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Interim Report - REPORT_NO310, June 1998

CASE_NUMBER 1929 (France) - COMPLAINT_DATE: 03-JUN-97 - Closed

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393. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) datée du 3 juin 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 2 mars et 19 mai 1998.

  1. 393. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) datée du 3 juin 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 2 mars et 19 mai 1998.
  2. 394. La France a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et a déclaré ces conventions applicables sans modification à la Guyane française.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 395. Dans sa communication datée du 3 juin 1997, l'Union des travailleurs guyanais (UTG) adresse au BIT une plainte en violation de la liberté syndicale, et notamment des articles 3 et 8 de la convention no 87. Elle allègue l'arrestation puis la déportation de quatre dirigeants et militants syndicaux ainsi que de huit jeunes guyanais, au cours des mois d'avril et de mai 1997, dans le but, selon elle, de la discréditer et de réduire son influence.
  2. 396. L'UTG se réfère aux arrestations suivantes:
    • -- le 11 avril 1997, Alain Michel, membre du Syndicat UTG des postes et télécommunications, et quatre jeunes, Orlando Clet, Charles Cenol, Bernard Rifort-Delem et Maurice Ho Tram Foo, sont arrêtés et gardés à vue. Les lois régissant la garde à vue n'auraient pas été respectées: pas d'appel téléphonique à une personne de leur choix; pas de visite d'un médecin; pas de visite de leur avocat à la vingtième heure de garde à vue; le 12 avril, ils sont déportés par avion militaire à la Martinique, à la prison de Ducos, avant la vingtième heure de garde à vue. Ils n'ont pas pu rencontrer leurs avocats;
    • -- le 18 avril, le jeune Thierry Blezes est arrêté et déporté à la Martinique dans le plus grand secret le 20 avril. Les droits de la défense n'auraient pas non plus été respectés;
    • -- le 22 avril, à 5 h 55, Jean-Victor Castor, secrétaire chargé de la formation au Bureau central de l'UTG, est arrêté à son domicile sans mandat judiciaire; les moyens déployés pour ce faire auraient été considérables: deux cars de garde mobiles et trois voitures banalisées de la police judiciaire, fils du téléphone arrachés, perquisition minutieuse des lieux;
    • -- le même jour, Fabien Canavy, secrétaire général de l'Union locale de Cayenne et membre du Bureau central de l'UTG, est interpellé sur son lieu de travail à 6 h 30, avec un déploiement de forces similaire, et conduit à son domicile qui est perquisitionné;
    • -- Jean-Claude Ringuet, secrétaire du Syndicat UTG des agents communaux de Cayenne, apprenant la visite des policiers à son domicile et la recherche dont il fait l'objet, se rend au commissariat de police le même jour vers 13 heures, accompagné du maire de Cayenne et de nombreux collègues de travail, où il est arrêté;
    • -- le jeune Prevot est arrêté à son domicile le 23 avril aux environs de 6 heures, dans les conditions identiques à celles de Jean-Victor Castor.
      • Ces derniers ont pu avoir la visite de leurs avocats au bout de la vingtième heure de garde à vue et ils ont été déportés, le 24 avril à 5 heures, à la prison de Ducos à la Martinique par navire militaire sans que personne ne soit prévenu (ni famille, ni avocat). La trousse de médicaments de l'un des dirigeants syndicaux, Jean-Claude Ringuet, diabétique, amenée par son épouse au commissariat aurait été refusée et il aurait été victime d'un malaise dans le bureau du juge d'instruction à son arrivée à Fort-de-France;
    • -- depuis, deux autres jeunes, Pascal Cippe et Michel Marcel, ont été arrêtés et déportés à la Martinique à la prison de Ducos, et Maurice Ho Tram Foo et Bernard Rifort-Delem ont été mis au secret dans deux prisons différentes à la Guadeloupe.
  3. 397. Les infractions reprochées par les juges français pour justifier l'emprisonnement des militants de l'UTG sont:
    • -- d'avoir, à Cayenne, dans la nuit du 12 au 13 novembre 1996, participé à des violences avec armes, n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, commises par plusieurs auteurs ou complices envers le Procureur de la République en exercice à Cayenne, ainsi qu'à l'égard des membres de la famille et d'amis résidant au domicile de la victime;
    • -- d'avoir, à Cayenne, dans la nuit du 12 au 13 novembre 1996, participé à des dégradations d'un bien appartenant à autrui par l'effet de substances incendiaires commises en bande organisée et de nature à créer un danger pour les personnes.
  4. 398. Selon l'organisation plaignante, l'instruction aurait été menée durant trois mois par un juge de Cayenne désigné par le Procureur de la République de Cayenne, puis délocalisée au motif que l'on ne peut être juge et partie. Or les magistrats de Fort-de-France siègent régulièrement à Cayenne par le biais de la Cour d'appel de Fort-de-France, qui est également la juridiction d'appel du tribunal de Cayenne. Le dossier serait constitué essentiellement de témoignages qui se contredisent sur lesquels les témoins seraient revenus affirmant qu'ils leur auraient été extorqués. L'élément principal qui aurait permis l'ouverture de l'instruction serait un témoignage anonyme. Le Procureur de la République concerné aurait reconnu n'avoir vu personne. Une personnalité connue du voisinage aurait vu des jeunes autour de la maison lancer des engins incendiaires, sans avoir reconnu aucune des personnes présentes, bien que les quatre militants syndicaux poursuivis soient très connus. La plupart des témoins seraient les jeunes incarcérés qui seraient tous revenus sur leurs aveux. L'organisation plaignante insiste sur le fait que des responsables syndicaux n'auraient aucun mobile et aucun intérêt à brûler la maison d'un Procureur de la République.
  5. 399. L'organisation plaignante fait ensuite un rappel des événements qui ont précédé les arrestations. Elle explique qu'en novembre 1996 des lycéens de Guyane se sont mis en grève durant plusieurs semaines pour obtenir la création d'un rectorat et les moyens d'une bonne éducation et que, dès le début, l'UTG a apporté son soutien au mouvement lycéen, les revendications avancées étant depuis plusieurs années réclamées par le Syndicat des travailleurs de l'enseignement de Guyane/UTG. Dans la soirée du 8 novembre 1996, alors que les représentants des lycéens négociaient à la préfecture, le préfet aurait donné l'ordre aux gardes mobiles de charger les jeunes et leurs parents qui manifestaient dehors dans le calme en attendant le résultat des négociations. Plusieurs véhicules à deux roues, appartenant aux lycéens, auraient été brûlés par les gardes mobiles. Les manifestants auraient été matraqués sans sommation et des tirs tendus de grenades lacrymogènes auraient été effectués. Plusieurs nuits d'émeutes s'en seraient suivies. Un jeune aurait été grièvement blessé par un tir à bout portant d'un policier. D'autres auraient été blessés moins grièvement par des grenades à déflagration et des tirs tendus de grenades lacrymogènes.
  6. 400. Le 9 novembre 1996, l'UTG a appelé à la grève générale pour le 13 novembre 1996 contre la répression et en vue d'obtenir satisfaction sur les revendications. La manifestation du 13 novembre aurait réuni plus de 5 000 personnes défilant dans les rues de Cayenne dans le calme et la dignité. Entre-temps, dans la nuit du 12 au 13 novembre 1996, des affrontements violents avaient opposé les jeunes aux gardes mobiles. Plusieurs jeunes arrêtés durant les émeutes des jours précédents ont été condamnés par le tribunal de Cayenne à la suite du réquisitoire du Procureur de la République, réquisitoire qui, selon l'organisation plaignante, a constitué un véritable détonateur. Cette nuit-là, des engins incendiaires auraient été lancés contre la maison où réside le Procureur de la République, brûlant sa porte.
  7. 401. Des négociations ont eu lieu avec les ministres de l'Education nationale et des départements et territoires d'outre-mer toute la journée du 20 novembre 1996. En fin d'après-midi, les revendications des lycéens et de la population guyanaise étaient satisfaites.
  8. 402. L'organisation plaignante brosse également un tableau historique de la situation. L'UTG, explique-t-elle, est une jeune centrale qui a été créée en novembre 1967. Lors de son cinquième congrès, en 1985, les orientations qu'elle a choisies ont permis son renforcement et son développement. Elle a, à plusieurs reprises, interpellé l'Etat sur ses choix économiques lors des grands chantiers de l'Etat de 1988 à 1992, du fait du non-respect de la législation du travail et de la complaisance alléguée de l'inspection du travail à l'égard des grandes entreprises françaises, à l'origine de nombreux conflits et de grèves, et organisé diverses actions, dont des grèves en octobre 1992 et janvier 1994 en liaison avec d'autres organisations syndicales regroupées au sein du Mouvement syndical unitaire (MSU) ou de la Conférence des syndicats anticolonialistes des colonies de la France (CSACF). Des conflits sociaux importants ont aussi marqué l'année 1996 et le début de 1997, notamment dans la fonction publique locale et les transports. C'est à ce moment que la répression a commencé contre les principaux dirigeants de l'UTG. L'UTG souligne qu'elle était devenue majoritaire au sein du Comité stratégique pour les Etats généraux du développement économique réel et durable lorsque des militants ont été arrêtés.
  9. 403. Enfin, l'UTG rappelle que, dès 1973, lors de son troisième congrès, elle a pris position pour l'indépendance de la Guyane et qu'elle a confirmé cette position lors de ses congrès successifs.
  10. 404. En conséquence, l'organisation plaignante souhaite interpeller le gouvernement pour recueillir ses explications sur les agissements contre la liberté syndicale en Guyane et elle exige la libération immédiate de militants syndicaux et des jeunes emprisonnés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 405. Dans sa communication du 2 mars 1998, le gouvernement rappelle que la France a ratifié la convention no 87 et que celle-ci, tout comme la liberté syndicale garantie par la Constitution nationale, s'applique, sans restriction aucune, sur l'ensemble du territoire de la République à laquelle appartiennent les départements d'outre-mer, y compris la Guyane. Le gouvernement, se référant à l'étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, reconnaît également l'interdépendance entre les libertés publiques et les droits syndicaux.
  2. 406. Le gouvernement fait remarquer, à propos du caractère d'organisation professionnelle de l'UTG au sens des articles 8 et 10 de la convention no 87, que l'UTG elle-même a rappelé sa prise de position effectuée dès 1973 pour l'indépendance de la Guyane, département qui n'est, selon la Constitution française, pas divisible de la République. Il s'ensuit trois conséquences:
    • -- l'UTG estime ne pas avoir seulement une mission économique et sociale, telle que mentionnée dans la résolution de 1952 concernant l'indépendance du mouvement syndical, mais aussi une mission politique qui se confond avec la promotion et la défense des intérêts des travailleurs guyanais;
    • -- par son choix séparatiste, l'UTG ne respecte pas l'ordre constitutionnel, ce qu'elle est pourtant tenue de faire aux termes de l'article 8, alinéa 1, de la convention no 87 qui dispose "dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs ... et leurs organisations respectives sont tenus de respecter la légalité";
    • -- la critique à laquelle l'UTG soumet l'Etat français ne tient pas seulement à tel ou tel aspect de sa politique économique ou sociale, qu'elle soit nationale ou locale, mais aussi à l'exercice de sa souveraineté sur une portion de son territoire. Une telle activité n'est en aucune façon une des nombreuses activités politiques prolongeant l'activité syndicale mentionnée dans l'étude d'ensemble de la commission d'experts.
  3. 407. L'action de l'UTG est donc à la fois syndicale et politique. Ainsi l'UTG est l'initiatrice de la première Conférence des syndicats anticolonialistes des colonies de la France (CSACF) qui fédère diverses organisations syndicales réputées "indépendantistes des départements français d'outre-mer". Les thèmes de l'UTG sont propagés par une radio locale proche d'elle et certains de ses dirigeants se retrouvent à la tête de partis indépendantistes locaux, dont l'un offre une filiation certaine avec l'UTG.
  4. 408. Les gouvernements français successifs, admettant qu'il y a interdé-pendance entre les droits syndicaux et les libertés publiques, et notamment la liberté d'expression et d'association, se sont interdits d'entamer la moindre action à l'encontre de l'UTG comme les y autorisent les termes de l'article L.481-1 du Code du travail. Bien que l'action syndicale de l'UTG dépasse la simple défense des droits matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par ses statuts et la critique, même incisive, de politiques économiques et sociales, les autorités françaises l'ont toujours laissée s'exprimer, y compris lorsque l'UTG joue le rôle d'un contre-pouvoir de l'Etat central.
  5. 409. La relation de sa participation aux Etats généraux du développement économique réel et durable, qui figure dans la plainte, est à cet égard éclairante, indique le gouvernement. Ces Etats généraux composés de collèges représentant les divers secteurs de la société civile guyanaise (salariés, socioprofessionnels, partis politiques) posent "la question du changement statutaire comme une condition fondamentale pour un véritable développement économique". Un des responsables de l'UTG, M. Pindard, représente le collège des partis politiques (indépendantistes) au bureau du comité stratégique qui dirige les travaux des divers collèges, bureau chargé d'en fixer les orientations.
  6. 410. La confusion entre l'action syndicale et l'action politique de l'UTG est donc totale. Celle-ci participe à des Etats généraux qui débattent des rapports entre le statut du département de la Guyane et son développement économique et social; l'un de ses responsables est l'élu d'un collège rassemblant des partis politiques, ce qui prouve à l'évidence qu'il est membre de l'un d'entre eux.
  7. 411. S'agissant des rapports entre la liberté syndicale et les arrestations prétendument arbitraires, la plainte de l'UTG établit un lien de cause à effet entre les arrestations survenues en avril et mai 1997 et une volonté du gouvernement de réduire ou de discréditer son influence. Pour le gouvernement, cette argumentation est erronée:
    • -- selon l'UTG, le gouvernement aurait fait procéder à des arrestations arbitraires de ses militants, mais elle fait elle-même le lien entre les émeutes de novembre 1996 à Cayenne et ces arrestations;
    • -- la plainte de l'UTG n'allègue pas que ces émeutes ont une origine syndicale. Au contraire, dans sa plainte, l'UTG affirme que les manifestations de lycéens, qui ont ensuite dégénéré, "bénéficient de son soutien", ce qui signifie qu'elles n'ont pas été organisées par elle. La circonstance, à supposer qu'elle soit avérée, que les lycéens en grève reprennent des revendications vieilles de plusieurs années du Syndicat UTG des travailleurs de l'enseignement, milite plutôt pour l'autonomie du mouvement lycéen;
    • -- l'UTG indique qu'elle a appelé, le 9 novembre 1996, à une manifestation qui s'est déroulée le 13 novembre dans le calme.
      • Ce rappel atteste que l'UTG n'est pas partie directement aux négociations qui ont eu lieu le 8 novembre entre le représentant de l'Etat et les lycéens et aux manifestations qui s'ensuivent. Cette mention témoigne que le gouvernement a respecté la liberté syndicale et qu'il n'a pas invoqué les raisons d'ordre public pour l'interdire et ainsi limiter l'existence du droit syndical protégé par la convention no 87;
    • -- enfin, l'UTG dans sa plainte rappelle que la tentative d'incendie du domicile d'un Procureur de la République ne relève pas de l'action syndicale telle qu'elle l'entend.
      • Il ressort de ce qui précède que l'UTG ne peut prétendre que les événements en cause ont une origine syndicale ou qu'elle y a participé en tant que telle.
    • 412. Quant à la question de savoir si la détention de certains membres de l'UTG, qui ont participé à des mouvements sans rapport avec une activité syndicale, constitue, comme il est allégué, une violation grave des principes de la liberté syndicale, la réponse à celle-ci se trouve, selon le gouvernement, dans l'étude d'ensemble de la commission d'experts qui précise:
      • Les mesures d'arrestation et de détention, même si c'est pour une courte durée, de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice de leurs activités syndicales légitimes, sans que leur soit imputé un délit ou sans qu'il existe un mandat judiciaire, constituent une violation grave des principes de la liberté syndicale. L'exercice d'activités syndicales ne confère pas d'immunité à l'égard de la législation pénale ordinaire, mais les autorités ne devraient pas prendre prétexte des activités syndicales légitimes pour prendre des mesures arbitraires d'arrestation et de détention.
    • 413. Le gouvernement observe que l'émeute n'est pas une forme légitime de l'activité syndicale et que l'UTG n'y a pas participé en tant que telle. Si certains de ses membres ont pris part à des actions de force, c'est à titre autre que celui de syndicaliste et, dès lors, la question de l'application de la convention no 87 au cas d'espèce ne se pose plus.
  8. 414. Le gouvernement estime que l'UTG se comporte autant comme un contre-pouvoir politique à l'Etat central que comme une organisation syndicale. Cependant, appréciant libéralement le lien existant entre l'activité syndicale et les libertés publiques, telle la liberté d'expression, il a toujours laissé l'UTG libre de ses paroles et de ses actes pour autant qu'ils aient une relation, même ténue, avec la liberté syndicale.
  9. 415. En conclusion, le gouvernement souhaite répondre aux allégations de l'UTG que la doctrine de cette organisation est contraire au principe de l'indivisibilité de la République, dont les autorités ont ratifié la convention no 87, que l'UTG se prévaut de cette convention et qu'il convient d'observer qu'elle ne respecte pas la légalité, comme elle y est tenue par l'article 8, paragraphe 1, de la convention, que, dès lors, la question de savoir si l'UTG, dans sa doctrine et sa pratique, est une "organisation", telle que définie par l'article 10 de la convention, se pose. Le gouvernement rappelle sur ce point que l'étude d'ensemble précise que:
    • La liberté syndicale implique, pour les organisations d'employeurs et de travailleurs, le droit d'organiser en toute liberté leurs activités et de formuler les programmes d'action visant à défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres dans le respect de la légalité.
  10. 416. Dans sa communication du 19 mai 1998, le gouvernement indique que tous les syndicalistes intéressés sont maintenant en liberté. Le gouvernement précise qu'Alain Michel, interpellé le 11 avril 1997 et incarcéré le 12 avril, a été remis en liberté le 15 septembre 1997. Jean Victor Castor, interpellé le 22 avril 1997 et incarcéré le 24 avril, a été remis en liberté le 27 juin 1997. De nouveau interpellé le 21 juillet 1997 et incarcéré le 22 juillet, il a été définitivement élargi le 6 août 1997. Fabien Canavy, interpellé le 22 avril 1997 et incarcéré le 24 avril, a été remis en liberté le 29 avril 1997. Jean-Claude Ringuet, interpellé le 22 avril 1997 et incarcéré le 24 avril, a été remis en liberté le 26 juin 1997.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 417. Le comité note que les allégations formulées dans cette affaire concernent l'arrestation et la détention de dirigeants et militants syndicaux. Il observe que les appréciations de l'organisation plaignante et du gouvernement sur cette affaire diffèrent sur plusieurs points.
  2. 418. Pour l'organisation plaignante, l'arrestation et la déportation de quatre dirigeants et militants syndicaux ainsi que de huit jeunes Guyanais au cours des mois d'avril et mai 1997 ont eu pour but de la discréditer et de détruire son influence. L'organisation plaignante explique que les arrestations sont dues au fait que les dirigeants et les militants syndicaux, nommément désignés avaient participé à une action de grève en novembre 1996, soit six mois avant leurs arrestations, pour appuyer les revendications d'un mouvement lycéen qui souhaitait obtenir la création d'un rectorat et les moyens d'une bonne éducation. Ces revendications étaient, d'après l'organisation plaignante, depuis plusieurs années formulées par le Syndicat des travailleurs de l'enseignement de Guyane affilié à l'UTG. Ces revendications ont d'ailleurs été satisfaites par les autorités publiques.
  3. 419. L'organisation plaignante reconnaît que des violences ont été commises au cours des manifestations de novembre 1996, mais elle nie absolument que les dirigeants et les militants syndicaux arrêtés six mois plus tard aient été impliqués dans ces violences.
  4. 420. L'organisation plaignante reconnaît aussi avoir, dès 1973, milité pour l'indépendance de la Guyane et posé en avril 1997 la question du changement statutaire de la Guyane comme condition fondamentale pour un véritable développement économique du territoire.
  5. 421. L'ensemble de ces éléments aurait eu pour conséquences l'arrestation puis la déportation des syndicalistes de l'UTG, accusés à tort d'avoir participé à l'incendie de la porte de la maison du Procureur de la République de Cayenne lors de manifestations étudiantes de novembre 1996.
  6. 422. Pour le gouvernement, en revanche, se pose la question du caractère professionnel de l'UTG, au sens de la convention no 87, à savoir que les organisations de travailleurs ont le droit d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action visant à défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres dans le respect de la légalité. En effet, l'UTG fait elle-même état de diverses positions et actions qui révèlent une confusion totale entre l'action syndicale et l'action politique.
  7. 423. En conséquence, pour le gouvernement, la participation des membres de l'UTG aux manifestations violentes qui ont eu lieu à Cayenne en novembre 1996 n'est pas susceptible de se rattacher à l'exercice de l'activité syndicale, même dénaturée, et ne relève que de l'initiative personnelle ou de la consigne émanant de partis politiques. Le gouvernement considère qu'il n'y a pas de rapport entre l'arrestation de personnes soupçonnées d'avoir commis des délits de droit commun et la violation de la convention no 87.
  8. 424. Le comité observe ainsi que le gouvernement fournit des commentaires sur la nature politique de certaines actions et positions de l'organisation plaignante, mais il regrette profondément qu'il ne se réfère que de façon générale à des délits de droit commun qui auraient été commis par des dirigeants et des militants syndicaux de l'UTG et d'autres personnes, arrêtées et déportées depuis avril-mai 1997. Le gouvernement n'indique pas si ces personnes font encore l'objet d'une procédure judiciaire. A cet égard, le comité rappelle que les réponses des gouvernements contre lesquels des plaintes sont présentées ne devraient pas se limiter à des observations de caractère général. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 21.) Le comité note cependant que les syndicalistes nommément désignés par les plaignants, MM. Alain Michel, Jean Victor Castor, Fabien Canavy et Jean-Claude Ringuet, sont maintenant en liberté.
  9. 425. Notant les commentaires du gouvernement sur l'UTG, le comité rappelle que la mission fondamentale des syndicats devrait être d'assurer le développement du bien-être économique et social de tous les travailleurs et que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs et leurs organisations défendent se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail et aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions politiques, économiques et sociales et aux problèmes qui intéressent directement les travailleurs. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 27 et 29.)
  10. 426. S'agissant des allégations relatives à l'arrestation et à la déportation de dirigeants et de militants syndicaux de l'UTG, le comité rappelle que la détention prolongée de personnes, sans les faire passer en jugement en raison de la difficulté de présenter des moyens de preuve selon la procédure normale, implique un danger inhérent d'abus et est, pour cette raison, criticable. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 90.) Il rappelle que la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et, spécialement, du droit de toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 96.) Le comité a toujours insisté sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque les syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 109.)
  11. 427. Dans cette affaire, le comité note avec une profonde préoccupation la lenteur de la procédure d'instruction et les entraves que n'a pas manqué de ressentir dans son fonctionnement l'organisation syndicale à laquelle appartenaient les intéressés du seul fait de la détention de ses dirigeants.
  12. 428. Le comité rappelle également que dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s'est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 111.) Le comité a maintes fois relevé que, là où des personnes sont condamnées pour des raisons sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux, la question échappe à sa compétence. Il a cependant souligné que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c'est au comité qu'il appartient de se prononcer à ce sujet, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 114.)
  13. 429. Dans le cas d'espèce, le comité insiste auprès du gouvernement pour qu'il abandonne les charges qui pèsent sur les dirigeants et militants syndicaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  14. 430. Le comité demande à l'organisation plaignante d'indiquer si les autres personnes mentionnées dans la plainte sont membres d'organisations syndicales de travailleurs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 431. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a. Le comité note avec une profonde préoccupation la lenteur de la procédure d'instruction à l'encontre de quatre dirigeants et militants syndicaux arrêtés en avril-mai 1997. Il insiste auprès du gouvernement pour qu'il abandonne les charges qui pèsent sur les dirigeants et militants syndicaux qui sont maintenant en liberté. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.
    • b. Le comité demande à l'organisation plaignante d'indiquer si les autres personnes mentionnées dans la plainte sont membres d'organisations syndicales de travailleurs.
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