessité d'un intervalle de six mois pour demander la reconnaissance d'un nouveau syndicat, même si la première demande a été rejetée).
  5. 113. Dans ces conditions, le comité conclut que la législation viole les principes de la liberté syndicale et déplore qu'en application de cette législation les autorités aient refusé d'accorder la personnalité juridique à plusieurs syndicats qui étaient en train de se constituer au sein de l'entreprise ANTEL ou de l'entreprise Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier la législation de manière à ce que soient abolies les conditions excessives qui restreignent actuellement la constitution des organisations syndicales et à ce qu'il soit possible de les constituer autrement qu'au sein d'une seule entreprise, si tel est le choix des travailleurs. Enfin, en ce qui concerne le syndicat SITTEL, dont la constitution se trouve en cours d'examen (selon le gouvernement), le comité regrette que la demande d'octroi de reconnaissance et d'enregistrement déposée par le syndicat SITTEL en août 1998 n'ait pas encore été accordée et que la procédure soit encore en cours. Le comité demande au gouvernement d'accélérer la procédure et l'enregistrement de ce syndicat.
  6. 114. En ce qui concerne l'allégation relative au licenciement de 72 travailleurs (tous dirigeants d'ASTA-ASTTEL, ATTES et SINTEL) le 2 janvier 1998 (le processus de privatisation d'ANTEL s'étant achevé à la fin du mois de décembre 1997) par l'entreprise Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V., à laquelle les biens, droits et obligations de l'entreprise privatisée (ANTEL) ont été transférés, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: les indemnisations et prestations prévues ont été versées aux intéressés, qui les ont acceptées et ont confirmé par écrit la cessation de leur contrat de travail le 31 décembre 1997; par la suite, conformément à la loi sur la privatisation, les intéressés ont été engagés par la nouvelle entreprise puis licenciés le 2 janvier 1998 aux motifs dits "de cessation de contrat sous la responsabilité de l'employeur", motifs définis par le Code du travail et conformes à la loi sur la privatisation, laquelle prévoyait, en pareil cas, le versement d'une indemnité supplémentaire (en l'occurrence, 70 des 72 travailleurs concernés ont accepté cette indemnisation et ont déchargé l'entreprise de toute responsabilité); les travailleurs qui n'ont pas accepté les indemnités en question sont M. Luis Wilfredo Berrios et Mme Gloria Mercedes González. A cet égard, le comité constate que le gouvernement n'a pas contesté aux 72 travailleurs licenciés les titres de dirigeants et d'ex-dirigeants syndicaux, et que ces licenciements ont été fondés sur les motifs dits "de cessation de contrat sous la responsabilité de l'employeur", selon lesquels ce dernier n'est pas tenu d'en indiquer les raisons.
  7. 115. Dans ces conditions, le comité déplore profondément ces licenciements et signale à l'attention du gouvernement que les changements de propriétaire ne doivent pas menacer directement ou indirectement les travailleurs syndiqués et leurs organisations. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 715.) Le comité signale également qu'en cas de réduction du personnel il a lui-même rappelé le principe énoncé dans la recommandation no 143 sur la protection et les facilités qui devraient être accordées aux représentants des travailleurs dans l'entreprise, qui propose, parmi les mesures spécifiques de protection, la "reconnaissance d'une priorité à accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel" (art. 6, 2, f)). (Voir Recueil, op. cit., paragr. 960.) De même, dans un cas antérieur où le gouvernement expliquait que les licenciements de neuf dirigeants syndicaux étaient intervenus dans le cadre de programmes de restructuration de l'Etat, le comité a souligné l'importance qu'il attache à la priorité à accorder au maintien dans l'emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel afin de garantir la protection effective de ces dirigeants. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 961.)
  8. 116. Dans ces conditions, étant donné que 70 des 72 dirigeants et ex-dirigeants syndicaux licenciés ont accepté les indemnités prévues par la loi, seul sera poursuivi l'examen du cas des deux syndicalistes qui ne les ont pas acceptées. Le comité demande au gouvernement de prendre des initiatives en vue d'obtenir la réintégration de ces dirigeants syndicaux (M. Luis Wilfredo Berrios et Mme Gloria Mercedes González) à leur poste de travail et pour qu'à l'avenir les changements de propriétaire effectués dans le cadre d'une privatisation ne portent pas préjudice directement ou indirectement à la situation des travailleurs syndiqués et à leurs organisations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 117. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver le présent rapport et, en particulier, les recommandations suivantes:
    • a) Constatant que la législation impose une série de conditions excessives à la reconnaissance et à l'acquisition de la personnalité juridique d'un syndicat, contraires au principe de libre constitution des organisations syndicales (l'obligation faite aux syndicats des institutions officielles autonomes d'appartenir à la catégorie des "syndicats d'entreprise"), entravant la constitution des syndicats (le quorum fixé à 35 travailleurs pour constituer un syndicat d'entreprise) ou, dans tous les cas, rendant provisoirement impossible la constitution d'un syndicat (la nécessité d'un intervalle de six mois pour demander la reconnaissance d'un nouveau syndicat, même si la première demande a été rejetée), le comité:
      • -- conclut que la législation viole gravement les principes de la liberté syndicale;
      • -- déplore qu'en application de cette législation les autorités aient refusé d'accorder la personnalité juridique à plusieurs syndicats en cours de formation au sein de l'entreprise ANTEL ou de l'entreprise Compañía de Telecomunicaciones de El Salvador, S.A. à C.V.;
      • -- regrette que la demande de reconnaissance et d'enregistrement déposée par le syndicat SITTEL en août 1998 n'ait pas encore été accordée et que la procédure soit encore en cours. Le comité demande au gouvernement d'accélérer la procédure et l'enregistrement de ce syndicat et demande instamment au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier la législation de manière à ce que soient abolies les conditions excessives qui restreignent actuellement la constitution des organisations syndicales et à ce qu'il soit possible de les constituer autrement qu'au sein d'une seule entreprise, si tel est le choix des travailleurs.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue d'obtenir la réintégration des dirigeants syndicaux (M. Luis Wilfredo Berrios et Mme Gloria Mercedes González) à leur poste de travail et pour qu'à l'avenir les changements de propriétaire effectués dans le cadre d'une privatisation ne portent pas préjudice directement ou indirectement aux travailleurs syndiqués et à leurs organisations.
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