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Interim Report - REPORT_NO302, March 1996

CASE_NUMBER 1845 (Peru) - COMPLAINT_DATE: 28-APR-95 - Closed

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495. Les plaintes figurent dans des communications du Syndicat des travailleurs de la Fabrique de chaussures péruvienne SA (STFCP) (28 avril 1995), du Syndicat de travailleurs de la Compagnie péruvienne de téléphone (STCPF) (23 mai 1995) et du Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité (SUTREL) (25 mai 1995). Le SUTREL et le STFCP ont présenté des compléments d'information dans des communications datées respectivement du 17 et du 31 juillet 1995. Le gouvernement a fait parvenir une réponse dans une communication datée du 4 janvier 1996.

  1. 495. Les plaintes figurent dans des communications du Syndicat des travailleurs de la Fabrique de chaussures péruvienne SA (STFCP) (28 avril 1995), du Syndicat de travailleurs de la Compagnie péruvienne de téléphone (STCPF) (23 mai 1995) et du Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité (SUTREL) (25 mai 1995). Le SUTREL et le STFCP ont présenté des compléments d'information dans des communications datées respectivement du 17 et du 31 juillet 1995. Le gouvernement a fait parvenir une réponse dans une communication datée du 4 janvier 1996.
  2. 496. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 497. Dans ses communications du 28 avril et du 31 juillet 1995, le Syndicat des travailleurs de la Fabrique de chaussures péruvienne (STFCP) allègue que, sous couvert de l'article 68 de la loi sur les relations collectives du travail (décret-loi no 25593), qui confère à l'exécutif le pouvoir d'ordonner unilatéralement la cessation d'une grève, l'autorité administrative responsable du travail a fait cesser plusieurs grèves depuis 1993, dont une déclarée par le Syndicat des travailleurs de la Fabrique de chaussures péruvienne - usine de Chosica. Dans ce dernier cas, l'autorité administrative responsable du travail, après avoir constaté le peu de disposition démontrée par la direction de la Fabrique de chaussures péruvienne, usine de Chosica, n'a donné suite à aucun des points figurant dans le cahier de revendications, se limitant à concéder une bonification annuelle, après un arbitrage obligatoire.
  2. 498. Le STFCP se réfère également à plusieurs cas où l'autorité responsable du travail n'a exercé aucune contrainte vis-à-vis des entreprises ne soumettant pas à un arbitrage les réclamations des syndicats (Fabrique de chaussures péruvienne, usines los Olivos et Vitarte), et elle indique que l'article 61 de la loi sur les relations professionnelles dispose que, "au cas où il n'y a pas accord par la négociation directe ou par la conciliation, les parties pourront soumettre, sur demande des travailleurs, le différend à un arbitrage".
  3. 499. Dans sa communication du 23 mai 1995, le Syndicat des travailleurs de la Compagnie péruvienne de téléphone (STCPF) déclare que le décret-loi no 25921 du 28 novembre 1992 permet à l'employeur de modifier les équipes, les jours et les heures de travail; de modifier, suspendre ou remplacer les prestations de nature économique et les conditions de travail; et de suspendre temporairement le rapport de travail. Ce texte permet de modifier les dispositions de conventions collectives car, en dernière instance, il appartient au ministère du Travail de décider de la recevabilité de l'affaire; si l'autorité responsable du travail ne se prononce pas, la demande est considérée comme approuvée. A titre d'exemple, le 2 mai 1995, la Compagnie péruvienne de téléphone SA a envoyé au syndicat une communication visant à modifier la convention collective en vigueur (qui échoit en novembre 1995) en invoquant le décret-loi no 25921. Le STCPF demande la dérogation du décret-loi et le respect des conventions collectives en vigueur.
  4. 500. Enfin, le Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité de Lima et Callao (SUTREL) allègue, dans ses communications du 25 mai et du 17 juillet 1995, que le ministère du Travail a adopté une résolution administrative l'empêchant de négocier une convention collective au niveau de cette branche d'activité qui eût regroupé les entreprises EDEGEL SA, Luz del Sur SA, EDELNOR SA et ELECTROLIMA SA, arguant du fait qu'il n'existait pas d'accord avec ces entreprises à ce niveau de négociation, et ce malgré la présence dans ces entreprises d'adhérents au SUTREL. Le SUTREL a dû remettre un cahier de revendications à chacune des entreprises de façon séparée. Le ministère a également exigé que le cahier de revendications ne lui soit pas remis directement mais qu'il le soit à chaque entreprise. Dans ces conditions, ELECTROLIMA SA a refusé qu'un syndicat d'une branche d'activité négocie, en vertu de la loi, une convention collective au niveau de l'entreprise (l'article 47 du décret-loi no 25593 dispose néanmoins que "le syndicat concerné ou, s'il n'existe pas, les représentants expressément élus" pensent négocier collectivement au nom des travailleurs de l'entreprise). A l'échelon suivant de l'administration, contrairement aux décisions prises précédemment, il a été fait obligation au SUTREL de constituer une section syndicale au niveau de l'entreprise en vue d'y négocier collectivement. Le SUTREL ajoute qu'il a également dû constituer une section syndicale à cette fin dans les entreprises EDERNOR, EDEGEL SA et Luz del Sur SA.
  5. 501. Le SUTREL ajoute que, avant le début de la négociation collective, l'entreprise Luz del Sur SA a remis aux travailleurs un "contrat individuel" (dont il joint une copie) qui octroie une augmentation de la rémunération et des prestations parallèles au personnel non syndiqué pour amener les travailleurs à quitter le SUTREL. Un extrait de ce "contrat individuel" est reproduit ci-après:
  6. Il est établi par le présent document un contrat individuel portant augmentation de rémunération et octroi de prestations parallèles entre, d'une part, la société Luz del Sur représentée par M. César Berghüsen G., directeur des ressources humaines, et, d'autre part, le travailleur salarié non syndiqué qui souscrit au présent contrat, ci-après nommé "le travailleur" selon les conditions et les modalités suivantes:
  7. PRIMO - Le présent contrat s'inscrit dans le cadre de la proposition relative à l'augmentation de la rémunération et autres prestations faites par Luz del Sur au personnel salarié non syndiqué en considération du fait que la majorité absolue des salariés de l'entreprise, ce qui ne comprend pas le personnel de direction et de confiance, n'est pas affiliée à quelque organisation syndicale que ce soit et, de ce fait, n'est pas soumise aux négociations collectives conclues par les syndicats pour la période 1994-95 qui, aux termes de la loi, ne les représentent pas; la proposition qui est acceptée par "le travailleur" se substitue aux prestations perçues par le personnel salarié syndiqué par suite de la négociation collective d'octobre 1994 - septembre 1995.
  8. SECUNDO - Eu égard à la teneur de la première clause, Luz del Sur convient avec "le travailleur" de lui fournir les prestations suivantes.
  9. a) une bonification extraordinaire,
  10. b) une augmentation de rémunérations,
  11. c) une augmentation des prestations parallèles,
  12. d) une prime économique.
  13. Les parties se déclarent d'accord avec les clauses ci-avant et y souscrivent. Fait à Lima le ... avril 1995.
  14. Luz del Sur Le travailleur
  15. B. Réponse du gouvernement
  16. 502. Dans sa communication du 4 janvier 1996, le gouvernement rappelle au sujet des allégations présentées par le Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité que le syndicat plaignant affirme, aux termes des dispositions du décret-loi no 25593, avoir présenté un cahier de revendications à l'autorité administrative chargée du travail, en vue de mener une négociation collective au niveau de sa branche d'activité. Il ajoute que, même si l'autorité administrative chargée du travail est simplement tenue de remettre ce cahier de revendications aux entreprises concernées, elle a publié une ordonnance en date du 5 septembre 1994 stipulant qu'il faut avant cela présenter l'accord souscrit avec les employeurs intéressés pour négocier à ce niveau.
  17. 503. A ce sujet, le gouvernement précise que - conformément aux prescriptions de l'alinéa a) de l'article 5 du décret-loi no 25593, et à la différence des syndicats d'entreprise formés par des travailleurs de différentes professions, métiers ou spécialités prêtant leurs services à un même employeur - les syndicats représentant une branche d'activité sont composés de travailleurs d'entreprises diverses qui exercent un même métier, une même profession ou une même spécialité. Il faut savoir que le premier paragraphe de l'article 45 dispose que, en l'absence d'une convention collective antérieure, les parties décideront d'un commun accord du niveau où sera réalisée la première convention et que, faute d'accord à ce sujet, elle aura lieu au niveau de l'entreprise. Par ailleurs, le deuxième paragraphe de l'article 45 du décret précité précise que s'il existe une convention à quelque niveau que ce soit il est indispensable, pour entamer la négociation d'une convention substitutive ou complémentaire à un autre niveau, qu'un accord se fasse entre les parties car il ne peut être atteint par voie administrative ou sentence arbitrale, ce qui permet de conclure au caractère obligatoire d'un accord préalable. Compte tenu des considérations qui précèdent et étant donné que la date de l'enregistrement du syndicat plaignant - 29 novembre 1994 - permet de déduire que la convention de 1994 était la première de ce type, l'ordonnance publiée par l'autorité administrative chargée du travail est conforme à la loi puisqu'il n'y a pas eu accord préalable aux fins d'entamer une négociation au niveau de cette activité de service.
  18. 504. S'agissant des allégations présentées par le Syndicat des travailleurs de la Fabrique de chaussures péruvienne SA, le gouvernement rappelle, au sujet de l'allégation de suspension arbitraire de la grève par le pouvoir exécutif, que le syndicat plaignant soutient que le gouvernement péruvien applique de façon arbitraire la faculté d'ordonner l'arrêt des grèves que lui confère l'article 68 du décret-loi no 25593, loi des relations collectives du travail. Sur ce point, il convient de préciser que la grève générale de durée indéterminée qu'observaient les travailleurs affiliés à l'organisation syndicale plaignante s'est poursuivie pendant soixante jours francs; elle a influé fortement sur la trésorerie de l'entreprise et a eu, par conséquent, des répercussions négatives sur la situation économique des foyers des travailleurs. Compte tenu de cet aspect, le pouvoir exécutif a adopté l'ordonnance no 068-94-TR ordonnant la reprise immédiate du travail à la Fabrique de chaussures péruvienne SA, usine de Chosica, et donnant aux parties trois jours à dater de la publication de l'ordonnance pour résoudre de façon directe les problèmes posés par la liste de réclamations, faute de quoi l'autorité administrative responsable du travail trancherait la question de façon définitive.
  19. 505. Le gouvernement ajoute que, dans ce contexte, le recours du pouvoir exécutif aux facultés prévues par l'article 68 du décret-loi no 25593 est minime, car sur 168 grèves déclenchées en 1994 l'Etat n'est intervenu que pour trois, c'est-à-dire seulement pour 1,79 pour cent des cas. Il est donc permis de conclure que l'intervention du pouvoir exécutif en vertu de l'article 68 de la loi sur les relations collectives du travail n'est pas arbitraire comme le prétendent les plaignants. Par ailleurs, pour ce qui est de la non-adoption par l'autorité administrative responsable du travail de mesures effectives visant à contraindre des entreprises qui refusent de souscrire des engagements arbitraux, le syndicat plaignant soutient que l'autorité administrative responsable du travail doit y obliger les entreprises par voie de sommation. A cet égard, l'article 61 du décret-loi no 25593 établit que, si une négociation collective n'aboutit pas à un accord par voie de négociation directe ou de conciliation, les parties pourront soumettre le différend à un arbitrage. Comme en témoigne le texte des dispositions légales, la loi donne aux protagonistes de la négociation collective d'amples facultés afin que, d'un commun accord, ils soumettent le différend à un arbitrage suivant la politique de libéralisation du travail mise en oeuvre par le gouvernement.
  20. 506. Le gouvernement déclare en outre que la loi ne donne pas la faculté à l'autorité administrative responsable du travail d'obliger l'entreprise à soumettre le conflit collectif à un arbitrage ni à souscrire l'"engagement arbitral" prévu à l'article 49 du règlement de la loi sur les relations collectives du travail. De plus, l'autorité ne peut forcer l'entreprise à poursuivre la négociation; elle doit se limiter à convoquer les parties en vue de souscrire l'engagement en question et à constater l'absence d'une d'entre elles (le cas échéant). Si elle agissait autrement, l'autorité en question instaurerait une procédure qui n'est pas prévue par la loi en ne tenant pas compte de la volonté des parties.
  21. 507. Quant aux allégations du Syndicat de travailleurs de la Compagnie péruvienne de téléphone SA, le syndicat plaignant affirme que le décret-loi no 25921 donne à l'employeur des pouvoirs empreints d'irrégularités qui faussent gravement les principes de procédure et lèsent les travailleurs. A ce sujet, il convient de préciser que le deuxième paragraphe de la troisième disposition complémentaire transitoire, dérogatoire et finale de la loi no 26513 du 18 juillet 1995 qui modifie la loi de promotion de l'emploi déroge expressément au décret-loi no 25921 qui fixe la procédure relative aux facultés octroyées à l'employeur.
  22. 508. Le gouvernement estime, au vu des considérations exposées, que les plaintes déposées par les plaignants ne sont pas fondées et il prie, partant, le Comité de la liberté syndicale de les rejeter.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 509. Le comité note que les organisations plaignantes critiquent certaines dispositions légales relatives à l'arbitrage et au droit de grève et leur application, ainsi que les prescriptions concernant la détermination du niveau de la négociation collective et celles qui laissent à l'initiative de l'employeur la possibilité de modifier ou remplacer les conditions de travail prévues par des conventions collectives. Les organisations plaignantes critiquent également la pratique suivie dans le cas des "contrats individuels".
  2. 510. S'agissant de l'allégation de modification possible par l'employeur de conditions de travail prévues par des conventions collectives, le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon laquelle le décret-loi no 25921 de novembre 1992 évoqué par les plaignants a été abrogé expressément par la loi no 26513 du 18 juillet 1995. A cet égard, le comité souligne que toute législation autorisant le gouvernement à modifier unilatéralement les conventions collectives constitue une violation des principes de la liberté syndicale.
  3. 511. Quant aux allégations relatives aux dispositions de la législation en matière d'arbitrage (articles 61 et 63 de la loi des relations collectives du travail - décret-loi no 25593), le comité prend note que, selon le gouvernement, l'article 61 confère aux protagonistes de la négociation collective d'amples facultés afin que d'un "commun accord" ils soumettent leur différend à un arbitrage. Le comité note également que, selon le gouvernement, le pouvoir exécutif n'use pas de façon arbitraire de sa faculté d'intervention et d'arrêt des grèves puisqu'il n'y a eu recours que trois fois en 1994 et que, dans le cas concret de la grève de la Fabrique de chaussures péruvienne (usine de Chosica), la grève générale s'est prolongée 60 jours et a eu des conséquences négatives pour l'entreprise et les travailleurs.
  4. 512. Le comité observe que les articles 61 et 68 disposent que:
    • Article 61: "Faute d'accord par voie de négociation directe ou de conciliation, les parties pourront, sur demande des travailleurs, soumettre le différend à un arbitrage."
    • Article 68: "Quand une grève se prolonge excessivement, compromettant gravement une entreprise ou un secteur de production, ou débouche sur des actes de violence, ou, de quelque manière que ce soit, revêt des caractéristiques graves du fait de son ampleur ou de ses conséquences, le pouvoir exécutif pourra intervenir et décréter par ordonnance argumentée la reprise immédiate du travail, sans préjudice de la recherche d'un règlement du différend ou d'autres formes de solution pacifique. En cas d'échec de ces dernières, le ministère du Travail statuera de façon définitive."
    • A cet égard, le comité souligne que l'ampleur qui doit caractériser certaines situations décrites à ce dernier article pour recourir à l'arbitrage obligatoire est susceptible d'interprétations subjectives. Lors d'occasions précédentes, le comité a répété le principe suivant:
    • L'arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail est acceptable soit s'il intervient à la demande des deux parties au conflit, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 515), ou en cas de crise nationale aiguë. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 517.)
  5. 513. Dans ces conditions, le comité conclut que l'article 61 est conforme aux principes de la liberté syndicale et que les restrictions de l'article 68 (arbitrage obligatoire) ne sont admissibles que dans la fonction publique ou les services essentiels au sens strict du terme, ou en cas de crise nationale aiguë. Le comité note que le gouvernement argue que le recours à l'article 68 n'a lieu dans la pratique que dans un nombre limité de cas, ou qu'il justifie ce recours pour une fabrique de chaussures du fait des répercussions négatives de la grève sur les travailleurs ou l'entreprise. Le comité insiste néanmoins sur l'ampleur des termes de l'article 68, qui sont susceptibles de recevoir des interprétations subjectives. Le comité prie donc le gouvernement de prendre des mesures pour que soit modifié l'article 68 de la loi sur les relations collectives du travail, de façon que l'arbitrage ne puisse être imposé par l'autorité administrative que dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme, ou en cas de crise nationale aiguë. A cet égard, le comité déplore qu'il y ait eu recours à l'article 68 de la loi mentionnée dans le cas de la grève de la Fabrique de chaussures péruvienne (usine de Chosica).
  6. 514. Pour ce qui a trait aux dispositions légales qui régissent le niveau de la négociation collective et rendent difficile la négociation au plan d'une branche d'activité, le comité prend acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle l'article 45 de la loi sur les relations collectives du travail impose aux parties un accord préalable avant d'entamer une négociation relative à une branche d'activité (faute d'accord sur ce niveau, la négociation aura lieu au plan de l'entreprise). Bien qu'en soi ceci ne semble pas critiquable, le comité souhaite se référer au texte d'autres articles de la loi sur les relations collectives du travail relatifs à la négociation (à savoir les articles 44, 45 et 46) ainsi qu'à l'opinion de la commission d'experts à cet égard reproduits ci-après, et qui traitent de la question posée par les organisations plaignantes (difficulté de négocier au niveau d'une branche d'activité) sous une perspective plus vaste. Le texte des articles mentionnés est le suivant:
    • Article 44. La convention collective s'appliquera au cadre convenu par les parties, qui peut être:
      • a) celui de l'entreprise quand elle s'applique à tous les travailleurs d'une entreprise ou à ceux d'une de ses catégories, section ou établissement déterminés;
      • b) celui d'une branche d'activité, quand elle englobe tous les travailleurs d'une même activité économique ou ceux d'une partie déterminée de cette branche;
      • c) ceux d'une corporation, quand elle s'applique à tous les travailleurs qui exercent une même profession, un même métier ou une même spécialité dans des entreprises diverses.
    • Article 45. En l'absence d'une convention collective antérieure à un niveau quelconque de ceux évoqués à l'article précédent, les parties conviendront d'un commun accord du niveau auquel sera réalisée la première convention. Faute d'accord, la négociation sera réalisée au niveau de l'entreprise.
    • S'il existe une convention à quelque niveau que ce soit, il est indispensable, pour entamer la négociation d'une convention substitutive ou complémentaire à un autre niveau, qu'un accord se fasse entre les parties car il ne peut être atteint par voie administrative ou sentence arbitrale.
    • Les conventions de niveau distinct souscrites par les parties devront être agencées de façon à définir les matières qui seront traitées par chaque convention. En cas de conflit, la convention la plus favorable sera appliquée en comparant les conventions dans leur intégralité.
    • Au niveau de l'entreprise, il pourra y avoir négociation de questions non abordées dans une convention de niveau supérieur qui réglementent les conditions de travail propres et exclusives à l'entreprise ou s'y rapportent.
    • Article 46. Pour réaliser une convention collective par branche d'activité ou par corporation, il faut que l'organisation syndicale ou les organisations syndicales représentent la majorité des entreprises et des travailleurs de ladite activité ou de ladite corporation, au niveau local, régional ou national, et que soient convoquées, directement ou indirectement, toutes les entreprises concernées.
    • Faisant suite à une conclusion antérieure du comité, la commission d'experts a rappelé que:
    • ... le principe de la négociation collective libre et volontaire visée à l'article 4 de la convention veut que la détermination du niveau de négociation résulte essentiellement de la volonté des parties et que, par conséquent, ce niveau ne soit pas déterminé par la législation. (Voir 259e rapport du Comité de la liberté syndicale, cas no 1450 (Pérou), paragr. 216.) La commission estime que l'obligation de rassembler non seulement la majorité des travailleurs mais encore la majorité des entreprises pour pouvoir conclure des conventions collectives par branche d'activité ou profession, comme le prévoit l'article 46 de la loi de 1992 sur les relations collectives du travail, peut poser des problèmes de compatibilité par rapport à la convention... (Voir rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport III (partie 4A), CIT, 83e session, 1996, p. 234.)
  7. 515. Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier la législation dans le sens indiqué.
  8. 516. Quant à l'exigence alléguée de diverses entreprises du secteur de l'électricité (EDEGEL SA, Luz del Sur SA, EDELNOR SA et ELECTROLIMA SA) de réclamer la constitution d'une section syndicale pour qu'un syndicat de cette branche d'activité puisse négocier une convention collective au niveau de l'entreprise, le comité constate que le gouvernement n'a pas envoyé d'observation à ce sujet. Le comité estime que cette pratique constitue une ingérence inadmissible dans l'organisation et la structure interne des syndicats, contraire au principe d'autonomie et de libre fonctionnement des organisations syndicales consacré à l'article 2 de la convention no 87. Le comité estime que pour qu'un syndicat d'une branche d'activité puisse négocier une convention collective d'entreprise, il devrait suffire que ledit syndicat démontre être suffisamment représenté au niveau de l'entreprise en question. Le comité demande donc au gouvernement de prendre des mesures aux plans de la législation et de la pratique pour que les syndicats d'une branche d'activité qui souhaitent négocier collectivement au niveau d'une entreprise ne soient pas tenus d'y constituer une section syndicale et puissent négocier s'ils sont suffisamment représentatifs.
  9. 517. Enfin, s'agissant de l'allégation relative au "contrat individuel" imposé par l'entreprise Luz del Sur SA (joint par une des organisations plaignantes) par lequel l'entreprise octroie, avant le début de la négociation collective, une augmentation de la rémunération et d'autres prestations aux travailleurs non syndiqués, le comité demande au gouvernement de communiquer d'urgence ses observations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 518. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 68 de la loi sur les relations collectives du travail, de façon que l'arbitrage obligatoire ne puisse être imposé par l'autorité administrative que dans la fonction publique et dans les services essentiels au sens strict du terme ou en cas de crise nationale aiguë.
    • b) Estimant que la majorité prescrite non seulement relativement au nombre de travailleurs mais également des entreprises aux fins de réaliser une convention collective par branche d'activité ou par profession, envisagée à l'article 46 de la loi sur les relations collectives du travail de 1992, peut poser des problèmes d'application eu égard à la convention no 98, le comité, à l'instar de la commission d'experts, demande au gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de prendre des initiatives visant à modifier la législation, de façon que les organisations de travailleurs et d'employeurs puissent exercer librement et sans entrave le droit de négociation collective à tous les niveaux. Le comité demande également au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier la législation dans le sens indiqué.
    • c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires au niveau de la législation et de la pratique pour que les syndicats d'une branche d'activité qui souhaitent négocier collectivement au niveau de l'entreprise ne soient pas obligés de constituer une section syndicale dans celle-ci et puissent négocier s'ils jouissent d'une représentativité suffisante.
    • d) Enfin, s'agissant de l'allégation relative au "contrat individuel" (joint par une des organisations plaignantes) par lequel l'entreprise Luz del Sur SA octroie, avant que ne commence la négociation collective, une augmentation de rémunération et d'autres prestations aux travailleurs non syndiqués, le comité prie le gouvernement de communiquer d'urgence ses observations à ce sujet.
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